Salut à vous, lecteurs ! Ici Harley Quinn, qui vous parle à la place de Sorcikator. En effet, qui de mieux que moi pour parler d'une histoire parlant…de moi, justement ? Ouh, comme c'est excitant ! Je me sens comme une star !

Ah oui, l'histoire. Ahem. Comme certains d'entre vous s'en doute, il s'agit d'une suite directe du récit intitulé Requiem pour un clown, publié l'an dernier par le même auteur. Ça va Sorci, les liens ne sont pas trop serrés ? C'est ce que je pensais.

Donc, si vous n'avez pas lu Requiem…bah vous feriez mieux d'aller vous y mettre, parce que vous ne comprendrez rien à ce qui se passe. De plus, c'est vraiment une grande aventure que j'ai vécu, avec du drame, des clowns, des explosions et de la folie à ne plus savoir quoi en faire…ah…monsieur J. serait si fier.

Cette fois, je me retrouve plongé dans un tout nouveau terrain de jeu : l'univers Marvel ! Eh oui, cette histoire est ce qu'on appelle un crossover !

Quoi ? J'entends pas ce que tu dis, avec ce bâillon…oh, les disclaimers ? Bon bon, s'il le faut…cette histoire est classée M, car elle contiendra de la violence et…des lemons ? Sérieusement ?! Tu te fous de ma gueule, Sorci ? Bon…voilà qui risque d'être intéressant.

Sur ce, je vous laisse, lecteurs. Ciao !

*Après le départ d'Harley Quinn, Sorcikator rampe sur le sol, ligoté comme un saucisson*

J'espère que vous apprécierez ce retour dans ma version de l'univers tordu d'Harley Quinn. N'hésitez pas à laisser des reviews, ça me fait toujours plaisir. La publication sera toutes les deux semaines, alternant avec mon autre fic, Dark Effect.

Bonne lecture ! Hum…quelqu'un peut venir me détacher ?

Chapitre Un

La chute de Gotham

Sommet de la tour Wayne

21 décembre 2012, 0h05

Batman

Mis à genoux par mon ennemie, je ne trouve toujours pas la force de me relever en constatant l'ampleur de mon échec. La brume verdâtre du gaz toxique Delirium s'étend encore au-dessus des rues de Gotham, et peu à peu, les cris d'horreur se taisent pour être remplacés par des ricanements grinçant, des rires hystériques qui vous donnent froid dans le dos. En ce moment même, douze millions de citoyens respirent ce poison qui les plonge rapidement dans une folie meurtrière.

Des fracas plus violents que précédemment témoignent que ça a déjà commencé. Je n'ai aucun mal à imaginer les victimes du Delirium se jeter dans des vitrines, massacrer des voitures jusqu'à ce que leurs mains saignent ou même s'attaquer mutuellement : tout cela, je l'ai vu durant cette journée maudite qui m'a vu échouer dans ma mission.

Échouer.

On m'appelait le protecteur de Gotham. Le chevalier noir, celui qui se drape dans les ténèbres. Je suis Batman. Et ce soir, j'ai tout perdu. Cette ville que j'ai juré de protéger ne pourra plus jamais se relever, mes concitoyens ont été les victimes de ma faiblesse et tous ceux que je considérais comme étant mes amis sont morts. Le plus souvent, de façon atroce.

Comment en suis-je arrivé là ?

Mes poings gantés serrés si fort que je ressens un pic de douleur, je pousse un hurlement d'animal blessé qui résonne en écho à travers Gotham. Sous mon masque, des larmes coulent et me brûlent comme un acide. J'aurais dû le voir venir. Si seulement j'avais dès le départ considéré cette femme en peine comme étant une menace sérieuse. Après la mort du Joker…j'aurais dû envisager la possibilité d'une tentative de vengeance de la part de sa plus fidèle acolyte. Celle qui l'aimait au point de ne plus s'aimer elle-même.

