Le combat contre le Capitaine Tôsen venait à peine de prendre fin que je m'étais lancé dans de nouveaux affrontements. Mes blessures me faisaient affreusement souffrir, et la douleur finit par avoir raison de ma volonté. Je m'effondrai sur le sol.

« Kensei-Taicho… » Ces paroles s'échappèrent de mes lèvres, sans que je puisse les retenir. Un voile m'obscurcissait peu à peu la vue. Il me devenait impossible de fixer mon regard et je me sentais emporté loin des combats qui faisaient rage autour de moi. Il faisait froid…si froid…


Des bruits résonnaient dans le lointain…on rigolait…Rangiku ? Oui, à n'en pas douter, ce rire si franc et provocateur lui appartenait bien.

J'ouvris peu à peu les yeux afin de vérifier la présence de mon amie à mes côtés. Mes paupières étaient si lourdes que cette simple action me sembla durer une éternité.

Une lumière vive m'éblouit, et je commençai à distinguer des formes qui se déplaçaient autour de moi. Je reconnus dans la foulée l'infirmerie de la Soul Society, située dans les quartiers de la Quatrième Division du Seireitei.

*Cela semble être un bon présage* songeai-je. *L'issue des combats contre Aizen aurait-elle tourné en notre faveur ?*

« Oooooh Shuuhei ! Tu ouvres enfin les yeux ? Je commençais à me demander si tu ne prenais pas un peu trop de plaisir à te faire cajoler ici par Unohana-sama et ses jolies assistantes…il va falloir que je te fasse un résumé complet de ces dernières semaines, quelle plaie ! Eh, tu m'écoutes, dis ? »

Rangiku avait prononcé ces dernières paroles en m'assenant une petite claque sur le bras. Elle était assise sur une chaise disposée près du lit sur lequel on m'avait installé, et tenait dans les mains une revue qui semblait être la source de ses gloussements répétés.

« Matsumoto-san, si vous ne faites pas moins de bruit, je n'hésiterai plus une seule seconde à vous mettre à la porte. Ma patience est grande, mais comporte tout de même des limites. Brutalisez encore une fois l'un de mes patients, et croyez-le bien, vous en répondrez » le Capitaine Unohana termina sa tirade sur un grand sourire à l'attention de Rangiku. J'en eus la chair de poule, et il semblait que son intervention eut les mêmes effets sur l'intéressée.

Elle s'était renfoncée dans la chaise placée à côté du lit sur lequel je me trouvais.

Une fois le Capitaine Unohana partie, elle ne résista pas à la tentation de se remettre à parler, cependant à mi-voix cette fois-ci. Elle se pencha vers moi pour que sa voix se fasse la plus silencieuse possible.

« Comment te sens-tu Shuuhei ? Désolée pour tout à l'heure… j'étais vraiment impatiente que tu reprennes connaissance, il faut quand même admettre que ces trois dernières semaines en ton absence n'ont pas été le moins du monde distrayantes. » Elle leva les yeux au plafond en poussant un long soupir traduisant sa contrariété.

Je réussis à articuler quelques mots :

« Trois…semaines… ? »

« Oui mon petit Shuuhei, la situation est rétablie ici à la Soul Society. Aizen et les Arrancar ont été maîtrisés. Tu es resté inconscient tout ce temps après ton combat contre…Tôsen »

Je parvins à me redresser lentement, en me calant contre la tête du lit, et commençai à reprendre contrôle de ma voix :

« Ne me traites pas de petit…comment vont les autres ? Izuru ? Le Capitaine Yamamoto ? Et…»

« Arrête de t'agiter de la sorte ! » protesta Rangiku en fronçant les sourcils « Si tu ne fais pas preuve d'un peu plus de discrétion, je vais me faire sortir ! »

*C'est l'hôpital qui se fout de la charité* pensai-je, en lui adressant un regard moqueur.

Elle se pencha à nouveau vers moi pour me répondre.

« Les autres vont bien. Simplement, certains ont mis plus ou moins longtemps à se remettre de leurs blessures. La ville de Karakura a pu être protégée, c'est l'essentiel ». Son regard se perdit au lointain lorsqu'elle acheva cette dernière phrase; sa voix tremblait un peu.

« Rangiku, qu'est-il arrivé à Aizen ? »

« Stoppé par notre mignon de Shinigami remplaçant, Ichigo. Il va être jugé dans les prochains jours par la Chambre des 46 bureaux de Chuô » Elle m'adressa un sourire éclatant.

J'enchainai alors vers la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment

« Et Gin ? »

Elle se recula un peu, et baissa légèrement la tête sur ses genoux.

« Gin, quant à lui…Gin n'est pas le traitre que l'on croyait, Shuuhei. Il…il a essayé de contrer Aizen, et a dû en subir les conséquences »

Je pouvais distinguer des larmes qui commençaient à emplir ses yeux, et ses lèvres s'entrechoquaient dans un effort désespéré pour ne rien laisser paraître.

Je pouvais ressentir son désespoir au plus profond de mon cœur, et cela me déchirait de ne pas savoir comment apaiser sa souffrance. Je lui saisis la main, en un geste de réconfort. Elle resta dans cette position quelques minutes, silencieuse.

Elle se releva brusquement, se pencha vers moi afin de déposer un baiser rapide sur mon front, et se remit à glousser quand je tentai (en vain) de l'en empêcher.

« Je te laisse, Shuuhei. Renji et le Capitaine Hitsugaya se sont mis en tête de perfectionner leurs techniques depuis notre retour de Karakura, et je me suis faite entraîner dans leur manège, il faut que j'y retourne…pfff, quels idiots ces deux-là, pourquoi ne pas profiter plutôt des beaux jours qui arrivent ? »

Elle lâcha un long soupir pour marquer son mécontentement, puis tourna le dos en faisant voltiger sa longue chevelure. Elle s'apprêtait à quitter la pièce lorsqu'elle fit soudainement volte-face en affichant un regard malicieux, qui ne laissait rien présager de bon pour ma pauvre personne.

« Enfin, tu ne devrais pas tarder à avoir la visite quotidienne de ton potentiel futur Capitaine » Elle laissa échapper un rire moqueur devant mon visage qui ne devait refléter que de l'incompréhension.

Elle prit une voix grave et sensuelle en m'assenant un « Kensei-Taicho » avec une mimique qui se voulait passionnée.

Je me sentis virer au rouge bien mûr, ce beau rouge tomate. Mes oreilles et mes joues étaient en feu, et visiblement, ma réaction enchantait Rangiku.

Elle se lança dans un grand fou-rire, et partit en courant lorsque le Capitaine Unohana fit une apparition des plus menaçantes dans la pièce.

