Chapitre lût et corriger par ma béta-lectrice Ayanomenella qui fait un merveilleux travail .
Encore un peu à gauche. Voilà, c'est ça. Maintenant, recalibrer le viseur. C'est fait. Bon, je crois que ça sera prêt pour ce soir.
Enfin, si personne ne m'empêche de m'éclipser discrètement. Normalement, les dragons devraient attaquer ce soir. Comment je le savais ? Si les femmes ont l'instinct féminin, moi j'ai mon instinct de Viking qui me dit que ce soir, j'aurai enfin ma chance de prouver que je suis le digne fils de mon père.
Moi, Harold Haddock, fils de Stoïk la brute, je vais enfin tuer mon premier dragon.
Parce que tuer un dragon, chez nous, il n'y a que ça qui compte. C'est en quelque sorte ce qu'on sait faire le mieux. Avec le temps, j'ai compris qu'il y avait différents statuts que l'on pouvait obtenir suivant le Dragon qu'on tue.
La tête d'une Vipère, ça me vaudrait au minimum d'être remarqué.
Les Gronks sont coriaces. En terrasser un me permettrait à tous les coups d'avoir une petite copine.
Un Braguettaure ? Exotique, deux têtes, double triomphe.
Eh puis il y a le Cauchemar-Monstrueux. Seuls les Vikings les plus valeureux tente leur chance. Ils ont cette sale manie de s'enflammer eux-mêmes.
Mais le top du top, c'est le dragon que nul n'a jamais vu. On l'appelle la Furie Nocturne.
Personne n'a jamais tué une Furie Nocturne.
Pourquoi ? Bah déjà que l'apercevoir revient à voir la barbe d'Odin lui-même ! De plus, il ne se montre jamais, préférant détruire nos catapultes plutôt que de voler nos moutons.
Mais comme personne n'a jamais réussi à en tuer un, je me suis tout de suite dit qu'être le tout premier Viking à l'abattre serait suffisant pour faire oublier à tout le monde que je suis un ...
Harold.
Vous savez à qui on donne ce nom, d'habitude ? Au plus faiblard d'une portée de n'importe quel type d'animaux. Sérieusement, quand je vois un tout petit yak venir vers moi, je n'ai pas besoin de demander pour savoir qu'on porte le même nom.
Je soupirais à cette pensée tout en retirant mon tablier de forgeron que je jetais dans un coin de mon atelier personnel. J'avais au moins le droit de forger des armes contre ces monstres, mais je voulais plus que ça. Je voulais qu'on arrête de me regarder comme le gaffeur officiel de Beurk.
J'enfilais ma veste sans manches en poil de Yak avant de sortir dehors en soufflant un nuage blanc.
L'hiver c'était bien installé. Les rues étaient enneigées et j'avoue avoir souvent eu du mal à me retrouver dans toute cette mer blanche qui m'arrivait jusqu'aux mollets. Dans un grand soupir, je me mis à marcher difficilement dans ce qui semblait être le dernier rempart entre moi et ma maison qui se trouvait un peu plus haut sur une colline.
Pourquoi les dieux se moquent-ils de moi ?
Ma grande aventure neigeuse dura un bon moment avant que je n'atteigne enfin la porte de chez moi. J'aurais quand même apprécié d'y arriver avec moins d'eau dans mon pantalon. Grelottant à cause de la morsure vicieuse du froid, je me réfugiais dans ma forteresse de solitude en espérant silencieusement que mon père ne soit pas là. C'est en frottant mes mains ensemble que j'inspectai les moindres recoins de l'endroit qui m'avait vu grandir. Personne à l'horizon, ouf ! Bon, d'abord monter à l'étage. Une fois arrivé devant la porte de ma chambre, je m'autorisais un sourire triomphant. En ouvrant ladite porte, je sentais enfin le doux parfum de la tranquillité envahir mes narines. Mon sourire partit aussi vite que l'odeur de mon court bonheur quand je vis avec incrédulité le chef de mon village assis sur mon lit, le regard sévèrement braqué sur moi.
Ai-je précisé que c'était mon père ?
Je mordis lentement ma lèvre inférieure en entrant silencieusement, tout en fermant la porte contre laquelle je me collais en attendant ce qui devait arriver.
Ma punition.
Oui, alors en fait, c'est une histoire assez drôle.
-Assieds-toi, ordonna sombrement le roux.
Bon d'accord, pas si drôle que ça, en fait.
-Attends ! Je peux tout t'expliquer, tentai- je en faisant des gestes inutiles avec mes mains.
-Tout de suite ! Tonna la voix du paternel.
J'ai bien failli avaler ma langue en entendant le ton qu'il avait pris.
Je m'avançais en douceur pour ne pas en prendre encore plus pour mon grade, si c'était possible. Une fois assis comme il me l'avait demandé, je me suis mis à fuir du regard la barbe de mon père qui trainait trop près de ma figure, tout ça à cause d'une différence de taille.
Foutus légumes qui n'ont pas fait leur boulot !
-Il faut qu'on parle d'hier soir, commença-t-il en frottant ses paupières avec ses doigts.
Je ne disais rien, le laissant continuer, bien que cela ne présageât rien de bon pour ma personne.