Harley Quinn. Je n'ai pas prêté attention à l'évident traumatisme du décès du Joker. Peut-être ai-je naïvement cru que sans l'ombre autoritaire du Joker, Harley pourrait enfin s'affranchir de lui et guérir de sa folie obsessive ? Et redevenir Harleen Quinzel ? Ce fut tout le contraire. Elle s'est échappé de l'asile d'Arkham, premier indice qu'elle était au-delà de toute rédemption. Mais j'ai préféré me concentrer sur Poison Ivy et Killer Croc, eux aussi évadés durant cette même émeute. À mes yeux, eux seuls étaient une menace sérieuse.

C'était faux. L'obsession d'Harley Quinn pour son psychopathe de petit ami a tellement grandit qu'elle s'est mise en tête de poursuivre ce qu'elle considérait comme étant l'œuvre du Joker. Son parcours a semé chaos et cadavres dans tout Gotham durant des mois. Et lorsque Selina m'a prévenu de me méfier d'elle…juste avant qu'elle ne se fasse elle aussi tuer…il était trop tard.

Durant ce jeu cinglé qu'elle a appelé les Harley Games, elle m'a forcé à courir d'un bout à l'autre de la ville à la recherche de bombes. Pas une seule seconde, je n'ai envisagé la possibilité qu'elle n'avait aucune intention de me laisser une chance de victoire. Elle voulait me briser, après avoir éliminé mes proches. J'ai vaincu son gang et ses As –ces pauvres folles de Black Aces et Red Aces-, mais à la fin, je n'ai pas su la vaincre.

D'un geste mécanique, je retire le masque abimé recouvrant tout le haut de mon visage. J'ai adopté l'apparence d'une chauve-souris afin d'instiller la peur que j'avais ressentis au fond de ce puits abandonné étant gamin à tous ceux qui oseraient s'en prendre aux innocents. Plus de dix ans à combattre ce qui était un havre du crime et de la corruption. Toujours, à chaque fois que je tranchais une tête de l'hydre, une autre repoussait, plus forte que la précédente.

Un jour, un de ces criminels que je combats m'a demandé si ma présence n'aidait pas la propagation de ceux que l'on surnomme les «super-criminels», comme un virus qui devient plus fort en présence d'un anticorps puissant. Ugo Strange était un type dangereux et instable, mais ses accusations n'ont jamais cessé de tourner dans mon esprit, car je me pose parfois les mêmes questions. Depuis ma première rencontre avec le Joker, ma vie a été une lutte perpétuelle contre des adversaires toujours plus dangereux. J'ai connu pire qu'elle. Du moins, je le croyais…

Une partie de moi voudrait jeter ce masque le plus loin possible, comme s'il s'agissait d'un monstre prêt à mordre. Je ne sais pas contre qui je suis le plus en colère, contre elle ou contre moi. C'est Harley Quinn qui a appuyé sur la gâchette, mais c'est moi qui n'a pas su l'en empêcher. Le Batman n'a pas su protéger Gotham. Je n'ai jamais ressentis un tel sentiment d'impuissance, depuis…depuis cette nuit sinistre d'octobre, là où tout a basculé. Je m'étais juré, en enfilant ce masque, que je ne ferais plus montre d'une telle faiblesse.

Vous n'êtes pas invincible ! Vous n'êtes qu'un jeune homme dévoré par la colère !

Alfred, je songe avec amertume. Il n'aimait pas la voie que j'avais empruntée, il ne s'en est jamais caché. Mon plus fidèle ami, celui qui m'a élevé comme un fils, n'a jamais pleinement accepté Batman. Au fond, je me demande s'il ne détestait pas le chevalier noir pour lui avoir volé le Bruce Wayne à qui il laçait les chaussures à l'époque de la maternelle ? Maintenant, il est mort comme tous les autres. Par ma faute.

Elle mérite de payer pour tous ses crimes. Tous ces morts qui hurlent vengeance, toute cette souffrance que Quinn est capable d'infliger…quelqu'un doit l'empêcher de recommencer.

