Il est temps que je me repose. Je suis terrassé par le sort. Ne me parlez pas d'autre chose. Que des ténèbres où l'on dort ! Que veut-on que je recommence ?

Victor Hugo : Les Contemplations - Trois ans après

Chapitre 1 : Des ténèbres où l'on dort

-Tu n'es qu'un monstre ! Un monstre qui n'a rien à faire dans ma maison ! Hurlait l'oncle Vernon, rouge de fureur. Et les monstres il faut les punir, parce qu'ils n'ont pas le droit d'exister !

Rapidement, les gestes facilités par la force de l'habitude, l'homme détacha sa ceinture et la fit claquer dans l'air. Il s'approcha du gamin avachi dans un coin de la pièce et lui souleva le menton.

-Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, tu sais, lança-t-il plus calmement d'une voie doucereuse. Tu es un monstre et ta simple présence dans cette maison va contaminer toute ma famille si je ne fais rien. Et je protège ma famille avant tout. Et surtout avant les monstres dans ton genre ! Cria-t-il en faisant claquer la ceinture sur le dos déjà endoloris du garçon.

Après plusieurs coups dans lesquels l'homme passa toute sa colère, il posa sa ceinture sur le meuble adjacent. L'enfant était toujours avachi au sol, ne réagissant même plus aux remarques et aux coups de son oncle. Il avait depuis longtemps compris que plus il discutait, plus la punition était longue et douloureuse. Alors il se taisait, laissant l'homme assouvir ses besoins, pendant qu'il se réfugiait au plus profond de son esprit pour essayer de ne pas ressentir la douleur.

-Vois un peu ce que tu m'obliges à faire ! Tu oses souiller ma maison avec ton sang et tes larmes ! Quand comprendras-tu donc que tu mérites encore pire que cela ? Tu devrais te réjouir de ma clémence envers toi, monstre !

Tout en disant cela, l'homme déboutonna son pantalon qui avait commencé à glisser en l'absence de ceinture pour le retenir et le laissa s'échouer à ses chevilles. Puis il arracha violemment les haillons du garçon qui se cogna durement la tête contre le sol, l'assommant à moitié. Ce qu'il souhaitait pouvoir s'évanouir et échapper à tout cela ! Mais ça n'arrivait jamais. Il voulait juste sombrer dans les ténèbres pour ne pas subir encore une fois ce qui ne manquerait pas de suivre. Mais il n'y arrivait pas. Il n'y arrivait jamais avant que son oncle ne s'en aille. C'était comme si quelque chose l'empêchait d'avoir droit à un repos qu'il ne méritait pas. Son oncle devait avoir raison, il méritait peut-être de souffrir bien plus.

Il sentit le sexe dur de son oncle se positionner à l'entrée de son anus. Puis y pénétrer avec violence, déchirant tout sur son passage. Il sentit un liquide visqueux s'écouler de l'orifice alors que son oncle ressortait légèrement avant d'attaquer à nouveau avec encore plus de puissance. Il entendit un hurlement déchirer l'air suffocant de la pièce et mit plusieurs secondes à réaliser qu'il provenait de sa propre gorge. Il entendait son oncle grogner de plaisir et sentait des coups qui s'abattaient sur son dos lorsque son oncle ne ressentait pas assez de plaisir. Après un long moment, il sentit son oncle se répandre en lui avant de finalement ressortir. Il était en sueur et grognait de contentement. Après quelques coups supplémentaires alors qu'il se rhabillait, l'oncle Vernon sortit de la pièce en la verrouillant derrière lui, même si cela ne faisait aucune différence puisque le garçon était bien incapable du moindre mouvement.

La porte se rouvrit quelques secondes, minutes ou heures après, le garçon n'avait plus aucune notion du temps, en état de choc. La tante Pétunia pénétra dans la pièce en grimaçant à cause de l'odeur. Elle déposa négligemment sur le rebord de l'unique chaise présente dans la pièce une bassine d'eau sale récupérée dans le petit puits derrière la maison, laissant déborder plusieurs gouttes au sol. Puis elle s'approcha du garçon toujours recroquevillé au sol et jeta quelques vêtements usés sur son corps nu et en sang. Elle se pencha un peu vers lui et lui releva le menton afin de croiser ses yeux verts émeraude.

-Tout ça c'est de ta faute ! Tu as changé mon tendre mari en brute ! Tu souilles le sol de ma maison par ton sang et ta puanteur ! Tu n'aurais jamais dû exister !

Elle lâcha le menton du garçon et sa tête frappa encore une fois le sol plutôt durement. Se relevant, elle lança un coup de pied dans les côtes du corps allongé devant elle puis sortit et replaça les verrous sur la porte. Le garçon, lui, sentit enfin l'obscurité l'accueillir et il s'évanouit.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, tout cela n'avait plus d'importance. Regardant autour de lui, il s'aperçut qu'il était au manoir Malfoy. Devant lui se trouvait un Voldemort de très bonne humeur apparente. Il venait de capturer l'ennemi et il était bien décidé à le faire souffrir un maximum et de toutes les façons possibles, avant de l'achever. Peut-être enverrait-il son corps à l'Ordre du phœnix afin de leur faire comprendre que tout espoir était perdu pour eux. Pour qu'ils voient que leur héros était fini. Pour qu'ils comprennent enfin que ce vulgaire garçon n'avait jamais rien fait d'autre que d'avoir de la chance jusqu'à présent. De la chance, et des gens prêts à se sacrifier pour lui, Merlin seul savait pourquoi.

Mais tout cela n'avait plus la moindre importance. Il avait capturé le garçon et comptait bien le garder. Aucun événement indésirable et imprévu ne viendrait gâcher son plaisir cette fois-ci. Regardant le garçon accroupit devant lui, il eut un rictus méprisant avant de lever sa baguette vers lui.

-Alors petit Potter, que ressens-tu maintenant que ta fin est proche ? Tu as perdu et grâce à toi, tout ton camp va perdre ! Lança-t-il amer contre ce garçon qui lui avait échappé tant de fois. Crucio !

Il vit avec plaisir le corps de son ennemi se tordre à ses pieds. Il avait longtemps rêvé de cet instant et il ne pensait pas que les choses seraient aussi simples. Le garçon s'était à peine défendu au départ et depuis qu'il était devant lui, il ne disait plus rien, ne cherchait même pas à s'échapper. Le Lord Noir était content. Car même s'il aurait préféré un peu de résistance pour rendre tout cela un peu plus excitant, il savait que ce n'était que le début et qu'à un moment où à un autre, Potter se rebellerait, ou du moins essayerait. C'était dans sa nature de Gryffondor. C'était dans sa nature de héros de la lumière. Il savait que Dumbledore l'avait éduqué ainsi.

