Un homme jeune, emmitouflé dans une longue cape noire, marchait dans la rue d'un pas décidé. A ses côtés, se trouvait une petite femme brune qui semblait être son ombre. L'homme tenait fermement dans ses mains deux parchemins. Son visage dur avait une expression fermée et impossible à déchiffrer, mais la femme, qui travaillait avec lui depuis plus d'un an, savait qu'il était tendu et sur le point de se mettre en colère. Ce n'était pas la meilleure chose à faire, il aurait mieux valu qu'il soit calme afin de discuter avec les Lupin. Le fait de les voir tous deux sur le pas de la porte suffirait à les affoler il était rare que le ministre de la magie se déplace en personne. Mais les Lupin s'étaient cachés, avaient tenté de dissimuler la vérité au monde, avaient fui dans divers régions de l'Irlande. Maintenant qu'il les tenait, le ministère n'allait pas laisser passer l'occasion.
Le ministre de la magie et son assistante s'arrêtèrent à la septième maison de Midnight Street. Elle n'avait rien d'extraordinaire, si ce n'est sa clôture extrêmement haute qui entourait le jardin. Le portail de bois étant resté ouvert, ils poussèrent l'un des battants. La maison était blanche, avec de grandes fenêtre, et un immense jardin qui donnait tout droit sur la forêt. L'assistante contempla l'étendue de verdure un instant, puis lâcha :
-Ce n'est pas étonnant. Ils ont dû penser que cela les aiderait. Les fous.
Le ministre ricana. Il pensait exactement la même chose. La femme se tourna vers lui, semblant se souvenir de l'objet de leur visite.
-Ne soyez pas trop dur avec eux, recommanda-t-elle.
Kilyan Lotsey se figea, puis se tourna vers elle, la dominant de deux têtes. Désignant les parchemins qu'il portait, il lui répondit d'un ton glacial et sans appel :
-Katy, j'ai ici deux ordres officiels signés de ma main et de celles du conseil. Ils nous ont échappé une année durant, il est temps que cela s'arrête.
Le premier l'enverrait à Ste Mangouste, où elle serait séquestrée, soignée et surveillée, et le second choix mènerait à Azkaban ou dans une autre prison, pour la sécurité des habitants du monde magique. Les Lupin devraient réfléchir à ce qui serait le mieux pour l'enfant. Il ricana de nouveau, comme s'il venait de penser à une bonne blague puis frappa furieusement à la porte.
-OUVREZ !
Quelques instants plus tard, son ordre fut suivi. Un bel homme se tenait dans l'encadrement de l'entrée, le sourire aux lèvres. Il se figea en comprenant l'identité de ses visiteurs, puis tenta de composer un visage normal. Lorsqu'il comprit qu'il lui serait inutile de nier la vérité, l'inquiétude se peignit sur ses traits mais avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit, une voix de femme, anxieuse, retentit du fond de la maison :
-Klaus, qui est ce ?
L'homme parut incapable de répondre, comme pétrifié. Sa femme s'approcha de la porte d'entrée, un bébé dans les bras.
-Mélinda, murmura difficilement son mari avant de marquer une pause.
Il ferma les yeux, comprenant qu'il s'était trahi. Son cœur battait douloureusement contre sa poitrine, et il avait l'air coupable. Avec un sursaut de lucidité, il lui ordonna :
-Emmène Arya autre part. Maintenant. Sans moi.
La jeune femme se retourna, serra son enfant dans ses bras aussi fort qu'elle le pouvait puis commença à se concentrer sur une autre destination, mais la panique rendait le transplannage difficile. Le ministre avait déjà repoussé Klaus Lupin contre la porte, bondi à l'intérieur de la maison et emprisonné Mélinda dans ses bras musclés. Katy tenta de prendre l'enfant, mais sa mère se débattit, affolée. Klaus s'était relevé en un éclair malgré son dos douloureux et tenta de dégager sa femme des bras du ministre. L'homme se retourna vivement, attrapa son poignet, gardant son autre main fermée sur le bras de la jeune femme.
-Calmez-vous, ordonna Katy.
Ils ne pourraient de toute évidence pas faire la procédure normalement. C'était inutile, les Lupin avaient compris, et Lotsey ne les laisserait jamais leur échapper. Il ne restait plus qu'à les raisonner.
