Heyyyyy ! Me voici avec une nouvelle fic pour remplir un peu le fandom (qui grandit doucement héhéhé) :D ! C'est une fic qui se déroule dans un univers alternatif (université), histoire de faire quelque chose de plus léger (parce que je bosse sur un truc un peu trop lourd en ce moment xD). J'espère que ça vous plaira !

Un grand merci à Bymeha qui a corrigé le texte (et qui a eu la malchance de faire face à mes phrases qui ne veulent absolument rien dire hahaha) ; ça m'a vraiiiiment beaucoup aidée ;; u ;; ! BLESS YOUR SOUL he he ;;

J'ai dessiné la couverture : vous pouvez la voir en plus grand ici : www . youtube playlist ?list = PLdga6ANoopg1kK75gQn4qeKyzSV3iUh7V

Ahh, et cette fic est accompagnée d'une playlist ! Certaines chansons seront citées en début de chapitre, mais il y en a d'autres si ça vous intéresse (je risque de la modifier encore un peu hehe) : michiyolo . tumblr post / 160527792666 / i-want-them-to-be-bff-x

Note : pour que les liens fonctionnent, supprimez les espaces ^^

Bonne lecture !


i. This could be the day that we push through

It could be the day that all our dreams come true

Apocalypse Dreams, Tame Impala

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Pidge n'a vraiment pas envie de dire du mal de Keith, vraiment pas — parce que c'est genre, son meilleur ami depuis le collège, et qu'elle ne pourrait absolument jamais se passer de la seule personne au monde acceptant de passer trois heures à regarder des documentaires de conspiration sur Netflix —, mais ce qu'il peut être idiot, parfois.

Pas un idiot dans le sens où il ne serait pas intelligent — Keith est plutôt malin, si on y pense bien, même si prendre un peu le temps de réfléchir avant d'agir ne lui ferait pas de mal —, mais plutôt dans le genre du type qui ne veut jamais voir les choses en face et prendre les décisions adéquates. Ça donne envie à Pidge de le secouer un peu, et de lui brandir des études imaginaires sous le nez pour lui faire comprendre qu'il n'a pas besoin d'être aussi dramatique. Malheureusement, elle ne possède pas d'études, ou de chiffres décrivant cette situation particulière. Peut-être qu'elle devrait penser à s'en occuper elle-même.

Elle ne dirait pas ça si Keith n'était pas en train de soupirer nerveusement toutes les trois secondes, son muffin à moitié entamé dans la main, tout en continuer de fixer Lance dès qu'il en a l'occasion.

— Keith, va juste lui parler, dit-elle d'un ton morne.

La cafétéria est pleine à cette heure-ci : les élèves se croisent et s'envoient des salutations joyeuses, alors elle ne voit vraiment pas pourquoi est-ce que Keith ne traverserait pas juste la large salle pour lui dire deux ou trois mots. Et Lance fait partie de ces gens qui n'ont même pas besoin de partenaire pour avoir une conversation, alors Keith n'aura même pas à parler plus que ça.

Keith pose son muffin sur la table avec précaution, et jette un regard noir à Pidge.

— Je ne peux pas juste aller le voir sans raison, argumente-t-il.

— Tu sais, je pourrais accepter cette excuse si je ne savais pas que Lance traîne avec nous depuis deux ans.

— Et alors ! s'exclame Keith, balançant son poing sur la table, comme si ça allait impressionner Pidge.

— Et alors, Keith, grince-t-elle, quand on connaît quelqu'un depuis autant de temps, on peut aller le saluer sans raison. C'est même considéré comme normal !

Keith fait la grimace, ce qui est plus ou moins son expression de base. Pendant un court instant, Pidge se demande s'il ne va pas lui faire remarquer qu'elle n'est pas vraiment la personne idéale pour donner ce genre de conseil (ce qui est plutôt vrai, d'accord), mais il ne le fait pas.

— Mais pas moi ! continue-t-il. Écoute, si je vais parler à Lance, tu sais comment ça va se terminer, non ?

— Keith. Tu ne vas pas mourir si tu lui parle.