Sans lâcher le masque, je tourne la tête vers l'endroit où mon ennemie se tenait il y a seulement quelques minutes. Alors qu'elle me tenait à sa merci, Quinn a soudain été pris d'une sorte de malaise qui l'a fait me lâcher. Puis, sous mes yeux, elle a été aspirée dans ce trou d'air qui scintille encore parmi les bourrasques enneigées. Semblable à une déchirure haute de deux mètres, l'anomalie semble tordre le composite même de la réalité, aspirant la neige et la poussière comme un trou noir miniature. Ma curiosité me fait momentanément oublier la fin de Gotham et je me lève pour étudier l'anomalie. Harley Quinn a paru être…aspirée, dans cette anomalie. Je me souviens de son corps étrangement distordu, alors qu'elle vivait toujours.

Je renfile ma cagoule et tente de me connecter au Bat-ordinateur afin de procéder à une analyse. Ma tenue comporte de nombreux appareils directement reliés à la riche base de données de mon repaire. C'est essentiel, lorsque l'on doit mener seul des enquêtes que même la police ne peut accomplir. Le compteur Geiger ne décèle aucune radiation nocive, mais il y a un champ gravitationnel étrangement élevé. Je dégage un analyseur moléculaire de ma ceinture et l'approche le plus que la prudence l'autorise. Étrange…en même temps que l'anomalie aspire de la matière, elle en rejette. Sans être un expert en physique avancée, je crois pouvoir avancer que cela pourrait être une faille…et qu'il y a quelque chose de l'autre côté.

Il ne doit pas s'agir d'un trou noir ; autrement, je ne serais déjà plus là pour me poser des questions, et c'est tout le système solaire qui serait condamné. Mais ce que j'ai là est vraisemblablement ce que certains savants appellent un trou de ver. Le Bat-ordinateur m'envoi des liens vers des théories récemment publiées par des physiciens du CERN ; cela concerne les possibilités d'existences de dimensions parallèles au nôtre. Toujours selon ces théories, l'ouverture d'une faille entre les dimensions serait possible, mais les implications d'une telle perspective atteignent des possibilités apocalyptiques. Voilà pourquoi personne ne s'y risque.

Avant que je ne puisse m'interroger davantage sur l'implication d'un tel phénomène ici à Gotham, une vibration familière de mon oreille interne m'avertit de l'arrivée d'un allié pour le moins inattendu. Sa tenue rouge et jaune éclatant dans la nuit hivernale, Flash freine d'un coup sec à quelques centimètres de moi. À peine épuisé de sa longue course pour avoir grimper le long du building, l'homme le plus rapide du monde me dévisage, la mâchoire serrée.

-Désolé d'avoir tardé, dit-il d'une voix précipitée. Quand j'ai vu que tu perdais le contrôle, j'ai couru pour mobiliser la Ligue.

-Il est trop tard pour Gotham…je réponds d'une voix sombre, ma douleur revenant en force.

Je désigne la ville derrière moi, n'ayant même plus la force de me retourner. Flash se retourne et dévisage le carnage, les incendies et les volutes de gaz qui achèvent de se dissiper dans l'atmosphère.

-Je suis vraiment désolé, mon vieux, dit-il en posant la main sur mon épaule.

-Toi et les autres n'auriez pas dû venir.

-Hé, nous sommes une équipe, pas vrai ?

La Ligue de Justice, probablement la plus puissante coalition de la planète, rassemblant certains des plus redoutables super-héros de la Terre. J'y ai eu ma place un jour, lorsque des menaces plus grandes que Gotham méritaient une attention particulière. Mais je ne me sens pas à l'aise dans une équipe. Je travaille toujours mieux en solo. C'est pourquoi je repousse agressivement la main de Flash pour reporter mon attention sur mes analyses, histoire de me garder l'esprit occupé.

-Tu dis que la Ligue est là ? Toute la Ligue ?

