Résumé: L'hiver revêtait sa plus belle robe cette année encore, prête à révéler les rumeurs latentes. Parmi celles-ci, une légende urbaine inquiétait les habitants. À propos d'une créature n'apparaissant que durant les tempêtes les plus froides et virulentes de l'hiver, emportant les hommes avec elle pour ne jamais les rendre. C'était un conte pour effrayer les enfants. Pour leur rappeler qu'il ne valait mieux pas traîner dehors par jour de tempête. Ce n'était qu'un conte. Or, ne dit-on pas que les légendes ont un fond de réalité ?
Chapitre I
« Si j'ai du goût, ce n'est guère Que pour la terre et les pierres. Je déjeune toujours d'air, De roc, de charbons, de fer. »
Arthur Rimbaud.
Le vent grondait violemment sur Kirsha, déversant une poudreuse sur les plaines glacée de l'île. Ses pattes s'enfonçaient en silence dans la neige, étouffant jusqu'à sa présence. La créature plissa légèrement les yeux, grondant doucement et les porta vers l'orée du village. Elle n'entendait pas les villageois, les bourrasques sifflant trop fort à ses oreilles. Elle ne ferait rien aujourd'hui. Léchant ses babines sèches, elle reprit sa marche tranquille vers la montagne, sachant pertinemment que la nature couvrirait ses traces.
La neige s'agrippait aux cheveux du pirate comme une furie ne voulant pas se départager de sa proie. Le vent soufflait avec une rare violence, hérissant l'épiderme d'Ace. Il aurait pu augmenter sa température, mais le risque d'être pourchassé par les villageois était bien trop présent et il ne tenait pas à survivre dehors durant un temps pareil. Entre une auberge et une grotte, le choix était vite fait : la nourriture déjà préparée, il la trouverait dans un endroit peuplé, pas dans la nature. Ses pieds s'enfonçaient, et c'était avec grande peine qu'il faisait de grandes enjambées pour se dépêtrer de la neige. Redressant son chapeau, Ace vit les silhouettes des maisons se dessiner au loin. Il ne lui en fallut pas plus pour qu'il mette les bouchées doubles et se dirige à tout allure vers le village.
Poussant la porte en bois massive de l'auberge, Ace s'empressa de s'y engouffrer, aspirant à la chaleur que lui procurerait l'habitation. Il promena son regard dans la salle d'allure rustique, découvrant quelques courageux villageois ayant bravés la tempête pour venir boire un coup entre amis. Aucun d'eux ne lui adressa un regard. Il s'empressa de fermer la porte, avançant vers le comptoir d'une démarche sûre. L'intérieur était chaleureusement aménagé, le planché grinçait sous ses pas. Les murs étaient en pierres brutes, encadrés par des poutres en bois qui partaient vers la nef. Un escalier du même matériau menait à l'étage en mezzanine. Ace reposa ses yeux vers le comptoir, là où une femme se tenait. Elle était d'âge moyen, les cheveux bruns attachés en une queue de cheval. De petites rides prônaient aux coins de ses yeux pétillants. Lorsqu'elle releva la tête, elle lui décocha un sourire chaleureux.
« Bonjour, voyageur, que puis-je faire pour vous ?
– Le gîte et la nourriture, madame, quémanda Ace d'une voix aimable en ôtant son chapeau. Si vous avez cela, bien entendu.
– Bien sûr ! Attendez (elle passa une main sous le comptoir et en ressortit un menu), choisissez ce que vous voulez là-dedans. En attendant, je peux vous servir quelque chose ? »
Dès lors que la commande fut arrivée, Ace ne patienta pas une seconde avant de se jeter avec une voracité non contenue sur ses repas. Il avait commandé tout les mets à base de viande et les pris en double au plus grand étonnement de la tavernière. Il n'avait pas fait attention non plus lorsque sa narcolepsie frappa. Se contentant de relever la tête et de continuer sa mastication comme si de rien n'était. Une bourrasque plus violente que les précédentes ébranla la bâtisse dans un sifflement perçant, plongeant la salle dans le silence. Les conversations reprirent avec calme, se qui étonna Ace. Les gens parlaient depuis une bonne heure à tue-tête et soudainement, ils baissaient d'un ton. Ce léger détail titilla la curiosité du pirate, tendant l'oreille sur les rumeurs. Une voix d'homme lui parvint, légèrement rocailleuse, grasse.
« La tempête ne va faire qu'empirer, fit voix grasse, il vaudrait mieux qu'on ne remette pas un pied dehors. »
Une seconde voix intervint, calme.
« Je le pense aussi. Ce ne serait pas raisonnable. »
Les hommes sursautèrent alors que la porte claqua violemment, dévoilant un nouvel arrivant affublé de plusieurs couches de vêtements qui s'empressa de claquer le battant.
« Merde, s'exclama voix calme, qu'est-ce tu viens foutre par un temps pareil ici, Phineas ?!
– Je devrais vous retourner la question ! Rétorqua le dit Phineas, ses pieds claquant sur le plancher, vous devriez être chez vous, auprès des gosses. (une chaise racla sur le sol) Franchement, vous devriez montrer l'exemple, ils vont vouloir sortir par ce temps.
– PFAH ! Penses-tu ! Cracha voix grasse, on les a assez fait flipper avec cette foutue légende !
– Justement, raison de plus pour que vous retourniez chez vous. S'agirait pas qu'ils sortent à votre recherche ! Pis, vous feriez mieux de ne pas déranger notre bonne Sophianne !