-Je ne sais pas ce qui t'est passé par la tête, mais c'était vraiment la pire de toutes tes bêtises, dit-il en parlant de manière désabusée. Attirer un Cauchemar-Monstrueux ?
-Ben oui ! Comme ça, j'aurais pu être reconnu et apprécié.
-Dans l'Arène ?
-Oui bon, d'accord. Là, c'est vrai que le plan pourrait être remis en question. Surtout quand on sait que l'arène est l'endroit où l'on cache les dragons prévus pour l'entraînement.
-Le plus ridicule, c'est que tu as cru que lâcher un filet sur lui aurait suffi ! Mais non ! Il fallait en plus que tu ouvres les cages des dragons qu'on gardait pour l'entraînement !
-OK, je suis cinglé. C'est ce que tu veux entendre ?
-Si Guelfort et moi n'étions pas arrivés à temps, tu serais mort, assura-t-il gravement.
-Papa je… commençai-je.
-Non. Je ne veux rien entendre, gronda-t-il en se levant. Tu restes ici !
J'écarquillai les yeux en me relevant subitement sous les yeux surpris du chef Viking. Je venais de désobéir à un ordre direct.
-Quoi ?! Non mais ! Enfin, P'pa ! Dis- je, embrouillé.
-C'est comme ça. Tu resteras ici tant que je n'aurais pas décidé de ta punition.
Comme si rester coincé entre quatre murs était une bénédiction !
-C'est injuste !
Il me fixa en fronçant les sourcils. Ho, ho, je crois que je l'ai un peu trop ouvert.
-Parce que tu crois que ce que tu as fait est juste ? À cause de toi, l'arène est détruite, les dragons qu'on avait capturés se sont échappés ! Tu as bien de la chance que personne ne soit mort par ta faute !
Baissant la tête comme si elle était remplie du poids de la honte qu'il venait de me charger, je n'osais plus regarder mon père qui s'était tu après m'avoir rappelé une chose qui était impossible à changer.
Je ne suis pas un des leurs.
Je ne relevai la tête que quand mon chef claqua la porte ce qui ne manqua pas de me faire sursauter. En reprenant mes esprits, je me suis mis à soupirer, grogner, pour enfin m'agiter dans tous les sens en criant je ne sais plus trop quoi, avant de suspendre tous mes gestes pour me laisser lourdement tomber sur mon bon vieux matelas qui m'avait précédemment manqué.
C'est seulement à ce moment-là que je me rendais compte que je portais toujours mon pantalon trempé à cause de cette saloperie de neige qui recommençait déjà à tomber dehors, alors que le crépuscule tombait sur Beurk. De ma fenêtre, je sentais le froid venir caresser mon visage que j'avais emprisonné entre mes bras pendant que j'observais les grands gaillards qui montaient la garde en cas d'attaque. Bon sang ! Leur boulot à eux a l'air bien plus intéréssant que celui de forgeron. Me décollant du paysage qui m'attristait plus qu'autre chose, je retirai le tissu humide qui collait maintenant à ma peau. Une fois enlevé, je reteins un frisson à cause du froid ambiant qui vint caresser sournoisement mon postérieur à découvert. J'envoyai le vêtement froid sur une pille de ce qui semblait être mon linge sale que j'avais oublié de nettoyer.
Encore.
Soupirant bruyamment, je me suis mis à chercher une serviette dans le coffre qui trônait au pied de mon lit. Une fois que j'avais mis la main dessus, je ne perdis pas de temps pour essuyer toute l'humidité présente sur moi. Pendant que je continuais de me sécher, je regardais encore une fois par le cadre en bois duquel je voyais Beurk.
La nuit sombre pointait déjà le bout de son nez, mais ça n'empêchait pas les gens de sortir pour patrouiller. J'en oubliais presque le fait que j'étais presque nu est que quelqu'un pourrait me surprendre ainsi. Jugeant qu'il serait mieux d'être habillé, j'enfilais prestement un nouveau pantalon vert foncé. Eh voilà prêt à faire quoi ?
« Interdiction de sortir, » qu'il avait dit ? Sans le vouloir, je me mordis la langue pour éviter d'insulter mon père. Je me mis à tourner rond dans ma chambre tout en me demandant ce que j'allais bien pouvoir faire pour ne pas devenir chèvre. La seule solution qui me venait à l'esprit était toute trouvée.
Sortir.
Pour sortir, il fallait déjà que je règle un problème. Un sacré problème qui s'appelait Stoïk la Brute. En cogitant un peu, je me suis mis à sourire de manière sournoise. J'avais bien une idée qui me plaisait déjà.
Jouer sur les mots.
En découpant avec un ciseau imaginaire les mots du chef, je pouvais très bien trouver une porte de sortie de cette prison qu'était ma chambre.
Premièrement, il m'a dit et je cite « de rester : ici ».
Sauf qu'il n'a pas vraiment précisé où ce « ici » se trouvait. Donc, en toute logique, je pourrais comprendre qu'il voulait dire…
« Tu restes ici sur l'île de Beurk ! »
Enfin un passe pour la liberté !