*Kensei-Taicho serait venu me rendre visite durant ma convalescence ?*

Je me remémorais la dernière scène dont j'avais le souvenir avant ma perte de connaissance. Muguruma Kensei était venu nous prêter main forte, accompagné de quelques amis que je ne connaissais pas, alors que je me trouvais à la merci de notre ennemi…mon combat contre Tôsen avait suivi…tout était confus après cela. J'avais fini par m'évanouir.

Ce corps que j'avais retrouvé…ces muscles, cette posture fière et droite…ce regard expressif qui m'avait transpercé…il était apparu devant moi tel qu'il avait été gravé dans ma mémoire des années plus tôt : intact, la même lueur dans les yeux, la même prestance et un reaitsu des plus dévastateurs…

« …Hisagi Fukutaicho ? » la Vice-Capitaine de la Quatrième Division me fixait de manière soucieuse.

« Oh, pardon Kotetsu-san, je ne vous avais pas entendue. J'étais…un peu perdu dans mes pensées »

Kotetsu me sourit chaleureusement, et m'annonça que ma sortie était prévue pour la fin de la semaine, si je continuais à récupérer à la même vitesse que ces derniers temps.

Je la remerciai et la regardai s'éloigner pour se rendre auprès d'autres patients.

*Il faut que je sorte rapidement. Avant la date prévue serait encore mieux* pensai-je.

Il me tardait de rejoindre mes camarades, et de recommencer à manier mon zanpakuto, aussi étrange que cela puisse paraître. Je le craignais toujours autant, mais ma peur s'accompagnait désormais d'une sorte de profond respect pour Kazeshini.

Tôsen, alors qu'il était encore mon Capitaine, m'avait appris à redouter les combats et mon propre zanpakuto. Notre ultime rencontre, elle, m'avait enseigné à apprécier la force de mon sabre, et à savoir agir en harmonie et en toute confiance avec lui.

Une main se posa sur mon front. J'ouvris les yeux brusquement. J'avais dû me rendormir sans même m'en apercevoir. Et ce qui s'offrit à mes yeux m'aida à reprendre pleinement conscience de la réalité.

Muguruma Kensei me regardait de ses iris noisette perçants.

Je sentis mes joues rougir légèrement, alors qu'il retirait sa main et s'asseyait sur la chaise qu'occupait Rangiku quelques heures auparavant.

Il avait troqué débardeur, pantalon de sport et bottes contre une tenue classique de shinigami qui avait dû lui être prêtée à son arrivée au Seireitei.

Seul le kimono ne correspondait pas aux standards habituels : les manches en avaient été sectionnées (de manière assez barbare je dois l'admettre), et leur disparition laissait à nu la musculature de ses bras. Il était ouvert largement sur le devant. Je ne pus m'empêcher de constater que cet uniforme lui seyait à merveille… seul son haori manquait à la panoplie qu'il arborait lors de notre première rencontre des années plus tôt.

Mes yeux se posèrent sur son buste, et s'attardèrent sur un point précis…

Un nombre…un simple nombre porté à ma vue avait suffi à faire chavirer mon cœur en l'espace de quelques secondes…je dirigeai mon regard tout d'abord sur ce 69 si fièrement arboré sur son torse viril, puis le laissai glisser vers son visage déterminé qui me scrutait attentivement. Il était de retour, lui qui avait occupé mon esprit et dicté la moindre de mes conduites pendant toutes ces années.

« La vice-capitaine Matsumoto m'a prévenu que tu avais repris connaissance. Comment te sens-tu ? »

Il avait lâché cette phrase d'une traite, sans qu'aucune émotion particulière ne se reflète sur son visage. Il fixait l'autre bout de la pièce.

« Je… je vais bien Muguruma-Taicho. Je vous remercie de votre sollicitude »

Kensei tourna son regard vers moi, et reprit de sa voix grave et profonde :

« Inutile d'être aussi formel petit, c'est normal : il se pourrait bien que je redevienne le capitaine de la Neuvième Division dans les prochains jours, et tu seras alors mon bras droit. » Il marqua une pause avant de poursuivre « Pourquoi continues-tu à m'appeler Taicho ? Je ne suis officiellement plus Capitaine depuis des années »

Je restai bouche bée devant cette question. Il ne m'avait jamais paru étrange auparavant d'accompagner le nom de Muguruma Kensei du suffixe habituellement réservé aux Capitaines. Les autres ne m'avaient jamais fait de remarques à ce sujet.

Son regard impatient se faisant de plus en plus oppressant, je me décidai à livrer une réponse qui se révéla être très maladroite :

« Je…je suppose qu'il s'agit d'une sorte de… de réflexe, oui c'est ça, un réflexe. Je vous ai rencontré quand je n'étais encore qu'un gamin, vous étiez alors Capitaine de la Neuvième Division du Seireitei. Vous êtes resté Kensei-Taicho…je veux dire, Muguruma-Taicho, pour moi depuis ce jour. »

Kensei hocha la tête, et reprit : « Bah, tout ça n'a pas vraiment d'importance petit. Après tout, comme je te le disais tout à l'heure, il se pourrait bien que je redevienne officiellement ton Capitaine dans les prochains jours, alors il n'est pas vraiment nécessaire que tu essaies de modifier tes… réflexes » Il termina sa phrase sur un grand sourire qui dévoila sa dentition.

*Il ne se souvient pas*. Cette pensée me transperça comme un coup de poignard. Je tentai de concentrer mon attention sur un point de la pièce, mais mon esprit enchainait déjà avec des réflexions encore plus sombres …

*Il ne te considère que comme un gamin, un mioche, un petit, un jeunot, un novice…* Je sentais mon cœur se serrer de plus en plus fort alors que l'émotion commençait à me submerger.

Kensei choisit ce moment pour se lever de la chaise, il fit quelques pas en direction de la sortie, et s'arrêta sur le palier de la porte, comme Rangiku l'avait fait quelques heures plus tôt. Sans se retourner, il me lança « Je ne savais pas que tu t'intéressais à la presse à scandales de la Soul Society, petit…c'est plutôt amusant je dois dire… » Un rire tonitruant s'échappa de ses lèvres alors qu'il s'éloignait dans les couloirs de la Quatrième division.

Sa dernière remarque avait réussi à balayer mes préoccupations antérieures. Je restai perplexe.

*Non mais de quoi veut-il parler ?*

Et c'est précisément à ce moment-là que j'aperçus l'objet source de sa raillerie…

*Rangiku, sois maudite* marmonnai-je intérieurement.