— C'est là que nous sommes en désaccord.

Pidge hausse un sourcil, et remonte ses lunettes contre son petit nez.

— Je suis très sérieuse, dit-elle, les gens ne meurent pas comme ça.

— Moi, si. Bon sang, est-ce que tu as vu Lance ?

Il balance sa main en avant, incertain, comme pour donner de l'ampleur à ses propos. Pidge a envie de répondre que oui, elle a déjà vu Lance — et comment le louper ? Le type est toujours là, et il est toujours en train de parler —, et surtout, elle a déjà vu les sourires discrets qui naissent sur le visage de son meilleur ami dès qu'il est dans le coin. Lance est ce gars, étudiant en astronomie, qui veut toujours être au centre de tout — et qui, d'une façon ou d'une autre, y arrive tout le temps. Mais à côté de ça, c'est aussi quelqu'un qui se préoccupe beaucoup de ces amis, et qui possède une affection sans limites pour sa famille.

En somme, Pidge apprécie Lance, et elle apprécie aussi le fait qu'il soit capable d'illuminer la journée de Keith rien qu'en lui faisant un signe de la main — elle en serait presque jalouse. Ce qu'elle apprécie moins, c'est que Keith ne soit toujours pas fichu de faire trois pas pour aller lui dire bonjour.

— Tu veux que je t'aide ? demande-t-elle. Je connais bien Hunk. S'il y a bien une personne proche de Lance, c'est Hunk.

Keith fait prend cette expression coincée qu'il a quand il essaye de refuser quelque chose tout en sachant qu'il ferait mieux de l'accepter.

— Pidge, laisse tomber…

— Ou alors je pourrais t'aider ? Bon, je n'y connais pas grand-chose, mais les sentiments humains ne peuvent pas être plus compliqués qu'un processeur de-

— Crois-moi, c'est le cas, soupire Keith.

— Tu dis ça parce que tu ne sais pas t'y prendre avec les gens, remarque Pidge.

— Parce que tu t'en sors mieux ?

Pidge prend une demi-seconde pour y réfléchir.

— Ehh, je dirai que oui. En tout cas, je ne fais pas tout un plat juste pour aller saluer quelqu'un.

Elle reçoit un sale regard, et Keith reporte toute son attention à son muffin. Pidge se sentirai presque coupable — okay, elle n'est pas si sociable que ça, et de ce fait, pas exactement honnête avec Keith. En même temps, elle fait plus d'efforts. Par exemple, elle salue toujours cette fille qui semble déterminée à passer sa vie dans la cafétéria, toujours assise à la même place en train de jouer au même jeu en ligne, à croire qu'elle n'étudie pas vraiment ici. Alors, hein. Prends ça, Keith.

Mais il faut savoir une chose ; un Keith qui boude et qui passe son temps à se lamenter, ce n'est pas un Keith marrant (sauf dans certains cas très extrêmes, et notamment quand il y a implication d'alcool, et qu'il se met à être la personne la plus drôle au monde). Pidge pousse un petit soupir, cherchant quelque chose d'encore mangeable sur son plateau. Elle remarque que Lance s'approche de leur table.

— Keith, voici ta chance, sourit-elle.

— Non.

— Tu sais, j'ai vu un post sur Tumblr, l'autre jour...

— Pidge, non.

— Qui disait de lancer des carottes sur la personne pour qui tu as le béguin.

— No- quoi.

— Apparemment, ça marche à tout les coups.

Avec un grand sourire, elle pousse son plateau vers Keith.

— ... Et devine ce qu'il reste de mon repas ?

Une lueur alarmée passe dans les yeux sombres du jeune homme.

— Pidge, fait-il, je t'ai déjà dit, je t'ai déjà dit de ne pas te fier à ce que l'on trouve sur Tumblr-

Il s'interrompt pour pousser un glapissement horrifié, lorsque Pidge saisit l'une des carottes, et tend son bras en arrière, visant Lance.

Katie Holt, si tu lances cette carotte...

Elle lance la carotte.

Oh mon dieu.