Etonnement, le garçon s'était laissé prendre comme un débutant. Il avait suffi d'envoyer quelques détraqueurs à Little Whinging, accompagnés de quelques mangemorts et le petit Potter avait été capturé. C'était vraiment désolant de voir à quel point le héros de la lumière manquait de protection pendant l'été. Comme si lui n'attaquerait pas l'été. Du grand n'importe quoi !

Levant le sort, il regarda le garçon se redresser légèrement. C'était fort dommage qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Pas une réplique, pas un cri, pas une supplique. Mais ils avaient encore le temps. Voldemort ne voulait pas seulement faire souffrir son ennemi. Il voulait le détruire totalement avant de le tuer. Lui faire connaître les pires souffrances qu'un être humain puisse connaître, aussi bien physiquement que mentalement. Et il était pour cela prêt à user de toutes les techniques de torture existantes.

-Crucio ! Lança-t-il à nouveau avant de sourire devant la vue du corps de son ennemi de toujours se contorsionnant au sol.

Levant le sort quelques minutes plus tard, il lança un regard à ses mangemorts. Ils étaient peu nombreux en ce jour de fête, à peine plus d'une dizaine. Seuls ceux présents au manoir Malfoy lors de l'arrivée du héros de la lumière avaient été conviés. Parmi eux se trouvaient deux de ses plus fidèles mangemorts, Bellatrix et Lucius. Crabbe et Goyle senior, qui avaient capturé le garçon, était bien sûr également présents. Beaucoup les sous-estimaient, mais Voldemort avait vu en eux les agents parfaits pour cette mission et il avait eu parfaitement raison, comme toujours.

Les autres mangemorts présents étaient nouveaux et avaient rejoint récemment les rangs. Quoi de mieux pour prouver sa supériorité que de leur montrer Potter à ses pieds ? Soupirant de satisfaction, il reporta son regard sur les deux mangemorts les plus proches de lui. Les deux seuls qui ne portaient pas de masque.

-Lucius, Bellatrix, il me semble que vous souhaitiez avoir une petite discussion avec notre invité ? Quel dommage que Severus ne soit pas là, il s'en serait donné à cœur joie. Mais bon, je suis sûr que vous compenserez son absence. Ne l'amochez pas trop quand même, je n'en ai pas fini de jouer avec lui.

Souriant comme une folle à son maître, Bellatrix s'agenouilla au sol tout en remerciant son maître du cadeau qu'il leur faisait. Lucius, impassible comme à son habitude, remercia rapidement son maître avant de s'emparer du corps de l'ennemi et de le descendre à la cave. La cave du manoir Malfoy était spécialement prévue pour la torture. De nombreux instruments moldus et sorciers traînaient le long des murs et de lourdes chaînes pendaient du plafond au centre de la pièce. Elle était également insonorisée afin de ne pas incommoder les autres habitants du manoir par les hurlements des victimes.

Lucius attacha le garçon aux chaînes et s'écarta pour observer Bellatrix rentrer. Celle-ci paraissait encore plus folle qu'à son habitude, un sourire dément déformant son fin visage osseux. Elle s'approcha du nuisible garçon qui leur avait valu à tous de longues séances de torture sous la baguette de leur maître et caressa sa joue d'un air avide et révérencieux. Le geste aurait presque pu passer pour amical, si elle n'avait pas griffé la joue à sang sur son passage. Le garçon n'émit pas même une grimace face à cette coupure, laissant une Bellatrix boudeuse.

D'un accord tacite, Lucius s'écarta dans un coin de la pièce, laissant sa belle-sœur s'occuper en premier du garçon. Son tour viendrait après et il était déjà impatient de pouvoir s'y mettre. Pour le moment, il observait Bellatrix jouer avec le garçon, le blessant toujours plus profondément dans l'espoir de l'entendre supplier ou hurler. Elle semblait fascinée par son jeu et déçue que l'autre ne suive pas les règles et n'émette pas un seul son. Après deux heures d'amusement ininterrompu, pendant lesquelles elle avait coupé, guéri, torturé, écartelé, guéri à nouveau pour qu'il survive sans risque, maltraité, caressé, frappé et brûlé le garçon avant de le guérir encore pour qu'il ne porte plus aucune marque mais souffre toujours de la douleur, elle laissa sa place à Lucius et s'en alla, énervée de ne pas l'avoir fait ne serait-ce que gémir.

L'homme s'avança avec joie, ravi de pouvoir enfin s'amuser à son tour. Comme sa belle-sœur avant lui, il lui infligea plusieurs souffrances physiques, aussi bien à coups de sortilèges, qu'à coups de pieds ou de poings. Puis, il arracha les vêtements imprégnés de sang du garçon afin de pouvoir frapper plus aisément. Il ricana en donnant un coup de genoux dans les parties de l'ennemi.

-Avec ça, tu auras déjà plus de mal. Quel dommage que je ne puisse pas frapper plus fort. Si seulement j'avais connaissance de tout ce que le maître voulait te faire subir ! Je pourrais te détruire à tous les endroits qu'il oublierait, marmonna-t-il d'une voix rêveuse.

Rageusement, il enleva la robe de sorcier qu'il portait et détacha sa ceinture. Il frappa plusieurs fois le garçon avec et dû le réveiller d'un sortilège avant de le soigner un peu, alors qu'il commençait à s'évanouir. Puis, il fit tomber son pantalon sur ses cuisses et le laissa s'échapper au sol. Il croisa les yeux verts du garçon et grimaça. Il n'était pas particulièrement heureux de ce qu'il allait faire. Mais jamais, au grand jamais il ne laisserait ce garçon souiller son fils. Et puis, il devait bien admettre que Potter n'était pas trop mal dans son genre. Plutôt musclé mais pas trop imposant comme Crabbe ou Goyle senior et leurs fils.

Enlevant son boxer, il s'aperçut que son érection était déjà plutôt douloureuse. Il s'approcha de Potter et posa une main sur son ventre. Il la fit glisser vers le sexe mou du garçon. Comme c'était étrange de sentir le sexe d'un autre homme dans sa main. C'était la première et la dernière fois de sa vie que Lucius s'adonnerait à quelque chose comme cela. Si seulement il y avait eu un autre moyen… Mais il avait beau eu chercher, c'était la seule solution qu'il avait trouvée. Écartant les jambes du garçon, il se glissa à l'intérieur avant de le pénétrer d'un coup violent, sans plus de préparation. Un sourire victorieux éclaira son visage alors qu'il entendit le hurlement du héros déchu. Il avait trouvé comment le faire réagir, là où tous les autres n'avaient obtenus du silence. Fier de lui, il commença à bouger de plus en plus fort à l'intérieur du garçon, sortant et rentrant en lui avec force et provoquant un petit cri dès qu'il s'enfonçait totalement en lui. Il ne pût cependant profiter de ce fait très longtemps, jouissant à l'intérieur du garçon en poussant un râle sonore.