Elle avait laissé trainer (une fois de plus) l'un de ses magazines idiots : la revue était posée, grande ouverte, sur la table attenante au lit, et affichait une photo récente de Kensei en plein entraînement, son kimono aux manches courtes un brin détaché. Il ne portait évidemment aucun Haori. Un gros titre se dégageait en milieu de page : « KENSEI MUGURUMA – LE VIZARD AU CORPS D'ATHLETE PROCHAINEMENT A LA TETE DE LA NEUVIEME DIVISION ? »

Des envies meurtrières m'envahirent soudainement.

*Honte…j'ai tellement honte…Rangiku, dès que je sors, je te fais la peau*

Je me doutais bien que la belle avait volontairement « oublié » son précieux bien, et qu'elle l'avait délibérément laissé ouvert à cette page précise. Je l'imaginais en train de me tirer la langue en grimaçant, particulièrement satisfaite de son tour mesquin.

La fin de semaine arriva plus tôt que je ne l'aurais imaginé. Mes blessures étaient totalement refermées, et l'équipe médicale de la Quatrième Division m'avait parfaitement remis sur pieds à ma sortie.

Je me mis alors à rejoindre la Neuvième Division.

L'air frais me fouetta le visage quand j'ouvris la porte de la Quatrième Division qui donnait sur les couloirs. Je me mis à avancer le long de ces interminables terrasses attenantes au parc qui faisait le tour des quartiers du Gotei 13, pour me diriger vers les locaux de ma propre division.

Le temps avait suivi son cours pendant ma convalescence : le printemps avait débuté au Seireitei. Je restai là un instant, accoudé aux rambardes des terrasses, pour contempler les cerisiers qui balançaient lentement, au rythme du vent, leurs branches chargées de fleurs.

Muguruma Kensei ne m'avait plus rendu visite depuis notre échange en début de semaine.

Il n'avait pourtant pas quitté mes pensées depuis ce jour où il était venu s'enquérir de l'évolution de mon état de santé. Je ne rêvais que d'une chose…que les rumeurs, pour une fois, se révèlent être justifiées. Je ne voyais pas quelqu'un d'autre que Muguruma Kensei à la tête de la Neuvième Division…la trahison de Tôsen pesait encore lourd dans mon cœur, et avait marqué en réalité douloureusement l'ensemble de la Division. Nous avions besoin d'une personne forte, de confiance, et qui avait l'expérience d'un capitaine, pour rétablir ce qui avait été détruit.

Je repris finalement mon chemin, l'angoisse au ventre.

Arrivé devant les quartiers de la Neuvième Division, je pris une grande respiration et poussai les lourdes portes qui donnaient sur la salle principale.

Je trouvai une agitation indescriptible dans la pièce : les shinigamis couraient dans tous les sens, des objets divers et des piles de livres dans les bras. Un homme était entouré de plusieurs d'entre eux, dans un angle de la salle, et discutait avec vivacité. Je restai, interdit, à l'entrée.

Des shinigamis m'aperçurent, et l'on se pressa alors autour de moi avec des exclamations de surprise et des expressions de joie sur le visage.

*Qu'il fait bon d'être de retour* pensai-je.

Je discutai avec certains, reçus de multiples accolades et tapes chaleureuses sur les épaules, jusqu'à ce qu'une voix se fît entendre :

« Qu'est ce que c'est que ce remue-ménage ? Vous avez encore trouvé un prétexte pour vous arrêter de travailler ? »

Kensei apparut alors, cette fois avec son haori de capitaine sur les épaules. Seuls les piercings qu'il portait désormais au visage montraient qu'il ne s'agissait pas d'une œuvre de mon imagination, ou d'un flash-back issu du fin fond de ma mémoire, mais bien de la réalité. Ces ornements métalliques lui donnaient un air légèrement décalé et punk par rapport à son statut de capitaine. Cela me fit sourire.

Kensei crût sûrement que cela lui était adressé, et tenta de me renvoyer un sourire chaleureux…qui se transforma en un rictus laissant apparaitre toutes ses dents…

Un léger rire s'échappa de ma bouche. Il n'avait décidément pas tant changé que cela...

« Hisagi-san, je suis ravi de te voir de retour parmi nous ! Comme tu peux le voir, j'ai accepté de reprendre mon ancien poste de Capitaine dans la Neuvième Division. Nous faisons…disons, du rangement ! Il est grand temps de tourner une page. Je compte sur toi, mon Lieutenant, pour me soutenir dans les tâches qui nous attendent ! »

J'ancrai mon regard dans le sien, et prononçai ces paroles qui venaient du fonds de mon âme :

« C'est un grand honneur Mugurama-Taicho de pouvoir exercer mes fonctions à vos côtés. La Neuvième Division est honorée que vous ayez accueilli sa demande. Je m'efforcerai de vous assister au mieux désormais. »

Une lueur traversa les yeux de Kensei.

« Mmh, je n'en doute pas. »

Il se tourna, et s'adressa aux soldats qui nous entouraient :

« Alors, qu'est ce que vous attendez tous ? Remettez-vous à me déménager tout ça ! »

La petite équipe s'empressa de retourner à ses occupations, la bonne humeur transparaissant sur leur visage.

« Hisagi-san, suis-moi, nous discutions des prochaines missions que devra mener la Neuvième Division. J'aurais besoin de ton avis. »

J'esquissai un nouveau sourire.

Mon vœu était exaucé…la personne la plus parfaite qui soit venait de reprendre son poste de Capitaine au sein de notre division.


Les semaines passèrent, et les missions s'enchainaient les unes après les autres.

Nous nous étions tous habitués à la présence de ce nouveau Capitaine, ou plutôt, nous n'avions rien eu à faire de spécial pour nous retrouver en complète harmonie avec lui.

Kensei menait d'une main de maître la Neuvième Division, et veillait à ce que les tâches qui lui étaient confiées soient exécutées à la perfection.

Cette situation convenait à tout le monde, y compris aux autres divisions du Gotei 13…oui, à tout le monde…sauf à moi…

*Mais qu'est ce qu'il m'arrive ?* Voilà la question que je m'étais posée une bonne centaine de fois depuis que Kensei avait été de retour à la Soul Society.

J'étais probablement le plus heureux de tous que Kensei ait repris ses fonctions de Capitaine, mais j'avais fini par l'admettre : dès que j'étais en sa présence, j'enchainais les bourdes les unes après les autres, voire me complaisais à les cumuler.

En voici une liste des plus remarquables :

Un jour où j'étais occupé, seul, à reclasser les vieux dossiers d'interventions de notre Division, Kensei vint me rejoindre dans la bibliothèque commune à tout le Gotei 13. Il avait pris place sur les larges bureaux qui séparaient les étagères, et me regardait m'affairer, les bras croisés.