Keith a la tête du gars qui vient de trouver un cadavre de chauve-souris dans sa baignoire (longue histoire) ; le visage pâle, une expression qui hésite entre la colère et l'embarras. De son côté, Lance regarde le petit légume rebondir sur lui avant de tomber à terre, et se retourne vers eux avec un air si scandalisé que Pidge doit se contenir pour ne pas exploser. Elle montre Keith du doigt, et laisse la scène se dérouler d'elle-même. Lance s'approche d'eux, les bras croisés sur son torse. Il n'a pas vraiment l'air en colère, mais une brève irritation passe dans sa voix lorsqu'il leur adresse la parole.

— Salut à toi aussi, Keith, même si, tu m'en excusera, je n'ai pas de carottes à te lancer dessus.

— Huh, fait Keith, c'est Pidge qui-

— Mec, on sait tous les deux que Pidge est trop intelligente pour faire ce genre de choses...

Pidge hoche la tête, se mordant les joues pour ne pas rire. Quant à Keith, le type semble sur le point de faire une dépression nerveuse. Il pourrait porter un t-shirt avec écrit JE VEUX MOURIR dessus, il donnerait exactement la même impression.

— Je te dis que ce n'est pas moi !

— Très mature, Keith, vraiment.

Lance passe une coup de main sur son sweat, comme pour l'essuyer d'une trace imaginaire.

— Je suis sûr que tu l'a sali, fait-il remarquer avec un grognement.

— Huh, la carotte n'a même pas touché ton épaule, répond Keith.

— Ha, tu vois ! C'est bien toi qui l'a lancé !

— Non, Lance, j'ai juste vu où elle est arrivée. Tu étais littéralement juste devant moi.

— Je n'arrive pas à croire que tu joues les gamins comme ça.

— C'est toi qui dit ça ?

Pidge reste silencieuse, regardant Keith s'engluer lentement dans la conversation. Elle a presque pitié de lui, mais la situation est trop drôle pour qu'elle fasse quelque chose. Ils continuent pendant un petit moment, et finissent par changer de sujet. Lance parle avec cet air décomplexé, les mots à peine articulés, mais Pidge peut voir une lueur flottante dans son regard, donnant à Keith plus d'intérêt qu'il ne voudrait le montrer.

— Hey, Lance, je peux te parler deux secondes ? demande une fille qu'elle ne connait pas.

Il se retourne et soupire, puis bredouille de vagues excuses.

— Ugh, projet à rendre en fin de semaine, je dois y aller. On se voit plus tard ?

La question est dirigée vers Keith, probablement, même si Lance adresse un geste du menton vers Pidge. Ils ont à peine le temps de hocher la tête avant de le regarder partir, le pas léger, comme une boule d'énergie lancée sur la route.

Keith reste pensif un moment, si bien que Pidge pense à le secouer un peu pour vérifier qu'il ne s'est pas transformé en statue. Ses joues sont teintées d'un voile rouge, et ses yeux encore emplis de nuages rêveurs. Pidge fait claquer sa langue, et il semble se réveiller.

Furieux, bien sûr.

— C'est fini entre nous, annonce-t-il. Je vais te tuer.

— Tu ne le penses pas.

— Je suis sérieux.

— Tu prendrais le risque d'inquiéter Allura ? demande-t-elle.

Keith perd immédiatement toute forme de quelconque assurance.

— Comment oses-tu jouer cette carte-là ? marmonne-t-il.

— Je te connais, fait-elle avec un clin d'oeil. Et tu devrais me remercier. Tu viens d'avoir une conversation avec Lance. Wow.

— Je viens d'avoir une dispute avec Lance.

— Ce n'est pas, genre, votre version d'une conversation ?

Keith plisse dangereusement les yeux, et enfourne le reste de son muffin dans sa bouche, faisant apparemment tout son possible pour fusiller Pidge tu regard.

— Je te déteste.

Elle sourit, et se laisse aller contre le dossier de sa chaise en s'étirant.

— Tu ne le penses pas.

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— — —

Pidge pense être une personne plutôt patiente.

