Le Monde, Mode d'Emploi

Ceci est donc une crackfic sur Donald Trump parce que le monde n'est qu'une vaste blague, que je suis en colère, et que si écrire des histoires nulles est ma manière de réagir quand le monde part en freestyle alors ça me va. La moindre ressemblance avec des personnes réelles est complètement fortuite, et les personnages de séries dont je me suis inspirée ne m'appartiennent absolument pas. Bonne lecture.


9 novembre 2016, au matin.

London, 221b Baker Street.

Sherlock, alias Sherlock motherfucking Holmes, le plus grand détective privé londonien, voire mondial, voire intergalactique, était assis dans son fauteuil, pétrifié. Il sentit une main hésitante et très No Homo se poser sur son épaule - celle de Watson.

"Sherlock, dit-il d'un ton teinté de la pudeur délicate typiquement anglaise qui était la sienne."

Il lui renvoya un regard inexpressif. Ce qui ne signifiait rien de particulier puisque Sherlock était toujours inexpressif. Si Watson incarnait la retenue et la pudeur britannique, Holmes incarnait les icebergs, ou les pingouins, quelque chose qui n'avait pas grand-chose en commun avec l'être humain de base en tout cas.

(Et par "être humain de base" il parlait de quelqu'un qui ressentait des émotions autre que le mépris et l'estime de soi, mettons, la colère, la peur, la compassion, ce genre de trucs.)

"Sherlock, répéta son ami. Je sais que cette nouvelle est terrible, mais nous dev-

- De quoi parles-tu ?

- ...L'élection, Sherlock. Tu sais, le..l'évènement politique vaguement important que nous avons suivi en direct à la télévision toute la nuit. (Son ami détective continua de le fixer d'un air figé et il insista avec agacement :) Donald Trump élu ? Etats-Unis ? La plus grande puissance mondiale ?

- Oh, tu regardais vraiment la télévision ? Désolé. J'étais dans mon-

- Ton palais spirituel, je sais, coupa John en se levant brutalement."

Sherlock nota que le coin gauche de sa lèvre inférieure était très légèrement abaissé, ce qui, en langage John-Watson-Au-Service-De-Sa-Majesté signifiait qu'il était hors de lui. Il reporta son regard sur la citrouille parlante qui s'agitait et vociférait dans le petit écran.

"Lui ou un autre, quelle différence ?

- Oui oui je sais ! S'écria John depuis la cuisine d'un ton vif. Je sais ce que tu penses. Tous les politiciens sont pareils car ils n'égalent pas le grand Sherlock Holmes, et de toute façon à quoi bon voter puisque le seul président du monde valable c'est le grand Sherlock Holmes, et à quoi bon craindre pour la fin du monde puisque de toute façon nous serons tous sauvés par le grand Sherlock Hol-

- Tu sais, je ne mesure qu'1m76. (Son acolyte lui jeta un regard désolé et il ajouta :) Quoi ? C'était pas de la modestie, ce que je viens de dire ?

- Non. Mais bien essayé."

La sonnerie de la porte les tira de leur semblant de dispute. C'était l'Inspecteur Lestrade, fidèle à lui-même : cheveux gris fer coupés en brosse, léger bronzage, sourire Colgate. Un homme que Watson s'obstinait à voir comme un brave type et que Sherlock ne considérait ni plus ni moins que comme 99% de la population mondiale, c'est à dire qu'il ne pouvait pas le supporter. John vit en cet invité un autre être humain doué de sentiments et dit, persuadé d'être approuvé :

"Lestrade ! Vous aussi, vous avez vu ce qui s'est passé cette nuit ? C'est abominable.

- Quoi donc ? Trump ? Oh, vous savez, lui ou l'autre, c'est du pareil au même, au final. Et puis on s'en fout, on vit pas aux Etats-Unis de toute façon !"

L'éminent Docteur et vétéran de guerre John Watson décida que c'en était trop et flanqua un coup de boule à Lestrade parce que faut pas déconner non plus, les hommes cishets blancs qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leurs privilèges ça allait bien deux minutes, et puis de toute façon ce personnage était déjà beaucoup trop chiant dans la série.

"John, tu parles encore tout seul.

- Désolé.

- En plus tu es un homme valide cishétéro et blanc.

- ...Hrrm, bien sûr, bien sûr, toussota-t-il."

Le plus petit souleva Lestrade de terre alors qu'il était inconscient pour le poser dans le canapé, près de Sherlock qui se foutait pas mal de savoir que son meilleur ami venait de frapper un policier. Quoique, voir Lestrade se prendre un pain était une façon assez plaisante de commencer la journée.

"Je dois aller à l'hôpital. Dit John.

- Tu es malade ? Demanda Sherlock qui, là encore, s'en foutait.

- Pour la dernière fois : je suis MÉDECIN, et j'ai un TRAVAIL, pour payer le LOY-

- Pas la peine de crier."

Watson regretta que Lestrade ne se soit pas réveillé pour pouvoir le taper un peu plus et alla à la salle de bains. La nuit blanche avant d'aller s'occuper des patients n'était pas une bonne idée. Il avait une tête affreuse, des cernes énormes et une barbe de deux jours. Il pensa, dieu sait pourquoi, à Robinson Crusoé. Au vu des évènements, l'ïle déserte lui semblait soudain une option envisageable.

"Tu ne m'as pas demandé à quoi je pensais dans mon palais spirituel tout à l'heure, dit Sherlock alors qu'il s'apprêtait à partir travailler."