-Par merlin Potter, tu es si étroit, murmura-t-il en sortant du garçon. Tu sais que tout est entièrement de ta faute ? Ajouta-t-il en remarquant une larme sur la joue du garçon.

Il s'approcha du visage de l'ennemi et lécha l'unique larme qui s'était échappée de ses yeux. Le goût salé de la goutte d'eau provoqua un frisson dans le corps du mangemort qui se réjouissait. Il avait réussi à détruire le garçon mentalement. Plus jamais ce dernier n'oserait s'approcher de son fils, s'il survivait.

-Si tu n'avais pas existé, tout aurait été tellement plus simple. Je ne voulais pas faire ça, mais tu m'y as obligé. Je refuse que tu t'approches de ma famille et la contamine !

-Po... Pourquoi ? Balbutia le garçon d'une voix grave.

-Parce que mon fils est ton âme-sœur et que je ne laisserai pas cela se faire. Il m'appartient et il ne te choisira jamais, si tu survis tout du moins, ce qui paraît très compromis pour le moment, ricana Lucius d'un ton amer. Te rends-tu compte que grâce à moi, la seule personne qui aurait un jour pu t'apporter un soutien, de l'espoir, du bonheur, te détestera à tout jamais ? Je ne le laisserai pas faire !

Sur ces mots, Lucius se rhabilla et, d'un coup de baguette, les habits du survivant revinrent sur son corps. Après quelques coups supplémentaires, il s'en alla, laissant finalement le garçon sombrer dans l'inconscience.

Harry se réveilla en sursaut. Il était en sueur et ses draps étaient entortillés au bout de son lit. Il mit de très longues minutes à se calmer, se répétant mentalement que tout cela n'avait été qu'un simple cauchemar. Un cauchemar formé de ses souvenirs mais un cauchemar tout de même. Levant le sort d'impassibilité qu'il avait posé sur son lit la veille au soir, comme à chaque fois qu'il se couchait, il s'éloigna sans bruit vers la salle de bain. Il ferma la porte et se déshabilla rapidement avant de passer sous la douche. Il ne prêta pas attention au jet d'eau froide qu'il reçut en plein visage et qui eut pour effet de le réveiller un peu plus et se laissa aller sous l'eau tiède puis chaude, jusqu'à en devenir presque brûlante, qui détendait ses muscles tendus. Les yeux grands ouverts, il fixait le mur devant lui, laissant l'eau couler sur son corps.

Il ne voulait pas repenser à son cauchemar mais il était incapable de fermer les yeux sans en revoir les différentes parties. Ce cauchemar, il le faisait toutes les nuits depuis la mort de Voldemort. Il avait toujours pensé que le fait d'avoir tué un homme, même si dans le cas de Voldemort cela était justifié, le marquerait profondément. Mais il avait eu tort. Il s'en était rendu compte bien assez vite. Cela faisait trois mois que le Lord Noir était mort. En trois mois, il avait à peine cauchemardé sur son meurtre. En revanche, les différentes tortures physiques et morales qu'il avait vécues repassaient en boucle toutes les nuits dans son esprit. Il n'avait que peu cauchemardé au sujet de ces viols avant que le Lord ne meure. A cette époque, son esprit était plus occupé par les visions que le seigneur des ténèbres lui envoyait toutes les nuits. Et comme ce dernier n'avait jamais été au courant de ces événements, il n'avait pas pu les utiliser pour faire souffrir le Survivant.

Les scènes avec les Dursley dataient d'avant les onze ans de Harry, avant qu'il ne découvre qu'il était un sorcier. Il ne se souvenait plus de la première fois qu'il avait dû subir tout cela mais il se souvenait très bien de la dernière, il la revivait toutes les nuits. Deux jours après cette scène, les lettres de Poudlard avaient commencé à arriver, distrayant l'oncle Vernon qui passait ses nerfs sur les lettres plutôt que sur son neveu. Depuis, il n'avait plus jamais recommencé, sans doute avait-il peur que quelqu'un de son monde ne veuille le venger. Mais Harry n'en avait jamais parlé à personne. Il avait voulu, lors de sa première année, mais il n'avait jamais trouvé le bon moment. Et puis les événements s'étaient tous succédés, ne lui laissant pas un moment de répit et il n'était jamais revenu sur le sujet. Grâce aux invasions de Voldemort dans sa tête, il arrivait même à ne plus y penser et parfois, il parvenait même à tout oublier pendant plusieurs jours d'affilés. C'était pourquoi il était un peu réticent à l'idée des cours d'occlumancie en cinquième année. Parce qu'inconsciemment, Snape et Dumbledore voulaient lui enlever son seul moyen de répit dans ses cauchemars et souffrances. Il avait eu bien plus peur de son oncle que de Voldemort pendant très longtemps.

Après, pendant les vacances d'été avant sa sixième année, Lucius Malfoy avait pris lui aussi le dessus sur Voldemort. Cette partie du cauchemar le marquait toujours profondément et il lui fallait toujours longtemps pour réaliser que ce n'était qu'un cauchemar et qu'il était à Poudlard, hors de danger. Snape l'avait trouvé dans la cave deux jours après cette scène, en bien plus mauvais état. Il l'avait discrètement sauvé et l'avait emmené à l'infirmerie de Poudlard où Mrs Pomfresh l'avait soigné. Lorsqu'Harry s'était réveillé trois jours après, personne ne lui avait parlé de ce qu'il avait subi. Il avait survolé le sujet avec plusieurs personnes mais nul ne voulait avoir connaissance de tout ce qu'il avait vécu. Peu de personnes auraient pu le supporter. Il ne doutait pas que Dumbledore était au courant pour le viol. Mrs Pomfresh avait certainement remarqué quelque chose lors de ses auscultations. Mais Dumbledore n'avait rien dit. Peut-être craignait-il de découvrir que son héros était brisé. Il voulait gagner la guerre à tout prix et avait besoin pour cela que les gens gardent espoir et que Harry joue son rôle.

Harry avait joué son rôle avec brio. Il se battait la journée pour rester à la surface et ne pas sombrer, pour sourire et donner de l'espoir aux autres, pour gagner ; d'autant plus quand Dumbledore était mort à la fin de sa sixième année. Et durant toute cette année, il avait haï Draco comme jamais. Il l'avait haï pour tout ce que son père lui avait fait subir par sa faute. Et en même temps, il avait essayé de comprendre comment l'univers pouvait être aussi injuste avec lui au point de lui attribuer son pire ennemi comme âme-sœur.