Bon, peut-être pas très patiente, elle n'a pas cette aura calme qu'a Shiro — comme s'il était en permanence prêt à sortir une couverture de son sac pour l'enrouler autour de vous —, ou la gentillesse de Hunk — qui pourrait venir chez vous juste pour vous faire à manger —, mais quand même.

Elle a eu sa part de drame, il y a quelques années de ça. Des choses qui vous tombent dessus un jour, sans crier garde. Qui vous déchirent de l'intérieur, vous font croire que plus rien n'ira bien après ça. Mais, étrangement, Pidge s'est redressée, et la vie qu'elle possède actuellement est plus que plaisante — elle éprouve la même satisfaction qu'une personne réussissant enfin à compléter son château de carte, après avoir échoué dix-huit fois. Puissance mille.

Parfois, on lui dit qu'elle est trop agressive, comme si les gens savaient de quoi elle était capable. Fût un temps où Pidge pouvait montrer les crocs. Petite, certes, mais débrouillarde. Elle pouvait se glisser chez quelqu'un, pirater son système pour trouver ce qu'elle voulait. Et, oui, elle peut toujours faire ça, mais elle n'a plus vraiment de raison pour le faire.

Quand elle a rencontré Keith, il était encore plus borné qu'elle. Il se battait, régulièrement, sans faire attention aux chances qu'il avait de gagner. Les gens lui disaient des choses. Il ne les laissait pas faire. Et il a beaucoup changé, tout comme elle, mais ce n'est plus le garçon méfiant, qui ne laissait personne l'atteindre qu'elle a connu. Il n'empêche que parfois, passer les barrières de Keith, c'est un peu comme prendre une ville assiégée. Il faut insister et insister, il faut démontrer, justifier, jusqu'à ce qu'il se résigne à venir vers vous. Il a ses limites, et Pidge les respecte. Mais parfois, la situation fait qu'elle doit réagir un peu, parce que sans ça, Keith se laisserait flotter dans une bulle de savon, qu'il ne laissera personne percer.

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La tasse de café qu'elle tient est brûlante, mais ça ne l'empêche pas de l'amener immédiatement à ses lèvres pour engloutir son contenu. Matt la regarde avec incompréhension, mais hey, Pidge n'en attend pas moins d'un type qui ne boit que des cappuccino à la vanille française ou au chocolat blanc, avec une tonne de crème par-dessus.

— C'est genre, ton quatrième expresso, fait remarquer son frère. Tu es sûre que tu vas tenir le coup ?

— C'est justement grâce à ça que je tiens le coup, fait-elle remarquer.

Matt lui offre un petit sourire, et hausse les épaules. Malgré ses remarques, Pidge sait qu'il irait lui en acheter un autre sans hésiter si elle le demandait.

Le café est blindé, à cette période de l'année. Bon nombre d'étudiants profitent du temps ensoleillé pour réviser dans de bonnes conditions. L'établissement a presque des airs de bibliothèque : papiers volants dans toute la pièces, grognements frustrés, élèves en survêtements. On sent l'agonie étudiante transpercer les vapeurs parfumées des cafés.

— Shiro n'est pas avec toi, aujourd'hui ? demande Pidge.

— Ah, il, euh, il s'occupe de ce projet robotique avec Hunk.

Pidge fronce les sourcils.

— Je fais partie de ce projet, dit-elle, et je sais de source sûre qu'ils ne bossent pas là-dessus.

— Huh, un autre projet ? tente Matt.

— Hunk vient de m'envoyer une photo de lui et sa soeur en train de cuisiner. Pas de Shiro, ni de mystérieux projet en robotique.

Même sans la photo, elle aurait su que Matt ne disait pas la vérité, parce que a) c'est un horrible menteur, et b) si Shiro et Hunk se lançaient dans un nouveau projet, elle serait au courant.

— Alors, qu'est-ce qu'il fait de si secret ? demande-t-elle.

Matt marmonne quelque chose qu'elle n'entend pas clairement, et le seul moyen qu'il trouve pour gagner du temps est de boire une gorgée de sa boisson.

— Oh, allez ! insiste-t-elle. Tu sais que je vais finir par le découvrir de toute façon, autant lâcher l'affaire maintenant, non ?