-Soyez raisonnable, Mélinda, dit elle avec douceur.
La mère tenta à nouveau de se dégager.
-Raisonnable ? hurla-t-elle. Vous nous demandez de sacrifier notre enfant, de vous la remettre au risque de ne plus jamais la revoir, sous prétexte d'une nature dont on n'est pas encore certains !
L'enfant se mit à se tortiller dans les bras de sa mère, braquant ses yeux bleus perçants sur l'homme qui blessait ses parents. Son visage était d'une pâleur extrême et son expression, soudainement trop farouche. Le ministre éclata d'un rire sans joie, cruel.
-Pas encore certains ? Mais vous êtes ses parents. Il suffit de la regarder pour comprendre.
-Peu importe, rétorqua Klaus, droit, déterminé. Nous ne vous laisserons pas l'emprisonner comme un animal. Ce n'est qu'un bébé, qu'allez vous en faire ?
-Vous n'avez qu'à choisir. Ste Mangouste, ou Azkaban.
Ce fut au tour de Klaus d'éclater de rire, choqué par l'absurde de la situation. Incapable d'échapper à la prise de Lotsey, sa femme le regardait faire, craintive et résignée.
-Ste Mangouste ? Azkaban ? Ce sont ça, nos deux options ? Nous devons choisir pour notre fille l'internement ou l'emprisonnement ?
Puis, sans prévenir, il hurla, faisant sursauter le ministre et son assistance :
-On n'emmène pas un enfant d'un an à Azkaban ! Vous aller la tuer !
-Ste Mangouste, dans ce cas, nota Katy dans un carnet sorti du vide.
Mélinda leva des yeux brillant de larmes. Emportée par sa fureur, elle réussit enfin à se libérer de l'emprise de son tortionnaire, et le cri d'une mère désespérée résonna dans la demeure.
-Arya n'a qu'un an ! Elle ne peut même pas encore…
-Elle pourra bientôt ! tonna le ministre.
Mais Klaus s'était dégagé également. Il glissa un objet dans la main de sa femme. Tous deux se tenaient désormais face à ceux qui venaient leur prendre leur fille. Le ministre eut un soupir exaspéré. Il était connu pour sa détermination et son tempérament impulsif, pas pour ses talents relationnels.
-Cela suffit. Donnez nous l'enfant.
D'un même mouvement, mari et femme brandirent leur baguette :
-Stupéfix.
Un jet rouge richocha sur la poitrine de l'assistante, qui tomba à terre, pétrifiée, l'autre frôla son collègue. Un éclair de haine brilla dans les yeux gris du ministre :
-Je vous arrête pour agression sur personnes du ministère.
Puis il leva sa baguette à son tour, et la pointa sur l'enfant.
-Accio !
Mélinda se cramponna à sa fille, résistante de tout son corps au sortilège. Le bébé commença à pleurer. Lotsey inspira profondément, près à stupéfixer les parents s'il le fallait.
-Ira !
Ce sortilège basique atteignit le ministre soudainement, et Klaus attrapa la main de sa femme avant que le noir se referme sur eux.
Ils atterrirent dans un village reculé de la campagne galloise, ou les rares lampadaires clignotaient faiblement. D'un même pas pressé, main dans la main, le couple marcha dans la rue. L'enfant s'était tue. La nuit était tombée et sous leurs pas crissaient des feuilles mortes gorgées d'eau. Mélinda avait compris où les emmenaient son mari. Le doute s'infiltrait en elle. Les nuages s'écartèrent et dévoilèrent la lune alors qu'ils s'engageaient sur un chemin de terre détrempée. Aussitôt, sa fille hurla de douleur, ses doigts s'accrochèrent à la robe de sa mère, ses cris l'implorant de faire cesser sa souffrance. Klaus pressa la main de sa femme, plus fort que jamais, le visage fermé, les yeux rivés sur une lueur au loin. Mélinda savait qu'il tentait de garder contenance. La douleur et le désespoir enflaient dans la poitrine elle peinait à marcher. Les cris d'Arya devenaient insupportables à ses oreilles. Enfin, après ce qui lui sembla être une éternité, elle put distinguer les contours d'une maison.
-Chéri, murmura-t-elle d'une voix rauque, crois-tu que les Maybe pourront accepter cela ? Mes propres parents ont eu du mal à tenir le choc… Et puis Arya…
Son mari se tourna vers elle, son visage froid et impassible tentant de s'insensibiliser à la douleur du sacrifice qu'ils allaient devoir faire.