Durant sa prétendue septième année, lors de la recherche des horcruxes avec ses deux meilleurs amis, il avait tenu le coup. La nuit, il accueillait avec joie les visions de Voldemort, qui l'empêchaient de penser à ses propres cauchemars. Il n'avait pas peur de Voldemort car ce dernier l'aidait indirectement à ne pas s'écrouler ou sombrer dans la folie. Les visions qu'il lui envoyait avaient quelque chose de réconfortant car elles le rappelaient au monde réel, l'obligeant à mettre son passé de côté. Il arrivait même à mettre de côté la douleur de sa cicatrice à chaque vision. Cette souffrance était infime, si légère comparée à tout ce qu'il avait vécu. Elle était presque bienvenue, une preuve qu'il vivait encore.

Et puis la bataille finale avait eu lieu. C'était il y avait trois mois, par un jour d'orage. Malgré tout ce qu'il avait vu, la désolation, le sang, les victimes, tout ça n'avait pas eu autant d'importance que ce qu'il avait vécu, aussi égoïste que cela soit. Une fois que les visions de Voldemort n'avaient plus été présentes pour l'empêcher de se perdre dans la nuit, Harry avait vu ses pires cauchemars refaire surface. Il ne pouvait plus oublier, les détails se rappelant à lui avec plus de force à chaque fois, comme pour le punir d'avoir oublié pendant quelques temps. C'était une revanche froide, et elle était d'autant plus douloureuse qu'il avait cru être débarrassé de tout cela. Il avait oublié tellement de choses alors qu'il se préparait à la guerre, son esprit tout tourné vers son devoir. Tout avait été profondément enfoui au fond de son esprit et refaisait surface aujourd'hui.

Le plus dur était sans doute de se rappeler avec autant de force des paroles de Lucius. Il avait l'impression de revivre la scène à chaque fois, ressentant encore la douleur qu'il avait ressentie et le désespoir de savoir que Draco était son âme-sœur. Quand un être humain avait connaissance de l'identité de son âme-sœur, il ne pouvait plus aimer une autre personne. Il ne pouvait plus s'en prendre à cette personne, ressentant le besoin de la protéger. Il avait tout le temps envie d'être à ses côtés et d'être avec lui. Mais Harry avait de la chance dans son malheur car Lucius avait maltraité le lien l'unissant à Draco. Celui-ci avait déjà été affaibli à cause des mauvais traitements que l'oncle Vernon avait fait subir à Harry et Lucius avait fignolé le travail, rendant le lien faible. Existant mais extrêmement faible.

Harry passa plusieurs fois ses mains trempées sur son visage. Repenser à tout cela ne le mettait jamais de bonne humeur. Les premières nuits après la Bataille Finale, comme l'avait nommée les médias, il n'avait pas placé de sortilège de silence et ses amis s'étaient inquiétés de ses hurlements répétitifs au milieu de la nuit. Ne voulant pas avouer ses pires secrets à ses amis, il avait mis cela sur le compte des horreurs qu'il avait vu lors de la guerre. Ça avait était vrai la première nuit et il avait ensuite appris à placer le sortilège, voyant l'inquiétude de ses amis augmenter. D'après Hermione, il était normal qu'il fasse quelques cauchemars. La guerre marquait souvent les gens. Mais au bout d'une semaine, elle lui avait conseillé d'aller voir Mrs Pomfresh si les cauchemars ne passaient pas. Habituée à ce que les cauchemars d'Harry soient en rapport avec sa cicatrice et Voldemort, elle s'inquiétait sans oser l'annoncer à voix haute. Ron essayait de la rassurer de son possible mais Harry voyait les regards lourds qui s'accrochaient à lui de temps à autre. Aussi il avait agi et depuis, il souffrait tranquillement toutes les nuits, sans que quiconque ne remarque quoi que ce soit.

Chacun était préoccupé par ses propres démons et essayait de se sortir de l'horreur de la guerre pour revenir à une vie normale. Harry ne voulait pas leur imposer plus de soucis. Aussi, il essayait de se montrer le plus joyeux et enthousiaste possible, souriant souvent et riant aux blagues de ses amis. Il refoulait son envie de se morfondre et essayait de survivre encore un peu plus chaque jour. Mais personne ne semblait l'avoir remarqué. Il se complaisait de plus en plus dans la solitude et savait pertinemment qu'il n'en sortirait pas tout seul. Il avait besoin de quelqu'un pour le sauver. Mais comme l'avait si bien fait remarquer l'un de ses bourreaux, il craignait que le seul capable de le sauver le déteste au plus profond de lui-même.

Les relations entre Harry et Draco ne s'étaient ni améliorées, ni détériorées depuis la fin de la guerre. Ils semblaient se supporter et ne se battaient plus à chaque coin de couloir mais une certaine distance s'était établie entre eux, au grand dam de Harry. Malgré la faiblesse du lien qui les unissaient, Harry ressentait souvent le besoin d'être près ou du moins d'apercevoir Draco. Tous les élèves survivants et libres avaient été conviés à repasser l'année qu'ils avaient manqué à cause de la guerre. Aussi Harry refaisait sa septième année avec tous ceux de sa promotion et les effectifs de première année avaient été doublés. Draco avait été innocenté grâce à un document de Dumbledore indiquant que le jeune Malfoy avait rejoint leur camp à la fin de sa sixième année. Le célèbre directeur semblait l'avoir rédigé peu de temps avant sa mort. Après cela, Draco avait agi sur les ordres de Snape, dans l'ombre, essayant d'aider les élèves à survivre à leur septième année sous le joug du Lord noir.

Snape avait quant à lui mis un mois entier à se remettre de sa dernière rencontre avec le Lord Noir. Il avait été mordu gravement par Nagini, le serpent de Voldemort, et il ne devait sa survie qu'au bézoard qu'il avait avalé avant de se rendre aux côtés du mage en sachant sa position plus que compromise. C'était d'ailleurs Draco qui l'avait sauvé, l'emportant à Sainte Mangouste où il avait été soigné et plongé dans un coma artificiel le temps qu'il se remette. Il avait été sur pied juste à temps pour la rentrée, prêt à reprendre ses fonctions de professeur de potion, au grand dam de tous les élèves.

La rentrée avait eu lieu une semaine auparavant. Les élèves essayaient tous de surmonter les traumatismes de la guerre et certains n'étaient pas revenus, trop choqués par ce qu'ils avaient vu ou vécu. D'autres avaient totalement changé d'attitude, devenant violent ou au contraire, très renfermés. Il y en avait qui n'étaient pas revenus, car jugés coupables et envoyés à Azkaban ou exilés. Et, contre l'impression générale, il y en avait environ autant de Gryffondor, de Serdaigle, de Poufsouffle et de Serpentard. Le sujet des élèves absents était souvent tabou. Tout le monde était au courant mais personne n'osait en parler, de peur de réveiller une plaie déjà à vif.