Un semblant de gémissement quitte la gorge du jeune homme, mais il ne lâche pas prise pour autant. Pidge a l'impression de voir un chat qui vient de tomber dans un petit bassin, et qui se débat inutilement avec de l'eau.

— Si je t'achète un autre café, tu peux oublier ? demande-t-il.

— Non.

Katiiie...

Non.

— ... C'est bien ce que je pensais. Le temps où tu ne pouvais plus rien me refuser est terminé, rit-il.

— Et maintenant, c'est toi qui ne peux plus rien me refuser, annonce joyeusement Pidge.

— Oui, enfin ça, ça a toujours été le cas.

Ça la fait rire. C'est vrai que quand ils étaient gamins, Matt a toujours été aux petits soins pour elle. Il n'était pas comme ça qu'avec elle, d'ailleurs ; il a toujours été tellement gentil et amical, parfois un peu naïvement, avec tout le monde qu'elle s'est toujours figuré qu'il n'existait personne d'aussi cool que lui. Puis, il y a eu Shiro, son meilleur ami. Ces deux-là ne se séparaient pas, passaient leurs journées ensemble, à parler d'exploration et de conquête spatiale. Pidge était un peu jalouse de perdre quelques miettes d'attention, mais elle n'avait jamais vu son frère aussi épanoui et heureux dans ce qu'il faisait. Tous les jours elle le voyait traîner avec Shiro, tous les deux complètement happés par leur programme scolaire. Tous les jours, jusqu'à- jusqu'à-

— Il a un rendez-vous, lui dit Matt. Avec Allura.

Cette petite révélation sort immédiatement Pidge de ses pensées. Elle doit le regarder avec un drôle d'air, parce que Matt éclate de rire et lui dit :

— On dirait que tu vient d'assister à une chute d'astéroïde.

Ce qui est exactement le genre de phrases que seul Matt peut vous sortir, mais qui est aussi plutôt vrai.

Allura ? répète Pidge. Avec Shiro ?

— Ne me dit pas que tu ne l'as pas vu venir, rit Matt.

Allura est tellement morte.

— Mon cher Matt, fait Pidge en se levant pour coller son index au front du jeune homme, sache que je connais Allura depuis deux fois plus de temps que Shiro, et que je savais que ça allait arriver avant même que ces deux-là ne se rencontrent. Il y a clairement quelque chose de chimique dans leur relation.

— Pourquoi est-ce tu as l'air si surprise, alors ?

— Parce qu'elle ne m'en a pas touché un mot ! explose Pidge. Elle m'envoie toujours une tonne de message dès qu'elle le voit. Et là ? Rien. Nada. Que dalle.

Elle sort brièvement son portable pour être sûre. Aucune trace d'Allura.

— Tss, fait Pidge, moi qui ai passé tellement de temps à essayer de les caser. Quelle ingratitude.

Le sourire de Matt ne quitte plus ses lèvres.

— Depuis quand est-ce que tu t'intéresse aux romances des autres ? demande-t-il.

— Huh, depuis que mes deux plus proches amis ont décidé de se transformer en guimauve ? tente-t-elle. Il n'y a rien de pire que d'entendre quelqu'un pigner pour une histoire d'amour. Surtout si on sait que ça pourrait marcher s'ils essayaient vraiment. Au final, je préfère les aider plutôt que de supporter ça plus longtemps.

Matt secoue doucement la tête.

— Je te suis là-dessus. En tant que meilleur ami de Shiro, j'ai dû prendre sur moi pour ne pas le forcer à se confesser.

Pidge hoche la tête. Au moins, Allura essayait vaguement de flirter avec Shiro, alors que le type passait son temps à rougir et à fuir dès que quelque chose venait à se passer. Ce qui est un peu le cas de Keith (sauf que Keith ne se contente pas de rougir ; il se met automatiquement à se disputer avec Lance).

— Meeec, grogne Pidge, je suis tellement énervée que Allura ne m'en ai pas parlé !

Matt hausse les épaule, et boit une nouvelle gorgée.

