Gabriel sait qu'il commet une folie, un crime diraient certains, si ce n'était pas à un ordre qu'il obéissait – quand c'est Lui qui demande, impossible de refuser, même si Sa demande va à l'encontre de toutes les règles que vous pouvez imaginer et suivre.

Et puis, ce n'est pas comme si Gabriel n'avait pas l'habitude de ce genre de choses. Regardez ce qui s'est passé avec la petite Maryam de Nazareth. Regardez ce qu'est devenu l'enfant qu'elle a porté.

C'est facile d'enjôler Balinor lorsque le seigneur-dragon passe par Ealdor pour fuir la grande purge d'Uther – très peu d'hommes sont capables de résister à un joli minois qui se jette pratiquement sur eux, et Hunith est loin d'être un laideron. Il ne reste que peu de temps, mais bien assez pour qu'à son départ, le véhicule de Gabriel soit devenu l'incubateur d'une future bombe à retardement.

Parce qu'au fond, c'est un peu ça que deviendra cet enfant : jamais encore la magie de la Terre et le pouvoir céleste ne sont mélangés ainsi, n'ont été combinés de la sorte.

Et puis, les Néphilim ne sont pas connus pour tresser des couronnes de fleurs et gambader nus dans les champs. Ils sont connus pour le danger qu'ils représentent, parce qu'ils sont bien trop puissants pour que quiconque parmi les anges ou les humains puissent les affronter à la loyale. Et cet enfant sera encore pire, en tant que rejeton d'un Archange.

Gabriel rumine ça tout le long de la grossesse – cinq mois à peine, ça aide à brouiller les pistes, les limiers d'Uther ne relient pas le père de l'enfant d'Hunith au dernier seigneur-dragon puisque les dates ne coïncident pas. Parfois, il se demande si ça ne serait pas mieux de renoncer et de tuer l'enfant avant même qu'il ne voit le jour.

Il n'ose pas, bien sûr. Gabriel a toujours eu un certain faible pour les bébés, et celui-là est à lui. Au moins pour un tiers – comme Balinor a donné sa semence et sa magie, comme Hunith a donné son corps, Gabriel donne ses pouvoirs. Ça veut bien dire qu'il est aussi un peu parent, non ?

Quand l'enfant naît, c'est difficile. C'est comme si Gabriel s'arrachait un bout de lui – d'ailleurs, c'est ce qu'il fait, cet enfant détient une partie de son essence angélique, c'est un peu une partie de l'Archange, tous les enfants sont une partie de leurs parents.

Il a aussi des yeux jaunes de pouvoir magique, et Gabriel est obligé de placer un sceau sur le fragment de grâce accroché à l'âme du bébé – il fera toujours des petits tours, mais il ne risquera pas de faire exploser le cerveau des gens rien qu'avec un pleur. Ça se dissoudra au fur et à mesure qu'il grandira, qu'il exercera son pouvoir.

Gabriel voudrait voir ça, mais c'est défendu. Un ange n'a pas le droit d'avoir de bébé, rien que des frères et sœurs. Alors il s'en va, quitte le corps d'Hunith en ne lui laissant de leur cohabitation de quelques mois que le souvenir de Balinor et un bébé à élever.

Il s'attarde juste assez longtemps pour apprendre comment elle l'appelle.

Merlin.