Hey, retour à mes lecteurs français et merci à tous ceux qui m'ont envoyé d'adorables petits messages d'invitation à revenir à Molière. Alors voilà. Je bosse sur cette histoire depuis presque un mois maintenant et elle m'obsède un peu. A écrire, c'est très envoûtant, à lire, je ne sais pas ce que ça donne. A vous l'honneur.
Avertissement quand même: C'est une histoire sombre et vénéneuse avec tout un tas de trucs vraiment pas pour les enfants. Je ne sais pas si tous les personnages s'en sortiront indemnes, mais la plupart d'entre vous connaissent mon caractère impitoyable.
J'ajoute que les updates ne seront pas très régulières (en tout cas au début) parce que j'ai un autre travail en cours - ouais, bon, j'ai plein de trucs en plan en fait mais il y en a au moins un que je peux pas laisser en rade.
En piste!
ROUGE METALLIQUE
Chapitre 1
Bulma grelottait, serrée dans son imperméable minable. Elle soupira et son souffle se transforma en une brume imperceptible qui se perdit dans l'air glacé de la nuit. Elle amena sa cigarette à ses lèvres pour tirer une nouvelle latte, les yeux toujours fixés sur le déluge qui se déversait à deux pas d'elle, au-delà du maigre abri du porche miteux. Elle regardait droit devant, au-delà des torrents d'eau, au-delà de la ruelle dégueulasse, au-delà de son embouchure sur l'avenue éclairée. Et elle ne voyait qu'une chose: la cabine téléphonique.
Une des parois était fêlée dans toute sa longueur et le verre était si crasseux qu'il était difficile de rien distinguer au travers mais c'était comme si ce minuscule caisson était la seule chose qui existait au monde.
Elle recracha la fumée distraitement et piétina légèrement sur ses hauts talons pour dégourdir ses jambes nues anesthésiées par le froid.
Elle glissa sa main dans sa poche et en sortit sa montre pour lui concéder un coup d'œil rapide. En avisant la position des aiguilles, son estomac se serra un peu plus. Elle allait devoir y retourner d'ici deux minutes au plus. Si elle ne le faisait pas, Kiwi lui tomberait dessus, aucun doute. Il la tenait à l'œil, celui-là. Il la détestait même franchement depuis le jour où elle lui avait balancé un coup dans les couilles quand il avait voulu la serrer dans les vestiaires. Il lui avait promis qu'elle ne s'en tirerait pas comme ça et vue la tournure des événements, Bulma commençait à se demander si elle s'en tirerait tout court.
La sonnerie du téléphone coupa court à ses méditations. C'était une sonnerie aux consonances déglinguées, sortie d'un autre âge, et qui parvenait clairement à ses oreilles malgré le bruit des trombes de pluie sur le pavé. A ce signal, Bulma ne perdit pas une seconde. Elle balança sa clope et s'élança sous la pluie pour gagner la cabine.
Il n'y avait que quelques mètres à faire mais cela suffit à la tremper entièrement. La porte coulissa mal quand elle voulut l'ouvrir et elle dut s'acharner un moment avant de réussir enfin à se glisser à l'intérieur de la cabine. Elle tendit aussitôt la main pour attraper le combiné et le porta à son oreille alors qu'elle bataillait encore avec la porte merdique.
- Putain, qu'est-ce que tu foutais? Siffla-t-elle en jetant à nouveau un coup d'œil nerveux à sa montre.
- Je fais ce que je peux, répondit Krilin. J'ai vu le chef.
- Je ne veux pas laisser tomber, gronda Bulma, sur la défensive. Je me fais chier depuis presque un an, je ne lâcherai rien, tu lui as bien dit?
- J'ai pas vraiment eu besoin, il te connait assez.
Krilin se tut et le silence vrilla un peu plus les nerfs de Bulma. Elle écarta une mèche dégoulinante de son front et changea le combiné d'oreille pour pouvoir se retourner et surveiller la ruelle, redoutant que quelqu'un ne finisse par sortir à sa recherche.
- Alors? cracha-t-elle finalement.