Bon d'accord, je jouais un jeu dangereux. Sérieusement, j'osais défier l'autorité du seul Viking à avoir tué un dragon alors qu'il portait encore des couches !
Est-ce que j'y crois ? Carrément !
Mais avant toute chose, il me fallait un nouveau manteau, parce que celui-là ne me protégerait de rien du tout d'après ce que j'avais pu sentir. En farfouillant dans mes affaires, je retrouvai la hache que mon père m'avait offerte pour mes quatre ans. Je me rappelle qu'à l'époque, je ne pouvais pas la faire quitter le sol. Maintenant que j'y pense …
C'est toujours le cas.
Bah faut croire que je ne suis pas fait pour manier des masses ou d'autres types d'armes lourdes. Non, moi je suis plutôt habitué à avoir un petit couteau dans ma botte. Je délaissai l'objet tranchant pour retrouver un gilet ressemblant à l'autre, sauf que celui-ci avait des manches longues bien épaisses qui me protégeraient de ce froid qui commence à me taper sur les nerfs. Une fois bien couvert, je me suis autorisé à sourire en remarquant la faible garde que mon père avait mise autour du périmètre de notre demeure pour m'empêcher de sortir. Mais, comme toujours, il a oublié la porte de derrière.
Je descendis en silence les marches qui me conduisirent à la pièce principale de la maison. Bon, c'était le bon moment pour retenir sa respiration. Le moindre bruit et n'importe qui pouvait débarquer. J'ouvris avec une lenteur presque infernale la porte qui devait me conduire à ma liberté. Une fois entre ouverte, je jetai un oeil pour voir si quelqu'un allait me tomber dessus en hurlant gentiment que je ne devais pas sortir. Une fois que je fus assuré de ne voir personne, j'ouvris en grand la porte en bois en respirant une bonne bouffée d'air frais qui dégageait mes narines un peu bouchées . Je me suis mis à courir en direction de la forêt qui se dressait au loin avec un plan en tête.
Trouver et tuer mon premier dragon.
ooOoo
-Les prochaines expéditions sont annulées pour le reste de l'hiver, informa le chef du village.
Un grand soupir de soulagement sortit de la bouche des Beurkien. Où on était ? Dans le grand hall qui servait de refuge ou encore de salle à manger et de réunion. Le Haddock se mit à faire parcourir son imposant index sur une carte qui retraçait les contours de son île.
-Les patrouilles devront être doublées ici et ici, indiqua-t-il en montrant lesdits endroits sur la carte.
-Nos hommes ont déjà ratissé ces zones, Stoïk , informa Bastok qui voulait se faire plus malin que son chef.
-Je sais mais on n'est jamais trop prudent avec les dragons. Répondit-il en faisant courir son regard sur l'assemblée qui l'écoutait. Écoutez, je sais que j'ai dit que les prochaines expéditions étaient annulées, mais celle prévue dans deux jours tient toujours.
Des regards au coin, des chuchotements plaintifs, des grattages de barbes ou de mentons. Personne n'était vraiment emballé par l'idée de repartir sur les eaux glacées pour chercher le nid des reptiles à sang chaud que jamais aucun Viking de Beurk n'avait trouvé en treize générations.
Pourtant leur chef semblait confiant, comme à son habitude.
-Mais nos bateaux ne reviennent jamais, fit une voix.
-On est des Vikings, ça a toujours été un métier à risque ! Répondit simplement la brute. Qui vient avec moi ?
Il ne reçut que des regards septiques ou hésitants, mais le rouquin de Beurk avait un atout dans sa manche.
-Soit. Ceux qui restent à terre veilleront sur Harold.
Grâce à un miracle d'Odin lui-même, se dit Stoïk, toutes les mains se levèrent ensemble sous le regard satisfait du fier Viking.
-Ah ! Je préfère ça.
Une fois qu'il eut fini, il se dirigea vers une chope servie d'avance sur le comptoir du hall. Il la saisit d'un geste rapide avant de faire descendre le liquide alcoolisé le long de sa gorge, pour finalement atteindre son gosier qui réclamait sa dose quotidienne de bière brune.
-Ralentis ! Sinon tu vas prendre la chope avec ! Se moqua une voix.
Pas la peine de se retourner pour savoir que son ami de toujours se tenait sur sa droite avec une chope fixée sur son moignon : Geulfort. D'un revers de la main, le chef de Beurk essuya les petites gouttes de bière présentes sur sa bouche avant de faire couler un regard sur le blond boiteux qui, lui, buvait jusqu'à plus soif.
-Ha ! Par Thor, y a rien de mieux, assura le forgeron.
-Moins de dragons, souffla Haddock.
-Ça faisait longtemps, soupira l'autre, ennuyé à l'idée d'avoir une nouvelle conversation sur les reptiles.
-Sérieusement, Geulfort, il faut trouver le nid avant que les routes ne soient totalement gelées.
-Ben tiens ! Voilà quelque chose qu'on n'a jamais vu ! Le grand Stoïk veut anéantir les dragons ! Dit-il en montant un peu le volume de sa voix déjà bien élevée.
-Humpf, tiens, maintenant qu'on en parle, il faudrait que tu entraînes de nouvelles recrues.
