Bonjour, voici une nouvelle fanfiction, classée Silmarillion bien qu'elle retrace également toute l'histoire du Seigneur des Anneaux. Elle est co-écrite avec UnePasseMiroir et Luthien Psycho.
L'idée de cette fic a vu le jour dans un car en direction de Cardiff, et l'écriture a débuté 7 mois plus tard, vers 2h du matin, toujours dans un car, cette fois en direction de la Grèce. Oui, on avait vraiment que ça a faire. Donc ne vous étonnez pas si vous la trouvez un peu étrange et wtf. Voire beaucoup. De toute façon c'est le but recherché.
UnePasseMiroir souhaite ajouter qu'elle a développé l'idée de cette histoire après avoir lu "Mémoires d'une famille royale" de Zero-ryuu. Et la blague de la plante verte (ceux qui ne sont pas initiés, vous verrez vous même de quoi il s'agit plus tard) est directement inspirée du délire d'Olo et Nat. Ben oui, faut rendre à César ce qui est à César.
On s'en doutera, les personnages ne sont pas à nous et blablabla OOC et wtf très présents blablabla Tolkien serait déçu de nous s'il nous voyait.
Bon, on arrête de parler et on vous laisse avec... ça.
PS : ne vous inquiétez pas si vous ne voyez pas de rapport entre le résumé et le prologue. C'est normal.
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– Les tribulations de deux archéologues et demi –
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« Nous sommes arrivés sur le site de la Lothlorien. Nous attendons vos instructions. »
Après avoir rectifié le mot « Lothlorien » que le correcteur automatique avait semble-t-il trouvé amusant de changer en « Lotus rien » - décidément, ces « smart » phones n'ont de smart que leur nom – Elenna envoya le message à la directrice de chantier.
-Moi j'attends surtout la fin du déluge, râla Eowyn derrière elle – le mauvais temps n'avait pas contribué à adoucir son humeur.
Elenna leva le regard. Depuis des heures, la pluie battait inlassablement la tente dans laquelle elles étaient réfugiées. C'était un mois d'avril excessivement pluvieux. Les ingénieurs basés en Lothlorien, qui avaient accueilli les jeunes archéologues fraîchement débarquées de Minas Tirith, disaient qu'ils n'avaient jamais vu ça ; habituellement, le temps était clément dans la région. Accoutumées au climat méridional du Gondor, Eowyn, Elenna et Luthie subissaient leur sort avec résignation en priant pour que ça se calme rapidement.
Diplômées à la prestigieuse école d'archéologie Denethor l'Intendant (Denethor le Cramé pour les intimes) à Minas Tirith, avec licence, spécialité Histoire de l'art et Authentification, option langue morte Sindarin, les trois amies travaillaient depuis quelques années sur divers chantiers gondoriens. Puis la directrice de leur société avait décidé de profiter de leur expertise elfique pour les envoyer étudier le site de la Lothlorien, tout récemment ouvert en Rhovanion. Découvrir d'aussi près la culture elfique avait rempli de joie leurs âmes elficophiles. Cependant, la météo locale semblait avoir décidé de doucher leur enthousiasme – au sens propre.
Installées dans leur tente étanche, Eowyn et Elenna potassaient leurs manuels de Sindarin pour passer le temps. Luthie, incapable de se contenir, était sortie équipée d'un k-way pour être la première à découvrir le terrain – et tant pis pour la pluie.
L'écran du téléphone d'Elenna s'alluma, affichant un nouveau message reçu.
« Bien reçu. J'espère qu'il faut beau chez vous. »
Elenna lut le SMS avec un sourire ironique. La directrice avait un sens de l'à-propos particulier.
« Magnifique. Il pleut des cordes. Les chercheurs craignent une inondation qui rendrait le chantier impraticable si ça continue. »
« Je contacte le centre météo. Tenez-moi au courant. En attendant, évitez de vous aventurer dehors. »
Pas de soucis de ce côté-là, songea Elenna avec dérision en reposant le téléphone.