Harry finit par couper l'eau devenue brûlante et se sécha rapidement mais prudemment, évitant les zones rendues sensibles par la chaleur de l'eau. Il enfila rapidement son uniforme et se rendit dans la salle commune. Un coup d'œil à son réveil en passant lui apprit qu'il était tout juste six heures du matin. Les autres ne se lèveraient que dans une bonne heure et lui l'était déjà depuis au moins une heure. C'était comme ça tous les matins. Il était très rare qu'il dorme plus tard que cinq ou six heures du matin sans être réveillé par un cauchemar. Et il lui était impossible de se rendormir après. Encore une fois, il en vint à regretter l'époque où il recevait des visions de Voldemort car il était au moins capable de se rendormir après, épuisé par la douleur de sa cicatrice.

Cela faisait bien trop longtemps qu'Harry n'avait pas eu une nuit complète et il était constamment épuisé. Mais il n'arrivait pas à s'endormir le soir, ayant trop peur de ce qu'il rejoindrait dans son inconscience. Il s'endormait toujours plutôt tard, sur les coups de minuit dans les bons jours et vers deux ou trois heures du matin dans les plus mauvais. Aussi dormait-il à peine cinq heures par nuit au maximum et c'était bien trop peu pour un étudiant. Mais il n'osait en parler à personne, ne voulant pas inquiéter d'autres personnes et sachant d'avance qu'ils ne pourraient rien pour lui ; et prendre une potion de sommeil sans rêve tous les soirs était bien trop dangereux, du fait de la dépendance que provoquait cette potion.

Harry s'installa dans un des fauteuils près du feu de la salle commune de Gryffondor. Il glissa dans une douce torpeur, les yeux fixés sur les longues flammes rougeâtres dansantes. L'idée qu'il devrait apprendre l'occlumancie maintenant pour se protéger de ses cauchemars le traversa mais n'ayant personne à qui demander conseil, il la refoula rapidement. Il ne faisait pas vraiment confiance à Snape. Ce n'était plus comme avant mais ce n'était pas parfait. Pas assez en tout cas pour qu'il lui confie ses pires secrets.

Un peu plus d'une heure plus tard, Harry vit les premiers griffons descendre les escaliers. Il attendit patiemment ses amis qui arrivèrent rapidement et ils partirent déjeuner ensemble. Hermione et Ron formaient un couple solide et touchant. Ils se disputaient encore assez souvent, la plupart du temps à cause des cours, mais ils finissaient toujours par se réconcilier plutôt rapidement et se soutenaient complètement l'un l'autre. La guerre avait soudé leur couple comme rien d'autre n'aurait pu le faire et ils se reconstruisaient ensemble peu à peu. Et pour cela, ils passaient le plus de temps possible tous les deux et Harry avait un peu de mal à trouver sa place au milieu de ce couple, d'autant plus depuis la rentrée.

Pendant les vacances, Harry s'était rendu au Terrier. Il avait ainsi pu éviter les journalistes et les bains de foule, ne se sentant pas d'humeur à être interrogé sur tout ce qu'il avait fait pendant sa septième année où il avait totalement disparu de la circulation avec Ron et Hermione. Aucun d'eux n'avait parlé à ce sujet, et ils s'étaient mis d'accord pour ne jamais en parler, comme le voulait Dumbledore.

Harry avait respecté ce choix, même s'il n'avait plus totalement confiance dans les choix du défunt homme. Il avait tout sacrifié pour gagner la guerre, même sa propre vie et celle d'Harry. Le jeune homme ne savait que ressentir face au souvenir du directeur. Il lui en voulait d'une part de n'avoir jamais rien fait pour l'aider. Mais d'autre part, il savait qu'ils n'auraient pu gagner la guerre sans Dumbledore et ses choix pour le plus grand bien. Il avait fallu quelqu'un pour avoir ce rôle et le vieillard en avait incombé. Il ne devait pas avoir eu beaucoup plus de choix qu'Harry qui avait incombé du rôle de sauveur.

Installé à la table de Gryffondor dans la grande salle, Harry commença à se servir en soupirant légèrement. Il n'avait pas échangé un mot avec ses amis pendant le trajet, perdu dans ses pensées, et il pouvait maintenant intercepter les regards inquiets qu'ils échangeaient alors qu'il chipotait dans son assiette. Il n'avait pas particulièrement faim, les restes de son récent cauchemar étaient encore bien trop marqués dans son esprit et il sentait son estomac se serrer rien qu'à l'idée d'avaler quoi que ce soit.

-Harry, est-ce que tout va bien ? Demanda Hermione d'une voix inquiète.

-Oui, je vais bien, répondit Harry d'un ton se voulant assuré.

Il accompagna sa réplique d'un sourire, comme il le faisait à chaque fois et cela sembla rassurer légèrement la jeune fille. Harry fit l'effort d'avaler un toast et un verre de jus de citrouille puis attendit que ses amis aient fini de manger pour se rendre dans les cachots où les attendait leur premier cours de potion depuis la rentrée, en commun avec tous les septièmes années redoublants qui avaient choisi cette matière. Alors qu'ils arrivaient devant la porte de la salle de cours, Draco les interpella.

-Alors Potter, la nuit a été courte ? Déclara Malfoy provoquant le ricanement des autres serpents.

-Moi au moins j'ai de quoi occuper mes nuits Malfoy.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Demanda Malfoy amer.

-Que cela fait bien longtemps qu'on ne t'a pas vu avec quelqu'un, Malfoy.

-Hm, tu peux parler, rétorqua Draco d'un air méprisant. Je suis sûr que tu es encore puceau.

-Crois ce que tu veux Malfoy, si ça peut te consoler de penser ça, tu te sens peut-être moins seul, répliqua Harry avant d'entrer dans la salle dont la porte venait de s'ouvrir.

Il s'installa à la place qu'il occupait depuis six ans et Ron et Hermione s'installèrent à ses côtés. Ils avaient tous trois décidé de poursuivre cette matière, Ron et Harry pour leur formation d'aurors qu'ils souhaitaient suivre avant la guerre et Hermione aimant tout simplement étudier. Harry n'avait pas repensé à son futur depuis la guerre. En fait, il ne croyait pas tellement à sa survie et évitait donc d'envisager une quelconque vie future, préférant se fixer sur le moment présent pour ne pas être ensuite déçu. Draco passa près d'Harry en lui jetant un regard noir. Leur petite conversation était loin d'être terminée et Harry s'attendait à revoir le jeune homme dans ses parages dans peu de temps. Et il ne pouvait pas dire que cela ne l'enchantait pas.

Alors que Draco s'installait, comme à son habitude également, au premier rang, Harry ne pouvait détacher son regard de l'adolescent. C'était étrange de réaliser que Draco était le seul capable d'énerver Harry ces derniers temps. Il était le seul capable de lui faire ressentir des émotions fortes. En fait, Harry le détestait sûrement autant qu'il l'attirait. Et il ne pouvait rien contre ces deux sentiments. Ainsi, il se perdait dans sa haine pour ne pas s'appesantir sur son attachement qu'il savait non réciproque.