- Il a dit que tu devais tout arrêter. Il n'enverra personne en renfort, il dit que c'est trop risqué, lâcha Krilin.
A ces mots, le souffle de Bulma se fit court. Elle se raidit et glissa mécaniquement sa main libre dans sa poche tandis qu'elle cherchait quoi répondre. Dans son hébétude, elle ne trouva aucune objection intelligente.
- Tu déconnes? finit-elle par murmurer avec incrédulité.
- Désolé, j'ai essayé, reprit Krilin. Pourquoi tu laisses pas tomber tout simplement? On finira par l'avoir autre…
Elle raccrocha sans attendre la suite. La voix désolée de son équipier avait suffit à lui faire comprendre qu'il n'y avait rien à attendre de cette conversation. "Enfoirés," chuchota-t-elle pour elle-même. Le sentiment d'urgence la reprit aussitôt et l'emporta sur sa colère et sa stupéfaction. Elle ressortit de la cabine et courut jusqu'au porche avant de retourner dans le club par la même petite porte de derrière qu'elle avait utilisée pour en sortir discrètement. L'entrée des artistes.
Le couloir étroit qui menait aux coulisses était désert. Elle se dépêcha de le remonter en tentant d'essorer ses mèches dégoulinantes comme elle put, déboutonnant en même temps son imperméable de ses doigts fébriles. Elle passa une dernière porte et rejoignit enfin les coulisses. L'air surchauffé et les décibels de la musique qui venait de la scène l'assaillirent dès qu'elle entra mais sa seule préoccupation fut de vérifier que Kiwi n'était pas dans le coin. Elle jeta un coup d'oeil nerveux aux alentours et constatant que la voie était libre, elle se dirigea sans hésiter vers les vestiaires tout en se débarrassant de son manteau.
En fait de vestiaires, il s'agissait d'une grande salle carré aménagée sommairement d'un long portant où les filles pouvaient accrocher leurs affaires et leurs costumes. Il occupait tout un mur de la pièce tandis que le mur opposé était tapissé d'un gigantesque miroir bordé de spots contre lequel on avait dressé un comptoir qui servait de table de maquillage. Lunch était assise sur l'un des tabourets, occupé à souligner ses yeux d'un trait de kôhl. Elle ne se laissa pas déconcentrer par l'arrivée de Bulma qui accrocha hâtivement son imperméable sur le portant.
Sans attendre, Bulma prit place à deux tabourets de sa camarades pour se mettre elle aussi au travail. Elle scruta son reflet un instant. La pluie avait ruiné sa coiffure. Les boucles enrobées de laque pailletée n'étaient plus que des mèches pendantes et ternes. Son maquillage aussi exigeait quelques retouches. Elle leva les yeux vers l'horloge pour jauger le temps qu'il lui restait avant d'entrer en scène. C'était trop court pour arranger quoique ce soit, elle opta pour les cheveux lâchés ce soir; ça plaisait aussi. Elle arracha les quelques épingles qui avaient retenu les boucles et secoua la tête frénétiquement. Elle adressa une moue déçue à son reflet. Loin de lui donner un air sauvage, ses mèches hirsutes lui donnaient plutôt l'air d'une folle un peu crade.
- Pourquoi pas une perruque? Proposa la voix rauque et grave de Lunch.
Bulma tourna les yeux vers elle, comme si elle venait de se rappeler de sa présence. L'idée n'était pas idiote et Bulma hocha simplement la tête. Elle fouilla un carton posé sur le comptoir en tira une perruque aux longs cheveux blancs, raides et luisants.
- En même temps, le boss est dingue de tes cheveux bleus, reprit Lunch, absorbée dans la pose de faux-cils dorés.
Bulma haussa les épaules et un sourire entendu étira ses lèvres.
- Les hommes, tu sais bien qu'il faut pas trop leur en donner, répliqua-t-elle.
- Le boss, c'est autre chose, grogna Lunch.
Le boss. L'évocation du lézard rappela à Bulma à quel point elle était dans la merde maintenant. Sans compter que Krilin venait de ruiner ses espoirs de renforts. Elle s'efforça de chasser ses angoisses de son esprit et se concentra à nouveau sur sa coiffure.