On change de sujet ?
-Ho ! Parfait ouais ! Et pendant que je serais pas là, Harold pourra garder la forge : métal en fusion, stock de lames tranchantes, livré à lui-même. Ho ! Qu'est-ce qu'on peut bien craindre ?
Voilà une discussion que la brute de Beurk n'aimait pas aborder avec qui que ce soit sur cette île.
Son fils.
-Tu veux me dire ce que je vais faire de lui, Geulfort ? Après ce qui s'est passé, personne n'a plus envie d'entendre parler de lui, souffla-t-il, dépité.
-J'peux le prendre à l'entraînement, dit soudainement l'unijambiste.
Une farce. Voilà comment la proposition du forgeron sonna aux oreilles du chef qui avait les yeux levés vers son meilleur ami qui lui gardait un petit sourire.
-Tu plaisantes, j'espère ? Fit le roux.
-C'est toujours mieux que de le garder enfermé. Il va tourner en yak, mon Harold, si tu ne le fais pas sortir.
Premier point pour Geulfort.
-Geulfort, tu sais comment il est. Déjà tout petit, il était… différent ! Soupira fortement le Haddock, plongeant son nez dans sa chope maintenant vide et fermant les yeux pour mieux se souvenir du bébé qui refusait toutes les armes en bois qu'Odin donnait et qu'on lui offrait chaque jour.
-Harold ne tien pas de moi... entendit le forgeron.
-C'est clair qu'il n'a pas l'attitude ni les muscles pour le boulot, confirma-t-il en buvant sa dernière gorgée, mais tu ne peux pas le garder enfermée, Stoïk, seulement le préparer.
Le manchot dut faire face au regard désapprobateur du paternel qui avait miraculeusement trouvé un moyen d'enlever son nez de sa chope.
-D'accord, ça a l'air mal parti, mais une chose qui est sûre, c'est que tu ne seras pas toujours derrière le gamin. Un de ces jours il va sortir, c'est peut-être déjà fait à l'heure qu'il est !
ooOoo
Plus au sud ? Ou au nord ? Ah, j'en savais rien, en fait.
Depuis un moment, je me demandais où j'allais, la vallée des corbeaux, ou la rivière Coupe-Gorge ? Aucune idée pour l'instant, je me contentais d'avancer dans cette fichue neige qui me freinait et me forçait à faire de grandes enjambées que j'avais du mal à faire, je sortis de ma veste en poil un carnet que je gardais toujours sur moi. Alors… les plans d'un grappin ? Non… la carte des forêts de Beurk ! D'après mes calculs, les dragons devraient se cacher plus au nord de ma position.
Un vrai p'tit chasseur en herbe ! Enfin, en neige, plutôt…
-Je vous trouverai, me promis-je.
J'accélérai le rythme de mes grands pas en espérant trouver un reptile cracheur de feu avant que mon père ne s'aperçoive de ma fugue.
Toute la vie devant soi.
Je soufflai un nuage blanc en observant les alentours. Je ne m'étais jamais aventuré ici, l'endroit était quand même bizarre. Le sol avait l'air d'avoir été piétiné par quelque chose de lourd. Je sentis mon corps se figer en voyant les marques de griffures inscrites dans l'écorce des arbres m'entourant. Bizarrement, je me suis senti excité en voyant que mes théories étaient fondées. Je n'avais plus qu'à suivre les indices que le dragon avait laissés et ensuite, je n'aurais plus qu'à le tuer pour rapporter son cœur à mon père.
Prudemment, je sortis ma dague cachée dans ma botte de droite, tout en fixant le chemin que le lézard géant avait dû prendre, je devais garder mon calme et surtout ne pas me laisser surprendre.
Un bruit de brindille qui craque...
Je me retournai dans un réflexe dont je ne me croyais pas capable et je pointai mon arme en direction de la menace qui venait de s'annoncer.
Un écureuil.
Je me sentis idiot, stupide, enfin vous voyez le genre. Je me suis mis une tape sur le front en fermant les yeux pour ne pas regarder le ridicule de la situation.
Heureusement que j'étais seul.
J'ouvris subitement les yeux en entendant un grondement qui me semblait familier, je tournai la tête dans la direction du bruit qui se rapprochait bien plus vite que je ne l'aurais cru. Je sentis mes yeux s'écarquiller en voyant se profiler à l'horizon un nuage de neige retourné par la course folle d'un troupeau de cochons sauvages qui arrivait justement dans ma direction. Le pire restait bien sûr celui en tête des autres qui se mit à pousser des bruits inquiétants dans ma direction. Pourquoi ? Oui, tiens ! Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire de si grave pour que les dieux se mettent à me détester plus que d'habitude ?
Sérieusement, j'aimerais bien le savoir avant de mourir écrasé.
Et, grâce à ma grande agilité légendaire, je me pris les pieds dans une racine qui sortait justement du sol. Pourquoi avais-je reculé ? Contrairement au dragon Vipère, les cochons poilus, eux, voyaient droit devant eux, pas sur les côtés. Alors j'ai jugé bon de reculer prestement, mais bon, comme je l'imaginais…
Les dieux ont un sens de l'humour très étrange.
