Bonjour à tous,

Voici ma toute première fanfiction jamais publiée. Je l'ai remaniée de nombreuses fois au cours des derniers mois et j'espère l'avoir rendu compréhensible et lisible.N'hésitez pas à me souligner mes erreurs quelles qu'elles soient ça ne pourra que m'aider à m'améliorer, notamment sur la longueur des phrases. J'ai fait de mon mieux pour supprimer les fautes d'orthographe mais je n'ai pas fait relire la version finale, j'espère ne pas vous en avoir laisser trop ;)Ah ou et désolé pour la longueur du chapitre. Je me rends bien compte que ça va être atrocement long à lire pour vous mais bon, je pars 3 semaines ( par peur des commentaires peut-être ) et je ne voulais pas couper le chapitre en deux. Je préfère avoir des remarques sur le OS entier à mon retour. Bref, merci d'avoir ne serait-ce que cliquer sur cette fanfic et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture :) ( enfin j'espère )

Les pleurs du bébé raisonnaient à travers les grandes salles du manoir bréton. Les cris suraigus se répercutant sur les murs de pierre et, à travers le grand hall, se dispersant dans les moindres recoins de la demeure.

Loin d'être totalement discordants et dérangeants, ils étaient assez agréables, du moins dans la limite du raisonnable, aux oreilles de Keerava, la nourrice argonienne. Elle était depuis longtemps au service du couple de sorciers qui dormaient dans la chambre parentale, d'abord comme intendante puis comme nourrice après la naissance de l'enfant. « Nourrice et pas femme de chambre » pensa-t-elle amusée en se levant pour aller s'occuper de la petite qui ne dormait plus, à quelques chambres de là. En traversant rapidement la galerie qui donnait sur le vaste hall, elle repensa aux railleries auxquelles elles devraient faire face lorsqu'elle se rendrait au marché des alchimistes le lendemain. Elle avait tourné et retourner le problème, elle n'y voyait pas de solutions autres que de laisser le temps filer. En effet, la réédition des deux livres grivois intitulés « La Femme de Chambre argonienne » sur les ébats d'une servante argonienne et son maitre avait ramené cette figure populaire au gout du jour. Les argoniennes, servantes de surcroit, étaient forcées de supporter leur lot de moqueries plus ou moins paillardes lorsqu'elles passaient dans un lieu public ou près de citoyens trop éméchés. « Les écailles ne sont pourtant pas l'accoutrement favori des prostituées » songea Keerava en fronçant les sourcils « Quoique je me demande si elles en ont un » se fit elle sourire. Poussant la porte de la chambre de l'enfant, Keerava fut accueillie par un cri perçant et des pleurs innombrables à vous fendre le cœur. D'un seul élan, elle s'élança vers le berceau et en sortit la fillette trempée de larmes, autant pour éviter de réveiller les parents que pour la serrer fort contre elle.

« Aïcha, soleil de mes jours » murmura-t-elle de sa voix nasillarde avant de bercer l'enfant tendrement en la pressant contre sa maigre poitrine. Cessant lentement de pleurer, la petite ouvrit ses grands yeux et sourit finalement à sa nourrice en laissant échapper un petit rire. Avec un large sourire qui révéla ses multiples dents longues et blanches, Keerava emmena Aïcha hors de sa chambre et descendit lentement le grand escalier. Arrivée sur les marches du milieu, elle s'arrêta et contempla la salle qui semblait, d'ici, presque à taille humaine. En effet, c'était une salle extrêmement haute, mais bien plus haute que large ou longue. La lumière rentrait par une vaste rosace qui teintait le sol de vagues roses pale et vert tendre des tons très doux dans la lueur d'argent de l'astre lunaire. Keerava soupira et laissa ses yeux suivre paresseusement les courbes harmonieuses des reflets du vitrail sur le sol. Lentement, ils atteignirent la luisante rosace puis remontèrent plus haut jusque dans les sommets de la bâtisse. Ils glissèrent le long des porte-étendards colorés et des emblèmes gravés des maisons nobles de Haute-Roche. Enfin ils se posèrent sur les massifs engrenages dwemmers encastrés dans la muraille, très loin au-dessus de la foule. Aux rares personnes qui les remarquaient et qui cherchaient à en savoir plus, on expliquait la présence des engrenages comme une excentricité des sorciers. On faisait croire qu'ils avaient fait sertir les lourds éléments mécaniques en souvenir de leurs recherches conjointes sur les dwemmers. En réalité il n'y avait pas eu de recherches plus poussées que la lecture des ouvrages de référence sur la race disparue et les engrenages étaient tout sauf une excentricité. Ils permettaient d'activer un réseau de pièges dans tout le bâtiment grâce à un mélange de mécanique naine et de magie brétonne et ce sur le modèle des anciennes ruines elfiques; avec quelques améliorations bien entendu. Lorsqu'on est opposé publiquement au Talmor, il n'y a pas de petites précautions.