C'est l'instant que choisit Luthie pour revenir, trempée comme une soupe, dégoulinante et visiblement surexcitée.
-Tu en fous partout ! Explosa Eowyn en protégeant son manuel entre ses bras alors que la nouvelle venue s'ébrouait comme un chien mouillé. Mais fais un peu gaffe, nom d'un Balrog !
-Les filles, je crois que j'ai trouvé un truc ! S'écria Luthie sans l'écouter. Il faut que vous veniez voir ça, tout de suite !
-Tout de suite ? T'es folle ! Répliqua Eowyn, scandalisée. Peut-être que ça t'amuse de te balader sous la pluie, mais moi je ne bougerai pas !
-De toute façon, intervint Elenna en brandissant son téléphone comme pour appuyer ses paroles, je viens d'avoir la directrice. Elle nous déconseille de sortir en attendant que le temps se stabilise.
-Ça fait des heures que ça dure et c'est pas prêt de s'arrêter, ronchonna Eowyn. Tu as entendu les ingénieurs : le terrain ici est instable et des coulées de boue risquent de se déverser sur le chantier si ça continue.
-Raison de plus pour y aller tout de suite, s'obstina Luthie. La pluie va noyer ma trouvaille si on ne se dépêche pas, et alors bonjour pour la récupérer ! Je voulais vous demander de m'aider à la sortir, mais puisque c'est comme ça, j'irai seule ! Namarië !
Et sur ces mots, elle se saisit d'une pelle et d'une lampe de poche, et s'en alla seule, sous la pluie, malgré les appels de ses deux amies consternées.
Ce fut la dernière fois qu'elles virent Luthie.
-J'espère qu'elle sera raisonnable et qu'elle reviendra d'elle-même rapidement, soupira Elenna.
-Luthie ? Raisonnable ?
Eowyn s'esclaffa, et là-dessus se conclut leur discussion.
Alors elles attendirent. Le ciel s'assombrissait, la nuit commençait à tomber. Luthie avait vraiment choisi son moment pour piquer sa crise et partir à l'aventure en solitaire.
-Je mets le réveil tôt pour demain, dit Elenna alors qu'Eowyn s'était plongée dans un bouquin concernant l'évolution de l'orfèvrerie elfique à travers les âges. Ça va être une journée longue et fatigante. Mieux vaut se coucher maintenant.
Elles se glissèrent dans leurs lits de camp, coupèrent la lampe à gaz. La pluie déversait ses gouttes sur leur abri dans une mélodie confuse qui les berça jusqu'à ce qu'elles s'endorment.
Au matin, quand l'alarme du réveil les tira de leur sommeil, la pluie avait cessé, mais le lit de Luthie était vide et froid.
-Quelle blague, mais quelle blague ! Ronchonna Eowyn en s'étirant. Mais par tous les Balrogs d'Angband, qu'est-ce qu'elle a encore fait ?
Avant toute chose, Elenna plongea la tête dans un baquet d'eau glacée, histoire de s'éclaircir les idées. Elle n'était jamais opérationnelle au lever, et, mal réveillée, se traînait avec la grâce et la présence d'esprit d'un troll des cavernes analphabète. Quand, après s'être copieusement aspergée, son cerveau fut en relatif état de marche, elle entreprit d'analyser la situation, et reconnut qu'elle n'était pas brillante. L'absence prolongée de leur amie commençait à devenir embêtante. En plus, Luthie avait eu la riche idée de partir sans prendre de téléphone ni de talkie-walkie, en bref rien qui permette de la contacter ou de la localiser.
-Il a dû lui arriver quelque chose, déclara Elenna, inquiète. Viens, il faut qu'on aille la chercher.
Point positif, il ne pleuvait plus. Mais par mesure de précaution, les deux jeunes filles s'équipèrent de k-ways en sortant, n'osant penser que l'accalmie allait durer.