-Avec moi, il y a Superman, Green Lantern, Wonder Woman et J'onn J'onzz. Ceux que j'ai pu rassembler quoi.

-Puisque je te dis que c'est trop tard. Regarde Gotham. Il y a plusieurs années, j'ai fait le serment de protéger cette ville à tous prix. Aujourd'hui, j'ai finalement perdu la partie, et c'est tous les habitants qui en souffrent. Leur sang est sur mes mains !

Une alarme résonne sur le Bat-ordinateur. Des intrus se sont introduits dans le manoir Wayne et tentent de forcer l'entrée de la Batcave. Abandonnant l'analyseur, je me saisis d'un autre appareil et pianote une commande sur l'écran tactile. Les systèmes de sécurité d'urgence ne vont pas tenir longtemps contre ce que je soupçonne être les sbires d'Harley Quinn. Entre autre accomplissements, elle aura également été celle qui m'a démasqué. Elle a probablement envoyé un groupe saccager mon repaire. Ce qu'elle ignorait sans doute, c'est que j'ai prévu des mesures pour éviter que la technologie et les données cachées sous ma demeure ne tombent entre des mauvaises mains.

Un nouveau souffle d'air suivit par un crissement dans la neige m'avertit de l'arrivée de quelqu'un d'autre. D'un coup d'œil, je reconnais l'uniforme et la cape de Superman, chef De Facto de la Ligue de Justice. De ses yeux sévères, le Kryptonien m'observe comme s'il tentait de lire en moi. Je reste de marbre, surtout agacé de la présence de ces indésirables.

-Tout va bien mon ami ? demande-t-il.

-Non. Mais ça ne te regarde pas. Ça ne regarde personne.

-Bruce…-je tressaille légèrement à l'utilisation de mon vrai nom-. Ce que tu viens de vivre…je ne te l'envie pas. Mais ce n'est pas de ta faute. C'est cette…Harley Quinn…qui a décimé Gotham. Pas toi !

-J'aurais dû l'arrêter, je rétorque. Mais je ne la considérais pas comme étant une menace, sans le Joker. En la sous-estimant, je lui ai laissé le champ libre. Pour quelqu'un qu'on appelle «le plus grand détective du monde», je me suis fait avoir comme un débutant.

-Où est-elle ? As-tu au moins réussi à lui mettre la main dessus ?

-C'est plutôt l'inverse, j'admets avec honte. Non contente de détruire Gotham, elle m'a vaincu au combat singulier et allait me tuer…

Du pouce, je désigne la faille dimensionnelle. Superman et Flash l'observent avec incompréhension.

-Pendant qu'elle me tenait à sa merci, cette faille s'est brusquement ouverte, l'aspirant vers une destination inconnue.

-Alors elle est morte, s'exclame Flash avec un sourire. Problème résolu.

-Rien n'est jamais simple…

-Comment ça ?

-J'ai des raisons de penser que ce n'est pas une simple faille. Je crois que c'est un passage. Or, il faut bien que cela mène quelque part, n'est-ce pas ?

Je fais face aux deux hommes, heureux d'offrir un masque dépourvu d'émotion afin de ne pas révéler l'homme brisé que je suis. C'est le résultat d'un entraînement spirituel et physique de longue haleine. Depuis que j'ai compris la nature de cette anomalie, un plan fou a commencé à surgir dans mon esprit. Sans prendre la peine de regarder l'appareil que je tiens toujours dans les mains, j'active du pouce le protocole Oméga. Quelque part à plusieurs kilomètres d'ici, le Bat-ordinateur vient de lancer une séquence d'autodestruction qui rasera la Batcave et une partie du manoir Wayne.

-Si Harley Quinn est toujours en vie, je poursuis, elle a été envoyé quelque part. Que ce soit une autre planète ou une autre dimension, je refuse de laisser davantage de gens souffrir par ma faute. Je dois l'arrêter.

