Thème 1 : Visiter

Le Clos-La-Rive

Je me souviens de ce jour avec une étonnante netteté malgré les années. J'étais venu parler avec la célèbre Erlésie Deschavelles sur le conseil de sa petite fille Valérie, qui avait été mon élève à Poudlard jusque deux ans auparavant.

C'est d'ailleurs ce jour-là que j'ai rencontré Camille pour la première fois. A l'époque, elle n'avait que 15 ans, était plutôt discrète et il a fallu plusieurs années avant qu'une relation plus étroite qu'une simple amitié se tisse entre nous deux.

J'avais déjà entendu parlé de la famille Deschavelles et des bruits courraient sur les merveilles qui se tenaient entre les murs de leur manoir.

Lorsqu'on arrive au Clos-La-Rive, la première chose qui frappe l'œil et le cœur, c'est l'éblouissante quiétude des lieux. Même les jours de pluie, ce lieu doit dégager de la lumière car quelque enchantement le rend lumineux et on s'y sent immédiatement apaisé.

N'entre pas au Manoir du Clos-La-Rive qui le veut.

Il m'avait fallu auparavant échanger plusieurs lettres avec l'une des maîtresses du lieu, la Dame Erlésie, et j'avais dû prouver mes bonnes intentions pour pouvoir passer les grilles du portail. La mère de Camille et Valérie, Madeleine, m'attendait derrière.

Lorsqu'on entre dans le domaine, le manoir est caché au regard. Il se protège ainsi du regard des moldus. Il faut passer un sous-bois avant que la vue ne se dégage brusquement dans un effet saisissant.

L'immense pelouse ornée au loin d'une roseraie et bordée par la forêt s'avance jusqu'au pied d'une bâtisse blanche de tuffeau dans le pur style renaissance italienne, comme nombre des demeures de cette région de la France. L'harmonie des proportions, l'exubérante rocaille qui se tient à ses pieds autour des marches lui donne un air royal malgré ses dimensions assez modestes.

Mais ce n'est rien à côté de ce qu'on découvre une fois passé le pas de la porte. Il semble alors qu'on entre dans un palais de verre ou de glace. Le sol et les murs de marbre blanc n'ont rien à envier au plus grands palais. Et l'intérieur paraît tiré d'un conte avec sa cascade silencieuse qui miroite à la lumière des fenêtres et recouvre toute une façade et semble venir et s'évanouir de nul part. J'avais déjà entendu parlé du talent de sortilèges des héritières de Rowena Serdaigle et j'avais là sous les yeux un magnifique exemple. Un escalier monumental, chef-d'œuvre de grâce et de finesse, monte en une élégance arabesque vers l'étage, s'arrêtant sur un palier où trône un gigantesque tableau dont la toile demeure vide la plupart du temps. Les marches et la rampe scintillants délicatement semblent faits de cristal.

Rien ne pourrait décrire à sa juste valeur l'enchantement du lieu : le doux murmure d'une fontaine cachée dans un recoin du hall, la lumière semblant irradier de nul part, les fleurs suspendues en cascade et les ombres et délicates nuances qui s'ajoutent naturellement à ce miracle d'architecture...

Le visiteur ne peut que rester stupéfait.

Madeleine m'avait laissé quelques instants pour admirer le lieu et me remettre de mon émerveillement, avant de m'entraîner dans un salon où m'attendait Erlésie Deschavelles.

Je ne vous ferais pas un ici un portrait de cette étrange femme qui ne payait pas de mine, si ce n'est un visage qui semblait avoir beaucoup vu et beaucoup vécu et une espièglerie au coin de l'oeil qui ne demandait qu'à s'exprimer en même temps qu'un certain détachement de ces choses du bas monde.

Dans cette pièce, point d'enchantement. Un aménagement et un mobilier dans le pur style Louis-Philippe, si ce n'est les délicats tons bleus de la pièce. Mais ce qu'on ne peut manquer de remarquer, c'est la magnifique roseraie digne des plus grands jardins qui s'étend aux pieds des fenêtres. C'est une mer de fleurs aux tons multicolores et dont on devine le parfum enivrant.

Combien d'autres merveilles ce manoir recelait-il donc ? Me demandais-je.

Et comme si elle avait lu mes pensées, la Dame Erlésie me fit signe de m'asseoir et remarqua d'un air nonchalant.

« Jeune homme, si j'en crois ce que dit ma petite fille à votre sujet, vous aurez toutes les occasions nécessaires de revenir ici et de visiter le Clos-La-Rive. Je suis certaine que notre petite Camille sera enchantée de vous faire découvrir le parc et de vous faire partager sa passion des roses. »

Camille me fit bel et bien découvrir les trésors de ces jardins.

En effet, comme je vais vous le raconter par la suite, j'eus maintes fois l'opportunité de revenir et je me familiarisais avec certains secrets de ce manoir et cette famille hors du commun. A tel point que je finis par m'y installer dans une période trouble de ma vie.

Et ce fut Camille qui me guida dans la découverte des merveilles du domaine.

J'y ai trouvé aussi les trésors d'un cœur et d'un esprit...