Version corrigée! Comme pour les 5 prochains chapitres. Pour les éventuels relectures, je parle uniquement des fautes, pas de l'histoire en elle-même.

Pour les nouveaux lecteurs, j'espère que vous apprécierez!


«Vous rendre au village de Fleghtland ? Vous plaisantez ?»

L'homme s'était redressé vivement et emparé de son bagage, sous l'œil consterné de l'exorciste. Les habitants s'étaient passé le mot, il en était certain maintenant.

«Ne comptez pas sur moi !» Ajouta le noble, sur les nerfs.

Sur ces mots, il partit sans demander son reste, tenant son haut de forme pour ne pas le perdre. Ces deux jeunes hommes étaient complètement fous! Tout le monde savait qu'on ne se rendait pas au village à moins de vouloir mourir au plus vite.

Lavi jura. Ils lui avaient juste demandé comment se rendre dans ce village. Pas de les accompagner ! Qu'avaient-ils tous à trembler dès qu'ils évoquaient le nom de Fleghtland ?

« Allen, c'est le dix-septième qui nous fait le coup. Toi je ne sais pas, mais je ne compte pas traverser cette forêt un soir de nouvelle lune. En plus, je ne serais pas étonné qu'elle grouille d'akumas.»

Allen soupira. Son compagnon avait sûrement raison. Après tout, c'était un fait établi. Lorsque les gens les fuyaient à leurs questions, ils pouvaient être sûrs d'affronter les armes du Comte. Les akumas leur tombaient à chaque fois sur le coin de la tête. Et à la lumière de la lune, ils feraient des proies idéales.

Le blandinet fit un compte de la journée: ils avaient eu droit à plusieurs signes de croix, deux ou trois s'étaient offusqués en le qualifiant de sorcier à la vue de son œil gauche, et une jeune femme était même tombée instantanément à genoux, en posture de prière, à réciter des psaumes entiers en tremblant. Sans compter les innombrables esquives, fuites, et changement de sujet par ses interlocuteurs.

Soit les habitants du coin avaient tendance à s'emporter rapidement en faisant un drame de tout, soit ils avaient peu de chance de finir cette mission vivant. En tout cas, ils avaient amplement mérité une pause.

«Allez, vient, histoire qu'on prépare tranquillement notre testament pour demain.» proposa Lavi en désignant une auberge, plus amusé qu'autre chose par l'air dépité de son compagnon.

Un sourire pointa sur le visage d'Allen. Ils avaient pensé à la même chose.

A peine entrés dans l'auberge, l'air lourd et humide de la cuisine les saisit à la gorge, contrastant avec le froid plutôt sec du dehors. Il n'y avait pas plus d'une dizaine de personnes éparpillées dans la pièce, dont un ivrogne qui grogna, mécontent d'être dérangé par le froid qui s'était engouffré à l'arrivée des exorcistes.

Allen partit directement réserver une chambre double auprès de la bonne femme qui tenait le registre, laissant Lavi s'installer à une table libre que lui présentait l'aubergiste. D'un bonjour et d'un sourire amicaux, le roux engagea la conversation, attirant l'autre homme dans un climat de confiance pour enfin aborder le sujet qui l'intéressait. Apparemment il était tombé sur le bon filon, le brun se posant sur la table avec l'air de savoir toute l'histoire dans ses moindres détails.

«Comment, vous n'êtes pas au courant ?» demanda l'aubergiste fort surprit de trouver encore des personnes ignorant ce qui se tramait dans les environs. Ça avait fait assez de bruit pour atteindre les villages à l'autre bout de la vallée. Ou alors... il observa le manteau du rouquin, s'arrêtant sur la croix d'argent. Des étrangers, ça expliquait tout.

«Pas plus que quelques vagues rumeurs. Vous en savez quelque chose ?»

L'aubergiste roula des yeux, comme si Lavi lui faisait une blague invraisemblable.

«Bon, apparemment, vous venez d'assez loin. Normal que vous n'soyez pas au courant. Je vais vous dire.»

Il attendit qu'Allen s'installe lui aussi et se rapprocha d'eux pour parler à voix plus basse. Il était inutile d'affoler les autres clients. Surtout qu'ils se faisaient assez rares depuis le début des rumeurs. Ce village était bien trop proche de la forêt.