Elles avaient une vague idée de la direction prise par leur amie ; cela les mena au nord, à l'orée de la mythique forêt de Lorien. Ses arbres impressionnants atteignaient des dimensions phénoménales, et en été, leurs feuilles se teintaient d'or sous le soleil et d'argent sous la lune. Classée patrimoine culturel et historique, elle fascinait les écologistes, photographes, peintres et historiens. Le gouvernement rhovanien avait récemment consenti à ouvrir le site à une poignée d'archéologues triés sur le volet, une poignée de chanceux privilégiés dont Luthie, Elenna et Eowyn faisaient partie.
Et deux de ces chanceuses privilégiées étaient actuellement en train de galérer dans le marécage dont la pluie continue avait envahi les sous-bois, en pestant à mi-voix contre leur soi-disant amie qui aurait bien l'amabilité d'aller se faire voir chez Morgoth.
Miracle ! Dans le bourbier envahi de racines et de rochers, tapissé de feuilles mortes, elles repérèrent des traces de pas, assez récentes pour que la pluie ne les ait pas noyées. Elenna déclara, catégorique, qu'elle reconnaissait les semelles de leur fugitive.
Alors les deux jeunes filles entreprirent de suivre la piste, telles des chasseresses sur la trace d'un gibier, leurs bottes s'enfonçant profondément dans la boue spongieuse avec des « floc ! floc ! » écœurants. Peu rassurées, elles s'éloignèrent dans les sous-bois touffus qui s'obscurcissaient de plus en plus, sans voir nulle part un signe de leur amie disparue. Elles craignaient à tout instant que leur maigre piste ne se brouille ou que la pluie ne recommence à tomber. Eowyn jetait de fréquents coups d'œil à sa montre, de plus en plus préoccupée. Plusieurs fois, elle suggéra de laisser tomber. Mais elles poursuivaient leur chasse à l'homme, sans beaucoup de conviction.
Puis soudain, Eowyn trébucha et s'écroula dans la boue avec un cri.
Le premier réflexe d'Elenna fut d'éclater de rire. Puis, tendant la main pour aider l'infortunée à se relever, son pied buta contre un angle dur. Quand elle se pencha pour l'identifier, elle glissa et se retrouva elle aussi le derrière dans la gadoue.
Trempées et ahuries, les deux archéologues tentèrent de découvrir ce qui avait causé leur chute, et remarquèrent le coin d'un coffre de bois qui dépassait du sol dans lequel il était enfoui. La pluie l'aura partiellement fait émerger, supposa Elenna en grattant de l'ongle la terre mouillée, mettant à jour une gravure sur le bois. Il devait dater du Troisième Âge, estima-t-elle par réflexe – six ans d'études d'archéo spécialisation Histoire des arts et Authentification, ça servait.
-On tient un truc, annonça-t-elle.
-Génial, répondit Eowyn d'un ton moyennement convaincu. Et comment tu veux faire sortir ça du sol sans aucun matériel ?
-On va se débrouiller, assura Elenna.
Elles se débrouillèrent donc. Une vraie galère. Elles passèrent une bonne demi-heure à déterrer le coffre à mains nues et en furent quittes pour quelques ongles cassés. Une fois sorti, leur trouvaille se révéla de la taille approximative d'une boîte à chaussure, et extrêmement légère. Elles n'osèrent pas le secouer pour vérifier qu'il contenait bien quelque chose ; si c'était le cas, il devait s'agir d'un objet ancien et par conséquent fragile, qu'elles devaient manipuler avec délicatesse.
-On l'ouvrira au campement, décida Elenna en étudiant le cadenas qui le fermait. On n'a pas de matériel de crochetage sur nous, et essayer de le forcer est trop risqué. Viens, on rentre.
De toute façon, songèrent-elles en scrutant le sol, les traces de pas de Luthie étaient brouillées par les éclaboussures et la terre qu'elles avaient projetées autour d'elles dans leur travail de forage. Inutile d'espérer retrouver sa piste, à présent.
Alors, elles se chargèrent du coffret et reprirent le chemin inverse en toute hâte, suivant leurs propres empreintes encore toutes fraîches sur le sol marécageux.