Ron donna un léger coup de coude dans les côtes de son voisin pour attirer son attention.

-C'est quoi cette histoire que tu as raconté à Malfoy juste avant ?

-Quelle histoire ? Demanda Harry en reportant son regard sur son ami.

-Par rapport au fait que tu serais plus puceau, chuchota Ron très faiblement. Tu me l'aurais dit hein ?

Harry regarda son ami qui rougissait légèrement, comme à chaque fois qu'il abordait un sujet tabou pour lui. Il hésita un instant à dire la vérité à Ron mais cela entraînerait toujours plus de questions auxquelles il n'avait pas envie de répondre. Car il savait qu'il mentirait à coup sûr et il n'aimait pas mentir à ses amis. Par chance, la voix du professeur Snape qui venait d'arriver le dispensa de répondre mais il savait que Ron reviendrait à la charge, ou Hermione. Jetant un coup d'œil à sa main droite où la cicatrice de sa cinquième année était toujours bien présente, il reporta son attention sur le professeur. Ce dernier était en train de faire un discours banal de début d'année, les prévenant que ce serait une année difficile et chargée en vue des ASPICS au mois de juin et qu'il s'attendait à une grande attention pendant ses cours.

Les deux heures de cours passèrent relativement vite. Snape avait passé la majorité du temps à parler, d'abord du programme puis de la première potion qu'ils réaliseraient au prochain cours et à propos de laquelle il leur avait demandé des recherches. Contrairement aux autres années, Snape avait à peine jeté un œil à Harry et l'avait totalement ignoré. Ce dernier était plutôt soulagé dans l'ensemble de ne plus être la cible des railleries du professeur mais cela n'empêchait pas le malaise inexplicable qui s'installait insidieusement en lui quand il le voyait.

La journée passa tranquillement pour le Gryffondor et, le soir venu, il mit sa fatigue de côté et décida de rester un peu avec ses amis dans la salle commune pour les rassurer sur son état. Ils étaient à présent confortablement installés dans les fauteuils près de la cheminée. Ron et Hermione étaient entremêlés dans un fauteuil, Harry en occupait un autre et Ginny, Dean et Seamus s'étaient installés sur le canapé. Ils discutaient tranquillement, profitant de cette fin de semaine. Le lendemain, le week-end commençait et ils allaient tous pouvoir en profiter, n'ayant pas une dose de devoirs trop importante. Ce serait d'ailleurs peut-être leur dernier week-end tranquille avant un bon bout de temps.

Affalé confortablement sur son fauteuil, Harry écoutait ses amis discuter de tout et de rien. Il somnolait paisiblement, se laissant porter par les douces voix chaleureuses des Gryffondor encore présents dans la salle commune. Il laissa son regard dériver sur la cheminée et son regard se perdit dans la contemplation des flammes dansant dans l'âtre. Peu à peu, les voix se firent de plus en plus lointaines tandis qu'il sombrait dans le sommeil.

Un coup, puis un autre s'abattit sur l'enfant. Il avait tout juste cinq ans et il avait fait tomber le lourd plat de poulet qu'il transportait à table. Le plat était lourd et brûlant et ses petites mains d'enfant n'avaient pas supporté la douleur. Le plat avait explosé au sol dans un grand bruit de verre brisé. Son oncle était tout de suite apparu à la porte de la cuisine, tandis que sa tante commençait déjà à le frapper sans douceur avec la spatule en bois qu'elle tenait à la main.

-Regarde ce que tu as fait ! Tu es fier de toi ? Qu'est-ce qu'on va manger maintenant nous ce soir, hein ? Nous ne sommes pas comme toi, des chiens qui fouillons dans les poubelles et mangeons tout ce que nous trouvons ! J'ai passé l'après-midi entière à préparer ce repas ! S'énervait Tante Pétunia.

L'oncle Vernon remplaça ensuite sa femme et donna quelques coups supplémentaires à l'enfant. Les coups de son oncle faisaient toujours plus mal que ceux de sa tante. Il avait plus de force et savait parfaitement où frapper pour faire mal. Une fois qu'il fut défoulé, l'oncle bouscula le garçon dans les débris de verre et le força à les ramasser avec ses mains. L'enfant s'écorcha plusieurs fois et le sang coulait parfois au sol. Pétunia s'énervait de plus en plus alors qu'elle voyait son sol être de plus en plus sale. Vernon attrapa durement le garçon par le bras et le fit sortir de la cuisine sous le regard amusé de son cousin. Une fois dans la chambre à l'étage, il le poussa au sol et lui donna quelques coups supplémentaires. C'étaient les rares moments où l'enfant allait dans une vraie chambre, quand il subissait le courroux de son oncle. Le reste du temps, il n'avait droit qu'au placard sous l'escalier pour dormir.

-Harry !

-Non, Non, arrêtez...

-Harry ! Réveille-toi !

Le jeune homme se releva en sursaut, la respiration erratique. Il ne savait pas où il se trouvait et avait beaucoup de mal à différencier la réalité du cauchemar. Toutes ses émotions se mélangeaient et il peinait même à se rappeler qui il était. Était-il Harry Potter, jeune sauveur du monde sorcier de dix-huit ans ou le monstre, enfant de cinq ans à peine, subissant les foudres de son oncle ?

Aussi, quand il vit une main s'approcher de son visage, il réagit simplement par instinct et sauta du lit sur lequel il était allongé. Il partit alors en courant, fuyant la possible menace. Tout cela n'avait aucun sens. Il était d'un côté persuadé de ne plus être ce petit garçon d'à peine cinq ans qui se faisait battre. Mais d'un autre côté, pourquoi était-il allongé dans un lit à son réveil. Il ne se souvenait de rien et cela ne pouvait s'expliquer que par un évanouissement quelconque, sûrement dû à un traitement un peu trop sévère de son oncle.

Tournant à l'angle d'un couloir, il percuta violemment une personne et tomba à la renverse. Il resta quelques secondes assis sur ses fesses contre la pierre dure et froide, essayant de reprendre ses esprits. Il se releva vivement lorsqu'une voix froide retentit.

-Potter ! Tu ne peux donc pas faire attention quand tu cours comme un stupide Gryffondor en plein milieu des couloirs ?

Harry regarda l'homme se tenant devant lui. Sa vue était troublée par l'absence de ses lunettes et il distinguait tout juste la silhouette de la personne. Mais ces longs et souples cheveux blonds pâles, presque blancs, il les reconnaîtrait partout. Il fit un pas en arrière et son dos buta contre le mur. Il observa avec frayeur l'homme s'avancer près de lui.

-T'as perdu ta langue Potter ? Déclara une voix moqueuse. Je ne savais pas que je te faisais autant d'effet.

Tout en disant cela, il posa ses deux mains de chaque côté de la tête de Harry, l'emprisonnant contre le mur. Harry eut un brusque sursaut et se cogna la tête contre le mur.