«Feghtland, ça a été déserté. Des monstres sont apparus du jour au lendemain et on tout massacré. Du moins, c'est ce que m'a dit un gars à qui l'on l'avait lui-même raconté. P't'être qu'il y a quelques survivants qui y sont encore, mais j'parierais pas là-d'ssus. Ou alors, y sont coincés dans leurs maisons. D'ailleurs, depuis, personne ne traverse la forêt pour s'y rendre. Du coup, on a aucune nouvelle du village.»

Allen lança un regard entendu à Lavi. Il devait s'agir d'akumas. Ils ne savaient toujours pas si il y avait une innocence là-dessous, mais un nid d'akumas, ça oui. Il leur faudrait rester sur leur garde.

«Et… concernant l'autre rumeur ? Celle qui remontrait à cinq ans ?» Questionna Lavi, plus intéressé par celle-ci encore. Il n'était pas rare que les akumas se déplacent en bande pour massacrer des villes entières. Mais ça, c'était une histoire alléchante.

L'homme se gratta la tête et répondit au rouquin, faisant appel à ses souvenirs. Il ne devait pas confondre cette vieille rumeur et les évènements tout frais qui dataient de quelques semaines à peine.

«Moi j'l'ai jamais vu, notez, j'vais pas dans la forêt, mais plusieurs de mes clients ne sont pas revenus. L'dernière fois, des hommes en roulottes. C'tait il y a trois mois notez! Un p'tit gars courageux à r'trouvé leur roulotte dans un fourré. Paraitrait qu'c'est un loup-garou, comme dans les histoires qu'on raconte aux mômes. M'enfin, le p'tit gars l'a vu attaquer les monstres qui sont apparus juste après. Qu'ils se bouffent entre monstre, hein ! D'ailleurs, j'l'ai dit à votre homme, là, l'autr' jour ! Un trouveur ? Bastian qu'il disait s'appeler. Mais il est quand même parti dans la forêt pour renseigner vot' QG. Ben, il n'est pas revenu. Notez, il est p't'être tombé sur le garou qui sait ?»

Allen et Lavi ne purent s'empêcher de sourire à l'accent de l'aubergiste. Il mangeait plus ses mots qu'il ne parlait. Heureusement qu'il parlait lentement. Ça leur facilitait la compréhension. Mais il n'avait pas entièrement répondu à la question du borgne. Il voulait en savoir plus sur cette fameuse histoire. Du jour au lendemain, Feghtland avait interdit l'accès à l'église aux autres villages. Ils y protégeaient quelque chose depuis ces cinq ans. C'était sûr.

De son côté, Allen se remémorait les débuts de leur mission. Le dernier rapport de Bastian montrait qu'il avait probablement découvert quelque chose. Mais il datait bien d'un bon mois. C'était pour cette absence qu'on leur avait demandé de se déplacer. Surtout que son dernier rapport laissait entendre une probable découverte d'innocence. Mais la suite ne leur été jamais parvenue. Komui les avait donc envoyé sur le terrain.

«Bon, c'est pas qu'ça m'ennuie mais c'est un sujet pas très joyeux. Alors, qu'est ce que vous prenez ?» L'aubergiste s'était redressé, tablier sur l'épaule, et il prit le crayon qu'il avait coincé sur son oreille pour noter la commande. Grand bien lui en prit.

La question fatale avait animé le visage d'Allen d'un tout nouvel intérêt. Expression qui frisa le surnaturel à la vue de la table débordante de plats divers une bonne heure plus tard. Forcément. Il avait commandé un peu de tout. Au moins, ça leur avait laissé le temps de discuter un peu. Mais quand même, préparer tout ça en si peu de temps forçait le respect.

Lavi se pencha pour récupérer sa fourchette, tombée alors qu'il faisait le con avec.

«Ben mon cochon…» Il n'avait pas pu empêcher la remarque de sortir à la vue de tout ce qui s'étalait hors de son champ de vision.

«Tu dichait quoi ?» demanda élégamment le maudit, la bouche pleine. Il ne l'avait pas attendu pour commencer, trop affamé. Une dizaine de plats vides étaient déjà empilés à côté de lui. Allen le gouffre sans fond, un mystère de la nature.

«Que tu vas finir par me faire une indigestion un jour.»

Le roux voulait être là quand le grand intendant recevrait la facture. Il n'avait encore jamais vu la tête qu'il faisait à ce moment-là. Ça risquait d'être prometteur. Allen finirait bien par mettre l'ordre sur la paille un jour ou l'autre.