Néanmoins, depuis leur installation une décennie plus tôt, ils n'avaient jamais servi. Chaque année, lorsque les Bellamont allaient vérifier le fonctionnement des mécaniques, les niveaux d'huile épaisse restaient inchangés, figés dans une perpétuelle immobilité. La première année, la peur avait empêché Keerava de trouver le sommeil, ses somnolences troublées par le bruit de rouages fantômes. Ensuite, Keerava s'était renseignée sur le système de défense et son fonctionnement et avait fait des maintenances mensuelles. Après tant d'années, elle doutait que les engrenages se mettent en marche le moment venu mais elle ne craignait rien pour autant. Il n'y avait eu qu'une poignée de tentatives d'assassinat sur toute une décennie et toutes avaient étés prévues et empêchées bien avant l'heure. Pour l'argonienne, les rouages n'étaient plus aujourd'hui que des gardiens silencieux, aussi inoffensifs que massifs qui participaient à la sérénité des habitants de la demeure leurs roues dentées luisant d'un éclat terne sous la charpente.

Keerava adorait ces heures du cœur de la nuit où, seule avec Aïcha, elle parcourait la demeure sereine et enfin calme après toutes les agitations de la journée. Tout était différent la nuit. Pas de nobles et de mages pressés dans les bureaux, pas de quémandeurs enragés ou désespérés voir même les deux à la fois et c'étaient eux les pires qui attendent dans le hall. Pas de livraisons incessantes pour assurer l'intendance de toute la demeure, pas de domestiques courant partout, que ce soit à la vue de tous ou dans les couloirs secrets, pour tout préparer, lustrer et nettoyer. La nuit, le royaume grouillant et agité bâti par les sorciers Ancus et Isabeau Bellamont laissait place à celui d'Aïcha et Keerava, calme et onirique dans les rayons de la lune. La nuit, les antichambres et les corridors du pouvoir de Daguefilante ne raisonnaient plus du crissement des plumes sur les parchemins mais seulement du frottement d'un pas solitaire et d'un babillement enfantin.

Descendant les dernières marches, Keerava tourna à droite et, arrivant à l'extrémité du grand hall, descendit le petit escalier qui menait aux cuisines de l'entresol. Désertes à cette heure, leur silence n'était troublé que par les barbotements d'un chaudron sur les braises de l'âtre que Keerava s'empressa de décrocher afin de placer la carafe de lait à tiédir. Pour occuper la petite et l'empêcher de hurler, la nourrice lui tendit un bout de chiffon immaculé et la laissa s'amuser avec quelques instants durant lesquels elle inspecta le contenu du chaudron. Keerava le huma, remua et huma encore avant de se résoudre à en boire une gorgée, du bout des lèvres. Au moment où elle sentit le contact de la louche sur ses lèvres, elle l'éloigna et la replongea dans la mixture avant de s'agenouiller et de prononcer une courte bénédiction aux Hists, divinités végétales de sa terre natale, le Maraisnoir. Enfin prête, elle avala une gorgée et attendit anxieusement les effets secondaires, peu confiante en sa préparation, mais ne sentit qu'un léger frisson revigorant le long de sa colonne vertébrale. Ravie, elle en versa au fond du biberon d'Aïcha et ajouta le lait avant d'en reprendre un peu à son tour oui, Keerava était alchimiste.