- Il parait qu'ils ont recruté une petite, reprit Lunch en appliquant son rouge à lèvres à paillettes avec soin.
Bulma enregistra l'information avec un frisson. Une petite, ça voulait dire une fille à peine majeure. Certainement mineure, même, tout le monde s'en foutait ici. Bulma ne put s'en empêcher d'espérer une fraction de seconde que cette nouvelle recrue pourrait peut-être détouner l'attention de Freezer mais elle se reprit aussitôt. Elle ne pouvait souhaiter ça à personne, surtout à une gamine.
- On verra bien, conclut Lunch en se levant.
Elle ajusta son soutien-gorge à franges scintillantes et quitta la pièce avec nonchalance, perchée sur ses talons compensés couleur d'or.
Bulma avait fini de mettre sa perruque en place. Elle ajouta quelques épingles pour mieux la fixer et contempla le résultat dans la glace. Elle arborait une tenue en tissu rouge métallique et des bottes assorties qui lui remontaient jusqu'au genou. Une commande du boss, justement.
Elle repensa à Krilin avec désespoir. Elle n'arrivait pas à croire qu'il la laissait tomber. Comme il le lui avait rappelé, elle aurait pu se retirer de l'affaire. Elle n'était pas une vraie strip-teaseuse. Pas comme ces filles avec qui elle bossait et qui étaient prises au piège de leurs vies. Elle, Bulma, elle était flic. Elle pouvait réintégrer son service, elle pouvait disparaître de cet enfer et se refaire une vie normale n'importe où. Rien ne l'obligeait à aller au bout de sa mission. Mieux que ça, les instructions étaient claires à ce sujet: dès qu'elle se sentait menacée, elle devait abandonner. Et elle se sentait menacée. Très menacée. Sur le fil, même. Malgré tout, l'idée de laisser tomber et de laisser en plan tous ses efforts de ces cinq dernières années la révoltait. Elle était en compte personnel avec Freezer et elle n'allait pas le laisser filer comme ça. Elle était si proche. Enfin, pas loin. Sur la bonne voie pour l'épingler, en tout cas.
Elle s'empara de son rouge à lèvre et l'étala généreusement sur ses lèvres tout en surveillant son reflet dans la glace et en déroulant sa pensée. Elle était positivement tarée, elle en avait conscience. Elle était obsédée et un psy lui couterait certainement moins cher que ce qu'elle était en train d'essayer de faire. Il serait certainement moins efficace aussi. Non, elle n'allait sûrement pas abandonner.
- Allez tous vous faire foutre, murmura-t-elle à son reflet.
Elle se leva enfin avec détermination en jetant le tube de rouge à lèvres sur le comptoir. Elle attrapa au passagele long peignoir de soie qui lui servait d'accessoire et l'enfila tout en sortant des vestiaires. Elle n'eut pas le temps de traverser la rampe jusqu'à la scène, une poigne ferme l'attrapa par le bras et la plaqua contre le mur. Elle réprima un grognement en se cognant la tête. La face de Kiwi se pencha sur elle avec une mine sombre.
- T'étais où? Je t'ai cherchée, gronda-t-il.
Bulma le dévisagea un instant. Il y avait toujours une lueur de folie froide au fond de ses yeux noirs et son grand front lui donnait définitivement une allure de psychopathe. Mais qui n'était pas psychopathe ici, après tout? Au moins avec Kiwi, elle connaissait plus ou moins le mode d'emploi. Ne jamais lui laisser croire qu'elle était effrayée. Elle ne tenta pas de se défaire de son emprise et lui adressa une moue moqueuse, comme s'il était juste en train de chahuter gentiment.
- J'étais dans les vestiaires en train de me préparer, demande à Lunch. T'as de la merde dans les yeux, mon gars.
L'expression du gorille se fit plus menaçant. Il la fixa un instant dans les yeux puis son regard glissa peu à peu sur son décolleté. Les seins de Bulma étaient à peine voilés par la le tissu irisé et imperceptiblement transparent de son bustier.