Croyez-le ou non, le jeune Walker engloutit sa « frugale collation » en moins d'une heure.

Les exorcistes gagnèrent ensuite leur chambre avec une hâte certaine. Ils étaient fatigués. Si elle n'était pas d'un grand confort, les lits suffisaient pour la nuit. Et ils n'avaient pas la force de rechigner. L'héritier des bookman se vautra sur le premier et s'endormit derechef. Allen lui retira doucement son bandeau et le posa à côté de la lampe, un léger sourire sur les lèvres.

Pour son entrainement de bookman, Lavi n'avait presque pas fermé l'œil les trois dernières nuits, enchainant ouvrage sur ouvrage, les résumant, en tirant les informations essentielles, devant être capable de réciter mot pour mot un passage choisi par le panda. Mission prévue ou non, le vieux Bookman était impitoyable.

Le maudit entrouvrit légèrement la fenêtre, pour alléger la lourdeur de l'air renfermé. Il s'installa sur son lit et éteignit la lampe, les plongeant dans l'obscurité. Finalement, il ne tarda pas à s'endormir lui aussi.

Il faisait à peine jour quand Lavi émergea de son sommeil, ouvrant son œil embué sur la lueur feutré de la chambre. Elle lui paraissait beaucoup plus froide et bien moins accueillante dans cette lumière pâle. Vétuste et poussiéreuse. En fait, il avait l'impression de s'être réveillé dans un grenier.

Il se redressa en baillant à s'en décrocher la mâchoire, et s'étira de tout son long en se levant avant de se gratter la tête en allant jusqu'à la fenêtre. Si le lit avait été confortable, il s'y serait bien prélassé encore un peu.

Les rues se perdaient dans une brume hivernale rampante, humide et lourde. Un courant d'air s'engouffra par la fenêtre entrouverte, faisant frissonner le borgne qui se le prit de plein fouet, alors qu'il observait au dehors. Il revint sur ses pas et prit une grande inspiration en retirant la couverture d'Allen.

« Aaaaaallen ! Allez, on va se les geler dehors ! C'est bon pour la santé !»

Si le blandinet n'était pas si poli, le « ferme-la » qui trainait dans le fond de sa gorge serait sorti aussi sec, juste après le petit couinement dérangé qu'il lui avait arraché par son réveil brutal. En même temps, Lavi n'était pas des plus délicats en quelque situation que ce soit. Surtout quand il fallait faire preuve de délicatesse. On ne pouvait pas lui en vouloir non plus. Au moins, il ne faisait pas la gueule vingt-quatre heures sur vingt-quatre comme certains.

Toujours était-il qu'il se connecta à la réalité comme il put et servit un merveilleux sourire au roux empêtré dans son haut, accompagné d'un « bonjour » enjoué, se retenant de l'étrangler une fois pour toute. Il avait tendance à lui taper sur le système, parfois. Surtout quand il voulait se reposer, en fait.

Fin prêts quelques minutes après, les exorcistes quittèrent l'auberge alors que la majorité des autres clients dormaient encore. L'ivrogne d'hier soir n'avait d'ailleurs apparemment pas eu le temps de se rendre à sa chambre, affalé sur la table comme il l'était, ce qui les amusa un peu.

L'entrée de la forêt n'était qu'à quelques ruelles, lorsqu'on coupait par les transversales. L'aubergiste leur avait expliqué la veille, en leur déconseillant lourdement d'y mettre les pieds cependant. Lavi y entraina son compagnon d'un bon pas, perçant le silence matinal du son de leurs bottes sur les vieux pavés branlants.

«Dit, Lavi…» tenta Allen d'une voix contrariée après quelque mètres, «Timcampy n'est pas revenu cette nuit?»

Le golem s'était agité la veille et avait disparût en deux temps trois mouvements, ce qui l'avait tracassé toute la soirée. L'ainé posa les yeux sur son compagnon, notant son malaise.

«Comment pourrais-je le savoir?»

Le maudit soupira, l'air triste. Le roux s'esclaffa de son rire habituel, allégeant son angoisse.

«Bah, à coup sûr, il s'est encore fait gober par un chat. Tu devrais lui apprendre à écrire, il ferait un roman sensas'! Je vois ça d'ici : « Tim, le golem qui vivait dans un chat » !»

