Titre : Rédemption
Résumé : Qu'est-ce que la confiance ? Vous êtes-vous déjà posé la question ? Alors que Salieri réalise ses erreurs, il voit sa dernière chance de sauver son âme entre les mains d'une personne totalement inconnue… Saura-t-il déjouer les trahisons qui le guettent ?
Pov omniscient
_ Que faîtes-vous là ?se fâcha Constance en voyant Salieri. Qui vous a permit d'entrer ?
_ Madame, j'ai appris la maladie de votre mari, je voulais vous proposer mon aide, lui expliqua l'ancien rival de son mari.
_ Non monsieur, rien, après tout le mal que vous nous avez fait, rien !
_ Ah, c'est vous Salieri, comment allez-vous ?s'émerveilla Wolfgang pas très lucide.
_ Retourne te coucher, repose-toi. Partez, partez je vous en supplie, vous voyez bien que ce n'est pas le moment !
Mozart se leva malgré sa compagne et rejoignit son rival au centre de la pièce.
_ Salieri ! Vous savez Salieri, je ne parviendrais jamais à finir mon requiem, s'attrista le compositeur.
_ Mais si, vous guérirez, le rassura Salieri.
_ Ah non mon ami, la mort est là.
Son épouse le disputa, jugeant qu'ils leur portaient malheur, et s'en alla chercher le médecin après avoir réinstallé son mari au lit. A la seconde où elle quitta la maison, une personne drapée d'une cape à capuche noire émergea de l'obscurité et s'avança vers Mozart. Salieri ne savait pas ce qu'il fallait faire mais se promit d'intervenir si jamais elle attentait à la vie déjà plus que déclinante de Wolfgang. La frêle silhouette retira la capuche qui dissimulait son visage afin de mieux voir le souffrant. Le cœur de Salieri s'arrêta. Il découvrit la secrète muse de son ancien rival : l'amour ! Il n'était plus étonnant que ses compositions soient meilleures que les siennes, ils les écrivaient avec le sang de sa passion, la chaleur de son amour pour la femme qu'il avait épousée !
La visiteuse mystérieuse du compositeur mourant était d'une beauté frappante. De belles boucles vacillant entre le blond et le châtain encadraient son visage en forme de cœur. Ses traits étaient délicats et fragiles, mais on pouvait y lire une véritable force de caractère derrière cette physionomie peu menaçante. Ses yeux étaient aussi purs que l'émeraude et empreints d'un sincère chagrin.
_ Mon pauvre Wolfgang, murmura-t-elle peinée. Mais que t'est-il arrivé ?
_ Vous êtes un ange ?la questionna naïvement ce dernier.
_ Non, bien sûr que non, sourit-elle avec indulgence.
_ Moi je suis sûr que oui !insista Mozart.
_ Je suis venue pour t'aider, lui annonça-t-elle en caressant tendrement son front trop chaud. Veux-tu vivre Wolfgang ? Tiens-tu à ton existence sur cette terre ?
_ Oui ! Je veux vivre, et composer encore !
L'inconnue lui sourit. Ce n'était pas la fièvre qui le poussait à lui accorder sa totale confiance, non, il la connaissait de quelque part et c'était pour ça qu'il avait songé à un ange. Salieri voyant la jeune femme passer son bras autour de celui qu'il s'était juré de protéger, il s'interposa rapidement.
_ Où l'emmenez-vous ? De quel droit ?
La jeune femme posa sur lui un regard dur. Elle n'aimait pas qu'on se mette sur son chemin. Salieri fut une fois de plus émerveillé par la beauté de sa nouvelle muse mais aussi par sa détermination.
_ Si mes informations sont correctes, monsieur Salieri, vous êtes en partie responsable de l'état de Mozart, rétorqua-t-elle glaciale. Je pense qu'il serait dans l'intérêt de tout le monde que vous vous écartiez, pour minimiser les dégâts que vous avez déjà causés.
Même s'il n'avait aucune envie de la laisser disparaître ainsi, Salieri était bien obligé de coopérer. Elle avait raison. Si Mozart venait à mourir de ce mal dont il souffrait, il ferait partie de ceux qui l'avaient assassiné. Quand l'inconnue passa devant lui, Mozart attrapa Salieri par sa veste et s'aida de lui pour marcher jusqu'à la voiture qui les attendait. Il l'aida à y monter, reconnaissant que malgré sa force, la frêle jeune femme ne serait certainement pas de taille à faire monter le souffrant dans l'attelage.
_ Restez Salieri !le somma Mozart.