- Le boss voulait te voir avant que tu entres en scène. C'est trop tard maintenant, siffla Kiwi.
Il passa le bout de son index sous le mince tissu de son soutien-gorge pour le soulever mais elle écarta aussitôt sa main en lui donnant une tape vive.
- Pas touche, connard. Y a rien pour toi là-dedans, cracha-t-elle.
Il leva des yeux furieux sur elle mais il ne dit rien et la laissa se dégager de sa poigne.
- Le boss me verra après le service, conclut-elle en s'éloignant.
Elle sentait son regard lubrique sur elle. Elle avait l'habitude. C'était le boulot ici. Elle était à moitié à poil la plupart du temps. Au début, ça avait été difficile. Il avait fallu combattre sa réticence naturelle parce que, même si elle n'était pas particulièrement pudique, elle n'avait pas non plus l'habitude de s'exposer si librement. Elle avait appris. Elle arrivait maintenant à faire abstraction de tout ça. Elle avait cessé d'essayer de deviner à quoi tous ces mecs pouvaient penser en la regardant. Elle avait réussi à se convaincre que ce n'était pas si important, que ce n'était pas vraiment elle qui se trémoussait devant eux.
Ce qui était important en revanche, c'était Freezer. Elle reconnaissait bien volontiers que sa couverture de strip-teaseuse était sordide. D'ailleurs, elle avait ramé pour convaincre sa hiérarchie d'accepter son idée. Piccolo avait trouvé ça trop glauque. Bulma s'était moqué de sa pudibonderie. Ce gars ne reculait jamais devant aucun danger mais il ne supportait pas qu'un de ses agents puisse montrer son cul pour faire avancer une enquête. Bulma était convaincue qu'il s'était réjoui d'apprendre la merde dans laquelle elle s'était mise et il avait certainement pensé qu'elle finirait par lâcher l'affaire. C'était pour ça qu'il ne lui enverrait aucun renfort. Il avait désapprouvé le plan de Bulma depuis le début et il attendait d'elle qu'elle reconnaisse ses erreurs et rentre bien sagement au service. Elle ne manquerait pas de le décevoir. Le club de strip-tease était une couverture d'enfer justement parce que personne, même Freezer, ne s'attendait à trouver un flic infiltré ici, et si c'était ce qu'il en coûtait pour se faire le lézard, Bulma pourrait vivre avec ça. Mais ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était que les yeux du lézard se posent sur elle et ne la quittent plus.
Son club regorgeait de filles sexy et bien plus douées qu'elle, mais par un coup du sort inexplicable c'était elle qui avait attiré son attention. Freezer n'était pas un patron ordinaire et tous ceux qui bossaient pour lui lui appartenaient au sens littéral du terme. Cette règle s'appliquait en premier lieu aux filles et les hommes de main du lézard aimaient le leur rappeler. Malgré tout, Freezer s'amusait rarement avec les strip-teaseuse et jusqu'ici, il avait toujours préféré aller chercher son plaisir ailleurs.
Mais ces dernières semaines quelque chose avait changé. Comment et pourquoi il l'avait subitement remarquée, Bulma n'en avait pas la moindre idée mais il avait commencé à lui tourner sérieusement autour. Il aimait lui rendre visite dans les vestiaires pour la regarder se préparer, il lui commandait des tenues spéciales et choisissait tous les soirs ce qu'elle devait porter. Il était aussi beaucoup plus présent au club. Son intérêt pour elle n'avait échappé à personne. Bulma était sûre que la seule raison pour laquelle il ne lui avait pas encore sauté dessus était qu'il aimait faire durer le plaisir. Il aimait sentir sa nervosité à chacune de ses apparitions, sa tension à chaque fois qu'il posait sa main sur sa peau. Ce taré aimait flairer la trouille.
Maintenant qu'elle avait choisi de mener sa mission jusqu'au bout, Bulma avait conscience qu'elle s'engageait dans une course contre la montre parce que le jour où le léazrd se déciderait à attaquer, elle se retrouverait dans une putain d'impasse.