L'animation qui suivit la plaisanterie de Lavi, à savoir que l'un et l'autre relançaient d'arguments plus débiles les uns que les autres en riant, dérangea fort une mamie qui comptait faire la grasse matinée, ayant pour une fois réussi à s'endormir. La vieille dame lui lança une poêle en fonte de ses faibles forces, grandement démultipliées par la colère qu'elle éprouvait, c'est-à-dire inhumaine et effrayante.

«Bande de sales mômes ingrats!»

Le borgne s'écarta de la trajectoire de l'objet volant qu'il avait à peine pu identifier. Mais c'était tout de même moins rapide qu'un kicking fly du panda, et la poêle se fracassa en plusieurs rebonds sur les pavés dans un vacarme monumental. Ils blêmirent. Surtout quand la poêle fini par se ficher dans un pavé fendu par le choc de l'impact.

Si tous les vieux en colère étaient aussi effrayants, autant les engager tout de suite et faire un raid généralisé sur les Noah. Et puis peut-être qu'entre vieux, ils parviendraient à convaincre le Comte millénaire de se mettre au crochet ou à la pétanque, laissant là ses plans de destruction du monde. Enfin… ils pouvaient toujours rêver.

La vieille femme se mit à leur hurler dessus, les gratifiant d'insultes parfois si vieilles ou étranges qu'ils ne les comprenaient pas, non contente d'avoir fait un vacarme du diable avec sa poêle, réveillant tous les habitants alentours qui commençaient à sortir sur les balcons.

«Petits cons! Je vous apprendrais à respecter autrui! Fils de charrette à bras!»

Nos exorcistes détalèrent comme des lapins avant de se faire repérer par qui que ce soit d'autre et ne s'arrêtèrent qu'à l'orée du bois. Ils se regardèrent essoufflés et éclatèrent de rire.

«Qu'a-t-elle dit? Fils de charrette à bras?»

«Tu savais que ça avait des bras toi, une charrette… Allen?»

On entendait la dispute des habitants en bruit de fond jusqu'ici. Cependant, leurs rires moururent à la vue de la forêt. Elle était grande, touffue et surtout, trop inquiétante pour les inciter à la traverser. Pas étonnant que les habitants en fassent toute une histoire.

« Pour la traverser, rien de plus facile! Prenez le chemin, il conduit tout droit jusqu'au village! Un peu plus loin dans les collines. Pourrez pas le louper! » avait dit l'aubergiste.

«Le chemin… certes…» blêmissait le blandinet.

«Un problème mon p'tit Allen?» Lavi le raillait avec une pose frimeuse certes, mais il était tout aussi rassuré.

«Mon cheeeer Lavi… ta voix tremble.» nota avec un rictus Allen, bien content de pouvoir se venger.

Le borgne lui servit un sourire gêné. Il avait touché juste. Le chemin était large et clairement visible, d'accord. On avait juste omis de leur dire que c'était sans doute la forêt la plus flippante du pays, ce qui rappela au roux une situation similaire.

«Ah ah ah. Elle serait parfaite pour le château de Kro-chan.»

«Tout à f…Lavi!»

L'Œil gauche d'Allen s'était activé sans crier gare pour redevenir calme au bout de quelques secondes à peine, le faisant sursauter. Lavi avait attrapé son maillet, prêt à l'utiliser, aux abois.

«Il a été tué?»

«Je ne sais pas. C'était trop rapide.»

Il était désarçonné. Qu'est-ce qu'il s'était passé? Allen s'engagea finalement sur le chemin et Lavi le rattrapa rapidement. Le blandinet porta la main à son œil en retenant une grimace. Des changements aussi rapides que celui-ci insinuaient la douleur.

La même chose se reproduisit plusieurs fois. Au moins six ou sept, augmentant graduellement la sensation douloureuse qui dévorait son œil. Le maudit continuait de cacher celui-ci sous sa main, espérant que son ami ne remarque pas ces activations brusques. Ce dernier savait parfaitement la douleur que cela lui infligeait et il voulait éviter de l'inquiéter pour quelque chose d'aussi futile.

Seulement, Lavi n'était pas dupe. Si il ne le voyait pas, c'était simplement qu'il avait décidé de l'ignorer pour ne pas ruiner les efforts de son comparse. Il n'était pas insensible à ce point quand même. Marteau sur l'épaule, il était attentif au moindre mouvement du blandinet, affirmant la prise sur son innocence dès qu'il se crispait sous la désagréable sensation.