— Je veux dire, si elle prévoyait de l'inviter, elle aurait dû m'en parler pour mettre au point un plan !

— Oh, fait Matt, c'est Shiro qui l'a invitée.

Pardon ?

Elle a un peu l'impression qu'on vient de lui annoncer l'existence des Pokémon.

— Shiro a fait le premier pas ? répète-t-elle. Comment ? Pourquoi ?

— Je lui ai dit que s'il ne l'invitait pas, j'enverrais à Allura des captures d'écran de lui en train de paniquer par message. Style, Matt, qu'est-ce que je fais, elle est assise juste à côté à la cafet'. Oh, Matt, pourquoi suis-je tombé amoureux d'une élève ? Ce genre de connerie.

— Shiro s'inquiète vraiment de ça ? rit Pidge. Ils ont presque le même âge. Et puis, Allura est en bio, alors...

— Je sais ! Et il n'y a aucune loi interdisant ça, c'est juste... Shiro est parano.

— À qui le dis-tu...

Elle passe la prochaine heure à fusiller Allura de messages.

— — —

— — —

La chambre de Pidge correspond exactement à l'idée que l'on se fait d'une chambre d'étudiant, mais en pire. Des oreillers sont jetés partout, des couvertures, sous lesquelles se cachent des vieux câbles, des pochettes vides de jeux vidéo et des paquets de chips à moitié entamés. Même les murs sont couverts de posters plus ou moins vieux, souvent complètement absurdes : l'affiche du spectacle de danse auquel elle avait participé à ses huit ans, un poster pour chaque Alien sorti, les simples mots "CANADA IS NOT REAL", etc. Ses parents n'osent même plus y rentrer.

Keith, en revanche, participe largement au joyeux bordel abrité par le lieu. Alors que dans son appartement, il est limite maniaque, là il ne se gêne pas pour balancer ses chaussures à l'autre bout de la pièce, et déranger ses piles de DVD, l'hypocrite.

— Tu sais que Allura sort avec Shiro ? demande immédiatement Pidge.

À peine entré, Keith soupire et fait un geste en direction de la porte. Pour montrer son désaccord, Pidge lui lance une chaussette dessus.

Keith Kogane ! grogne-t-elle. N'ose même pas penser à fuir !

— Je, je sais déjà où cette conversation va et ça ne me plaît pas du tout.

— Tu sais, dit Pidge, je ne pensais même pas te parler de Lance.

— Tu es sûre de ça ?

— Pas tout de suite, en tout cas.

Son ami pousse un nouveau soupir, et se retourne pour se laisser glisser sur une couverture à côté d'elle, en signe d'abandon. Ses cheveux sont un peu plus bouclés que d'habitude, et il passe son index pour les ramener derrière son visage avec un petit air boudeur, ce qui est certes mignon, mais pas suffisamment pour prendre Pidge de court.

— Shiro t'en a parlé ? demande-t-elle.

— Uhhhh...

— Keith, qu'est-ce que je t'ai déjà dit à propos de ce genre de réponses ?

Il prend un air blasé, et lève les yeux au ciel.

— Qu'aussi bizarre que ça puisse paraître, grogne-t-il, les gens ne risquent pas de me comprendre si je n'utilise que des onomatopées. Et pour te répondre, oui, Shiro m'en a parlé. Il a passé trois heures à choisir sa tenue, et j'étais la pauvre âme désignée à le conseiller.

Pidge se met à rire.

— Tu veux dire que Shiro a pensé que c'était une bonne idée de te demander, à toi, des conseilles en fringues ?

Nouveau regard noir.

— Je ne suis pas si horrible que ça.

— Tu portes des mitaines.

— Pendant deux ans, tu as refusé de porter la moindre tenue n'ayant pas au moins une touche de vert, réplique-t-il. Et puis, il n'y avait que moi à la maison, il n'avait pas vraiment le choix.

— Hey, le vert est définitivement la meilleure couleur existante ! s'offusque-t-elle.

— Rouge, marmonne Keith.

Vert.

Il lui jette un regard de poisson mort.

— Pidge. On ne va pas encore avoir cette dispute, si ?