Le compositeur torturé consulta « l'ange » de Mozart du regard. Cette dernière ne savait pas trop quoi faire de cette requête. Ses pensées se bousculèrent dans son esprit et elle trouva rapidement la solution à tous ses problèmes.
_ Oui, restez. Nous allons avoir besoin de votre secours.
Sur ce, elle appela le cocher qui fit claquer les rênes afin d'élancer les chevaux sur le chemin qui devait les conduire à une de ses demeures reculées. Pendant le trajet, elle s'agenouilla près du souffrant et vérifia sa température corporelle en gardant sa main sur son front. Même s'il se sentait vaciller, Wolfgang ne s'était jamais senti autant en confiance.
_ Vous finirez le requiem de Mozart, Salieri, avec l'aide qu'il pourra éventuellement vous fournir selon son état, ordonna l'inconnue sans quitter son protégé des yeux. La nouvelle de sa mort sera répandue à travers tout le pays, ainsi vous aurez le temps de revoir cette dernière pièce sur laquelle il travaillait.
_ Je vais travailler avec Salieri ?demanda Wolfgang, pas certain d'avoir vraiment compris.
_ Oui, lui sourit-elle gentiment en écartant une mèche de ses cheveux de son front. Vous reviendrez ensuite à Viennes, sous le nom de Salieri, et présenterez votre travail commun. A la fin de la représentation, ton identité sera révélée et ton mérite reconnu de tous. Vous pourriez sans doute en profiter pour honorer le requiem de Mozart…
_ Mais l'empereur Joseph II m'a chassé de Viennes à cause des Noces de Figaro !s'inquiéta le souffrant.
_ Je m'en occupe personnellement.
Cette courte phrase apaisa le malade mais Salieri était moins convaincu quant à lui.
_ Rosenberg ne vous laissera pas faire, la prévint-il. Il déteste souverainement Mozart.
_ Il ne pourra rien faire contre son retour, lui assura-t-elle froidement. Mozart va mourir pour mieux ressusciter.
Les chevaux s'arrêtèrent et le cocher aida Salieri à descendre Wolfgang de la calèche. En de différentes conditions, Salieri aurait prit le temps d'admirer la superbe villa de sa mystérieuse hôte, mais le poids mort de Wolfgang lui pesait trop pour qu'il puisse se le permettre. Il eut grande peine à le rentrer dans l'immense entrée et prit une pause avant de s'attaquer aux interminables escaliers. Il trouva la chambre que la ravissante jeune femme était en train de préparer pour son protégé et installa Wolfgang sur le lit. Non loin, un feu dansait dans le foyer d'une cheminée. La chambre était richement meublée, mais il n'y avait personne pour les servir, ce qui étonna le compositeur italien.
La femme sans nom s'approcha de Wolfgang et vérifia l'état de ses vêtements.
_ Il faut les lui retirer, constata-t-elle. Ils sont trempés.
_ On ne va quand même pas le déshabiller !s'écria Salieri gêné.
_ Voyez-vous d'autres options ?ironisa-telle.
_ N'avez-vous point de domestiques qui pourraient s'en charger ?
_ Il n'y a personne hormis le cocher et mon majordome. Moins il y aura de personnes dans la confidence, moins nous prendrons de risques.
Salieri admit son point de vue après quelques secondes de réflexion et l'aida à le déshabiller avec beaucoup de réticence. Heureusement, elle lui laissa ses sous-vêtements et quitta la chambre pour y revenir avec un habit de nuit qu'elle lui enfila prestement.
_ Et pour sa femme ?la questionna Salieri. Faut-il qu'elle soit avertie de nos desseins ?
_ Non, je n'ai pas confiance en elle. Il va falloir que vous repartiez la voir demain, dans la journée, pour lui annoncer le décès de son mari. Dîtes-lui que vous l'aviez emmené voir le meilleur médecin de la ville en le voyant décliner mais que ça n'a pas suffit.
Le compositeur italien hocha silencieusement la tête, à la fois étonné et émoustillé de l'autorité et de la créativité de cette femme qui le fascinait déjà. C'était une fleure sauvage d'une beauté éblouissante et pour laquelle il éprouvait une passion sans limite. Il aurait tant voulu que le froid entre eux disparaisse et qu'ils se retrouvent seuls au sein d'un lit chauffé par l'interaction brûlante de leur amour.