La forêt paraissait calme vue de l'extérieur. Mais en réalité, la vie du sous-bois s'affairait autour d'eux. Des bruissements fusaient de toute part, de furtifs mouvements les entouraient dans l'obscurité. Pourtant, rien ne s'offrait clairement à leur vue.

Il était clair que l'œil d'Allen leur facilitait les choses. Sans ce soutient, ils auraient probablement craqué sous la pression. Une agitation pareille sous le calme qui régnait le long du chemin était tout simplement angoissante. Comment différencier le mouvement d'un animal à celui d'un akuma? Sans compter la créature des rumeurs. Akuma, innocence, ou réellement autre chose?

Le maudit brisa le silence, taraudé par cette question qu'ils se posaient tous les deux depuis les étranges activations de son œil.

«Lavi, tu pense qu'il existe et que c'est lui qui nous débarrasse des akuma?»

«Le garou? Aussi vite?» questionna Lavi qui ne s'était pas attendu à ce qu'Allen ne lui parle dans l'immédiat.

Ce dernier acquiesça : «Ça pourrait être l'œuvre de l'innocence.»

«C'est sûrement vrai.» Puis, il ajouta, finalement agacé de voir Allen cacher son œil à sa vue: «Retire ta main Allen, je l'ai remarqué tout de suite de toute façon.»

Face à l'air incrédule de son compagnon, le roux prit les devants en saisissant son bras pour le baisser, lui offrant un sourire un peu offusqué. Il était son ami, oui ou non? Le blandinet soupira en souriant à son tour. Il n'avait pas voulu l'offenser.

Lavi se raidit soudain, lui faisant signe de se taire. Il ne distinguait plus un seul mouvement dans les fourrés. Si même les petits animaux cherchaient à se faire oublier, alors un prédateur se trouvait dans les parages. Et ce n'était sûrement pas un akuma. Ils fuyaient les akuma d'instinct. Or à cet instant, ils avaient simplement cessé de bouger, comme si ils avaient tout bonnement disparût.

Le roux se pencha doucement sur Allen, posant sa main sur son épaule, et chuchota: «On n'est plus seuls. Ne fait pas de geste brusque.»

De longues minutes s'écoulèrent alors qu'ils tentaient de discerner quelque chose dans l'obscurité des fourrés qui longeaient le chemin. Sans pouvoir en localiser la source, ils se sentaient tous deux observés jusqu'au tréfonds de leur âme. C'était plutôt frustrant, surtout dans une position de danger telle que celle-ci.

L'Œil d'Allen s'activa encore une fois, alors qu'une ombre grandissait devant eux. Ils n'eurent pas le temps d'esquisser un geste de défense. Une autre ombre avait sauté sur l'akuma; plantant une griffe démesurée dans un bruit de métal et de chair brisée confondus. L'oeil d'Allen s'était alors désactivé.

La silhouette s'était ensuite redressée, restant dans l'obscurité des fourrés et les avait toisé quelques instants, les mettant un peu plus mal à l'aise. Finalement, elle sauta sur le chemin, juste devant eux.

Allen et Lavi en restèrent bouche bée. Ils pensaient tomber sur un monstre, mais c'était un jeune homme qui leur faisait face, curieux lui aussi, méfiant également. Il avait sans doute un âge proche du leur et ses cheveux blancs aux reflets bleutés visiblement assez indomptables étaient singuliers. Svelte, un peu plus grand qu'Allen, il prenait une pose assurée pour les tenir en respect.

Allen croisa son regard alors qu'il le détaillait, une lueur farouche et méfiante apparente. La même impression de profondeur l'envahit. C'était donc bien ces yeux turquoise qui les transperçaient tout à l'heure. Visiblement, il avait l'air de les considérer comme des ennemis potentiels.

«Vous êtes ?» demanda froidement l'albinos, prêt à leur sauter à la gorge au moindre geste douteux.

Plusieurs options se présentaient aux yeux des exorcistes dont une, qu'ils trouvaient la meilleure, consistant à ne pas trop titiller la mauvaise humeur de celui qui avait, apparemment, décimé la population d'akumas de la forêt à lui tout seul. Ils entreprirent donc de répondre simplement et sans détour, histoire d'apaiser un peu la bête et cas échéant, s'il le fallait, un bon coup de marteau bien placé le calmerait définitivement, les mettant hors de danger.

«Nous sommes des exorcistes. Je m'appelle Allen. Mon compagnon et moi cherchons quelque chose. Il se pourrait qu'elle se trouve au village de Fleghtland. N'est ce pas Lavi ?»