Revenues au campement, saines et sauves bien que couvertes de boue, elles se précipitèrent dans leur tente pour prendre une douche brûlante. Une fois débarbouillées et changées, elles se préparèrent un thermos de café bien noir et prirent le temps de l'ingurgiter pour se remettre de leurs émotions. Et enfin, elles décidèrent de passer aux choses sérieuses.
Eowyn étala une bâche en plastique sur le sol de la tente tandis qu'Elenna sortait le matériel de crochetage. Elles entreprirent d'abord de nettoyer le coffret crotté de boue. Il se révéla étonnement bien conservé ; le verrou n'était même pas rouillé. Eowyn s'agenouilla près du coffre et caressa distraitement de l'index une gravure sur le couvercle, représentant une feuille d'arbre très finement ouvragée.
-C'est une feuille de mallorn, déclara-t-elle après l'avoir observé quelques instants. Le symbole de la Lothlorien au temps des Galadhrim.
Eowyn avait suivi un cursus Histoire des Arts et Authentification dans la même classe qu'Elenna, mais son intérêt se portait d'avantage sur la facette "histoire", alors que son amie préférait de loin l'authentification. Ainsi elles se complétaient à merveille et formaient un duo de choc lors de leurs investigations.
-Il daterait donc bien du Troisième Âge, tout au plus, dit Elenna, satisfaite d'avoir visé juste.
Elles échangèrent un regard. Première journée sur le terrain et elles avaient déjà déniché une potentielle pièce importante.
-Tu crois que c'est ça que Luthie cherchait ? Murmura soudain Eowyn.
-Ça, on ne le saura probablement jamais…
Elles observèrent un bref silence avant de décider de découvrir ce que contenait ce mystérieux coffret pour lequel leur amie s'était sacrifiée.
-C'est toi qui l'ouvre, décida Eowyn. Moi, tu sais, les choses délicates, ça ne me connaît pas.
Elenna se munit donc d'une pince pour crocheter l'habile serrurerie qui protégeait son secret. A l'aide d'une loupe et d'une lampe que son amie tenait pour elle, et après de longues minutes de patientes manipulations, le verrou déposa les armes.
-Ca y est, Eowyn, ça y est, murmura la cambrioleuse en herbe avec excitation, tout en soulevant le couvercle avec une extrême lenteur pour ménager le suspense.
Elles se penchèrent, le souffle court, les yeux brillants. Elenna enfila une paire de gants latex et pencha la tête pour découvrir son mystérieux contenu enfin révélé à la lumière de la lampe.
-Un… carnet, murmura-t-elle.
Après avoir hésité, elle avança une main gantée et la risqua à l'intérieur du coffret comme s'il s'agissait d'une boîte à serpents. Elle souleva doucement le carnet, craignant qu'il ne s'effrite soudain sous ses doigts. Mais le parchemin était doux et légèrement granuleux au toucher à travers le latex, presque comme neuf. Visiblement, le coffret l'avait jalousement protégé des intempéries et de la moindre détérioration durant tout ce temps, songea-t-elle en examinant sa trouvaille à la lumière du jour.
Eowyn se pencha vers elle pour mieux le voir. Ayant elle aussi enfilé des gants de protection, elle caressa le feuillet de l'index avec révérence.
C'était toujours un émoi et un émerveillement pour un archéologue de découvrir un objet perdu appartenant à un autre temps, de le voir s'offrir au présent qui était son futur, innocent, sincère, prêt à vous dévoiler son histoire.
Par Morgoth, qu'est-ce que j'aime mon métier, songea Eowyn avec ravissement.
-Il doit dater du Troisième Âge, estima Elenna. Bien que ce soit difficile à évaluer. Il est dramatiquement bien conservé. Il faudra demander à des experts de l'étudier pour en avoir la certitude.
-Pas besoin d'experts, il suffit d'un peu de logique, répliqua Eowyn. Tu affirmes que le coffre date du Troisième Âge tout au plus. Ce carnet doit donc logiquement être de la même époque.
Elenna tourna le regard vers le coffret qui béait, tel une huître ouverte, et l'étudia d'un regard scrutateur, comme si elle cherchait à deviner son passé d'un seul coup d'œil.