-Nous n'avons pas le choix. L'endroit est parfait pour elle, elle y sera en sécurité.
Son visage s'adoucit soudainement alors qu'il passait un doigt sur la joue de sa fille pour la réconforter.
-Je sais que les Maybe ne nous connaissent pas plus que ça, mais ils ont bon cœur. Le ministère ne viendra jamais la chercher ici, ce village et ses habitants sont parfaitement normaux. Quant à nous…
Sa voix se brisa soudainement, et Mélinda l'attira à elle. Il l'enlaça, elle et leur fille, pour la dernière fois. Puis il se dirigea vers la maison et sans hésiter, frappa à la porte. Les poings de l'enfant étaient si crispés que ses jointures pâles étaient devenues livides. Son corps brûlant transpirait de sueur. Mélinda priait pour que l'absence des rayons à l'intérieur apaise sa souffrance.
Une femme d'une trentaine d'années aux longs cheveux noirs vint leur ouvrir. Etonnée de les voir, elle s'alarma en voyant leurs mines graves.
-Nous devons vous parler, dit Mélinda d'une voix dont elle ne parvint pas à enlever la souffrance. Pouvons nous entrer ?
Son interlocutrice hocha la tête. Derrière elle, son mari et son fils les dévisageaient avec inquiétude.
-Est-ce qu'Arya va bien ? demanda l'enfant en fronçant les sourcils, inquiet pour le bébé qui ne cessait de hurler.
-Elle souffre, souffla Mélinda en refoulant ses larmes.
Les Maybe les invitèrent à s'asseoir sur le canapé. La sorcière se plaça le plus loin possible de la fenêtre. Les pleurs de l'enfant diminuèrent peu à peu, mais elle ne s'endormit pas. Ses yeux grands ouverts étaient rivés sur le plafond, où elle semblait voir des choses mystérieuses et inconnues. Sa mère pouvait sentir qu'elle était toujours tendue. Klaus se redressa, conscient d'avoir l'attention des trois moldus.
-Mélinda et moi sommes dans une situation pour laquelle il n'existe presque aucune porte de sortie, mais nous voulons qu'Arya ait une chance de vivre. Nous voulons qu'elle soit heureuse et libre, et ce sera impossible tant que nous la garderons auprès de nous. Nous voudrions vous la confier. Je vais vous expliquer, mais je veux que vous le sachiez : il n'existe aucun autre endroit où elle serait en sécurité, où nous aurions assez confiance pour la laisser.
Klaus se tut quelques secondes, prit une profonde inspiration et leur dévoila la vérité sur le monde des sorciers. Il n'avait jamais vécu cette situation, ayant passé sa vie entière dans la communauté magique. Il donna des précisions sur Poudlard, sur le passé, sur la situation politique magique actuelle. Puis, après un autre court silence, il jeta un regard à sa fille dont les yeux papillonnaient mais qui ne parvenait pas à dormir sous la brûlure indirecte de la lune. Et il expliqua pourquoi le ministère voulait leur prendre leur enfant.
-Je sais que ce sera dangereux, termina-t-il, et nous ne vous imposerons pas de la garder mais…
Sa voix se brisa et il sentit les larmes lui brûler les yeux. Il inspira profondément puis continua :
-Elle est jeune. Je ne sais pas quand elle se transformera pour la première fois mais si elle fuit dans la forêt, elle ne fera de mal à personne, ce ne sera qu'un louveteau. La malédiction finira par s'effacer, elle est trop vieille pour rester dans son sang indéfiniment. L'alchimiste que nous avions consulté a prédit qu'elle disparaîtrait au cours de sa neuvième année. Mais le ministère ne voudra rien entendre. Depuis deux ans il persécute les loup-garous.
Mari et femme avaient la même expression suppliante, celle d'un parent prêt à tout pour sauver son enfant. Edmund et Sadji Maybe échangèrent un regard. Leur fils, Yoan, luttait également contre le sommeil, passionné par ce nouveau monde qu'il venait de découvrir et ne mesurant pas la difficulté de la condition du bébé. Les deux moldus ne connaissaient pas bien les Lupin, ils venaient de découvrir qu'ils ignoraient jusqu'à maintenant presque tout d'eux. Et pourtant, touchés par leur désespoir et leur foi en eux, ils allaient recueillir l'enfant. Ils n'eurent pas besoin de se concerter.