-Merde, c'est de la folie ! s'exclame Flash. Dans le meilleur des cas, tu vas te retrouver dieu seul sait où dans l'univers, c'est ça ? Et si jamais ce truc est en fait un piège mortel ? Pour ce que l'on en sait, Harley Quinn est probablement morte.

-Mais nous n'en sommes pas sûrs. Si elle a passé de l'autre côté en un seul morceau, elle sera toujours en état de nuire.

La batwing doit avoir quitté son hangar à présent. D'ici quelques minutes, il ne restera que des ruines de la Batcave. Lorsque le transporteur arrivera, je n'aurai plus le temps de me justifier à ces deux-là. Ils ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre. On ne leur a pas arraché tout ce à quoi ils tenaient, tout ce qu'ils avaient mis sous leur propre responsabilité. C'est mon devoir de pourchasser Quinn, même s'il s'agit de la dernière chose que je ferai de mon vivant. Ce sera…ma rédemption.

-Superman, dis-je en me tournant vers l'homme d'acier, je compte sur toi pour veiller à ce que Luthor ne fasse rien de stupide, du genre d'envoyer une ogive nucléaire sur Gotham. La dernière chose dont on a besoin, c'est que des retombées radioactives se propagent sur la moitié de la côte est.

Il hoche sombrement de la tête. Il est bien placé pour savoir que le président Lex Luthor est un homme dangereux en plus d'être avide de pouvoir, puisqu'il a passé des années à combattre les machinations de cet homme.

-Si le moindre missile quitte son silos, je vais l'arrêter, promet-il. Mais Bruce…tu es sûr de vouloir le faire ?

Je lui jette un coup d'œil. S'il le voulait, il pourrait m'arrêter immédiatement, et même si je n'étais pas épuisé par cette journée cauchemardesque, rien de ce que j'aurais pu faire l'aurait empêché de m'emmener loin d'ici. Cependant…je crois qu'une part de lui comprend mes motivations. Superman et moi partageons un respect mutuel qui pourrait s'approcher de l'amitié. Je me force à esquisser un sourire amer ; je ne suis même pas sûr de mes propres motivations.

Alors que Superman tourne brusquement la tête vers l'horizon, comme s'il avait entendu un bruit, il me demande pourquoi est-ce qu'une explosion a retentit au manoir Wayne. Je ne réponds pas, concentré sur le sifflement supersonique plus que familier. Perçant la couche nuageuse teintée de fumée, la forme effilée de la Batwing descend en piquée vers le sommet de la tour Wayne. Laissant derrière les deux superhéros, je m'approche calmement vers l'appareil me servant de transporteur de ravitaillement, pianotant sur la télécommande associée l'ordre de largage. Aussitôt, une large caisse à la forme d'obus est larguée de l'appareil qui reprend ensuite de l'altitude. Une fois disparue dans les nuages, la Batwing explose, suivant le protocole Oméga. Je n'y prête pas attention et active le déverrouillage de la caisse.

Avec un chuintement ténu, le flanc du conteneur orné d'une chauve-souris coulisse, révélant un véritable petit arsenal. Outre la tenue Mark 23, enfilée sur un mannequin comme un spectre sans visage, je trouve là de quoi me ravitailler en batarangs et en fumigène ainsi des pièces de rechange pour l'essentiel de mes gadgets. Alfred me trouvait paranoïaque d'entretenir cette réserve d'urgence. Aujourd'hui, elle va s'avérer vitale, car j'ignore vers quoi je m'apprête à charger.

Négligeant l'armure et les bottes identiques à celles que je porte déjà, je me saisis des gants renforcés avec un prototype d'alliage créé par Wayne Industries et encore trop coûteux pour être produit en masse. Ces gantelets sont dotés d'un ordinateur intégrés et des crochets rétractiles capables de trancher comme des couteaux. Nouvel ajout, je suis également en mesure de produire des décharges électriques incapacitantes par les doigts.