Le seul fait de savoir que nous n'étions que tous les deux, dans cette salle qui embaumait les livres anciens et le bois, m'avait perturbé. Mais tout se serait bien passé si Kensei n'avait pas cru bon de me dire, d'une voix profonde :

« Hisagi-san, j'aimerais te demander une faveur. » Il se gratta le menton quand il m'exposa sa requête.

« Je voudrais que tu arrêtes de m'appeler Mugurama Taicho. Je me sens… vieux, et éloigné, quand tu t'adresses à moi ainsi. »

Je fis comme si de rien n'était, et continuai à ranger mes documents, mais je ne savais plus où me mettre.

« Ah oui ? Ah, et bien…c'est…comment voulez-vous que je vous appelle alors ? »

Je sentais le regard intense de Kensei posé sur mon dos.

« Je ne sais pas…Kensei par exemple ? »

_BADAAMM_

Je venais de renverser toute la rangée de papiers que j'avais passé la dernière demi-heure à classer.

« Oh là, attention gamin ! Bon…je vois que tu te sens gêné, alors nous nous mettons d'accord sur un simple Kensei-Taicho, d'accord ? Voilà qui est entendu ! »

Il descendit du bureau, et quitta la pièce en agitant sa main en un au revoir des plus informels, un sourire moqueur sur les lèvres.

*Entendu ? Mais je n'ai même pas accepté !*

Je m'adressai alors à lui en tant que Kensei Taicho depuis ce jour, puisqu'il ne m'avait clairement pas laissé le choix.

La deuxième petite anecdote gênante était survenue quelques semaines plus tard, alors que nous revenions d'une mission qui avait été particulièrement difficile à mener à terme.

J'étais rentré épuisé. Mais Kensei avait insisté pour que je l'accompagne boire un verre le soir-même.

« Tu n'as qu'à amener quelqu'un avec toi si tu veux, si c'est cela qui t'embête. Allez, à tout à l'heure. »

Je le pris au mot, et décidai d'inviter ma compagne de beuverie de toujours : Rangiku.

C'était une bêtise. Une terrible bêtise. A ne jamais réitérer. Sous aucun prétexte.

Nous avions rejoint Kensei à la taverne qu'il m'avait indiquée plus tôt. Il était accompagné de ses amis Vizards, notamment Shinji. J'étais alors plutôt satisfait de ne pas être venu tout seul.

Le début de la soirée s'était bien passé : je n'avais pas trop de souci à me faire, je tenais bien l'alcool avec l'entrainement que m'avait prodigué Rangiku toutes ces années…

Mais cette dernière trouva le moyen de me mettre en mauvaise posture.

Je sentais que quelque chose clochait depuis la dernière tournée. J'avais vu Rangiku se pencher vers mon Capitaine un peu avant, et lui glisser quelques mots à l'oreille, mais n'avais pas pu entendre ce qu'elle lui avait dit.

Je me sentais de plus en plus étrange, et finis par voir la salle tourner légèrement autour de moi. J'avais chaud, et je commençais à rire pour un rien. Mes joues étaient en feu. J'entamais des discussions de plus en plus décousues et inappropriées vis-à-vis des personnes qui m'entouraient.

Kensei et les autres riaient à gorge déployée, et Rangiku ne cessait de glousser. Elle se tourna vers moi, et me dit :

« Alors Shuuhei, tu es content que Mugurama-Taicho soit devenu ton capitaine ? »

Ce à quoi je répondis (apparemment, d'après ce qui m'avait été retransmis) :

« Ouiiiii ! Kensei-Taicho est vraiment superbe ! Il est le plus beau, le plus musclé, le plus fort et le plus droit de tous les shinigamis que j'ai jamais rencontrés ! »

Une honte des plus totales aurait dû m'envahir, mais j'étais resté très serein, avec une expression de joyeux imbécile figée sur le visage, alors que tous les autres avaient stoppé leurs discussions pour me fixer curieusement, avant d'exploser de rire devant cette radicale transformation de mon attitude.

Je compris plus tard que Rangiku avait dévoilé mon petit secret : un alcool, le seul alcool à vrai dire, que je ne tolérais pas : le Cointreau… Une seule gorgée de ce breuvage suffisait à me faire perdre tout contrôle.

Les autres avaient trouvé amusant d'en faire le test. A mes dépens.

J'avais passé le mois suivant à raser les murs, et à éviter de me retrouver seul en présence de Kensei, ou de l'un de ses amis. Cela ne fût pas facile, et j'essuyai les plaisanteries de nombre d'entre eux pendant des semaines, jusqu'à ce que Kensei leur demande de ne plus « m'embêter avec ces sottises », un jour où une nouvelle remarque de Shinji m'avait décontenancé au point de me faire perdre tous mes repères : Kensei m'avait trouvé dans son bureau, dans le noir, face à une étagère, le regard vague et le visage cramoisi jusqu'aux oreilles.

Une dernière mésaventure m'arriva lors d'une expédition dans le monde réel. Tous les Vizards avaient été recrutés dans la mission, ainsi que Rangiku, Izuru, et moi-même. Nous avions réussi à mener à bien notre objectif, non sans difficulté cependant. Nous devions encore rendre visite à Urahara le lendemain, avant notre retour à la Soul Society.

Nous avions alors décidé de passer la nuit dans l'un des hôtels de Karakura, ne pouvant clairement pas nous incruster chez le Shinigami remplaçant Ichigo Kurosaki, ou ses amis, compte tenu de notre nombre.

Le partage des chambres avait vite été effectué : Rangiku partagerait sa chambre avec Hiyori, Lisa, et Mashiro. Une deuxième chambre serait occupée par Shinji, Hachigen, Love et Rojuro, tandis que la dernière chambre serait réservée à Kensei, Izuru et moi-même.

Rangiku avait commencé par piquer les grandes serviettes qui se situaient dans ma chambre, en déclarant de manière affirmative que « j'en ai bien plus besoin que toi Shuuhei. Tiens, je te donne les petites serviettes de notre chambre en échange, c'est équitable n'est ce pas ? »

*Equitable…non mais n'importe quoi…*

Je me résignai à ne pas argumenter, car je savais que Rangiku était capable de faire durer la querelle sur plusieurs heures quand elle était déterminée à obtenir quelque chose.

*Je m'en moque de toute manière, c'est qu'une serviette*

Elle proposa aux autres d'aller « boire un verre » (*traduisez chez elle : "je vais m'arranger pour vous faire boire toute la nuit" *).

Toute l'équipe accepta avec ferveur, tandis que je déclinais l'invitation, malgré leur insistance, épuisé par la journée.

Une fois les autres descendus au bar de l'hôtel, j'allai prendre une douche, et ressortit de la salle de bain une serviette autour de la taille.