Très franchement, tout alla très vite. Je roulai tout bonnement dans la neige qui rendit ma chute moins dure, pas contre les branches et les rochers qui, eux n'étaient pas aussi douillets. Mon corps ne pouvait rien faire. Je dévalais cette pente à une vitesse folle de temps en temps, j'étais propulsé dans les airs par je ne sais quelle force. D'ailleurs, pendant un de ces sauts, je me pris bientôt une branche dans la gueule. En me tenant l'œil, je ne voyais pas très bien ce qui venait. Je continuais de rouler malgré moi, puis, enfin, je commençais à ralentir. J'allais presque remercier les dieux de ne m'avoir pris que mon œil gauche.
J'ai dit presque…
Je me suis senti tomber vers le bas, les jambes en avant. Cette fois-ci, j'ai eu très mal. Les sapins et leurs branches ne m'épargnèrent pas. J'étais ballotté entre les deux arbres comme un mouton mort. J'atterris lourdement sur une branche bien épaisse pour supporter mon corps.
J'ai failli sourire.
J'entendis un craquement. Mon micro-sourire n'avait duré qu'une misérable seconde.
-Ho, non, non ! Paniquais-je en levant les bras.
C'est seulement quand le bois céda enfin que je me rendis compte que mes protestations ne servaient à rien. Je m'accrochai comme je pus en passant mes maigres bras autour de l'écorce en espérant que la suite n'arriverait pas. Pourtant, elle arriva.
Sérieusement ?
Je ne savais pas pourquoi je criais. Franchement, à quoi ça me servait de beugler je ne sais plus trop quoi alors que je glissais sur cette mer opale qui était maudite d'avance par mes soins ? Je me redressais un peu en fixant la forêt qui m'attendait. Maudire les arbres me vint à l'esprit. Ma descente dura encore quelques secondes avant que mon moyen de transport ne bute contre quelque chose ce qui, par ailleurs, me fit m'envoler à travers les hauts sapins de Beurk que d'habitude je trouvais magnifiques vus d'en bas. Je me suis mis à brasser de l'air autour de moi en balançant inutilement mes mains en avant tout en continuant de crier ma détresse à qui voulait l'entendre. Je m'échouai enfin au sol que j'aurais bien embrassé si ce n'était pas un parquet de glace. Je me suis mis à dériver sur la surface bleutée avant de finalement m'arrêter en plein milieu de l'étendue glacée.
Aïe !
Ce fut le seul mot qui traversa mes lèvres un peu fendues quand j'essayai de bouger mes bras. Deuxième test avec mes jambes…
Double aïe !
Rien à y faire, je suis cloué au sol. Alors faisons le point. Je suis blessé et je n'arrive plus à bouger, je suis à la merci de n'importe quel animal qui aurait besoin d'une entrée pour son repas, et pour finir, je suis complètement perdu. Si je pouvais attraper mon carnet, je pourrais me repérer. Problème, je ne peux pas bouger mes doigts qui saignaient à cause des coupures les parcourant. J'ouvris un peu les yeux en sentant un goût nullement agréable dans ma bouche.
Du sang.
Je crachai du mieux que je pus le liquide rougeâtre sur ma main. Je songeais un instant à m'entraîner plus tard à l'art du crachat Viking que beaucoup maitrisaient sur cette île.
Passons.
-Je ne vois pas comment ça pourrait être pire, soufflais-je faiblement.
Parfois les dieux vous entendent, ou alors ils jouent la sourde oreille.
Je me demande bien à quel moment ils vont arrêter de m'écouter me plaindre. J'entendis un sifflement dans l'air qui ne me présageait rien de bon. Sorti de nulle part, mon couteau que j'avais perdu pendant mon formidable voyage se planta à quelques centimètres de mon nez. Mes yeux s'ouvrirent grands encore un peu et je devenais plus laid que Rustik. Une fois la peur passée, je me suis mis à soupirer.
Il me fallait un nouveau pantalon.
ooOoo
-Attention !
L'odeur du bois brûlé, les cris des Vikings qui chargeaient sur leurs ennemis de toujours, les bruits de métal s'écrasant sur les dents acérées des reptiles.
Stoïk Haddock avait l'habitude de tout ça.
Chargeant tel un yak, il donna un crochet du gauche à une Vipère qui alla s'écraser dans une charrette qui craqua sous son propre chef ne perdit pas de temps pour rejoindre la place principale de laquelle les combats faisaient rage. Une fois arrivé sur place, il constata immédiatement que demain, il allait avoir une longue journée concernant les réparations du village.
Comme d'habitude.
Laissant de côté ces pensées que peu de Vikings auraient eues, il chargea sur un Cauchemar qui avait eu la brillante idée de glisser sa tête dans une maison pour y chercher un butin. La brute en chef saisit la queue du reptile cracheur de feu, puis il tira de toutes ses forces pour l'envoyer valser plus loin. Le démon, comme ils l'appelaient, se mit à crier dans sa direction en s'enflammant lui-même, chose que tous les autres de son espèce savaient faire. Il chargea sur Stoïk qui l'évita d'une roulade sur le côté, puis le dragon donna un coup de queue qui fit tomber la brute au sol. Il essaya de se relever bien vite, mais le monstrueux avait d'autres projets pour lui. Il ouvrit grand la gueule que le roux bloqua avec ses mains, la forçant à rester ouverte pour éviter de servir de déjeuner à ces créatures de l'enfer.