La cape et la cagoule, en plus d'être en bien meilleur état que les lambeaux ayant survécu aux Harley Games, ont aussi été améliorées avec des prototypes que j'envisageais utiliser de manière permanente. Mon masque couvre notamment tout mon visage et inclus un filtre à air doté d'une autonomie de plusieurs heures. À peine enfilée, la visière s'active et se connecte à l'ordinateur de ma tenue, lançant automatiquement une série de tests.

Je change enfin de ceinture, enfilant une version plus lourde de l'ancienne que je laisse tomber au sol, où elle va d'elle-même s'incinérer. Je vérifie l'emplacement de chaque batarangs, chaque câble à grappin et chaque fumigène, avant de me juger satisfait.

Resté silencieux jusque-là, Flash ne peut s'empêcher de lancer un commentaire.

-C'est quand même impressionnant tous ces bidules, dit-il.

-La tenue Mark 23 est le dernier cri de ce que j'ai pu produire, j'annonce, ma voix résonnant à travers le filtre audio. Je n'ai pas l'intention de me faire tuer immédiatement.

Superman ne dit rien, survolant la ville en parlant avec la radio accrochée à son oreille. Au loin, une traînée verte associée dans mon esprit à Green Lantern m'apprend que la Ligue de Justice est probablement en train de ratisser Gotham à la recherche de survivants. S'ils existent, ils ne doivent plus être nombreux.

Tournant à présent mon attention vers la faille, je constate que les rebords sont moins stables qu'il y a quelques minutes. L'anomalie est en train de se refermer. Mon cœur se serre dans ma poitrine lorsque je comprends que ce sera un voyage sans retour. Néanmoins, je m'y attendais.

-Bonne chance mon ami, dit Superman sans se retourner. Pour ce que cela vaut…je suis désolé pour ta ville et tes amis.

-Ouais, comme il dit, renchérit Flash en me gratifiant d'une claque dans le dos. Bon, je vais aller faire un tour moi aussi, voir si je peux me rendre utile. Ciao.

Il décolle à pleine vitesse, son image restant marquée quelques secondes sur ma rétine après qu'il soit partie. Il n'y a plus d'hésitation à avoir maintenant. La faille tournoie paresseusement sous mes yeux, soudain si effrayante. Qui sait quel genre de monde inconnu je vais y trouver ? Est-ce seulement la Terre qui se trouve de l'autre côté ? Les théories que j'ai consulté tout à l'heure semblent le croire. Un monde semblable au nôtre, mais différent sur certains points. Il est temps de le découvrir.

Sous le regard de Superman, je prends une longue inspiration avant de bondir dans la faille, ma cape claquant dans mon dos. Aussitôt, un bourdonnement semblable à un essaim d'abeilles furieuses m'entoure, et Gotham disparait lentement autour de moi.

XXXXXXX

Ruelle près du Monarch Theater, Gotham

Octobre 1980

Bruce Wayne

Il fallait que je trouve une excuse pour sortir. Les silhouettes hurlant sur la scène me terrorisaient, ce n'est pas de ma faute. Mais je ne voulais pas l'admettre. Je suis un grand garçon après tout, c'est ce que papa me dit toujours. Je dois être courageux, même face à ces…choses. Même si les monstres me suivent partout, jusque dans mes rêves.

Les chauves-souris.

J'ai prétendu ne pas me sentir bien. En souriant, ma mère m'a enlacée et a dit que nous allions rentrer à la maison.

Alors que nous sortons dans l'air frais d'automne, j'essaye d'éviter le regard de papa. Il est docteur…je suis soudain inquiet qu'il aille découvert mon mensonge. C'est le métier d'un docteur de savoir si les gens sont malades ou non, pas vrai ? D'une voix amusée, il confie à maman que de toute façon, il n'a jamais été tellement un fan d'opéra. Lorsqu'il me regarde, il me fait un discret clin d'œil avant de m'ébouriffer les cheveux.