Callant la petite en son sein, Keerava lui tendit le biberon de céramique et lui fit téter les premières gorgées avant de la laisser continuer seule puis, soutenant l'enfant d'un bras, elle poussa la porte de la réserve de l'autre. Prudemment, elle descendit les marches glissantes avant d'atteindre la cave fraiche et remplie de denrées diverses. Sans hésiter un instant, elle alluma la lanterne accrochée au mur avec une chandelle à moitié fondue laissée là puis la décrocha et s'orienta à travers les étalages. « Une nouvelle expédition nocturne mon cœur » susurra-t-elle d'une voix sifflante au bébé tétant contre elle. Ses pas la menèrent d'eux même à l'étagère qu'elle cherchait et elle accrocha au clou qu'elle avait enfoncé là la lanterne avant de plonger sa main sous la paille des œufs frais. Elle en retira une fiole contenant un liquide variant entre le gris et le bleu pale. « Eh non ma chérie » dit Keerava a Aïcha « Encore un mythe d'apothicaire, les potions de respiration aquatique ne changent pas de couleurs si elles sont à proximité des œufs. Ça ne fait qu'une expérience non concluante de plus, je pense qu'on peut oublier de la plonger dans une infusion de givreboises. Ces petites baies sont hors de prix de toute façon. Je préviendrai cet arrogant elfe demain qu'il s'est trompé mais avec toute la courtoisie du monde bien entendu. ». Aïcha répondit à sa nourrice par un charmant petit rire qui fit pétiller ses grands yeux avant de montrer des signes évidents de fatigue. « Le sérum de nourrice fait effet mon cœur à ton réveil tu auras magnifiquement bien dormi et par les Hists ton rhume sera parti ! » Lui embrassant le front, Keerava récupéra sa lanterne et remonta l'escalier pour rejoindre les cuisines. Elle souffla sur la bougie et poussa la porte massive, se glissant dans l'éclat argenté de la lune qui filtrait par les lucarnes de l'entresol.

A peine avait-elle fermée doucement la porte qu'Aïcha dormait profondément. La posant sur le plan de travail Keerava récupéra le biberon et s'approcha a pas silencieux de la cuve pour le nettoyer. Sous la fenêtre, l'eau scintillait comme du métal liquide, captivant les yeux de la nourrice jusqu'à ce que le passage d'une ombre devant la lucarne mette fin à l'enchantement. Keerava releva la tête mais ne parvint pas à déceler le moindre mouvement derrière la vitre épaisse pourtant quelque chose était passé elle en était sure. Au moment où elle se frotta les yeux se convainquant d'avoir rêvé et prête à invoquer la vieillesse deux ombres passèrent à nouveau devant la fenêtre mais s'arrêtèrent deux lucarnes plus loin obstruant la lumière de la lune. Un frisson glacé descendit le long de l'échine de l'argonienne jusqu'au bout de sa queue. Etreinte par un profond sentiment de danger et d'insécurité, elle reposa la faïence doucement en veillant à ne pas faire de bruit avec l'eau de la cuve avant de reculer dans l'ombre et de prendre la petite dans ses bras. A peine eut-elle le temps de ressentir la chaleur d'Aïcha contre elle que des bottes s'arrêtaient tout le long de la demeure plongeant les cuisines dans une pénombre malsaine. Dans la cuve l'eau ne brillait plus. Les dernières braises de l'âtre si réconfortantes il y a peu étaient maintenant à l'agonie et grésillaient dans un dernier espoir d'être ravivées. Soudain une flammèche vive s'éleva de la buche carbonisée envoyant dans la nuit une lueur d'un orange extrêmement puissant, le feu se refléta sur tous les cuivres de la cuisine et jusque dans les yeux apeurés de la nourrice. Puis ce fut la nuit.