-Tirez !
La rangée de dents du dragon rouge claqua fortement devant le visage neutre du Haddock. Elle était à présent fermée grâce à une corde avec des boulets au bout. Il recula en poussant de ses mains et de ses pieds. Il soupira de soulagement en voyant d'autres guerriers de son village arriver pour capturer la bête qui se débâtait du mieux qu'elle pouvait.
Comme d'habitude.
Une main voulut se mettre en travers de sa vision. Levant les yeux en l'air, il sourit de la même manière que son meilleur ami de toujours. Il saisit l'aide généreusement offerte tout en soufflant sa frustration devant sa pitoyable performance.
-T'es pas en forme mon vieux, fit remarquer le forgeron à une main.
-Je sais pas ce qui m'arrive Geul'. D'habitude, je n'ai aucun problème avec ce genre de dragons, souffla-t-il en fixant le Cauchemar-Monstrueux se faire entraîner vers une cage prévue pour lui.
-Tu ne devrais pas t'en faire pour ça, quelques semaines à voguer sur l'océan et tu reviendras aussi fort qu'avant, assura le blond avec un sourire jusqu'aux oreilles.
-Humpf, fit-il simplement en prenant une masse qui traînait par là. En attendant, on va s'occuper d'eux !
Comme d'habitude, le chef de Beurk cria avec Geulfort tout en courant vers leurs ennemis naturels.
ooOoo
Je tremblais, je claquais des dents. Si je le pouvais, je me ferrais un bon feu, mais pour l'instant, tout ce que je peux faire, c'est prier la déesse Freya.
Encore une fois.
Je ne savais plus si mes yeux sont ouverts grâce à ma volonté, ou parce que mes paupières sont gelées. Je fixais ma main endolorie ma peau avait passé du rose bébé à un bleu inquiétant. Sur le coup, je me suis dit que mourir de froid pourrait être pas si mal. Au moins, je n'aurais pas mal. Je connaissais un gars qui avait perdu un orteil à cause du froid. Il m'avait raconté qu'il n'avait strictement rien senti et qu'il n'avait pas saigné. J'aurais dû lui demander si on pouvait avoir le cerveau congelé. Je me surpris à ricaner à cette pensée.
Je suis idiot.
Comment ai-je pu croire qu'une pauvre crevette qui parle comme moi aurait réussi ? Je suis tout le contraire de mon père, alors pourquoi me suis-je embarqué dans cette stupide chasse au dragon ? Je n'avais quasiment aucune chance face à eux au pire, je pouvais toujours leur servir de cure-dent.
Je levai les yeux pour les contempler dans le reflet de la lame brillante grâce aux rayons de lune qui éclairaient l'endroit dans lequel j'étais étalé comme un cochon mort. Je ne voyais pas grand-chose à part mes iris vert feuille que je tenais de mon père.
Mon père...
En pensant à lui, je me disais qu'en ce moment, il devait me chercher partout. Oui, enfin, dans mon monde idéal rempli de gloire pour moi, mais je savais très bien qu'il ne devait même pas penser une seule seconde à l'échec que je représentais. Non, personne ne pense à moi. Peut-être Geulfort, à la limite.
Soupirant faiblement, je fermais enfin mes paupières en attendant l'heure funeste arriver, d'après moi très lentement.
J'ouvris les yeux quand mes oreilles entendirent un bruit sourd. Cela n'avait duré qu'une seconde, mais j'aurais juré avoir entendu quelque chose, un bruit venant d'en haut, si je me trompais pas. L'espoir revint envahir mon corps presque gelé. J'essayais vainement de sourire, mais le sang présent sur mes lèvres les avait glacées entre elles. Puis le bruit faisant claquer l'air cette fois-ci revint se faire entendre. Mes yeux s'écarquillèrent quand je reconnus ce bruit que je connaissais depuis mon enfance.
Le hurlement de la Furie Nocturne.
Tout le monde sur Beurk avait entendu ce bruit au moins une fois dans sa vie. L'air autour de moi semblait fuir quelque chose. Je me forçais à lever les yeux vers mon couteau qui masquait mon champ de vision. Un nouveau bruit secoua la mer de glace sur laquelle j'étais coincé. Cette fois-ci, une ombre me cacha des rayons lunaires. Mes yeux grands ouverts, je n'osais pas imaginer ce qui se dressait devant moi. Puis mon outil de chasse se fit balayer par un coup de queue rapide l'envoyant bien plus loin. Ma respiration se coupa comme le reste de mes pensées quand je vis avec un sentiment d'excitation mélangé à de la peur les pattes sombres de ce qui semblait être l'objet de ma quête.
L'enfant maléfique de la mort et de la foudre.
L'une de ses pattes avant se mit à bouger dans ma direction. Je fixai avec la peur au ventre les mouvements de la Furie qui se contenta de poser ses longues griffes sur mon dos.
Il pensait que j'étais mort ?