«Tout à fait.» appuya le roux avec un sourire chaleureux, rivant son œil dans ceux de leur vis à vis.

A peine Lavi avait-il terminé sa phrase que le garçon s'était élancé sur lui. Ses griffes métalliques furent stoppées par le manche de l'innocence de l'héritier des bookman, qui sentit le choc se répercuter le long de ses bras. Depuis quand recouvraient-elles les bras du garçon? La lueur furieuse des yeux de glace qui rencontrèrent son regard le transperça de toute part. Son corps entier lui criait qu'il était en danger. Pourtant, il était fasciné.

«Ce que vous cherchez, c'est un être vivant ?» siffla agressivement le jeune homme, faisant pression sur le marteau de Lavi, campé sur ses énormes pattes arrières, prêt à lancer un nouveau coup si la réponse ne le satisfaisait pas.

Allen se retint d'activer son innocence. Au moindre geste déplacé, il sentait que le rouquin ne tarderait pas à finir sa vie, sans avoir le temps de constater sa propre mort.

«Non.»

L'albinos dévisagea Allen, faisant frissonner ce dernier. Lentement, il lâcha sa prise sur Lavi et le laissa finalement tranquille, se tournant un peu plus vers le maudit, avant de s'approcher si prêt que leurs nez pouvaient se toucher. Les quelques secondes qu'il passa ainsi, courbé pour que leurs yeux soient à la même hauteur, à cause de la position surélevée que lui procuraient l'innocence activée, s'écoulèrent très lentement pour les exorcistes qui ne savaient pas comment réagir face au porteur irrité.

«Je vous crois.»

Disant cela, le jeune homme inclina la tête sur le côté, avec un air semi amusé et se permit même un sourire franc. Il s'étira de tout son long avant d'engager franchement une conversation.

«Je suis un peu sur les nerfs en ce moment. On m'a pourtant prévenu de l'arrivée probable de gens comme vous mais... On est jamais trop prudent... Je suppose que vous connaissez Bastian?» énonça-t-il en regardant rapidement leur croix d'exorciste.

«Il lui est arrivé quelque chose ?» s'inquiéta tout de suite Allen, ce qui fit rire l'albinos. Il avait réellement eu l'intention de les tuer quelques instants plus tôt et parce qu'il avait baissé la garde, le garçon agissait comme si il lui faisait confiance. Étrangement, il s'en sentit plutôt fier.

«Pas vraiment. Par chance pour lui, je passais par ici quand il s'est fait attaquer par une de ces choses qu'il a appelé akuma.»

Allen soupira de soulagement. L'albinos l'avait désarçonné par son agressivité, mais il ne faisait que se méfier des étrangers. C'était bien ce que faisaient tous les exorcistes, les akuma pouvant se dissimuler sous n'importe quel visage engageant.

«Il est dans la vieille église.» reprit le jeune homme. «Par contre, ce ne sera pas facile d'approcher. Une partie seulement des akuma m'a suivi dans la forêt. Dispersés, je n'ai pas eu de mal à m'en débarrasser. Le problème…»

L'innocence s'activa d'avantage et une queue de grande taille, faite d'innombrables lames, prit place sur son arrière train, faisant naître un peu de gêne chez lui.

«C'est que je n'ai aucun contrôle là-dessus. Alors, pour retourner à l'église seul, c'est un peu compliqué.»

Il rougit sous le regard amusé de Lavi quand de petites oreilles de loup grises prirent place sur sa tête. Le rouquin s'approcha de lui, ne pouvant se retenir d'y cafouiller avec un grand sourire. C'était vraiment trop mignon. L'air bougon, l'albinos se recula et se retourna pour partir en direction du village, les deux garçons à sa suite.

«Il n'empêche que c'est trop mignon.» Justifia Lavi d'un grand sourire en le fixant, attendant de voir sa réaction avec un amusement non contenu.

Allen pouffa quand le garçon accéléra la marche en bougonnant de plus belle, poursuivit par le roux qui enchainait les boutades, riant à gorge déployée. Mine de rien, il semblait que l'étrange jeune homme les avait acceptés et que réciproquement, Bookman Junior le considérait déjà comme un des leurs. Lui aussi l'appréciait déjà. Peut-être à cause de l'aura rassurante qu'il semblait dégager.

Quoi qu'il en soit, ils avaient trouvé l'innocence et un nouveau compagnon avec lequel ils s'entendaient déjà bien.