_ Je vais faire venir mon meilleur médecin, le prévint-elle en se levant promptement. Il rédigera la lettre assurant de votre bonne foi au sujet de la mort tragique de Mozart. Quant à vous Salieri, travaillez ce requiem ou vous ne parviendrez pas à être crédible demain. Je vous verrez tous les deux le soir de la représentation. N'oubliez pas que Mozart est censé être mort et n'évoquez pas mon soutient. Mon majordome a toute ma confiance. Il vous assistera pendant votre séjour ici.
Elle se pencha sur Wolfgang au seuil de l'inconscience.
_ Tu vas guérir Wolfgang, et nous nous reverrons très vite, lui assura-t-elle en caressant ses cheveux.
_ Très vite, répéta bêtement le compositeur autrichien.
_ Oui, très vite, confirma-t-elle avec la douceur que lui seul recevait. Maestro Salieri, le salua-t-elle froidement en se relevant. Tâchez de l'empêcher de faire trop de bêtises.
Et sur ces mots, elle disparut, sans même laisser le temps au célèbre compositeur de lui demander son nom. Sa muse lui manquait déjà, et il se retrouvait seul avec son ancien rival à devoir travailler sur un requiem dont il n'avait même pas les premières partitions. Reproduisant le même schéma que sa muse, le maestro italien s'agenouilla près du souffrant.
_ Wolfgang, vous souvenez-vous des premières notes de votre requiem ?
_ Tout est mélangé dans ma tête, marmonna l'autrichien désabusé. Mais les partitions sont dans les poches de ma redingote.
Miracle ! Au moins ça de gagné. Quand on voyait l'état de Mozart, on ne pensait même pas à solliciter son aide, il était vraiment trop malade. Salieri récupéra les feuilles de brouillon de son ancien rival et se mit à l'œuvre. La chambre dans laquelle ils se trouvaient était justement pourvue d'un piano, et alors que Salieri réfléchissait, il parlait en même temps car il savait que Mozart se concentrait sur son travail pour apaiser ses souffrances et garder pied avec la réalité.
A un moment, en désaccord avec le travail de Mozart, le compositeur italien avait cherché à remplacer une note mais le gémissant génie lui avait expliqué son art et c'est là qu'il put comprendre le talent de cet esprit si juvénile. Sa musique n'en était que plus belle en connaissant les raisons qui la motivaient.
L'inspiration lui échappa après plusieurs heures de travail acharné et il se mit à songer à son aimée. Comment pourrait-il la décrire en une composition ? Avec des notes douces, ça il le savait déjà. Mais Mozart alors ? Mozart était si…particulier… Plutôt décrire sa vie ! D'abord stricte, puis libertine, et enfin mélancolique… Oui ! C'était ça qui manquait ! Il lui fallait intégrer la vie de Mozart dans son requiem, c'était la meilleure manière de lui rendre réellement hommage. Connaissant Wolfgang, il préférerait qu'on célèbre sa vie plutôt qu'on pleure sa mort.
Le compositeur italien eut tout juste le temps de consigner ses idées sur du papier à musique avant que le docteur n'entre pour ausculter le jeune prodige. Salieri cessa ses activités pour assister à l'examen et écouter les conseils du médecin. Ce dernier lui prescrivit une mixture étrange, à prendre 3 fois par jour avant les repas, pendant 2 semaines. Antonio plaignait sincèrement son ancien rival obligé à avaler ça. Le docteur le força à en prendre une fois, avant de partir -en leur laissant le certificat de la bonne foi de Salieri-, et la grimace de dégoût qui s'afficha sur son visage parlait pour lui.
Après le départ du médecin, Antonio s'assit sur le lit de Mozart et l'observa. Pour la première fois de sa vie, il prit le temps de réellement essayer de le comprendre et un sentiment d'empathie s'éprit de lui. Le pauvre n'avait pas connu une vie facile, c'était peu de le dire… Salieri se surprit lui-même de ses pensées. Peut-être que l'amour adoucirait ses mœurs après tout…
_ Je suis tellement fatigué, geignit Wolfgang.
_ Reposez-vous mon ami, lui conseilla Antonio sans ironie pour une fois.
_ Mais… et vous ?
_ C'est à vous qu'il faut penser pour le moment.
_ Venez vous reposer avec moi, le supplia Wolfgang tel un enfant effrayé par le noir.
Voyant l'Italien hésiter, il tenta de trouver des arguments plus poignants.
_ Je ne vais pas vous manger. Je voudrais juste avoir quelqu'un auprès de moi. Je suis mourant et loin de chez moi… c'est tout ce que je vous demande…
_ Bien, soupira Antonio. Mais il vous faut mangez quelque chose avant.
_ Je n'ai pas faim.