John inspira un grand coup, se rappela que Sherlock lui avait sauvé la vie et qu'il était son ami envers et contre tout, et puisa dans ses dernières réserves de patience :

"Tu- D'accord. D'accord. Très bien. A quoi pensais-tu ?

- Je vais écrire un livre sur la politique. Et je laisserais les gens le lire gratuitement en le postant sur Internet. C'est important, tu sais, de défendre ses idées quand le monde va mal.

-...Oh. Hé bien, ça semble...raisonnable ? Et désintéressé ? Dit John en cherchant le piège.

- Je vais appeler ça "Le monde, mode d'emploi". La vision du monde actuel par Sherlock Holmes. Je parlerais des gens noirs, des latinos, des élections américaines, du féminisme, même si personnellement je préfère le terme d'humaniste, et ensuite…"

Il continua son monologue et ne se rendit pas compte que John partait, à bout de forces.


Au même moment (enfin pas vraiment, si on prend le décalage horaire en compte)

Princeton Plainsboro Hospital, New Jersey, USA.

« C'est abominable, House.

- Tu sais ce qui est abominable ? Ne pas avoir de Codéine. »

Ainsi parlaient James Wilson, oncologue réputé pour sa douceur envers les autres et sa propension à épouser des gens, et son ami Gregory House, connu pour être son exact opposé. Les deux médecins remontaient le hall du Princeton Hospital où ils travaillaient ensemble depuis des années.

Autour d'eux, les gens semblaient ralentis. James ne voyait pas d'autres mots. Les gens agissaient avec lenteur, abattus par le ciel bas et lourd qui pesait sur eux comme, mettons, une élection à 48% de voix. Wilson, particulièrement sensible à la douleur des autres, ne s'en sentit que plus désolé. Le monde s'écroulait, mais les gens continuaient d'aller au travail parce que la vie était comme ça, elle ne se mettait pas en pause quand les évènements devenaient trop durs, il fallait se lever et continuer à vivre malgré tout. C'était la chose la plus triste au monde.

« Je n'en reviens pas, murmura-t-il d'une voix éteinte. Comment ont-ils pu voter pour ça ? Il est dangereux, il est grotesque. Tu as vu la vidéo de rap sur Youtube ? Trump versus Clinton ? Mon euh, hrrm, mon neveu est fan de leurs vidéos.

- Tant qu'ils ne feront pas de rap battle sur moi, je refuserais de regarder leurs vidéos à ces connards. Répliqua House. En plus ils sont gays.

- N'importe quoi. »

Ils roulèrent des yeux de concert – la plupart de leurs échanges étaient essentiellement constitués de piques, de débats scientifiques et de roulement des yeux – avant de monter dans l'ascenseur. House laissa passer trois secondes avant de décider qu'il pouvait en revenir à son problème initial.

« Je suis sérieux. Je n'ai plus de Codéine. Tu dois me refaire une ordonnance tout de suite.

- Putain, mais tu ne penses vraiment qu'à toi !

- C'est exactement le principe de la série, Wilson, suis un peu.

- Mais je fous de ta série télé ! En plus les gens croient qu'on baise ensemble dedans.

- C'est pas le cas et c'est bien dommage.

- Wait, what ? Bégaya Wilson qui en perdait son français.

- Et tu sais ce qui est dommage, aussi ? Ne pas avoir de Codéine.»

Furieux, l'oncologue balança une insulte et sortit de l'ascenseur avant de se diriger vers son bureau. Il croisa alors Cuddy, qui semblait d'excellente humeur – ce qui, à en croire les huit saisons et 177 épisodes précédents, n'était jamais bon signe.

« Vous n'avez pas l'air bien, James. Fit-elle cependant remarquer.

- Oui c'est, vous savez, avec tout ce qui se passe en ce moment. Je ne sais pas comment on va s'en sortir, pendant quatre ans.

- Oh, ça ne va pas changer grand-chose. Soupira la doyenne avant d'ajouter : Et puis vous savez, d'un point de vue économique, il a peut-être de bonnes idées ! »

Wilson décida que c'en était trop et donna un coup de boule à Cuddy avant de s'enfermer dans son bureau. La journée allait être longue.


Au même moment, House entrait dans son propre bureau. Son équipe n'était pas encore arrivée. Il en profita pour poser ses affaires et passa une main sur sa jambe abîmée en grimaçant de douleur tout en s'asseyant.

« Ca s'arrange pas, constata-t-il à mi-voix. »

Le téléphone se mit à sonner. Numéro inconnu. Il décrocha de sa main libre.

« House.

- Bonjour, fit une voix très snob et distante avec un accent anglais. Je suis Holmes. Sherlock Holmes. Vous me connaissez déjà.

- Non, dit House pour le simple plaisir de faire chier, puisqu'il le connaissait déjà.

- Ah. C'est curieux. Vos créateurs m'ont pourtant recopié mot pour mot et ont fait de vous un docteur arrogant et con.

- Peut-être, mais c'est toujours mieux que d'être un détective arrogant, con et anglais. »

Il y eut une minute de silence dédiée au sens de l'humour suite à cette réplique et Sherlock reprit :

« Sans vouloir vous offenser, votre pays part à vau-l'eau. Je peux vous aider. Si vous êtes une adaptation de moi, vous êtes par déduction l'américain le plus intelligent de votre pays. Nous pouvons travailler ensemble. Qu'en dites vous ?

- Je ne suis pas sûr de vous suivre. Travailler sur quoi ?

- Oh mais c'est évident. Nous allons assassiner Donald Trump ! »