Dans la lumière de la lune, la troupe attendait devant le manoir que l'attaque soit ordonnée. Malandrins, bandits, hors-la-loi et scélérats en tous genres attendaient sans un mot dans le froid devant la bâtisse. D'autres patrouillaient dans les sombres ruelles alentours pour empêcher quiconque de découvrir leurs manigances. Justement, Ruran revenait des rues avoisinantes et avait signifié aux veilleurs de se rassembler. Il souriait d'avance à l'idée du bon repas et de la jolie fille que ce boulot lui payerait. Triturant son amulette de Mara, il compta les hommes sur la placette face à la demeure et y ajouta ceux qu'il venait de rameuter dans une grossière addition. Le nombre qu'il trouva lui plut et il s'avança souriant sur la placette « Aussi puissants que soient ces mages, leur demeure ne tiendra jamais face à 60 hommes … »

Néanmoins ce n'était pas ces à peu près 60 hommes qu'il fallait craindre le plus. Les pauvres hères engagés à la hâte se tenaient à une distance terrifiée et plus que respectable du noyau dur, de l'escadron central qui discutait à voix basse juste devant les portes. L'un de ceux-là revint bientôt pour annoncer que des tireurs avaient bien étés postés dans le quartier des canaux. Ils empêcheraient quiconque de fuir par là et d'échapper au massacre qui se préparait. Lorsque le regard d'Auriel fut complètement détourné de la terre, le noyau dur s'agita et fit vérifier tout leur dispositif une dernière fois. Puis ils s'agenouillèrent tous comme un seul homme et prièrent chacun leurs daedras de leur accorder puissance, sauvagerie, domination ou d'autres faveurs obscurs venues des tréfonds d'Oblivion.

Lorsqu'ils se relevèrent les yeux remplis d'une glaciale détermination, Ruran comprit que le sang coulerait cette nuit, quel que soit le prix à payer et quel que soit la faction qui perdrait des membres. Ne souriant plus il pria pour ne pas être compté parmi les pertes et embrassa avec ferveur son symbole de Mara. Résigné, il se dirigea vers les portes massives, les yeux tournés vers le sol et barbotant une vague prière. Il fut bousculé par un des assassins et se rendit compte qu'il était l'un des seuls à s'être avancés au-delà de la limite raisonnable. En effet, la majorité des autres bandits n'avaient pas bougé d'un pouce. Il vit tous les yeux le scruter avec intérêt et il sentit une serre glaciale enserrer son cœur. Une voix autoritaire s'éleva des rangs des assassins « Ceux qui se sont avancés, rejoignez le quartier des canaux au pas de course. ». Ravi d'échapper au regard des tueurs, il se détourna et suivit l'homme qui les avait appelé. Tandis qu'il se dirigeait vers la ruelle menant au quartier des canaux, il observa l'assassin qui s'était écarté du groupe. Celui-ci s'arrêta face à l'une des lucarnes, « Pourquoi cette lucarne en particulier? ». Ruran n'eut pas même le temps de se le demander qu'une botte clouté fracassait la vitre et le silence de la nuit du même coup.


Keerava dut se retenir pour ne pas crier. Et encore, elle avait retenu son cri in-extremis. Depuis que le feu s'était éteint, elle s'était recroquevillée avec Aïcha le plus loin possible des lucarnes, dans l'obscurité du fond de la cuisine. Et elle avait eu raison. Lorsque la lucarne avait éclatée au-dessus de la cuve, son cœur avait failli lâcher. Celui qui avait fait ça ne pouvait avoir que de mauvaises intentions.