Elle écarta le rideau de velours qui séparait les coulisses de la salle publique et s'avança sans bruit sur l'estrade plongée dans le noir. Avec l'habitude, le malaise qu'elle ressentait à chaque fois qu'elle entrait en scène avait disparu. Elle s'accrocha à la barre verticale pour se mettre en place et attendit. Un rayon de lumière se braqua sur elle dès les premières notes de musique et elle entama son premier numéro de la soirée. Elle connaissait la chanson par cœur et n'avait plus vraiment besoin de s'inquiéter des gestes à exécuter. De toute façon, ils variaient d'un soir à l'autre en fonction de l'audience.
Une pénombre tamisée baignait le public et lui permettait de repérer les clients. Comme d'habitude, quelques excités agglutinés contre l'estrade se tordaient la tête pour un meilleur angle de vue. Elle n'arrêta pas son regard sur eux et fouilla plus loin dans la salle, là où se trouvaient les tables. Des types en costumes, immobiles, la fixaient avec attention, guettant chacune de ses contorsions. Elle fouilla plus loin. Le bar, les serveurs, Chichi en train de boire un verre avec un client, Lazuli en train d'en entrainer un autre vers une cabine privée. Le boss n'était pas en vue. Elle leva alors les yeux vers la vitre sans tain au-dessus du bar. Le bureau du Freezer. C'est là qu'il devait se trouver. Il n'était pas descendu ce soir. Est-ce que c'était bon signe?
Une main glissa une liasse de billet dans son slip et elle reporta son attention sur cette manne, se penchant très proche du gars, jusqu'à sentir son odeur de whiskey. Elle se recula dès qu'il tenta de poser ses doigts sur sa joue tandis qu'un autre lui balançait une pluie de billets pour l'attirer dans sa direction.
Elle perçut Dodoria du coin de l'œil qui repoussait rudement un autre client qui tentait de monter sur la scène. Elle poursuivit ses mouvements lascifs sans cesser de surveiller l'audience, s'attendant à voir le lézard surgir à tout instant. Elle se demanda à nouveau ce qui se passerait, le jour où, à bout de patience, il exigerait qu'elle se soumette. Il n'y aurait personne pour la sauver à cet instant. Elle ne pourrait compter que sur elle-même, Krilin avait été plus que clair là-dessus et elle connaissait suffisamment Piccolo pour savoir qu'il ne reviendrait pas sur sa décision. Si Freezer se décidait enfin à la mettre au pied du mur, elle se trouverait face au dilemme de se perdre à son propre jeu ou de renoncer à jouer en explosant sa couverture. Les deux issues la faisaient grimacer par avance.
Elle se laissa presque prendre au dépourvu en recevant une autre pluie de billets en pleine figure et se reconcentra sur ce qui se passait plus proche d'elle. Elle suça son doigt de manière suggestive avec un clin d'œil à l'attention du généreux donateur. Le type était visiblement complétement bourré et Dodoria l'empoigna au col, alors qu'il essayait de se hisser sur l'estrade. Elle salua son départ d'un sourire narquois et termina enfin son show en toute petite tenue.
A ce stade, elle n'était pas encore nue. La danse n'était qu'un teaser et ceux qui en voulait plus devaient payer pour une cabine privée. Le club était un business rodé.
Dodoria l'aida à descendre en écartant certains clients qui l'interpelaient pour l'inviter à boire un verre.
- Le boss veut te voir, murmura-t-il à son oreille en l'aidant à remettre son peignoir en soie.
Elle fit de son mieux lui répondre d'un sourire naturel.
- Maintenant? Il y a des bons clients dans la salle, essaya-t-elle de plaider.
- Maintenant, insista-t-il en la guidant vers les escaliers qui menaient au bureau.
Elle n'avait même pas de flingue sur elle. C'était un des inconvénients de cette couverture, on avait du mal à cacher une arme sur soi, sans même parler de micros. Elle avait quand même un couteau dans sa botte, et elle essaya de se rassurer en se rappelant ce détail.