– Mah, pouffa la concernée, ils ne me dérange pas ! Mais je suis d'accord avec toi, vous avez des enfants et vous feriez mieux de retourner près d'eux ! »
Une vague de protestation s'éleva, mais aucun d'eux ne firent des pieds et des mains pour rester. Ils prirent leurs affaires sans demander leur reste et prirent la porte, affrontant péniblement le froid. Les voyant partir, Ace ouvrit la bouche.
« Non, vous, vous pouvez rester, vous êtes un voyageur, le devança Sophianne, d'ailleurs, je vais aller préparer votre chambre de suite.
– Attendez! L'interpella Ace entre deux déglutitions, je ne voudrais pas paraître indiscret, mais quel est cette légende dont vous parliez à l'instant ?
– Ah ! C'est une légende urbaine qui a prit racine il y a quelques années... Vous voulez la version courte ?
– Qu'importe.
– Très bien. On raconte qu'une créature est apparut il y a au moins six ans de cela. Elle n'apparaîtrait que durant les journées les plus froides de l'hiver et à aucune autre saison. Les dires affirmeraient que bons nombres d'hommes ont étaient dévorés par la bête... Il est difficile de différencier la réalité de la fiction. Ils auraient très bien pu mourir à cause du froid. Son apparition est de mauvaise augure pour la plupart d'entre nous, et bien des gens ont essayés de la tuer, mais rien n'y fait. D'autres affirment que c'est une sorcière qui a prit possession d'une bête.
– Vous savez à quoi elle ressemble, cette bête ?
– Non, ce n'est qu'une silhouette parmi la tempête. Et grand bien nous en fasse que nous n'ayons jamais vue cette créature.»
Ace émit un bruit de gorge songeur, terminant le reste de son repas. La tavernière lui fit signe de tout laisser là, et lui fit signe de la suivre. Opinant du chef, il la suivit frottant discrètement la bouche sur une nappe tricotée. Lui emboîtant le pas, il monta les marches en bois débouchant sur le palier. Plusieurs portes en bois peintes en vert émeraude longeaient les murs. Sophianne entra la première et resta dos à la porte en l'invitant à entrer. Lorsque Ace fut à l'intérieur, la femme lui indiqua qu'elle serait en bas, puis referma la porte derrière elle. Il entendit ses pas s'éloigner et soupirant il se laissa choir sur le lit une personne recouvert d'épaisses couvertures qui grinça. Ôtant son imper noir humide, il le posa sur une chaise à côté pour le faire sécher et roula des épaules. Le tee-shirt s'étira fortement sur son torse. Il n'aimait pas porter de vêtements long. En général, son bermuda lui suffisait amplement.
Or, il avait dû le troquer contre un jean noir pour se protéger du froid. Bougeant ses jambes, il ne put s'empêcher de grimacer en sentant l'humidité du tissu coller contre sa peau. Ne voulant pas l'enlever et s'assurant que personne n'arrivait, il augmenta sa température corporelle et se dirigea vers la fenêtre. Le vent sifflait violemment, martelant avec l'aide de la neige les fenêtres en produisant de petits claquement mous. La visibilité était mauvaise, mais il jura voir quelqu'un bouger dehors. Le pirate plaça sa paume contre la vitre, diffusant sa chaleur doucement pour ne pas faire éclater la fenêtre. Distinguait-il vraiment un humain ? Il plissa les yeux son front touchant la surface glacée. Non, la silhouette se mouvait à quatre pattes avec une grâce perturbante. Ne prenant pas la peine de réfléchir, la réalité s'imposa directement dans son esprit : la bête de la légende. Cela paraissait trop gros pour lui. Il recula en se grattant le front. Qu'allait-il faire ? Se rhabiller et partir à sa recherche au risque d'attirer trop l'attention sur lui ? Secouant la tête, il grogna, ne lâchant pas des yeux l'animal s'éloigner tranquillement.
Soudain, la bête se figea, tournant la tête dans sa direction. Il en était persuadé. Un rugissement lui parvint, pas assez fort pour provoquer un vent de panique au sein des habitants, mais assez puissamment pour qu'il l'entende comme un murmure. Quelques secondes s'écoulèrent et elle s'en alla sans plus un regard, engloutie par la poudreuse. Sans s'en rendre compte, Ace avait retenu sa respiration, les yeux légèrement écarquillés. Un frisson lui parcourut l'échine, une idée se faufila sous son crâne, un souffle d'aventure exquis: il allait découvrir qu'elle était cette bête. Mais pour l'instant, la fatigue pointait derrière ses yeux avec virulence, et il ne lutta pas contre son envie de se jeter dans le lit.
Elle le regardait par la fenêtre, ses yeux inquisiteurs scrutant l'homme aux cheveux d'ébènes. Plus tôt dans la journée, au plus fort de la tempête, elle avait sentie son regard brûler dans son dos, lui hérissant les poils de l'échine. Il la voyait, elle en était persuadée. Collant son museau sur le coin de la fenêtre, elle inspira profondément, essayant de capter son odeur. Une infime flagrance de cet homme lui parvint, la faisant gronder et ronronner. Mémorisant cette trace olfactive, elle s'en détourna et bougea de son perchoir, décidant de sauter de toit en toit. Les probabilités pour qu'elle fasse du bruit étaient nulles. Ses pattes étaient larges et la neiges étouffait ses pas. Et les villageois ne penseraient pas à regarder sur leur demeure après des traces quelconques. Un dernier regard vers l'auberge et elle s'en alla.
Mot de l'auteur: ET DE UN ! Ce n'est pas fameux, mais c'est le début, hein. Je voulais faire quelque chose de plus mystérieux, mais, j'en aurais trop divulgué. Merde, je sais absolument pas quoi dire ! Tu as aimé ? Des bisous et à bientôt pour le chapitre deux !