J'avais les idées ailleurs, je ressassais les mêmes réflexions habituelles : l'arrivée des nouveaux capitaines au Gotei 13, les missions que nous enchainions depuis la fin des combats contre les arrancar, …

J'entendis tout à coup un grattement derrière la porte. Je décidai de ne pas y prendre garde, mais un bruit s'approchant d'un sifflement reprit de plus belle.

J'ouvris la porte violemment, mais rien ne se trouvait derrière.

J'entendis le même bruit suspect se reproduire plus loin dans le couloir, et m'élançai à sa poursuite sans réfléchir. Arrivé à l'angle que formait le couloir, un petit chien s'approcha de moi, la langue pendante, agitant joyeusement sa queue. Il émettait un sifflement aigu qui ressemblait au son que j'avais entendu précédemment.

Je souris, et me baissai vers lui pour lui caresser la tête.

Je soupirai en me relevant :

« Pfff… et je me suis angoissé rien que pour ça ! »

Le petit chien repartit de l'autre côté du couloir, tandis que je retournais vers ma chambre.

Je tentai d'ouvrir la porte, en vain. J'appuyai plus fermement sur la poignée, sans succès.

Je fixai la porte, mécontent, quand une sombre idée me traversa l'esprit.

« Non…c'est pas vrai…dites-moi que ce n'est pas vrai ?! »

Je m'énervai à nouveau sur la poignée, comme si elle avait pu s'en sentir intimidée et me laisser sagement entrer dans la chambre…

Cette saleté de porte s'était refermée automatiquement dans mon dos, et je n'avais bien entendu pas la carte qui m'aurait permis de l'ouvrir, celle-ci étant restée dans la chambre.

*Qu'est ce que je vais faire, moi ?*

Je n'eus pas le temps de réfléchir posément à ma situation.

L'ascenseur au bout du couloir annonça son arrivée à mon étage dans un petit tintement de clochette.

Je jetai un regard empli d'horreur dans sa direction, et me mis à courir pieds nus vers la porte de secours qui donnait sur les escaliers. Je refermai brutalement ladite porte derrière moi, et me collai dos à elle en laissant échapper un soupir de soulagement.

Au bout d'un certain temps à être resté ainsi immobile, je me laissai glisser aux pieds du mur, grelottant de froid.

J'attendis des heures là, assis à même le sol, sur le carrelage glacé, en guettant les moindres bruits qui me parvenaient depuis le couloir.

J'entendis enfin les voix de mes camarades résonner bruyamment de l'autre côté de la porte.

*Oui, je reconnais la voix de Izuru et le rire de Rangiku, c'est bien eux…*

Je n'avais qu'à patienter qu'ils rentrent dans leurs chambres respectives, pour ensuite sortir de ma planque et toquer afin que l'un de mes camarades de chambrée vienne m'ouvrir.

Mon plan était parfait.

C'était sans compter sur l'arrivée de deux bruyants et grossiers personnages dans les escaliers, à l'étage juste en-dessous.

Ils commencèrent à monter les marches en titubant, vers le palier où je me trouvais.

Je me relevai brusquement, ouvris la porte à la volée, et courus à nouveau le long du couloir en regardant derrière mon épaule pour surveiller l'apparition des deux énergumènes.

J'heurtai Kensei de plein fouet.

« Aïe ! Bon sang, Hisagi, regarde où tu vas ! » Il me toisa de toute sa hauteur et se figea soudainement en voyant ma tenue, ou plus exactement, mon absence de tenue.

« Mais…qu'est ce que… ? »

Je reculai d'un pas.

Un immense sourire s'afficha sur le visage de Shinji quand il aperçut la scène. Il se tourna vers les autres Vizards.

« Ha-haaa ! Je vous l'avais bien dit, vous voyez que le p'tit prend des initiatives, je le savais ! »

Les autres continuaient à me fixer, me rendant de plus en plus mal à l'aise. Je sentis les couleurs quitter mon visage.

Love se pencha vers Shinji sans me quitter du regard, et lui signala : « Je ne crois pas que ce soit ça, Shinji… il a plus l'air paniqué qu'autre chose, regarde-le »

Je trouvai le courage de reprendre la parole :

« Ce n'est pas ce que vous croyez Kensei-Taicho ! Je… je me suis retrouvé fermé à clef en-dehors de la chambre ! »

J'opérai une translation en toute discrétion vers Izuru et Rangiku pour essayer de me soustraire à la vue des autres Vizards. Je tentai de resserrer maladroitement la mince serviette qui entourait ma taille, alors que le feu me montait aux joues.

Les deux idiots éméchés avaient apparemment changé d'avis, pour faire demi-tour…ils m'avaient délogé de ma cachette et exposé aux brimades de mes collègues et supérieurs pour rien…

Les commentaires et les rires ne tardèrent pas à fuser dans tous les sens.

Rangiku gloussa en plaçant une main devant sa bouche :

« Si j'avais su, Shuuhei, je t'aurais au moins laissé une grande serviette… »

Kensei saisit le pan de la serviette du bout des doigts, et le souleva légèrement en rigolant :

« C'est vrai que c'est peu commun comme tenue vestimentaire Hisagi ! Oh, mais qu'est ce qu'on voit là ? » Il fit semblant d'être choqué.

J'arrachai le textile de ses mains, et reculai à nouveau de quelques pas.

Si même lui, habituellement si droit et mature, se mettait à me chahuter…

« Oh, arrêtez ! C'est bon, ouvrez cette porte…la situation est suffisamment gênante pour moi comme ça »

Je baissai mon regard sur mes pieds.

« Tes muscles sont quand même sacrément bien marqués Hisagi… je n'en aurais pas parié, mais je dois admettre que je suis bluffé ! Le lieutenant de la Neuvième suit de près son Capitaine ! »

Kensei posa sa main sur mes pectoraux avant de descendre rapidement vers mes abdominaux pour en dessiner les traits, d'un geste abrupt. Ma peau était devenue incandescente sous son toucher pourtant bref, et je sentis mes joues et mes oreilles se teinter de plus belle.

J'écarquillai les yeux de stupeur, ne pouvant faire le moindre mouvement. Le contact de sa peau sur la mienne m'avait paralysé.

Kensei perçut tout à coup mon trouble quand nos regards se croisèrent. Il ne fit aucune remarque, mais s'écarta pour se placer face à la porte, et sortit le badge pour l'ouvrir. Il se retourna vers le groupe, et annonça, d'un ton qui ne laissait pas place à la discussion :

« Allez, on arrête les plaisanteries, on s'est assez détendu comme ça pendant toute la soirée. Je vous dis bonne nuit. On se retrouve demain dans le hall. Retour vers Soul Society les gars ! »


Je tentai tant bien que mal de contrôler cette part d'émotion en moi, qui était totalement nouvelle. Il arrivait encore que des situations similaires se présentent, mais aucune remarque ne m'avait été adressée, de qui que soit, à ce sujet depuis l'intervention de Kensei.