-Le bois est plus facile à authentifier qu'un parchemin, concéda-t-elle au bout d'un moment, cependant il faudra des études approfondies pour certifier ce que j'avance.
Puis elle reporta son attention sur le carnet :
-Est-ce qu'il y a des choses écrites à l'intérieur ?
-Regarde, répondit aussitôt Eowyn en levant les mains comme si elle se déchargeait de toute responsabilité. Moi, j'ai trop peur de l'abîmer.
Ce fut donc Elenna qui, une fois encore, s'occupa de la partie délicate de l'opération. Avec d'infinies précautions, elle souleva la page de couverture vierge du carnet. Le parchemin bruissa, sans faire mine de se craqueler ou de tomber en poussière. Elle découvrit la page suivante, couverte d'une écriture fine et élégante, quoique nerveuse, comme empressée. Fascinée, elle mit un moment à réaliser que les caractères utilisés étaient ceux de l'alphabet Sindar.
-Génial, génial ! Jubila Eowyn par-dessus son épaule. Un témoignage du passé écrit de la main d'un véritable elfe ! Mais tu te rends comptes ?! C'est génial, par tous les Balrogs de Morgoth !
-Laisse donc Morgoth et ses Balrogs en paix, répliqua Elenna en riant.
Alors les deux jeunes filles s'installèrent confortablement sur le sol, le carnet ouvert entre elles, prêtes à décrypter ce qu'il avait à leur dire. Lire le Sindarin était pour ces deux elficophiles un jeu d'enfant, car elles étudiaient cette langue morte depuis le collège, et elles la maîtrisaient presque aussi bien que leur langue maternelle.
Elles allaient se plonger enfin dans les secrets du carnet qui leur tendaient les bras, quand soudainement, un éclair blanc traversa la tente comme un flash. Une seconde plus tard, un terrible coup de tonnerre claqua comme un coup de feu. Les deux jeunes filles sursautèrent et redressèrent la tête comme des faons effarouchés alors que l'écho de la détonation roulait dans le lointain. La pluie se remit à tomber avec acharnement, et le ciel s'obscurcit de nouveau alors qu'une puissante bourrasque faisait claquer la toile de leur tente comme les voiles d'un navire égaré dans l'ouragan.
-Eh ben, ça s'améliore pas, fit remarquer Eowyn en frissonnant.
Roulées en boule sur leur bâche plastique dans leur tente assombrie battue par la tempête, elles se turent, écoutant avec consternation la violence de la pluie et le vent se déchaîner autour d'elles.
Puis le téléphone d'Elenna vibra dans sa poche. Quand elle le sortit, elle eut la surprise de voir le nom de la directrice de chantier s'afficher sur l'écran. Un appel à cette heure-là, alors que l'après-midi était généralement la partie de la journée où leur supérieure était la plus débordée de travail, ne pouvait rien signifier de bon. Elenna décrocha et mit le haut-parleur :
-Allô ! Chantier d'archéologie de la Lothlorien, je vous écoute.
-Pas le temps de jouer les pros, les filles ! Lança la voix de la directrice dans le haut-parleur, inhabituellement tendue. Il faut que vous partiez, tout de suite !
-Pourquoi ? On vient juste d'arriver ! Protesta Eowyn.
-Les filles, d'ici j'entends l'orage, la coupa la directrice d'un ton pressant. J'ai contacté le centre météo. Ce temps de chien n'est pas anodin. C'est une tempête qui s'est étendue à tout le Rhovanion. On détecte un ouragan en formation au nord de la Lorien ; il sera sur vous d'ici quelques heures. Il faut évacuer le site sur-le-champ !
-Merde ! S'exclama Eowyn. Et en plus on a perdu Luthie !
-Quoi ? Fit la voix étranglée de la directrice à l'autre bout du fil.
-Elle a quitté la tente hier, juste après votre appel, expliqua succinctement Elenna. On ne l'a pas revue depuis.
-Aucun moyen de la contacter ?