Dodoria la fit entrer et referma la porte sur elle en restant à l'extérieur. Bulma fit un pas à l'intérieur mais préféra ne pas s'éloigner de la porte.
- Bulma, mon petit chat, te voilà, salua la voix mielleuse de Freezer.
Il se tenait près de son sofa en velours et lui souriait avec des airs de prédateurs qui lui donnèrent la chair de poule. Elle parvint à nouveau à afficher un sourire décontracté.
- Vous vouliez me voir, boss?
Il lui tendit la main.
- Approche, petit chat.
Elle s'avança vers lui et attrapa sa main. Les yeux pétillants de l'homme glissèrent sur son cou jusqu'à ses seins puis sur son ventre.
- Cette tenue te va à ravir, siffla-t-il.
Elle dut se faire violence pour ne pas resserrer les pans du peignoir sur son corps et se contenta de lui sourire un peu plus largement.
- Laisse-moi te présenter mon invité, reprit-il après un instant.
Il se retourna vers le sofa et Bulma réalisa seulement à cet instant qu'un homme qu'elle n'avait jamais vu y était installé, immobile. Il avait un verre à la main et ses yeux noirs la fixaient intensément. Il était élégant, à l'image de Freezer. Trop élégant. Bulma savait depuis longtemps que c'était les pires. Il puait le mafieu à plein nez.
- Voici Monsieur Ouji. C'est… hm… une relation d'affaire, disons, expliqua Freezer.
- Enchantée, salua Bulma avec un hochement de tête.
Freezer posa sa main sur l'épaule de Bulma et elle eut toutes les peines du monde à réprimer un mouvement de recul à ce simple contact. Il commença à caresser le haut de son bras distraitement et Bulma fit de son mieux pour ignorer son geste.
- Monsieur Ouji a beaucoup apprécié ton numéro, tu sais? Tu ne voudrais pas lui faire un petit show personnel en cabine?
Bulma fut soulagée par la proposition qui l'éloignait de Freezer pour un temps.
- Tout ce qui plaira à votre invité, boss, répondit-elle docilement.
Freezer laissa échapper un ricanement glaçant.
- Presque tout, corrigea-t-il. Nous avons des règles ici, Végéta. On touche avec les yeux et sans permission de ma part, on ne va pas plus loin.
- Sans permission de ma part non plus, ajouta Bulma aussitôt.
Freezer tourna la tête vers elle et elle lut une lueur d'amusement dans son œil. Elle se mordit la lèvre. Elle n'aurait pas dû dire ça de manière aussi empressée et inquiète. C'était mauvais. Il reniflait sa trouille, c'était évident et c'était un plaisir qu'elle détestait lui donner. Il caressa son bras sur toute la longueur et saisit ses doigts délicatement.
- Evidemment, Bulma. Pour qui me prends-tu? Sussura-t-il avec un sourire carnassier.
Elle se força à lâcher un petit rire et s'avança vers Végéta pour lui tendre la main, préoccupée avant tout à s'éloigner de Freezer.
- Monsieur Ouji? L'invita-t-elle.
Il prit sa main doucement, posa son verre et se leva avec un demi-sourire. Elle s'aperçut que l'échange avec Freezer l'avait lui aussi beaucoup amusé.
Il passa devant aussitôt et l'entraina à sa suite hors du bureau et au bas des escaliers. Il semblait pressé, slalomant entre les clients et les serveurs, et elle remarqua aussi qu'il connaissait les lieux. Il n'eut aucune hésitation à passer derrière le rideau de frange qui donnait accès aux cabines privées. Ils croisèrent Zarbon qui arrêta Ouji en chemin.
- Celle-là, tu es sûr? demanda-t-il. Le boss est au courant?
Bulma sentit Ouji se raidir à la question. Elle se tenait derrière lui et ne voyait pas son visage mais ses doigts se crispèrent très légèrement sur les siens.
- T'as qu'à lui demander si t'as un doute, siffla-t-il en réponse.
Zarbon s'écarta sans un mot mais Bulma nota l'irritation contenue dans ses yeux. Il se retenait. Zarbon n'était pas du genre à se retenir pourtant.