En somme, je continuais à lutter contre les sensations qui me submergeaient dès qu'il était à mes côtés, de manière plus ou moins convaincante.

Seuls Rangiku et Izuru avaient clairement décelé ce combat quotidien que je menais pour ne rien laisser paraitre, mais avaient fait preuve de suffisamment de délicatesse pour ne pas me poser de questions. Je n'étais pas dupe, et je savais parfaitement que je ne devais la discrétion de Rangiku qu'à l'intervention d'Izuru…je ne pouvais néanmoins qu'éprouver de la reconnaissance à leur égard à tous deux. Ils me soutenaient, silencieusement, à leur manière.

Nous étions par ailleurs de plus en plus noyés sous les missions que nous confiait le Capitaine-Commandant Yamamoto. Le temps libre ne faisait plus vraiment partie de notre vocabulaire depuis l'incident avec Aizen.

En plein milieu de l'été, une fin de journée, alors que nous nous étions retrouvés seuls, Kensei et moi (cela se produisait de plus en plus fréquemment ces derniers temps), dans les quartiers de la Neuvième Division, il m'invita à le suivre à l'extérieur pour discuter de quelque chose d' « important ».

Il me fit signe de laisser les papiers que je m'apprêtais à emmener avec moi.

Je le suivis dehors.

Nous marchâmes longtemps dans le parc qui entourait les bâtiments du Seireitei, avant qu'il ne s'arrête finalement pour me faire face.

Je jetai un coup d'œil rapide aux alentours.

Nous étions dans l'aire la plus déserte et la plus éloignée des bureaux des divisions.

Je fixai mon Capitaine, pour l'inciter à me dévoiler la raison de notre présence en ces lieux.

Kensei détourna le regard et commença à se frotter nerveusement la nuque de sa main gantée.

« Ecoute Hisagi…je ne suis pas vraiment doué pour mettre en forme ce genre de choses, enfin ce que je veux dire c'est que… »

Il se redressa de toute sa hauteur et plongea ses yeux noisette dans les miens :

« Je n'ai pas été assez démonstratif avec toi manifestement, et ça t'a conduit à des déductions complètement erronées…pas que ce soit entièrement ma faute d'ailleurs, il faut admettre que tu as une fâcheuse tendance à te faire des nœuds à la cervelle et à tirer des conclusions un peu trop rapidement…»

Je dus lui paraitre dépité, car il s'empressa d'ajouter, tout en détournant à nouveau le regard :

« … mais ce sont des choses qui me plaisent chez toi. Ton sérieux, ta loyauté, cette manière que tu as de prendre les choses à cœur, de t'enflammer… »

Je l'interrompis « Vous vous trompez ! Je ne suis pas le genre de personne qui perd son sang-froid ! Enfin…c'est à dire, peut-être quelques fois » Je savais que mes joues venaient de s'empourprer. J'haussai le ton : «… mais vous en êtes toujours la cause, tout ces écarts sont de votre faute ! Ne me reprochez pas cela ! »

Je sentais les larmes embuer mes yeux. Toutes les situations gênantes de ces derniers mois venaient de me sauter à la figure, faisant ressurgir en moi un sentiment de frustration et de détresse intense. Tout ce que j'avais accumulé en silence ces derniers temps, et que j'avais cru mettre de côté, venait de jaillir des moindres recoins de mon âme en l'espace de quelques secondes, sans que je puisse y faire quoi que ce soit.

Kensei s'empara brusquement de mon bras et m'attira à lui. Il saisit mon visage entre ses mains et m'obligea à lui faire face.

Ce contact inattendu me coupa le souffle.

Il prit une grande respiration avant de poursuivre « Tu n'écoutes rien Shuuhei…ce n'est pas un reproche, c'est un constat : j'aime ces choses chez toi. Si je veux être honnête avec moi-même d'ailleurs, je…je t'aime, tout court. »

Kensei avait lâché ces derniers mots en ayant bien ancré ses yeux dans les miens ses joues avaient pris une teinte légèrement rosée, alors qu'il scrutait mon visage, comme pour y guetter ma réaction.

Je le repoussai de toutes mes forces alors que ses dernières paroles résonnaient dans ma tête comme le son d'un tambour.

Je le regardai de mes pupilles dilatées par la terreur qui m'avait envahi ma voix s'était mise à trembler fortement « Ne…ne vous moquez pas de moi ainsi…ce n'est pas juste…vous ne pouvez pas… »

Kensei fit à nouveau un pas dans ma direction et m'enlaça sauvagement, me forçant à me courber en arrière. Il m'embrassa alors avec une passion et une fougue qui me désarçonnèrent. Son immense reaitsu m'enveloppait entièrement et dansait comme des flammes autour de nous.

La pression était telle que je sentais mes jambes se dérober peu à peu sous moi.

Kensei resserra un peu plus encore son étreinte pour me soutenir, puis se détacha de mes lèvres brûlantes. J'ouvris les yeux pour affronter son regard. Kensei me fixait, en me tenant fermement les avant-bras de ses mains gantées.

« Tu comprends maintenant ? Je ne plaisante pas Shuuhei…je ne te vois pas simplement comme mon fidèle Lieutenant, et je ne suis pas en train de me railler de toi. Qui pourrait faire cela en guise de moquerie d'ailleurs ? Je fais juste preuve d'égoïsme : je veux t'avoir à mes côtés en permanence…je te veux tout simplement, je te désire, je ne rêve que de te toucher, de sentir ta peau sous mes mains, de voir ton corps frémir de plaisir sous mes caresses, t'entendre gémir…je n'y peux rien, je ne comprends pas ce qu'il m'est arrivé, mais c'est arrivé. Pardonne-moi si cela te choque, je ne contrôle pas cela, il fallait bien que tu l'apprennes à un moment ou à un autre de toute façon »

« … »

Aucun son ne parvenait à s'échapper de ma bouche. Je restai là, choqué, mais heureux, à contempler Kensei.

Celui-ci fronça légèrement les sourcils d'inquiétude, posa son front contre le mien, et prit une voix des plus douces que je ne lui connaissais pas :

« Shuuhei ? Dis quelque chose je t'en prie »

Je réussis finalement à articuler quelques mots :

« … Je… j'ai l'impression de…rêver »

Kensei se recula légèrement, un sourire franc se dessina sur ses lèvres.