_ Le remède sera plus efficace si vous mangez quelque chose. A moins que vous préfériez avoir à en prendre pendant une longue durée… ?s'amusa l'Italien.
_ Beurk !grimaça Wolfgang au souvenir. Dans ce cas je ne mangerais pas grand-chose.
Salieri sourit de sa minuscule victoire, s'étonnant un peu que son cadet l'écoute. Peut-être l'avait-il jugé trop durement… ou peut-être que Mozart en pleine forme prenait un malin plaisir à le contrarier. Oui, Antonio penchait plutôt vers cette possibilité.
L'Italien descendit pour se présenter au domestique gérant la maison et demanda poliment s'il y avait moyen de manger quelque chose. Le domestique l'évalua avec un sourire qui inquiéta le compositeur. L'homme n'avait pas vraiment l'air d'un domestique mais plutôt d'un mercenaire. Des bras comme des troncs d'arbres, la peau découverte étant striée de cicatrices et des yeux de reptiles, l'homme avait vraiment un physique inspirant la confiance… Etait-ce un garde du corps qui leur avait été affublé pour éviter qu'ils s'échappent ?
Malgré les préjugés que Salieri pouvait avoir en regardant cet homme, le « domestique » -si c'était bien là sa fonction- se révéla d'une grande amabilité et l'informa qu'il leur porterait un repas dans l'heure. L'Italien le remercia, troublé, et remonta voir Mozart. L'Autrichien ouvrit les yeux en entendant la porte de la chambre s'ouvrir et s'inquiéta de voir son collègue dans cet état.
_ Quelque chose ne va pas ?lui demanda-t-il anxieux.
_ Je… Vous verrez de vous-même, bafouilla Salieri.
Désireux de penser à autre chose, Salieri attrapa les feuilles de partitions, les présentant à Mozart pour avoir son avis. Ils eurent des désaccords sur plusieurs notes, faisant longuement valoir leurs arguments, mais finirent par s'entendre sur l'ensemble. L'Italien était rassuré de voir Mozart reprendre assez de forces pour se disputer, c'était bon signe.
L'imposant homme qui faisait office de majordome entra dans la chambre après avoir frappé trois coups, portant le repas avec lui. Mozart se ramassa sur lui-même, impressionné et intimidé par le colosse. Il lança un regard effrayé à Salieri pour lui transmettre son sentiment sur l'homme et l'Italien se contenta de lui adresser un sourire contrit.
_ Faut-il que j'allume un feu dans la chambre de monsieur ?s'enquit le majordome.
_ Ce sera inutile, déclina poliment Salieri. Je vais passer la nuit ici à travailler.
_ A votre guise, s'inclina l'homme avant de repartir.
L'Italien jeta un coup d'œil à son collègue, ce dernier suivant anxieusement le moindre mouvement de cette montagne de muscles.
_ Mais où est-on tombé ?s'affola Mozart. Et si ce n'était qu'une vaste machination ?
_ Je croyais que vous reconnaissiez la femme qui nous a emmenés ici, s'étonna l'Italien.
Le malade cessa de gigoter dans tous les sens, se rappelant du fil des évènements, et se laissa aller sur sa couche.
_ Vous avez raison, nous n'avons rien à craindre.
_ Qu'est-ce qui vous rend si sûr de vous ?le questionna Salieri en se levant pour se poster devant la fenêtre.
Le voile noir de la nuit avait toujours procuré à l'Italien un sentiment de sécurité, mais cette fois il n'arrivait pas à être serein. Il ignorait où il se trouvait exactement, ni ce que serait son lendemain… Ce sentiment de jouer sans filets lui déplaisait au plus haut point.
_ Son visage… Je l'ai déjà vue, j'en suis certain !
_ Peut-être à la cour ?proposa Salieri de façon sinistre.
_ Non, il y a quelque chose de différent chez elle, différent d'avant…
_ D'avant quoi ?
_ Je ne sais pas !s'emporta Mozart. Je n'arrive plus à savoir comment je l'ai rencontré, mais il y a déjà plusieurs années de cela, j'en suis persuadé.
_ Mangez et reposez-vous, vous aurez certainement les idées plus claires demain, soupira Salieri.
L'Autrichien boudait puérilement, grignotant à peine un peu du fastueux repas qui leur avait été servit. Salieri finit par le rejoindre et mangea quelque peu, toujours dans ce même silence pesant. Au moment où Mozart commençait à s'endormir, il se souvint de la promesse qu'il lui avait fait et s'installa sur le canapé non loin, se demandant dans quel guêpier il s'était fourré.