-Aucun madame. On l'a cherchée toute la matinée. On a perdu ses traces dans la forêt… justement du côté nord.
Un soupir abattu siffla dans le haut-parleur.
-On ne peut pas se permettre de la chercher plus longtemps. Prévenez les ingénieurs, rapatriez tout le matériel, quittez les lieux le plus vite possible. Foncez vers Caradhras. Rejoignez l'équipe en faction à la Moria et joignez-vous à eux. Il y a tellement à faire, ils ont toujours besoin de renforts là-bas.
L'enthousiasme forcé qu'elle tenta d'insuffler dans sa voix sonna comme une fausse note. A l'autre bout du fil, les deux jeunes filles échangèrent un regard consterné, alors qu'un coup de tonnerre roulait dans le silence de la tente.
-Et pour Luthie, madame, qu'est-ce qu'on fait ? Demanda Eowyn avec réticence.
La directrice eut une hésitation avant de répondre :
-Laissez une tente avec des vivres et un téléphone en place. C'est tout ce qu'on peut faire. On ne peut pas se permettre de retarder le rapatriement en attendant un hypothétique retour. Je suis désolée, les filles, mais entre perdre une archéo et mettre en danger toute une faction… je préfère limiter les casses. J'espère que vous comprenez.
Ainsi fut décidé le sort de Luthie, et ainsi deux amies condamnèrent la troisième.
Les deux jeunes filles donnèrent l'alarme dans le campement ; une heure plus tard, tout le matériel était entassé dans les 4x4, qui s'enfuirent sous la pluie battante, en ne laissant derrière eux qu'une malheureuse tente et un téléphone.
Elenna prit le volant de leur véhicule et démarra au quart de tour, les yeux plissés pour tenter d'apercevoir quelque chose au travers de l'opaque rideau de pluie. Sur la banquette arrière, Eowyn avait posé le précieux coffret sur ses genoux, le maintenant à deux mains pour éviter qu'il ne tombe. La voiture cahotée sur la route accidentée et inondée secouait ses passagères comme des pruniers ; la conduite nerveuse d'Elenna et ses brusques embardées dans les virages n'arrangeaient rien.
-Va moins vite, par Morgoth, grogna Eowyn, les dents serrées. On n'a pas non plus les Balrogs d'Angband à nos trousses !
-Non, seulement un ouragan. Et franchement c'est à peine mieux.
Ce furent les seules paroles qu'elles échangèrent du trajet.
Quand elles parvinrent au tunnel de Caradhras, le ciel s'était encore assombri avec la venue du soir, mais la pluie semblait avoir perdu en virulence, et l'orage grondait moins fort. Le pire était maintenant derrière elles.
La file de 4x4 fugitifs s'engouffra dans le tunnel sous la montagne après avoir passé le contrôle aux frontières. D'ici quelques heures, elles seraient en Eregion, hors de danger. Mais elles ne parvenaient pas à se réjouir. Le doute et l'angoisse les tenaillaient. Elles attendaient, malgré elle, un appel, un SMS, n'importe quoi…
Elles eurent un affreux faux espoir quand le téléphone d'Elenna s'alluma. Sa propriétaire ne pouvant lâcher le volant, ce fut Eowyn qui s'en saisit, en tâchant de ne pas déséquilibrer le coffret.
« Vous êtes où ? »
« Tunnel de Caradhras » répondit-elle rapidement – rectifiant l'inopportun « Car adhère » de ce foutu correcteur automatique avant d'envoyer.
-C'est la dirlo ? Demanda Elenna, les dents serrées, sans quitter la route des yeux.
Eowyn émit un bruit de gorge inarticulé qu'elle laissa à son amie le soin d'interpréter et rangea le téléphone avant de reprendre le coffret en main.
-C'est dommage. On aurait pu découvrir plein de trucs super en Lorien ; on a pu y passer qu'une journée et on n'a rien eu le temps de faire. C'est même pas dit qu'on puisse y retourner un jour.
C'est ce qu'elles dirent aux ingénieurs de la Moria qui les accueillirent.