Il continua de tater le reste de ma carcasse avant d'appuyer un peu trop fort sur ma tête, ce qui me fit gémir de douleur. Il recula son membre immédiatement après m'avoir entendu. Quelques minutes de silence plus tard, il passa sa queue sous mes côtes pour me retourner comme une crêpe.
Le voilà.
Je pus enfin voir la tête du dragon noir qui me fixait avec ses deux grands yeux verts. Si seulement je pouvais bouger, je pourrais le tuer, gagner l'honneur d'être reconnu comme le plus grand Viking de l'île de Beurk. Je crois qu'en ce moment, je souriais. Quel abruti je faisais !
Je ne pouvais pas bouger.
Je suis mort d'avance. Pour une fois, je n'aurais pas terni la réputation du chef. Une larme de joie coula de mon oeil et descendit le long de ma joue avant de finir sa course sur l'une des griffes sombres du dragon sombre que j'avais complètement oublié. Il porta mon unique larme à son nez qui remua doucement. Il reniflait mes larmes ? Il fit voyager ses pupilles de moi à la bille d'eau qu'il tenait. Puis ses oreilles qu'il avait gardées dressées depuis le début s'abaissèrent. Son regard se fit plus menaçant. Si, auparavant, il me fixait avec deux billes sombres, maintenant, il n'avait plus que deux fentes qui me rappelèrent ceux des chats la nuit.
Par Thor, qu'allait-il faire ?
La lune créa une auréole juste derrière sa tête qui le rendit captivant. Je me surpris à trouver les yeux de ce dragon magnifiques. Puis, il imposa son membre sur mon torse. Je ne sentais rien par ce contact à part l'extraordinaire force que l'animal possédait. Puis il fit un geste qui aura eu le mérite de me faire crier. Le bout de ses griffes déchira mon haut en même temps que ma chaire. Puis il fit descendre sa torture plus bas jusqu'à atteindre mon ventre qu'il épargna, préférant s'arrêter juste à la limite que représentait mon nombril. Je me suis mis à suffoquer en voyant le sang couler des trois plaies béantes que venait de m'infliger le Nocturne fixait avec une certaine lassitude le sang présent sur ses griffes. Puis sous mes yeux horrifiés, il passa son immense langue sur le liquide rougeâtre qui m'appartenait. J'exprimai une mine de dégoût en tournant les yeux pour ne pas le voir finir son repas…
Aidez-moi !
J'avais trop mal. Je perdais beaucoup trop de sang. Bon, OK, il ne les avait pas enfoncées trop profondément, mais ça faisait un mal de chien ! Encore une fois, j'essayai de bouger mon bras droit pour protéger ma plaie de la morsure du froid, mais la patte de la Furie me bloqua dans mon entreprise. Je me remis à braquer mes yeux sur la bouche maintenant couverte de mon propre sang que le reptile cracheur de feu avait léché avec gourmandise. Plus haut, j'ai eu à affronter le regard sombre que le dragon m'offrait. Puis il entre ouvrit la bouche. Je m'attendais à ce qu'il me croque la tête ou un truc du genre, mais à la place, il laissa couler un étrange liquide bleuté brillant sur mon torse marqué. Ce truc se mit à entrer dans mes plaies avant de disparaître de mon champ de vision. L'enfant de la foudre relâcha sa pression en reculant de quelques pas.
Quelque chose n'allait pas.
Mon corps, il avait bizarrement arrêté de trembler à cause du froid. Ce qui me troublait le plus restait cette chaleur. Oui, je suis sûrement devenu fou, car cette chaleur commençait à grimper le long de mon corps. Elle remplissait chacun de mes membres qui se mirent à trembler, non pas de froid, mais d'autre chose que je n'aurais pu dire tellement j'étais choqué pour parler ou encore même détacher mon regard de la voute céleste que je me mis à fixer alors que je hurlais à plein poumons.
La chaleur s'était transformée en douleur.
Je me suis mis à crier en balançant ma tête en arrière, mais qu'est-ce qui m'arrive ?! Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais ça ne veut pas s'arrêter. Mes sens se mirent à me jouer des tours infernaux. J'entendais des bruits qui, jusque-là, m'étaient inconnus. Les étoiles devant moi commençaient à se rapprocher. Je me mis à trembler bien plus violemment que tout à l'heure. le haut et le bas commencèrent à se ressembler, le chaud ou le froid devinrent bientôt la même chose pour moi. Ma respiration se coupa. Je gardai les yeux grands ouverts alors que mon torse se soulevait. J'essayais de respirer mais mes narines refusaient d'aspirer l'air dont j'avais tant besoin.
J'étais mort.
J'en avais la conviction jusqu'à-ce que mon nez pût enfin reprendre son rôle. Je me laissai de nouveau tomber sur le parquet de cristal dans un gémissement plaintif.
Mal de tête.
Maintenant, je pouvais respirer comme bon me semblait. D'ailleurs, j'arrivais à bouger mon cou pour soulever un peu ma tête et regarder la Furie Nocturne qui commençait à partir en me tournant le dos. Non, non !
-Re... reste... reste… reste là... soufflai-je avec des difficultés respiratoires.