Néanmoins, cette première violence la tira de la torpeur morbide qui l'enchainait au sol. Toujours sans bouger mais avec une extrême concentration elle tenta de déceler un signe prouvant que le brise-lucarne s'était éloigné. D'eux même, ses yeux se fermèrent pour laisser toute la place à son ouïe. Un infime crissement de verre lui fit rouvrir les paupières. Un frisson de terreur lui traversa tout le corps. Tant de discrétion depuis de longues minutes et d'un coup un éclat de violence et de terreur. Seul un assassin bien trop expérimenté pouvait faire ça. Seul un assassin ou un daedra et dans les deux cas, la situation était tout aussi catastrophique. Néanmoins il n'était plus là, elle en était certaine. Prenant la petite contre elle, elle traversa la cuisine d'autant plus silencieusement que des pas de plus en plus nombreux approchaient de la porte. Ne se rapprochant jamais des lucarnes elle évitait au maximum les raies de lumière aux sols. Arrivée dans le hall, elle paniqua. De l'autre côté des portes elle entendait distinctement des voix nombreuses et le chuintement des épées qu'on dégaine. Son instinct voulait qu'elle se rue vers l'escalier pour prévenir les parents à l'étage mais quelque chose la retint. Elle avait fait une promesse à Isabeau quelques mois plus tôt lorsqu'elle était devenue nourrice. Elle avait promis de ne pas se battre et de tout faire pour mettre Aïcha à l'abri. Il fallait que l'enfant s'en sorte coute que coute, c'était là le plus cher vœu des mages. Keerava resta quelques instants à tergiverser baignée par la lumière de la rosace avant de courir à l'opposé de la cuisine dans les quartiers des domestiques. L'idée lui était venue comme ça, toute seule. Arrivée là, elle déposa Aïcha dans les bras d'une statue de Mara implorante, suppliant silencieusement la déesse maternelle de protéger l'enfant. Keerava poussa ensuite la porte du dortoir pour réveiller les domestiques. Elle le trouva aux deux tiers vides, le personnel étant réduit pendant la basse saison ou chaque noble de Haute-Roche rejoint son domaine. Réveillant les quelques dormeurs, elle se rua sur le râtelier et en extirpa les quelques masses accrochées. Ils ne défendraient pas le manoir avec cette ferraille. Ils allaient devoir activer les pièges. La panique revint bien plus forte.


Dehors, Ruran jubilait. Il était affecté au quartier des canaux ! Ses chances de mourir étaient tellement faibles qu'il en aurait gueulé si on ne leur avait pas intimé le silence. Et même sur l'ordre d'un Divin il n'aurait pas osé désobéir aux assassins. Il n'avait qu'à attendre à son poste et vérifier que personne ne s'échappe du manoir. C'était tellement simple ! Il avait de grandes chances de ne rencontrer personne de toute la nuit et si quelqu'un s'enfuyait ce serait sans doute une soubrette terrorisée qu'il maitriserait sans peine. Si elle ne criait pas trop, il pourrait même s'arranger pour obtenir quelques faveurs en échanges de sa vie, du moins en échange de la fausse promesse qu'elle vivrait et qu'elle goberait si elle était un peu crédule. Il atteignit son poste et observa les alentours. Il était dans une ruelle qui démarrait un peu à côté de la place sur pilotis et qui courrait jusqu'à l'embarcadère d'où l'on apercevait les lumières des bouges de Daguefilante, sur l'autre rive. Il s'accouda à une rambarde et regarda l'eau lécher les piliers de bois soutenant la rue. De là, il apercevait un bout de la Grand' Place sur pilotis. Sur le toit d'une des maisons, il vit la silhouette de l'archer noir, occupé à faire les cent pas. C'était littéralement terrifiant. Ruran porta inconsciemment la main à son amulette en pensant aux pauvres dormeurs qui avaient un ange de mort au-dessus de leurs têtes, silencieux comme un chat sur leur toiture. D'un geste de la main il éloigna le mauvais œil.