« Dois-je prendre cela pour une acceptation de mes sentiments Shuuhei ? »

Je me jetai dans ses bras, l'enlaçant tendrement, encore sous la surprise d'un tel revirement de situation…

« Oui, mille fois oui… »

Je relevai la tête pour le fixer à mon tour, en fronçant les sourcils :

« Sachez que si vous avez osé vous moquer de moi, en poussant cette facétie jusque là, je vous le ferai regretter amèrement Kensei-Taicho ».

Un petit rire s'échappa du fond de la gorge de Kensei, qui s'empressa de répondre :

« Tu peux toujours courir pour que je te laisse tranquille maintenant, Shuuhei. N'espère pas me voir revenir sur ce que je t'ai annoncé ce soir ! » Il déposa un baiser brûlant sur mon front, et ajouta :

« Fais-moi plaisir, arrête de me vouvoyer, appelle moi Kensei »

Mes joues rougirent de plus belle, et je sentis mon cœur s'emballer à nouveau, alors que je prononçai son prénom seul pour la première fois :

« D'a..d'accord Kensei »

Le capitaine me saisit alors à nouveau le visage et m'embrassa passionnément, peut-être encore plus intensément que la première fois. Nos langues se rencontrèrent en un mouvement tout d'abord timide, puis rapidement langoureux, comme si nous avions attendu cela depuis toujours.

Kensei caressa mes hanches avec insistance, puis ses puissantes mains se murent vers mes fesses, qu'il commença à malaxer à travers le tissu du hakama. De mon côté, j'avais enfoui mes mains dans ses cheveux argentés pour mieux coller mon corps au sien. Nous pouvions sentir notre excitation croissante mutuelle.

Nous nous séparâmes essoufflés, plongeant nos iris l'un dans l'autre.

« Je vous…je te veux, Kensei »

Ce dernier esquissa un sourire, s'empara à nouveau de mes lèvres, plus sauvagement, et me souleva dans ses bras en me plaquant à son corps.

« Tes désirs sont des ordres Shuuhei. Mais nous allons encore nous éloigner un peu des bâtiments des divisions avant cela »

Il fit quelques pas, moi dans ses bras avec mes jambes croisées autour de sa taille, lui ne cessant de me couvrir de baisers sur les joues, les lèvres et le cou. Il me déposa finalement délicatement sur l'herbe, de l'autre côté d'une haie d'arbustes qui nous cachait des regards indiscrets.

Il s'allongea avec précaution sur moi, tout doucement, comme par crainte de me blesser. Cette pensée dessina un nouveau sourire sur mon visage. Je savais que la tendresse ne figurait pourtant pas au titre de ses nombreuses qualités … je ne pus qu'admirer l'effort manifeste qu'il fournissait pour se retenir et n'être que douceur à mon égard.

« Je ne suis pas en sucre, tu sais »

Kensei arrêta le mouvement qu'il avait entrepris pour dénouer ma ceinture.

« Qu'est ce que tu racontes, je le sais bien ! Je veux simplement faire durer au maximum l'instant présent. Laisse-toi faire un peu Shuuhei ! »

Il me débarrassa de mon kimono, et s'apprêtait à en faire de même pour mon hakama, quand il s'arrêta pour observer le geste que j'étais en train de faire : j'avais ouvert en grand son kimono, et dessinait de la pulpe de mes doigts le fier 69 inscrit sur son torse.

Kensei se mit alors à tracer amoureusement de ses doigts le 69 qui se trouvait sur ma joue :

« Tu as le même Shuuhei…nous somme liés toi et moi… »

Nous nous retrouvâmes rapidement en tenue d'Adam, nos peaux se collant l'une à l'autre. Kensei continuait à me prodiguer mille et une caresses, mon corps était en feu. Il s'attaqua finalement à ma verge fièrement dressée, et en lécha d'abord l'extrémité quelques instants avant de me prendre entièrement en bouche, m'arrachant une exclamation de plaisir.

Il commença alors à insérer un doigt dans mon intimité, sans cesser ses mouvements répétés sur mon membre durci. Il écarta tout à coup sa bouche de mon sexe, et se dirigea vers mes mamelons qui pointaient d'excitation, pour les mordiller légèrement.

Il inséra peu à peu d'autres doigts, toujours avec délicatesse et patience, alors qu'il titillait mes tétons du bout de sa langue. Je sentais son incroyable érection contre mon corps, et ne pouvais que constater l'effort immense qu'il avait fourni pour se contrôler jusque là.

Je pris sa tête à deux mains, et l'orientai vers mon visage. Il remonta alors depuis mon buste jusque vers mes lèvres en laissant sa langue effleurer ma peau tout le long, puis il m'embrassa. Je frissonnai de désir, et lui soufflai à l'oreille : « C'est bon Kensei… viens en moi, je suis prêt… prends-moi ! »

Il gémit : « Shuuhei… »

La douleur fût encore plus vive que ce que j'aurais pu imaginer. Je poussai un cri. Kensei stoppa net son mouvement, et me lança un regard inquiet :

« Shuuhei ! Est-ce que ça va ? Je…on va arrêter là, je n'aurais pas dû… »

« NON ! » Ce cri du cœur était sorti de ma bouche plus violemment que je ne l'aurais voulu. « Non…Kensei, continue, je…je vais bien…ça va, n'arrête pas… » Ma voix tremblait, et des larmes coulaient du coin de mes yeux. Un sourire discret apparut sur les lèvres de Kensei.

« Pardon Shuuhei… » Kensei me passa tendrement la main dans les cheveux, avant de redescendre vers ma joue. Il essuya mes larmes, puis me saisit le visage pour me relever le menton, et m'embrassa à nouveau. Doucement sur les lèvres tout d'abord, puis de manière plus insistante, et sa langue vint rencontrer la mienne dans un ballet frénétique qui me fit échapper un nouveau gémissement. Je voulais sentir Kensei plus profondément, mon impatience grandissait, je ne pouvais plus attendre. Je bougeai doucement les hanches pour l'inciter à poursuivre son mouvement. Un son rauque s'échappa de la bouche de Kensei, il quitta mes lèvres pour me lancer un regard empli de désir.

« Bon sang, à quoi tu joues…j'essayais d'être doux Shuuhei…maintenant, je ne peux plus me retenir, je suis désolé »

Sur ces paroles, il s'enfonça complètement en moi d'un grand coup de bassin. La sensation me coupa le souffle, tandis que Kensei poussait une exclamation de plaisir.

« Shuuhei… »

Ses mains avaient quitté mon visage pour saisir l'extérieur de mes cuisses.

J'agrippai son dos de mes deux mains, alors qu'il se retirait lentement. Un nouveau coup de bassin me fit hurler d'extase. Je fis glisser mes mains vers ses reins et resserrai encore un peu plus mon emprise, afin d'accompagner le prochain mouvement qui suivit.