-Messieurs Malfoy et Potter ! Un tel comportement n'est pas permis dans l'enceinte de cette école, lança une voix froide dans leur dos.

Draco se releva brusquement et s'écarta du corps de l'autre garçon. Harry, quant à lui, regarda d'un air effrayé la forme sombre qu'il distinguait un peu plus loin.

-Ce n'est pas ce que vous croyez, professeur Snape, déclara Draco.

-Dans ce cas qu'est-ce que vous faisiez dans cette position si ce n'était pour agresser Potter ? Lança le professeur d'une voix ironique.

-Je... euh..., balbutia le Serpentard en rougissant légèrement.

Qu'avait-il été sur le point de faire ? Lui-même n'en avait aucune idée. Il voulait faire réagir Potter, lui qui semblait toujours éteint depuis la rentrée. Il n'avait pas retrouvé la même personne depuis le retour des vacances et son ennemi attitré semblait s'être totalement désintéressé de lui. Alors il s'ennuyait et avait décidé de le faire réagir par tous les moyens possibles. Mais était-il vraiment prêt à tout ?

-Monsieur Potter ?

La voix du professeur sortit Draco de ses pensées et son regard se porta sur le jeune homme toujours appuyé fermement contre le mur, comme s'il souhaitait pouvoir disparaître au travers. Le plus troublant était le regard effrayé, terrorisé qu'il portait sur les deux hommes. Le doux regard émeraude dans lequel resplendissait habituellement la chaleur était vide et froid. C'était celui d'un petit animal pris au piège.

Le Serpentard observait le visage du Gryffondor. C'était la première fois qu'il le voyait sans ses lunettes. Et la première fois qu'il le voyait si terrifié, si vulnérable. Le grand Sauveur semblait si faible et fragile. On aurait presque dit un pauvre petit chaton se retrouvant face à deux gros chiens enragés. Draco admirait le fin visage du garçon, son teint hâlé de celui qui avait passé beaucoup de temps dehors, ses cheveux noirs désordonnés, comme s'il sortait tout juste du lit, qui chatouillaient son front, faisant ressortir ses yeux couleur jade. Il passa rapidement sur ses yeux qui ne brillaient pas de leur lueur habituelle. En y réfléchissant bien, cela faisait déjà longtemps qu'il n'avait pas vu cette lueur. Il passa sur le léger tiraillement qu'il ressentit en pensant à cela et s'attarda sur ses hautes pommettes. Il admira la courbe parfaite de son nez fin et droit, ses lèvres rougies à force d'être mordillées, le petit bout de langue qui dépassait de temps à autre pour les humidifier...

-Potter !

La voix du professeur retentit à nouveaux, sortant une fois de plus Draco de ses pensées dérivantes. Il secoua la tête, voulant en faire sortir toutes ses dernières remarques quant au physique de son ennemi. Venait-il réellement de s'extasier sur le visage du Gryffondor ? Il n'eut cependant pas plus le temps de se remettre de ses émotions et de se trouver une excuse qu'il fut de nouveau bousculé.

Harry entendait vaguement des gens parler, mais d'autres paroles se superposaient aux leurs. Il revivait cette scène avec Bellatrix et Lucius, s'attendant à recevoir le premier coup rapidement. C'était toujours comme cela que ça se passait. D'abord Vernon et Pétunia, parfois Dudley et sa bande et puis venait Lucius, parfois accompagné de Bellatrix ou de Voldemort. C'était toujours comme ça que ses punitions se déroulaient et il n'y réchapperait pas encore cette nuit. Il l'avait su à l'instant où il avait aperçu les longs cheveux de Lucius. Cela ne pouvait être que lui, et cette forme noire, la cape de mangemort que Bellatrix revêtait quand elle le torturait, pour ne pas salir ses vêtements.

Il vit lentement les formes se mettre en mouvement, se rapprocher dangereusement de lui. Il entendait vaguement quelqu'un l'interpeller. Peut-être le réveillerait-on de ce cauchemar avant que la torture ait lieu... Mais tout en pensant à cela, Harry savait au fond de lui qu'il lui était inutile d'espérer. Il plaçait un sort de silence toutes les nuits autour de son lit. Personne ne pourrait le sauver. Son oncle avait peut-être raison finalement, s'il souffrait autant, ce devait bien être de sa faute, au moins un petit peu. Tout le monde le lui avait répété. Il était peut-être temps qu'il commence à y croire et qu'il accepte sa punition.

Tout en pensant à cela, il vit à nouveau une main se lever et s'approcher de lui. C'était la main de la silhouette noire. La main de la mort. Il ne put retenir le mouvement réflexe de tout son corps et se laissa glisser au sol pour éviter le contact. Il profita du moment de flottement dû à l'étonnement des deux individus et, passant sous le bras toujours levé, Harry reprit sa course, bousculant l'homme aux cheveux blonds au passage. Il entendit quelqu'un l'appeler dans son dos et des bruits de pas retentirent à sa suite.

Se sentant comme une bête traquée, il s'engouffra dans le premier escalier qu'il trouva. Il monta les marches, prit un nouveau couloir, à nouveau des escaliers. Il sentait l'adrénaline pulser dans tout son corps, l'enjoignant de continuer à courir pour sa survie. Et malgré sa mauvaise vue, il ne trébucha pas une seule fois sur le sol irrégulier de l'endroit. Il arriva finalement dans une petite pièce ronde où seule était présente une large fenêtre donnant une vue imparable sur le parc au loin. Il n'y avait aucune cachette, aucune issue, et déjà, il entendait les pas se précipiter derrière lui dans l'étroit escalier.

Harry s'approcha prudemment de la fenêtre et regarda rapidement la vue pour déterminer environ à quel étage il se trouvait. Malgré le fait que sa vue soit très trouble, il put facilement remarquer qu'il était haut, très haut. Il retint difficilement un pas en arrière à cette contestation alors qu'il entendait la porte s'ouvrir derrière lui. Il grimpa sur le petit rebord de la fenêtre et regarda à nouveau la distance qui le séparait du sol. Elle était grande, très grande, trop grande mais tout cela n'était qu'un rêve et il avait un besoin urgent et irrépressible de se réveiller.

-Potter ! Descendez immédiatement de là ! Ne faites pas de bêtise ! Tonna une voix forte dans son dos.

Harry ne se retourna pas. Il fixait toujours le vide, se demandant s'il se réveillerait avant ou après l'impact fatal. Il espérait fortement se réveiller avant parce que, vu la hauteur à laquelle il se trouvait, dire que la chute serait douloureuse était un doux euphémisme. Peut-être même qu'il volerait...

-Potter ! Qu'est-ce que tu fais ? Demanda une voix peu assurée.

