Ce n'est vraiment pas juste- de s'attendre à ce qu'il se contente de juste, redevenir le petit garçon qu'il était.
Tout est familier- ce monde, ce corps. C'est familier, mais aussi pas tout à fait chez-lui, comme étendre la main pour frôler un rêve. Takuya se sent si maladroit en tant qu'enfant; il trébuche sur ses propres jambes courant après le ballon, continue de mal calculer la longueur de ses membres. Maladroit, maladroit, maladroit.
Ce n'est vraiment pas juste, de s'attendre à ce qu'il se réinstalle dans ce corps frêle, comme s'il n'avait pas été gigantesque et métallique autrefois.
Le feu- le feu est bon. Le feu est un foyer. Le feu est une partie de lui. Mais le feu, le feu le brûle. Les flammes refusent de danser autour de ses doigts, assombrissant plutôt ses cheveux puis sa peau. La sensation des braises est juste, dans ses paumes - ceci, c'est comme ça que les choses devraient être, ceci, c'est ce qu'il est - mais il doit porter des gants, ensuite, parce qu'il est un enfant enfant enfant, pas un guerrier pas un leader, et les adultes n'ont pas assez de respect et trop de questions pour lui.
Ce n'est vraiment pas juste, de s'attendre à ce qu'il prenne fils et garçon en permanence, comme s'il n'avait pas été quelque chose au-delà de ça, au-delà des boîtes, des attentes et de la culture.
Frère, Shinya l'appelle. Le Takuya d'avant le remarquait à peine. Celui d'aujourd'hui ne le remarque pas non plus, des fois. Mais à d'autres, ça le déroute. Le besoin de faire une distinction, qu'il y ait une distinction tout court. Frère. Faux. Incorrect. Ça ne le blesse pas - pas comme cette démangeaison d'étirer des ailes qui ne sont pas là, pas comme cette envie de taper une queue qu'il n'a pas. Mais c'est inexact.
Ce n'est vraiment pas juste, de s'attendre à ce qu'il porte un manteau d'os et de sang, comme s'il n'avait pas été flames, combustion pure et brute, sans forme, juste énergie et liberté.
Certains jours, il est humain, et ces jours-là il va bien. Mais certains jours, il ne l'est pas, et ces jours-ci, il a du mal à respirer parce qu'il ne devrait pas avoir à le faire.
Il se coupe, une fois. Un honnête accident; il coupe des oignons, il ne fait pas attention, et ses petites mains sont maladroites, maladroites, maladroites.
Il regarde le rouge couler le long de ses doigts jusqu'à ce que sa mère le panse.
Les armures ne saignent pas. Les données ne saignent pas. Les flammes, absolument, ne saignent pas.
C'est une chose assez fascinante, le sang. C'est rouge comme le feu, informe comme le feu, chaud comme le feu. Fascinant. Fascinant.
Takuya n'aime pas les douleurs inutiles. Il fait attention à ne pas se couper de nouveau. Trop souvent.
Takuya a été un humain et un guerrier et une bête et un héro, a été chair et données et mâle et agenré, et son esprit n'a pas encore reçu le mémo qu'il ne peut être qu'une de ces choses maintenant.
Et ça fait mal. Ça fait mal. Ça fait mal. Il tremblantes flammes et chaleur intangible dans un monde qui veut désespérément qu'il reste immobile.
Le temps passe, et les trains vont et viennent. Takuya se demande, parfois, ce qu'il ferait si l'un d'entre eux lui proposait de le ramener dans le Digimonde. Il est heureux, ici; avec sa famille et ses amis. Mais oh, avoir la chance de goûter à nouveau aux étincelles sur sa langue ...
Le train s'arrête à la gare de Shibuya. Takuya en sort, portefeuille en main. Il va acheter des allumettes.