Kensei accéléra subitement la cadence de ses attaques répétées, il allait et venait en moi, me procurant toujours plus de plaisir à chaque poussée. Il répéta ces mouvements pendant de longues minutes, jusqu'à ce que je perde notion de tout ce qui nous entourait. Je gémissais et criais au rythme de ses ébats, alors que mes mains pétrissaient ses fesses charnues et son dos à la même cadence. Je jouis en répandant sur mon torse une trainée blanchâtre qui vint se coller à ses abdominaux quand il plaqua son corps nerveux contre le mien.

Il se cambra soudainement, et je le sentis se déverser en moi alors qu'un son rauque s'échappait à nouveau de sa gorge. Il s'était allongé de tout son long contre mon torse, son membre toujours en moi, en me chuchotant des pardons au creux de l'oreille. Je lui caressai les cheveux délicatement. Il se retira alors de moi, s'assit en m'entrainant avec lui, et prit appui contre la haie.

Nous sommes restés tous les deux enlacés, dans le froid de la nuit. Kensei me serrait tendrement dans ses bras. Je pouvais entendre son cœur battre d'un son sourd à travers sa poitrine. Je me resserrai encore un peu plus contre son torse, et finis par m'endormir ainsi blotti dans cette forteresse d'une tiédeur rassurante.

Je fus réveillé par la lumière du petit matin. La fraîcheur de la nuit nous avait quelque peu engourdis. Je souris en jetant un coup d'œil à Kensei : de fines gouttelettes de rosée s'étaient déposées dans ses cheveux et ses sourcils. Il dormait encore à poings fermés. Je touchai alors sa joue gauche du bout des doigts. Kensei ouvrit brusquement les yeux et attrapa mon poignet à la volée.

« Aïe ! »

« Qu'est-ce…pardon Shuuhei ! Je t'ai fait mal ? » Kensei avait repris ses repères en quelques secondes, et avait relâché son étreinte.

Je ne pus résister à la tentation de le taquiner un peu…

« Tu veux parler de maintenant, donc du fait de m'avoir broyé le poignet ? Ou d'hier soir, et donc du fait d'avoir broyé une autre partie de mon corps ? »

« Tss, ne joue pas à ça avec moi Shuuhei, tu pourrais le regretter amèrement » Kensei termina sa phrase en souriant à pleines dents, et déposa un baiser dans mes cheveux. Je fermai les yeux sous ce tendre geste.

Je recommençai à jouer avec les trois boucles qui ornaient son oreille gauche, et celle de son arcade sourcilière. Kensei me laissa faire calmement, avant de rompre le silence :

« Tu les aimes vraiment n'est ce pas ? »

Je lui souris.

« Oui, vraiment. »

Kensei me serra plus fort contre lui, et ajouta :

« Alors le Capitaine-Commandant Yamamoto peut toujours courir pour que je les retire »

Je sentis un rire étouffé parcourir sa poitrine.

Du bruit commençait à résonner au lointain dans les bâtiments du Seireitei. Je me décidai à me relever, écartai les bras de Kensei de ma taille, me mis à genoux puis pris appui sur le sol, me soulevai de quelques centimètres, et enfin…m'aplatis comme un idiot alors qu'une douleur fulgurante me traversait le dos et une partie intime de mon anatomie… Kensei se précipita – trop tard – pour me rattraper.

« Aaaaah ! Aïiiie bon sang, ça fait maaal ! »

« Je…je vais t'aider à te lever si tu veux »

« Non, je suis tout à fait capable de le faire tout seul, merci bien ! »

Après une ou deux (bon d'accord, peut-être un peu plus…) tentatives infructueuses, Kensei perdit patience, et me souleva par un bras et par la taille.

Il maugréa « Ce que tu peux être têtu parfois, j'te jure »

Une fois la station debout atteinte, je dois reconnaître que je ne me sentis pas mieux du tout. Tous mes muscles et mes articulations me renvoyaient des messages douloureux. Kensei me maintint encore plusieurs minutes alors que je tentais de reprendre une marche normale. Je lui fis signe de s'écarter quand je commençai à m'habituer à cette nouvelle sensation.

« Tu n'y es pas allé de main morte Kensei… »

Ce dernier croisa les bras, et détourna le regard pour marmonner, l'air bougon :

« La faute à qui… »

Je poussai un petit rire moqueur et lui saisis le bras de ma main droite je me serrai contre son buste une nouvelle fois et levai la tête vers son visage. Kensei se pencha pour que nos lèvres se rencontrent en un baiser que je voulais innocent, et qui se révéla être enflammé et provoquant.

Je repoussai légèrement le corps de Kensei, et plaçai deux doigts sur ses lèvres.

« Stop, ce n'est plus le moment ! Je dois retourner rapidement dans les quartiers, avant que les autres ne se demandent où je suis passé. Je vais essayer de remettre un peu d'ordre dans ma tenue… »

Je regardai mon kimono et mon hakama qui étaient tous deux dans un piètre état : le haut était à moitié déchiré, et le bas sali d'avoir être trainé au sol. Je jetai un coup d'œil aux habits de mon Capitaine qui avaient, sans que je puisse l'expliquer, atterri au sommet de la haie et pendaient misérablement le long de ronces qui s'y trouvaient. Seul le haori était intact. Kensei avait suivi mon regard, et son visage s'assombrit quand il découvrit le spectacle. Cette vision m'arracha un nouveau rire.

J'ajoutai avec un regard malicieux : « Vous feriez bien d'en faire autant, Kensei-Taicho ! »

Je me rhabillai rapidement, et partis de ma démarche incertaine (et toujours douloureuse) vers les quartiers de la Neuvième Division, après avoir échangé un regard plein d'émotion avec Kensei.

Je tenais mon Kimono fermé d'une main, et tentai d'épousseter mon pantalon de l'autre. Ayant pleinement conscience de ma présentation quelque peu pitoyable, je croisai les doigts pour ne rencontrer personne sur le chemin du retour.

Je ne revis Kensei que plus tard dans la matinée. La nuit passée à la belle étoile ne lui avait visiblement pas fait du bien… il avait changé ses habits, mais avait les yeux cernés et ne cessait d'éternuer toutes les quinze secondes.

Tous les membres de la Neuvième Division avaient accouru autour de lui, s'inquiétant de le voir en si mauvaise forme.

*S'ils savaient la vérité…*

Kensei se débarrassa en quelques jours seulement de cette petite baisse de régime.

Il se montra alors à nouveau insistant à mon égard, me volant des baisers et des caresses plus ou moins discrets dans la moindre pièce où nous nous retrouvions seuls tous les deux.