Je levai une main dans sa direction en espérant attirer son attention. Je devais au moins ramener quelque chose pour prouver mon histoire. Je ne pourrais pas supporter de rentrer bredouille. Non, je devais au moins avoir une preuve que cette nuit n'était pas une invention du gaffeur de Beurk. Allez, allez, reviens !
Mais il ne revint pas.
Il s'arrêta simplement dans sa marche. Il braqua ensuite son regard dans le mien. Il fit alors quelque chose d'étrange. Dans ses yeux, je voyais quelque chose que je n'avais encore jamais vu de ma vie.
Fierté.
Son regard n'exprimait que ceci.
Fierté.
Je ne compris pas pourquoi ce dragon me donnait ce sentiment. En fait, je ne pouvais qu'imaginer ce qu'il voulait me dire, aise le seul mot qui me vint à l'esprit quand mes pupilles croisèrent les siennes n'était que celui-ci.
Fierté.
Ce qui vint ensuite fut comme un rappel à l'ordre pour moi. Il leva sa queue munie d'une petite paire d'ailes. Il suspendit son geste en m'accordant un dernier regard que je me surpris à renvoyer malgré moi. Il abattit de toutes ses forces son membre contre la glace présente qui craqua évidemment sous le coup. Des fissures parcoururent la surface bleue avant de se diriger vers moi. Puis je vis avec surprise les lignes se séparer pour ensuite entourer le reste de mon corps. Comment avait-il fait ça ? Mes questions à l'encontre du dragon stoppèrent quand je remarquai le bruit inquiétant qui venait juste au-dessus de ma tête. Puis je dirigeai mon regard sur la Furie Nocturne qui ouvrit grand ses ailes. Il les fit battre quelques secondes avant de donner un grand coup qui le fit s'envoler, déclenchant une rafale de vent qui secoua l'air autour de moi. Une fois la bête à écailles dans le ciel, je sentis le poids de mon corps faire craquer le reste de la glace.
Une mort paisible.
Ce fut ce que je pensais quand je tombais dans l'eau glacée. Tout me semblait tourner au ralenti autour de moi. Je ne pouvais toujours pas bouger, pourtant je tentais vainement de tendre une main vers le cercle menant à la lune. Oui, l'endroit duquel je venais de tomber laissait voir l'astre de la nuit qui éclairait la pénombre dans laquelle je sombrais doucement.
Voici la fin d'Harold Haddock.
Un goût amer, une sensation d'être minable, de n'être qu'un grain de sable. Plus la lune s'éloignait de moi, plus je pensais à ce que j'étais. J'expirai quelques bulles d'air qui se mirent à monter vers la surface de l'eau sur laquelle elles éclatèrent. Une fois que je sentis la caresse du sable contre ma nuque, je sus que je venais de toucher le fond. Mes membres meurtris se posèrent aussi alors que je plissais les yeux devant ma mort. J'avais encore un peu d'oxygen dans les poumons, autant en profiter pour sourire une dernière fois.
J'aurais essayé.
J'aurais tellement voulu être un des leurs.
J'aurais aimé que mon village m'accepte.
J'aurais voulu que mon père me reconnaisse comme son fils.
Maintenant, je vais rejoindre ma mère au Valhalla. J'arrive, maman, juste le temps de rendre mon dernier souffle.
J'entre ouvris les lèvres pour laisser échapper la dernière bulle de vie que je gardais si précieusement. Puis je fermais mes paupières en espérant silencieusement que tout se passe vite et sans douleur.
ooOoo
La bulle fit son chemin jusqu'au cercle de glace. Puis elle éclata. La clairière resta ainsi, un calme absolu, un silence qui ne pouvait pas annoncer la suite des événements.
ooOoo
-Stoïk !
Courant comme un dératé, le chef roux fit un bond pour ensuite attraper la tête d'un Cauchemar-Monstrueux en se tenant aux cornes du dragon qui secoua sa tête pour se débarrasser de la menace viking qui ne voulait pas lâcher prise. Puis la brute referma sa prise sur l'animal. Il revint sur le plancher des yaks tout en forçant sur ses jambes. Il fit un tour sur lui-même toujours en tenant le dragon de couleur verte qui décolla du sol, continuant de tourner en brassant l'air autour de lui. Stoïk lâcha sans prévenir le monstre fait d'écaille qui entraîna deux autres dragons dans sa course avant d'aller s'échouer dans une cage assez large pour eux trois qui se referma tout de suite après avoir reçu les démons envahissant Beurk.
-Eh ben tu vois que ça revient ! S'exclama Geulfort.
-Je dois bien admettre que tu avais raison, souffla-t-il. Il fallait juste que je m'échauffe un peu.
-Bien parlé ! Bon, tu viens boire un verre ? Proposa l'unijambiste.
-Non, Geulfort, je dois diriger les réparations du village.
-Tu va y passez la nuit, mon bon chef !
-Bois pour moi, fit-il vaguement en se dirigeant vers un groupe de Vikings.
Si seulement il avait eu le temps de penser à son fils cette nuit-là…
Il aurait peut-être pu savoir qu'il allait le perdre à jamais.
Harold Haddock n'existait plus.