Keerava sortit et se précipita sur la tenture face au dortoir des domestiques. Du coin de l'œil, elle vit Aïcha dans les bras de la statue et se sentit un instant coupable de la laisser seule. Cela ne dura qu'un instant et, saisissant le tissu, elle mit à jour un passage secret. Elle agrippa l'échelle et se mit à grimper le plus vite possible. L'échelle arrivait derrière une reproduction de la même tenture dans les quartiers des hauts-domestiques, ceux directement au service des maitres de maison. Deux étages plus haut cependant… A peine arrivée au tiers des barreaux, Keerava entendit un choc sourd puis un terrible tremblement ébranla toute la maison. Elle monta à toute vitesse les barreaux de l'échelle avec une ardeur redoublée, priant pour qu'aucun ne se brise. Elle devait donner l'alerte l'assaut était lancé ! Rien ni personne n'exauça ses prières. Quelques barreaux à peine en dessous de la sortie, celui qu'elle tenait craqua et elle partit par le fond. De toutes ses forces elle essaya d'agripper la pierre dure derrière l'échelle mais ses ongles, se brisant nets, ne parvinrent qu'à creuser de cruels sillons sans trouver aucune prise. Brusquement, un barreau soutint ses pieds et ne se brisa pas, stoppant net sa chute. Avec un horrible bruit, sa cheville supporta tout son poids et s'arqua dans un angle douloureux. Keerava laissa échapper un cri rauque de douleur qui se répercuta de façon terrifiante dans le boyau vertical, comme une pensée malsaine dans l'esprit de Sheogorath. D'un ample mouvement, l'argonienne agrippa le barreau suivant celui qui s'était brisé et se tracta jusqu'en haut par un ultime effort de ses bras. A bout de souffle et tremblante de douleur, elle ne prit sa respiration que pour se ruer le long du couloir et débouler dans le salon des hauts-domestiques arrachant presque la tenture. Elle ne put retenir un sonore soupir de soulagement en voyant la domesticité restante levée et presque armée. Le majordome en chef était aussi agité qu'elle, sortant des armes d'un coffre et les tendant à sa troupe. Encore hébétée, Keerava n'écouta pas ce qu'il disait, entendant juste sa voix clair et autoritaire qu'il tirait de son sang à moitié elfe résonner dans la petite salle. Infatigable, la voix monta encore pour couvrir le son des chocs répétés contre les portes. Une fois les serviteurs envoyés aux quatre coins de la demeure, il releva Keerava tremblante et, d'un mouvement de tête, lui intima de se ruer dans son laboratoire. Il lui saisit le poignet et plaça dans sa paume un large couteau dwemmer rougeâtre « Vous en aurez plus besoin que moi. Protégez l'enfant à n'importe quel prix, je m'occupe des pièges et des Bellamont. En espérant vous revoir Keerava.» conclut-il avant de s'éloigner prestement. Abasourdie, Keerava regarda le couteau dans sa paume avant de refermer ses doigts écailleux sur la poignée, effleurant du bout des ongles les mots gravés : Un couteau pour une vie. Il lui avait donné son arme porte-bonheur une relique dwemmer que lui avait offert le maitre lui-même. En relevant les yeux elle espéra croiser le regard du demi-elfe pour obtenir des explications. Elle volait qu'on la rassure et qu'on lui dise que la maison tiendrait, qu'ils survivraient tous et que les dispositifs magiques écarteraient les assaillants. Elle ne voulait pas qu'on lui confie des dagues pour se défendre dans une fuite périlleuse qui la pousserait à abandonner ses amis et son logis. Néanmoins, elle avait boité piteusement et elle était déjà dans son laboratoire… En quelques instants elle attacha une ceinture de fioles de poison a sa taille et remplit sa besace de potions diverses. Elle finit ses préparatifs en glissant une bourse, sa propre dague, et deux stylets à sa ceinture avant de passer un mince plastron de cuir par-dessus sa robe. Il fallait juste qu'elle ne boite plus. Elle baissa les yeux sur sa cheville arquée et frémit de dégout. Elle vérifia d'un coup d'œil ses potions mais rien ne serait assez rapide pour détendre et anesthésier muscles et tendons afin qu'elle se remette la cheville en place. Mal à l'aise, elle s'agenouilla, souleva sa robe et, tendant sa paume, y fit jaillir un orbe de douce lumière dorée. Plaquant la main contre sa chair, elle se concentra et laissa se diffuser la magie curative. Elle sentit les muscles et jusqu'aux moindres vaisseaux réagir à la magie de guérison en se tordant, bougeant tous à la fois. Kerava manqua de vomir et se força à respirer par grands coups dieux qu'elle détestait faire usage de la magie ! Il n'y avait rien de naturel dans les sorts, surtout ceux qui prétendaient être aussi efficace que les potions ! Mais ils étaient plus rapides à faire effet… et malgré les sensations désagréables pour un connaisseur en anatomie, ils diffusaient à la fin une sensation de bien-être qui contentait la majorité des mages. Il est vrai qu'en cas de blessure grave, sentir ses nerfs s'agiter n'était pas une préoccupation première. Lorsqu'elle ressortit du laboratoire, hésitant à s'appuyer sur son pied droit, une violente explosion secoua le bâtiment. Agrippée au mur, Keerava respira une forte odeur de soufre qui la fit suffoquer. Une soubrette fondit en larmes près de la porte mais l'argonienne ne se soucia pas d'elle. Un cliquetis inconnu emplit le bâtiment et, avec une joie profonde, Keerava vit les engrenages se mettre en marche au milieu des jets de vapeur.