Elle n'aimait pas ça. A la vérité, elle n'aimait rien dans cette situation merdique. Ouji n'était pas un invité ordinaire, c'était clair. Elle le trouvait bien trop à l'aise dans l'antre de Freezer. Le nom de Ouji lui rappelait vaguement quelque chose sans qu'elle puisse mettre le doigt dessus et elle se demanda si Krilin accepterait encore de la renseigner dans la mesure où Piccolo avait décrété qu'elle devait se retirer ou se démerder toute seule.
Elle scruta la silhouette d'Ouji qui marchait devant elle en lui tenant toujours la main. Il n'était pas très grand mais elle devinait qu'il était musclé. Il avait l'air du genre à ne reculer devant rien, même Zarbon ne l'impressionnait pas, et elle fut subitement prise d'un vague malaise à se retrouver enfermée en tête à tête avec lui. Freezer avait été clair, il ne s'agissait que d'un show. Rien de plus sans son accord. Mais ce type était-il du genre à respecter les règles?
Ouji referma la porte capitonnée de la cabine d'un geste sec et enclencha le verrou sans l'ombre d'une hésitation avant de se tourner vers elle. Il inclina la tête de côté avec un petit sourire en mettant ses mains dans les poches. Elle se sentit bête sur le coup. Mince, elle avait fait ça des dizaines de fois. Pourquoi se sentir impressionnée avec celui-là? La trouille peut-être.
Elle reprit ses esprits en une fraction de seconde et lui sourit.
- Je vous sers un verre? Offrit-elle d'une voix suave.
Il leva simplement la main pour l'inviter à le faire, son demi-sourire toujours plaqué sur ses lèvres. En bonne professionnelle, elle prit soin d'enlever son peignoir avant toute chose. Les mecs aimaient mater. Elle s'affaira sur la bouteille de champagne qui trônait dans un seau de glace. Quand le bouchon sauta, la mousse gicla hors du goulot. Elle passa sa langue sur le rebord de la bouteille pour récupérer le trop plein et versa deux coupes.
Quand elle se tourna vers Ouji pour le servir, elle le trouva assis sur le sofa moelleux, les yeux rivés sur elle. Elle s'approcha de lui et se pencha plus que nécessaire pour lui donner son verre. Tandis qu'il prenait la coupe d'une main, il glissa l'autre sur son épaule et la força à se rapprocher de lui.
- Il y a des caméras ici? Murmura-t-il à son oreille.
Elle lui lança un œil malicieux et hocha la tête. Son sourire s'elargit et il émit un grognement de satisfaction. Sans qu'elle s'y attende, il lâcha son épaule et passa un doigt sous son soutien-gorge à la jonction de ses seins. Elle saisit sa main aussitôt et secoua la tête en masquant son inquiétude du mieux possible.
- On ne touche pas, vous vous souvenez?
- Dommage, souffla-t-il en relâchant lentement le mince ruban.
- On s'amuse quand même, laissez-moi faire, reprit-elle en s'éloignant de lui.
Elle alluma la musique et la lumière se tamisa instantanément. Elle commença son show. Elle avait sa façon de faire. Elle s'adaptait toujours au client et se déshabillait au rythme de son désir grandissant.
Il y avait les fébriles pressés. Ceux-là arrivaient parfois à se faire dessus avant même qu'elle ait enlevé sa culotte, ou quoi que ce soit d'autres. Ça pouvait paraître dégoûtant mais elle leur était reconnaissante de lui faciliter autant la tâche.
Il y avait les froids dissimulateurs. Ceux-là étaient un peu flippants. Difficiles à lire, et elle se demandait à tout instant s'ils n'étaient pas en fait sur le bord de l'implosion. Avec ceux-là, elle faisait toujours les choses lentement. Il lui était même arrivé de terminer son numéro sans qu'ils n'aient manifesté la moindre émotion. Sa nudité semblait les laisser de marbre et elle s'interrogeait sur les raisons de leur venue ici.
Et puis il y avait la norme. Ceux qui arrivaient avec un appétit aiguisé et qui repartaient affamés. Certains ne se gênaient pas pour se soulager en sa présence, d'autres préféraient courir aux chiottes en sortant.