— Probablement pas.

Elle reporte son attention à son ordinateur, retournant à l'activité qu'elle avait avant l'arrivée de son ami.

— Tu bosses encore sur ton projet de robotique ? Le concours en Europe ?

— Yup. Shiro t'en a parlé ?

— Huh, un peu ? Il m'a dit qu'il y avait une finale en Espagne, ou quelque chose du genre...

— Tu viendras avec nous ? demande immédiatement Pidge.

Keith hausse un sourcil, saisissant une pomme qui traînait par terre pour croquer dedans.

— Comment est-ce que tu sais que vous arriverez en finale ? grogne-t-il.

— Pff, sérieusement, Keith ? Avec moi, Hunk et Shiro tu peux être sûr qu'on arrive au moins en finale. À nous l'Europe !

— J'en conclus que ça se passe bien, sourit-il.

Pidge presse ses lunettes contre son petit nez avec excitation.

— Oui ! Hunk s'occupe de la conception et de la CAO, je suis plus dans la programmation des robots. Shiro est notre prof tuteur et il n'est pas vraiment supposé aider, mais il nous ramène des pièces qui traînent pour qu'on ait pas besoin d'en acheter, ou nous conseille des fournisseurs. C'est cool.

— Vous avez plusieurs robots à faire ?

— Yup. Un ou deux pour chaque épreuve. À chaque fois, le robot doit pouvoir s'adapter à un certain plateau de jeu, et doit effectuer plusieurs tâches. Mais la partie la plus drôle, c'est de trouver des moyens d'empêcher le robot adverse d'effectuer ces mêmes tâches...

Keith éclate de rire, et lui donne un petit coup de coude.

— Ne leur mettez pas trop la pâtée.

— Bien sûr que si ! Il y aura des larmes et du sang. Pas de notre côté, bien sûr.

— Ça a l'air marrant. Je viendrai voir.

— Tu as intérêt ! La première manche n'est pas loin d'ici, de toute façon. La deuxième est à New-York. Et après ça, c'est l'Espagne !

Elle continue à lui parler de leur projet, des différentes règles et des robots sur lesquels ils travaillent. Keith s'intéresse et donne même quelques idées plutôt cool. Pidge sait que pour son projet tutoré, il retape une moto, ce qui lui correspond plutôt bien, et est vraiment stylé, quand on y pense.

Ils se font interrompre par Allura, qui entre dans la chambre avec un petit sourire en coin, peinant visiblement à cacher son excitation. Comme à chaque fois qu'elle la voit, Pidge ne peut s'empêcher de l'admirer un moment. Si Keith et elle sont des cas désespérés lorsqu'il s'agit de mode (et encore, Keith peut avoir un certain style, quand on y fait vraiment attention), Allura est une vraie diva. Quoi qu'elle porte, elle trouve toujours le moyen de se mettre en valeur. C'est déjà une très belle fille, avec sa peau sombre et ses cheveux éclatants, mais cette façon de toujours savoir quoi mettre, et comment le mettre, ça la rend presque intimidante, dans un sens.

Aujourd'hui encore, elle dégage une aura douce et confiante. Elle porte une robe claire et plutôt simple, avec une veste en jean qui lui va vraiment à merveille. Ses cheveux sont tressés. Elle se précipite sur Pidge en réussissant par miracle à éviter tous les obstacles présents sur le sol.

— Mon dieu, Pidge, dit-elle avec un accent britannique prononcé, c'était tellement génial !

— Oui, enfin ça aurait probablement pu arriver depuis genre un an si vous n'étiez pas aussi bornés...

— Un an, venant de Shiro, c'est déjà un exploit, grogne Keith.

La remarque tire un rire joyeux à Allura. Elle se laisse tomber entre eux deux et reste silencieuse un moment. Mais même sans utiliser de mots, Pidge peut dire qu'elle est heureuse, et aussi cliché que ça puisse paraître, ça la rend tout aussi heureuse. Enfin, peut-être pas autant. Mais c'est toujours agréable de voir que des choses positives puissent arriver à Allura.