Une explosion retentit et une fumée ocre s'éleva au-dessus du manoir. Accroché à la rambarde, Ruran regarda le nuage coloré monter et s'enrouler autour de la haute flèche tel un dragon paresseux. Gaiement, il imagina la horde franchir les portes et saccager la demeure, égorgeant les habitants. D'une minute à l'autre il s'attendait à voir s'élever les flammes de leur victoire. Cependant, une minute passa, suivi de plusieurs autres et aucun feu ne vint éclairer la nuit. Pire, à travers les volets des maisons, les lueurs mouvantes des bougies indiquait le réveil des habitants. A l'extrémité de son champ de vision, l'archer noir, accroupi à l'extrémité de son toit, fixait la fumée brune. Comme un oiseau de proie, l'assassin resta immobile jusqu'à ce qu'une se porte s'ouvre, laissant filtrer la lumière orange d'une torche sur toute la place. Alors seulement, il pivota sur lui-même et observa les habitants se regrouper. Au fur et à mesure qu'ils devenaient plus nombreux, les petits groupes terrifiés s'éloignaient des porteurs de torches et emplissaient la place, formant une foule importante. Se redressant, l'assassin observa la populace comme s'il venait de la remarquer, la surplombant de toute sa hauteur. Une nouvelle explosion retentit et d'un même mouvement, toutes les têtes se reportèrent sur le manoir dans un concert de cris. Pas de fumée épaisse cette fois, juste un grand brut et bientôt la lueur des flammes. La foule n'était plus soudée. Ce n'était pas encore la panique mais la cohésion du voisinage n'était plus qu'un souvenir lointain. Derrière lui, venant d'une porte close, Ruran entendit des pas et un cliquetis de clés. Dégainant sa dague il la planta de toutes ses forces dans le bois de la porte, juste au-dessus de la serrure. Un cri de terreur retentit dans la maison et il entendit, malgré les murs, le bruit d'une chute lourde renversant le mobilier. Retirant la dague, il s'amusa à la replanter plusieurs fois pour terroriser quiconque voudrait sortir. Lorsqu'il entendit des pas précipités remonter un escalier et une porte claquer, il se retourna vers la place et observa le spectacle. Dans une mêle furieuse, les brigands tentaient de repousser les habitants chez eux. Néanmoins, ils n'osaient pas donner de grands coups de lames dans la foule, préférant bastonner du plat de leurs armes les citoyens. Au-dessus du chaos qu'était maintenant la Grand' place, se tenait l'archer noir, l'arc sorti et prêt à tirer sur la multitude d'insectes grouillant à ses pieds. Malgré la distance, Ruran aurait pu jurer l'avoir vu sourire.