C'était un monde très particulier dans lequel Bulma n'aurait jamais pensé évoluer un jour et s'il n'y avait pas eu sa haine de Freezer, elle n'aurait jamais joué le jeu. Si on fermait les yeux sur la trivialité des choses, c'était surtout du business après tout.
Ouji semblait du type normal. Il la regardait faire, immobile et totalement concentré sur ses moindres gestes. Ses yeux noirs et luisants avaient quelque chose du prédateur sur le point de sauter sur sa proie. Ça attisait sa méfiance mais elle s'efforça de ne rien laisser paraitre. Malgré tout, elle en ressentait une tension qui grandissait en même temps que l'intérêt qu'il lui portait. Pour un peu, ça l'aurait rendue pudique. Une faute professionnelle impardonnable.
Vers la fin de son numéro, elle s'approchait toujours du client, comme une façon de donner le coup de grâce. Quand elle repéra les dernières notes de la musique, fidèle à son habitude, elle posa ses mains sur les genoux légèrement écartés d'Ouji et se pencha vers lui en plaçant son visage le plus près possible du sien.
Ce fut à cet instant que, comme elle l'avait pressenti, tout dérailla. Il la saisit par le cou et la fit basculer sur le sofa. Elle eut le souffle coupé quand son dos heurta l'assise en velours. Elle sentit les mains d'Ouji enserrer fermement ses poignets et les plaquer de chaque côté de sa tête.
Une fois la surprise passée, elle tenta de le repousser mais il faisait poids de tout son corps sur ses poignets et il avait placé un genou sur sa cuisse pour mieux la bloquer. Il était juste au-dessus d'elle, sa bouche à quelques millimètres de la sienne.
- Me force pas à te faire mal, souffla-t-il.
Elle se figea. Elle était à poil, juste avec ses bottes, et ce mec pouvait lui faire n'importe quoi avant que Dodoria et Zarbon fassent sauter le verrou et le vide. Elle cessa de résister. Les yeux noirs d'Ouji plongèrent dans les siens et Bulma retint son souffle.
- Je vais demander un peu plus qu'une petite danse privée à ce connard de lézard, tu m'entends? Tu diras oui. Tu m'aideras à le convaincre, chuchota-t-il.
Elle écarquilla les yeux sous le coup de la stupéfaction.
- Certainement pas, siffla-t-elle en tentant à nouveau de se débattre.
Il serra ses poignets un peu plus fort, et le sang de Bulma se glaça. Ouji semblait irrité, les sourcils froncés et les lèvres relevés dans un rictus contrarié.
- Alors pense bien à ce qui risque de se passer une fois que je serai parti et que tu resteras toute seule avec lui. Tu crois vraiment qu'il te demandera ton avis, lui? grinça-t-il.
Elle le dévisagea avec incrédulité. Son discours était étrange. Il avait l'air de lui proposer de la sauver, comme s'il savait quelque chose qu'il n'était pas censé savoir. Il se décontracta à la vue de sa mine perplexe et lui adressa à nouveau un demi-sourire.
- C'est bien ce que je pensais, murmura-t-il.
Des éclats de voix assourdis résonnèrent derrière la porte puis un clic se fit entendre, juste au moment où Ouji se relevait, libérant Bulma du poids de son corps.
Dodoria et Zarbon se ruèrent dans la pièce mais s'arrêtèrent net en le trouvant tranquillement en train d'ajuster sa veste. Il tourna la tête vers eux et leur sourit.
- Le petit chat et moi étions justement en train de discuter affaire après cet agréable moment, expliqua-t-il.
Il se tourna vers elle et lui tendit la main pour l'aider à se relever.
- Pas vrai, petit chat? Demanda-t-il avec nonchalance.
Elle resta sans voix un instant mais elle accepta son aide et se leva. Elle réussit rapidement à forcer un sourire sur son visage.
- Oui, heu. J'expliquai à Monsieur Ouji qu'il devait s'arranger avec le boss.
ooo0ooooo0ooo