— Tu as l'air presque aussi heureuse que Shiro hier, reprend Keith avec un sourire. Ça fait plaisir de vous voir comme ça.

— Oh mon dieu, dit Pidge, Keith Kogane avec un petit sourire tout mignon repéré dans le quartier. Appelez la presse.

Pidge.

— Si tu pouvais faire la même tête quand nous sommes en société, plutôt que d'avoir l'air émotionnellement constipé, peut-être que toi et Lance seriez dans la même situation que Shiro et Allura.

— Oh, intervient Allura, c'est vrai que vous seriez mignons, tous les deux !

Le visage de Keith prend une teinte cramoisie, alors qu'il tente de se cacher derrière la première couverture qui lui vient à portée de main.

— Tu n'aimes même pas Lance, dit-il à Allura avec un ton accusateur, comme si le fait de ne pas aimer Lance était un crime absolument impardonnable.

Allura hausse les épaules.

— Si, je l'aime bien. Au départ, son comportement m'irritait vraiment, mais depuis que je lui ai demandé d'arrêter, je le trouve plutôt sympa.

Pidge se retourne juste à temps pour voir Keith lui jeter un regard plein de détresse, dans le style 'mais Allura tu as tellement de chance de t'être faite draguée par Lance', qu'elle décide de ne pas pointer du doigt pour ne pas embarrasser Keith plus qu'il ne l'est déjà.

— Tu sais, tu devrais vraiment essayer de passer plus de temps avec lui, soupire Allura. Il a l'air de beaucoup t'apprécier. Il m'a demandé où tu étais, à la fête de Shay.

Le visage de Keith semble s'illuminer, comme une ampoule qu'on alimente subitement. Pidge se demande si son visage ne pourrait pas briller dans le noir, mais elle est trop flemmarde pour se lever et éteindre la lumière.

— C'est vrai ? demande-t-il.

— Bien sûr. Je te dis qu'il t'aime bien. Il avait l'air vraiment déçu que tu ne sois pas là. Si je me souviens bien, il a dit quelque chose du genre 'avec qui est-ce que je vais avoir un concours de shot si ce n'est pas Mul- Keith ?'

— Tu allais dire 'Mullet', accuse Keith.

— ... Nonn, répond innocemment Allura.

Allura.

— D'accord, il a dit 'Mullet', mais ça ne change rien à la situation !

Il semblerait que si, car Keith se met à replier ses genoux contre son torse, et à marmonner pendant au moins deux minutes sur la façon dont l'univers a décidé de se foutre de sa gueule. Pidge sait qu'il joue la comédie : Keith a plein de raisons de penser que la vie de ne pas lui offrir de choses positives, mais elles n'ont rien à voir avec Lance.

Lorsqu'il se redresse à nouveau, il a l'air encore plus fatigué que précédemment.

— Je suis vraiment content pour toi et Shiro, tu sais. On n'est pas obligés de parler de Lance maintenant.

— Mais si ! s'exclame Allura. Ce serait tellement cool que vous soyez ensemble !

— Il n'est même pas attiré par les mecs, fait remarquer Keith.

— Huh, tu ne peux pas savoir ça, proteste Pidge.

— Je ne l'ai jamais vu flirter avec autre chose qu'une fille.

— Je suis d'accord avec Pidge, tu ne peux pas savoir si tu ne demandes pas.

— Plutôt mourir.

— Keith, tu ne fais pas vraiment d'efforts ! dit Allura.

— Ce n'est pas si simple ! Si je demande, il saura que je suis intéressé !

— Bah oui, fait Pidge, c'est le plan.

— Eh bien c'est toujours non. Non, allez vous faire foutre.

— Et si je lui demande ? propose Allura.

— Je ne vous croirai pas à moins d'en avoir la preuve sous les yeux, dit Keith.

Pidge et Allura échangent un regard complice.

Ohhhh, le jeu est lancé.


N'hésitez pas à faire part de vos impressions sur ce premier chapitre :)

Oui, le post avec les carottes existe vraiment sur Tumblr. Je n'ai jamais tenté l'expérience, mais... Mmmh, pourquoi pas 8D ?