« C'est dommage. On aurait pu sauver la peau de notre amie si on avait eu un peu plus de temps et surtout si cette idiote avait eu la présence d'esprit de prendre son téléphone. Ce n'est même pas dit qu'elle soit encore vie. »
C'est ce qu'elles pensèrent en s'efforçant de sourire, alors que les mêmes confrères de la Moria, inconscients de leur détresse profonde, leur parlaient avec exaltation du pont de Khazad-Dûm enfin reconstitué, et des merveilles qu'ils pourraient découvrir de l'autre côté des mines.
Dès le lendemain, toutes les radios et toutes les chaînes de télé avaient relayé l'information. Toutes avaient clamé le tragique désastre de la Lothlorien, toutes avaient diffusé les images de désolation de la forêt ravagée par l'ouragan. Elenna et Eowyn avaient suivi les infos avec attention, guetté à la radio qu'on annonce soudain : « Une miraculeuse rescapée de la catastrophe ; Luthie, vingt-huit ans, archéologue, a été retrouvée en vie sur les lieux de l'ouragan ! ».
Mais aucun miracle n'était survenu, et les journalistes se complaisaient à déplorer ce désastre qui avait frappé la mythique forêt elfique du Rhovanion. Les historiens étaient en deuil. L'un d'eux, invité d'Eregion TV, avait versé une larme en déclarant que tous les vestiges de Caras Galadhon, qui s'était jadis tenue au cœur de ces bois, étaient désormais à jamais perdus. Il voyait là l'ultime rébellion de l'âme de l'ancienne cité elfique, qui s'était enfouie sous la terre avec ses secrets, par jalousie, afin de les conserver à jamais inviolés des yeux des hommes.
Peut-être était-ce vrai. Mais dans ce cas, une étourdie un peu folle avait contrecarré les projets d'ensevelissement de la capricieuse forêt en lui volant une part de son trésor.
Et, une semaine plus tard, Eowyn et Elenna revinrent à Minas Tirith avec le coffret dans leurs bagages, sans rien en dire à personne. Quand elles passèrent en coup de vent au QG de la société pour déposer leur bref rapport, leur directrice de chantier les reçut avec chaleur et sollicitude. Elles lui sourirent et lui assurèrent qu'elles allaient bien.
Une fois qu'elles eurent regagné leur paisible appartement au cœur des bruissements tranquilles de la cinquième enceinte de la ville, elles s'affalèrent sur le sofa et écoutèrent le silence. D'habitude, il y avait toujours Luthie qui traînait, se cognait quelque part et poussait de grands cris, aboyait des ordres sans queue ni tête, engueulait tout le monde sans raison. Sans leur troisième colocataire, l'appart semblait terriblement calme et vide. Et elles n'étaient pas sûres d'aimer ça.
-Viens, on commence à lire ce fichu carnet, s'exclama Elenna en se redressant. Ça nous changera un peu les idées.
-J'espère au moins que c'est intéressant, ronchonna Eowyn. Ça a intérêt à être épique et plein de rebondissements.
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Si vous êtes arrivés jusqu'au bout sans péter les plombs, BRAVO ! Rassurez-vous, les chapitres à venir seront plus courts.
Petit point d'elfique : "Namarië" signifie "Adieu".
Pour un peu plus de compréhension : Elenna c'est moi (Elenna Laurefindele), Eowyn c'est UnePasseMiroir (oui, aucun lien entre les deux pseudos) et Luthie c'est Luthien Psycho. Ne vous inquiétez pas, c'est notre seule apparition de la fic. On trouvait juste marrant de se mettre en scène en tant qu'habitantes de la Terre du Milieu moderne... En fait ce prologue, c'est une histoire en elle-même servant d'introduction l'histoire principale, qui commencera vraiment au chapitre suivant. Vous pourrez retrouver ces fabuleux trois personnages dans d'autres fics (j'ai l'idée... Il ne me reste plus qu'à les écrire...)
Bon à votre avis, quel est cet elfe qui a écrit ses mémoires que nous nous apprêtons à découvrir ? Essayez de deviner avant de passer à la suite...