-Nous prendrons soin d'Arya, comme si elle était notre propre fille, murmura Sadji. Tout ira bien pour elle, je vous le promets.
Mélinda et Klaus passèrent deux jours dans la maison des Maybe, à prendre des décisions, mettre leurs affaires en ordre et organiser le futur de leur fille. Ils donnèrent des conseils sur les comportements, des précisions sur les étapes et la magie qui apparaîtrait bientôt chez l'enfant. Ils lui écrivirent chacun une lettre. Puis, au crépuscule du deuxième jour, il leur fallut partir. Mélinda prit sa fille dans ses bras pour la dernière fois.
-Je suis navrée. Oh, Arya, je suis tellement navrée. J'aimerais te garder près de moi mais je ne peux pas. Ne t'inquiètes pas, tout ira bien. Je t'aimerai toujours, Arya, toujours. Ne l'oublie jamais.
Elle plaça ensuite l'enfant dans les bras de son père, les joues trempées de larmes. Sadji la prit dans ses bras dans l'espoir de la réconforter, tandis que Klaus disait également adieu à leur enfant.
-Pardonne moi, souffla-t-il. C'est de ma faute si tu portes ce fardeau, la malédiction coule dans mes veines. Je te souhaite une excellente vie malgré tes souffrances, ma fille.
Il l'embrassa sur le front, tandis qu'elle le regardait, étonnée et gémissante. Puis il prit la main de sa femme et ils franchirent le pas de la porte ensemble, avec un même regard en arrière tandis que le bébé les appelait avec désespoir.
Ils fuirent pendant plus de six mois pour brouiller les traces. Ils transplanèrent dans le monde entier, en Russie, à Rome, en Amérique latine. Ils amassaient de l'argent qu'ils plaçaient sur un compte à Gringotts sous un faux nom. Pas un instant ne passait sans qu'ils ne pensent à leur fille, leur cœur empli de douleur et de désespoir, aussi douloureux qu'au premier jour où ils l'avaient laissée aux Maybe.
Enfin, ils revinrent en Angleterre, où le ministère les retrouva quelques semaines après. Trois hommes surgirent sans prévenir, mais les deux époux s'y attendaient depuis qu'ils avaient posé un pied sur le sol britannique. Il leur restait une dernière chose à accomplir pour que la sécurité de leur enfant soit complète. Sa baguette pointée sur leurs gorges, Kylian Lotsey demanda :
-Où est Arya Mary Lupin, née le 17 mai 2159 ?
-Morte, lâcha Mélinda, les yeux brillants de larmes.
Leurs joues étaient creuses, leurs teints pâles et leurs yeux ternes. Leur désespoir était visible, et malgré un instant de doute, le ministre baissa sa baguette.
-Elle a péri en Amérique latine, mordue par un serpent. Nous étions allez voir mon frère qui y travaille. C'est un moldu, il ne sait rien de la magie… Le venin l'a tuée.
Klaus ne disait rien. Ses poings serrés, il tentait de ne pas se saisir de sa baguette pour ensorceler ceux qui lui avaient fait abandonner sa fille. Mélinda hurla, et se jeta dans les bras de son mari.
-Allez vous nous laisser tranquille à présent ?! Elle est morte ! Morte ! Elle ne représente plus un danger pour votre pays !
-Vous êtes toujours accusés d'attaque envers le ministre et son assistante, rétorqua Lotsey, imperturbable.
Un interrogatoire au veritaserum, et leur sacrifice serait vain. Les larmes aux yeux, pourtant entièrement convaincu par ce qu'il allait faire, Klaus glissa une main dans sa poche, en sortit de la poudre d'obscurité instantanée du Pérou, et entraîna sa femme dehors où aucun sortilège anti-transplanage n'avait pu être jeté. Peu importe ce qui leur arriverait à présent, ils avaient déjà eu leur cœur arraché. Arya était sauve, et le resterait, et rien d'autre n'importait à ses yeux. Il jeta un dernier regard dans ce pays où il était né, puis enlaça sa femme et se concentra sur un pays hors de portée de Lotsey. Ils disparurent ensembles dans des contrées reculées.