Nous passons à travers une ruelle sombre afin de rejoindre la rue principale. Cet endroit pue, c'est noir dans les recoins, ça me fait peur. Je me presse contre papa, qui n'a jamais peur. Lui, il saura me protéger.

À peine cette certitude éclaire mon esprit d'enfant qu'une silhouette jaillit des ombres, se dressant dans notre chemin. Un homme maigre, mal rasé et crasseux, fouille dans la poche de son manteau en loque et en tire un pistolet. J'écarquille les yeux de terreur. Un fusil, un vrai, sous mes yeux ! C'est beaucoup plus gros que je le pensais. L'homme serre l'arme entre ses doigts noueux et tend une main vers mon père, sur qui le canon est pointé.

-Fais pas l'con, bourgeois, grince-t-il nerveusement en révélant des dents pourris. File-moi l'pognon, ta montre et tes bijoux. Vite !

Papa ne panique pas, il ne semble pas avoir peur. Il lève les bras devant le méchant et lui dit d'une voix douce que ce n'est pas la peine de s'énerver. Lentement, il détache sa belle montre et la lance aux pieds du voleur. Puis, toujours en disant que tout va bien, il fouille dans sa poche arrière et sort son portefeuille qu'il lance aussi. Tremblant, le voleur se penche et ramasse en tâtonnant le sol pour récupérer le butin. Il se tourne ensuite vers maman, qui pousse un cri de stupeur.

-Les bijoux aussi j'ai dit ! beugle-t-il en agitant frénétiquement le pistolet au visage de ma mère qui sanglote.

-Martha ! s'écrit mon père en voulant se placer devant elle.

La détonation m'écorche les oreilles. C'est beaucoup plus violent que dans les films. Sous mes yeux, je vois mon père, montagne immuable, s'écrouler comme au ralentie. Du sang tache sa veste blanche. Ma mère pousse un cri de panique qui fait sursauter le voleur, qui ouvre de nouveau le feu. Maman tombe à son tour, plus vite, et ne dit plus un mot. Le monstre me regarde avec des yeux fous. Je devrais faire quelque chose. Fuir, courir, appeler à l'aide. Je ne peux pas bouger, juste regarder. Le voleur tourne les talons et s'enfuit.

Papa respire encore, mais difficilement, comme s'il venait de courir longtemps. Du sang coule de sa bouche. Il dégage difficilement sa main de sous le corps de maman et tente de la tendre vers moi. Papa essaye de sourire, de se montrer rassurant.

-Tout va bien, Bruce. Ne pleure pas. Tout…va…bien…

Il s'étrangle et pousse des gargouillements répugnants. Puis, sa tête tombe sur le côté et ses yeux me regardent sans se fermer. Mes jambes se dérobent sous moi et je tombe à genoux. C'est de ma faute. C'est à cause de moi. Si je n'avais pas eu peur, on ne serait pas sortis dehors, le voleur ne nous aurait pas attaqués. C'est de ma faute si papa et maman sont morts…

Des larmes coulent sur mes joues. Papa m'a dit de ne pas pleurer. Mais je ne suis pas capable de m'arrêter. Combien de temps je reste planté là, à regarder mes parents qui ne veulent pas se lever ? Je ne sais pas. Je ne prête même pas attention quand les policiers arrivent dans leurs voitures. Je me laisse traîner en arrière en regardant des gens emballer mes parents dans des grands sacs de plastiques noirs. Quelqu'un pose un manteau sur mes épaules et me fait monter dans une voiture.

Je n'ai rien pu faire.

C'est de ma faute.

Maintenant, ils sont morts.

Plus rien ne sera jamais pareil.

Plus tard, lorsque l'officier Gordon m'annonce qu'ils ont déjà attrapé le voleur et qu'ils vont le mettre en prison, je crois que j'aurais dû ressentir de la satisfaction. Il va être puni, non ? Je m'en fiche. Il a tué mes parents. Et je n'ai rien pu faire d'autres que de rester debout à le regarder faire.

Pourquoi ai-je été si faible ?