Harry entendait vaguement les deux hommes s'adressait à lui. Il ne voulait pas souffrir plus et sauter semblait sa seule opportunité échapper à cela. Il se réveillerait et le cauchemar prendrait enfin fin. Il sentit que les deux autres se rapprochaient doucement dans son dos et ne put retenir un regard en arrière. La forme sombre était à quelques pas mais l'homme aux cheveux clairs pouvait presque le toucher, si jamais il tendait le bras.

-Il faut que je me réveille... Faut que je saute... Je ne veux pas souffrir... Vous voulez que je meure de toute façon... Faut que je saute, murmurait inlassablement Harry, comme s'il essayait de se persuader lui-même que c'était la bonne chose à faire, qu'il n'avait pas à avoir peur.

Draco s'approcha doucement, un air effaré et effrayé sur le visage. Il ne comprenait pas les sentiments qu'il ressentait en voyant Harry ainsi, aussi mal. Un Malfoy n'était jamais pris au dépourvu, jamais désemparé, jamais terrifié. Et pourtant, il ressentait parfaitement ces émotions à cet instant précis. Celles-ci et bien d'autres encore. Tout tourbillonnait en lui et il ne savait qu'une chose, qu'il serait incapable de regarder Harry se jeter dans le vide sans agir. Qu'il serait en fait incapable de voir Harry mourir, incapable de vivre sans lui. Il était une constante dans a vie qui avait était détruite par la guerre. Un repère dans le chaos qui régnait à l'aube de ce nouveau monde. Aussi il s'approcha délicatement, un pas après l'autre, pour ne pas l'effrayer.

Harry tremblait. Il avait peur, peur de sauter, peur de ne pas sauter. Il voulait se réveiller de cet horrible cauchemar mais ne pouvait le faire par lui-même. Sauter était une décision bien trop compliquée à prendre. Il s'en savait incapable parce qu'il avait peur. Il avait cette alarme qui sonnait dans son cerveau lui disant, lui hurlant, qu'il ne devait pas faire un pas de plus. Mais il ne comprenait rien, ne savait plus quoi faire. La peur s'infiltrait dans tous les pores de sa peau, le paralysant sur place. Il savait qu'un rien pourrait le faire passer d'un côté ou de l'autre du minuscule rebord sur lequel il se tenait.

-Potter... Harry, reprit-il après un moment d'hésitation. Harry, c'est moi, Draco. Regarde-moi Harry, c'est Draco.

Draco... Ce nom résonnait étrangement dans son esprit. Il se sentit apaisé l'espace de quelques secondes, rien qu'à l'écoute de ce doux nom. Mais la peur reprit bien vite sa place lorsque par-dessus cette appellation vint se rappeler le souvenir de ce jour-là avec Lucius, et la façon dont il avait nommé son fils. Était-ce encore un piège ? Une façon de le faire redescendre du rebord pour qu'ils puissent ensuite le torturer, le violer. Un moyen de vérifier si le lien qui l'unissait au Serpentard était toujours effectif. Car c'était ce qu'ils voulaient, le torturer encore et encore pour qu'il souffre bien plus avant de pouvoir trouver le repos éternel. Harry ne devait pas sauter, pour ne pas contrecarrer leurs projets. Aussi fit-il un minuscule pas en arrière, vers le vide. Car il ne voulait pas souffrir.

-Harry, regarde-moi. C'est Draco, insistait pourtant la voix. Tu te souviens ? Harry ? C'est Draco, tu ne crains rien, tu es en sécurité ici.

Harry avait terriblement envie de le croire. Il se sentait apaisé à chaque fois que cette voix résonnait mais cela ne durait jamais bien longtemps. La peur, vicieuse, revenait avec toujours plus de force, s'infiltrant dans ses veines et parcourant tout son corps, provoquant frissons et tremblements. Il hésitait. Devait-il suivre cette douce voix et l'homme qui allait avec, au risque de tomber dans un piège ; ou bien suivre son intention première et sauter, au risque de ne pas savoir ce qui l'attendrait après, au risque de perdre cette chaleur inconnue qui se répandait dans tout son être dès que la voix retentissait.

-Reviens par ici Harry. Je t'en prie, ajouta la voix dans un souffle.

Cela avait été presque un murmure. Une douce supplication faite par une voix remplie de désespoir. Cela lui tirailla le ventre d'entendre une telle intonation dans la voix. Cette magnifique voix ne devait pas souffrir, et encore moins l'homme qui la possédait. Pourtant il souffrait en ce moment même. Par sa faute. Une vague de culpabilité envahi Harry et il fit un pas en avant, vers les silhouettes floues.

Remarquant son hésitation et son minuscule pas en avant, Severus fit le dernier pas qui le séparait encore du garçon et tendis la main pour l'empoigner par le bras. Harry, remarquant le mouvement, eut un brusque mouvement de recul et son pied dérapa sur la pierre froide. Il se sentit partir en arrière et ferma fortement les yeux en retenant un cri de justesse.

Il ne sentit pourtant ni le vent produit par la chute, ni la douleur de l'impact avec le sol. Il ne sentit rien du tout, même après quelques secondes. Aussi rouvrit-il les yeux pour apercevoir vaguement que l'homme auréolé de cheveux blonds le retenait par le bras, empêchant la chute. La main posée directement sur son avant-bras lui procurait une douce chaleur, s'étendant partout dans son corps et le réchauffant, éloignant la peur plus efficacement que quoi que ce soit d'autre. Il se sentit tiré en avant avec force et tomba sur l'autre homme qui était lui-même à terre, le dos contre la pierre du sol.

Ils restèrent ainsi plusieurs longues secondes. Leurs corps étaient positionnés tels qu'ils soient le plus en contact possible, tandis que les deux jeunes hommes profitaient du réconfort que cela leur procurait. Harry sentit la douce chaleur s'étendre dans tout son être, repoussant la peur jusqu'aux frontières de son corps et au-delà. Lentement, il sentit l'adrénaline retomber. Il se sentait en sécurité dans les bras forts qui l'encerclait. Aussi laissa-t-il l'obscurité reprendre ses droits, vaguement étonné de pouvoir s'évanouir alors qu'il pensait rêver.

Draco rouvrit les yeux qu'il n'avait pas eu conscience de fermer et regarda le visage du jeune homme allongé contre lui. Il se sentait incroyablement soulagé qu'Harry n'ait pas sauté. Contrairement à tout ce qu'il avait un jour pu penser, il ne ressentait rien d'autre qu'un immense soulagement. Pas de fierté mal placée, pas d'envie de se vanter ou d'en profiter pour le blesser plus encore après. Il n'avait pas envie d'en reparler, pas envie de repenser à tout ce qui venait de se produire, à ce qui aurait pu arriver. Il ne voulait plus jamais y penser. Parce que cela avait réveillait en lui des sentiments inconnus qu'il ne savait pas interpréter mais qu'il ne voulait plus jamais connaître.