Endors-toi et ne te réveille pas
J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur Terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends.
L'Adieu
Guillaume Appolinaire, Alcools
Prologue
Quelques ombres bougèrent sous la faible lueur des bougies. Les rues étaient vides, nulle lumière ne s'échappait des bâtiments. Tout était vide. Pas la moindre trace de vie dans la capitale.
Aux murs étaient placardées des affiches de propagande, du moins selon les personnes protégées de longues capes noires qui bravaient le couvre-feu établi par le régime en vigueur. Elles prônaient toutes la gloire du Clergé, et encourageaient les hommes à rejoindre l'armée sainte.
Comme s'il restait la moindre parcelle de liberté dans ce pays…
L'une des ombres s'arrêta au coin d'une rue et fit signe à ses semblables, qui l'imitèrent. Le plus discrètement possible, ils traversèrent la chaussée, puis le pont, en prenant soin de ne pas dépasser les petits murs qui l'encadraient. Enfin, ils arrivèrent devant un vieil immeuble délabré. L'un d'eux frappa un faible coup à la porte, puis deux autres, plus forts et plus vite. La porte s'ouvrit aussitôt sur la pénombre.
Les ombres se faufilèrent à l'intérieur. Il y faisait sombre, et on n'y voyait rien. Derri7re eux, on plaça une barre en bois en travers de la porte.
-En haut, souffla leur hôte.
Ils grimpèrent tous l'escalier sans poser de question.
Une fois arrivés au premier étage, une unique bougie fut allumée. De lourds rideaux avaient été posés contre les fenêtres, de sorte que la lumière ne puisse filtrer. Il y avait en tout six personnes dans la pièce. Trois d'entre elles étaient à visage découvert, les autres enlevèrent silencieusement leurs capes. Une jeune fille aux cheveux noués en deux queues de cheval, un rouquin portant un cache œil, et un homme aux cheveux attachés et à l'air peu avenant.
-Alors ? dit celui-ci.
-L'Eglise connait l'emplacement d'une innocence. Mais il semble que l'endroit ait été scellé par un Noé, elle ne peut donc pas y avoir accès. Nous non plus, d'ailleurs.
-Le Clergé et les Noé ont regroupé leurs forces principales le long de la frontière Nord, il n'y a plus personne là-bas. Ils semblent avoir abandonné.
-Et les Noé ?
-Ils n'ont pas l'air de s'y intéresser. Ils doivent penser l'innocence à l'abri des religieux.
-Les Noé peuvent donc avoir accès à l'endroit.
-Non, il n'y en a qu'un qui peut. On l'appelle le Quatorzième. On dit qu'il reste toujours auprès du comte. Impossible de l'approcher.
-Nous pouvons. Certainement.
-Une minute, Kanda, intervint l'unique demoiselle du groupe, nous ne sommes qu'un petit groupe de résistants aux deux autorités, nous ne pouvons pas nous infiltrer chez les Noé et enlever l'un des leurs !
-Ils vont bien quitter la demeure principale, Lenalee, dit le rouquin. Le comte Millénaire fait souvent des apparitions en publique. Et puis ils ne peuvent pas être constamment ensemble…
-Exact, dit l'un des hôtes. La semaine prochaine, Le Quatorzième participera à un bal de charité. Il sera seul.
-C'est l'occasion rêvée.
-Très bien, dit Kanda, vous avez les plans de la caverne ?
-Oui, et même ceux de la mairie où aura lieu le bal ! Tenez.
L'hôte leur passa un sac de toile, bien rempli.
-Et il y a autre chose. Vice-capitaine, vous nous avez demandé une liste.
Lenalee et Kanda tournèrent la tête vers le rouquin. Ils lui lancèrent des regards foudroyants.
-Oh, euh, merci…
-Lavi, murmura Lenalee, pourquoi tu leur as demandé ça ? Nous avons d'autres priorités !
-C'est quoi cette histoire ? siffla Kanda.
-En fait, dit le prénommé Lavi, j'ai appris récemment qu'il existait des centres dans lesquels les enfants servaient de cobayes à des expériences. La plupart du temps ils en meurent…
-C'est horrible, dit Lenalee, mais nous ne pouvons rien pour eux actuellement !
-Je sais, je voulais juste vérifier…Parce que vous voyez…Heredia en fait partie.
-Notre orphelinat ? s'exclama Lenalee. Non…
-Si.
Le silence prit place dans la petite pièce. Tous avaient les yeux rivés sur le dossier. Lavi l'ouvrit et tourna quelques pages. Les noms étaient dans l'ordre alphabétique. Il alla donc tout à la fin, puis arrivé dans les dernières lettres, il passa son doigt sur les différents noms.
Tout à coup, il se figea. On ne voyait pas grand-chose dans la pièce, mais ses compagnons distinguèrent très nettement la pâleur soudaine de son visage. Il referma brusquement le dossier et le fourra dans le sac. Il prit un instant pour reprendre une respiration normale, puis il se tourna vers ses amis d'enfance.
-Retournons au bateau. On pensera au passé plus tard.
Yay ! Une nouvelle fic ! Bien plus sombre que la précédente, attention...
Et malheureusement chers lecteurs/trices, pas de vampires ni de monstres d'une quelconque catégorie...
J'ai eu l'idée de cette fic lors d'une de mes fréquentes nuits blanches, quand je suis dans mon lit et que je regarde le plafond en attendant de m'endormir...
Une illumination !