Keerava ne jeta même pas un regard à la soubrette et se rua vers l'échelle le long de laquelle elle se laissa glisser. Soulagée de savoir les Bellamont en sécurité derrière leur labyrinthe de piège, elle ne craignait plus de s'éloigner avec l'enfant. C'était une simple précaution pour la sécurité d'Aïcha. Confiante comme jamais elle repassa la tenture et cueillit l'enfant dans les bras de Mara. Avant de repartir, elle embrassa la main de la statue mais ne s'attarda pas plus longtemps. Reculant précipitamment, la nourrice disparut dans le couloir le plus loin possible des portes de la demeure. Elle se débrouilla du mieux qu'elle put et finit par sangler Aïcha contre sa poitrine dans une large bandoulière de tissu brun.

Une nouvelle explosion secoua la demeure alors que Keerava, le bébé dans les bras, poussait la porte menant sur le quartier des pilotis. Le sol trembla sous ses pieds tandis que les portes du manoir volaient en éclats, laissant passer les ombres furtives des assassins et la foule beuglante des pillards. Malgré sa totale confiance en la victoire des magiciens elle ne perdit pas toute prudence. C'était la première fois qu'un assaut était mené contre le manoir, la situation n'était pas à prendre à la légère. Seule elle était certes plus discrète mais d'autant plus vulnérable. Et elle ne voudrait pour rien au monde mettre Aïcha en danger. En se mouvant comme une ombre sur les promenades et les quais bordant l'eau, Keerava aperçut un groupe d'habitants avec des torches. D'autres suivirent et la rumeur d'un combat parvient à ses oreilles. Se glissant de porche en porche elle atteignit l'extrémité de la Grand' place. Des cris nombreux emplissaient déjà ses oreilles et bientôt ce fut un panorama d'anarchie totale qui s'offrit à ses yeux éberlués. Ne comprenant rien, elle se terra le plus possible au milieu des ombres, espérant trouver quelqu'un, quelque chose, ne serait-ce qu'un détail pour comprendre cette situation inconcevable. « Un combat de rue ! Presque une guerre civile en pleine nuit ?! Dans le quartier calme des petits bourgeois de Daguefilante ?» elle était sans voix. Rien ne vint calmer l'empoignade alors qu'une odeur de brulé persistante emplit l'air, venue de la demeure à présent secouée d'explosions. Lorsque la claire cloche d'incendie se mit à sonner sur la ville entière, Keerava observa une figure en noire approcher du bord d'un toit, un arc bandé à la main. La figure sonda la foule puis, d'un geste automatique tendit la corde et la relâcha, laissant s'échapper un projectile mortel. Le son glacial sembla dominer la foule, la réduisant au silence tandis qu'une flèche empennée de noir s'enfonça dans la poitrine d'un forgeron colossale. Aussi colossale soit-il, il s'effondra raide mort en crachant des pleines bouches de sang écarlate. La foule se dispersa aussitôt vers les maisons en hurlant, laissant les bandits maîtres de la place. Terrifiée, Keerava précéda le flot et se jeta dans une ruelle pour éviter d'être piétinée. La nourrice serra de toutes ses forces l'enfant et, jetant un coup d'œil derrière son épaule, vit la face horrifiée d'une femme trébuchant, bientôt écrasée sauvagement par la foule. La mimique d'horreur se grava d'elle-même dans sa mémoire. Le souffle court, les yeux éberlués, elle recula dans la ruelle. Toute sa confiance dissipée laissait place à une nouvelle vague de peur panique. Elle était seule, vraiment seule, et les dangers qu'elle allait affronter était loin d'être inférieures à ceux de la maison. Elle devait quitter ce quartier. Elle devait atteindre l'étendue d'eau qui lui permettrait de rejoindre un endroit plus sure à Daguefilante. Elle avança avec hésitation dans la pénombre, sondant chaque porche, jusqu'à ce qu'elle aperçoive l'eau. De l'autre côté brillait les lumières du quartier populaire des auberges, tripots et des bordels. Impossible de la retrouver une fois qu'elle y serrait. Mi soulagée, mi paniquée, elle se précipita vers la promesse de survie.


Les lumières approchaient pas après pas certes encore un peu lointaines mais Keerava pouvait déjà discerner les différents bâtiments. Soudain une main calleuse la saisit par l'épaule et la plaqua contre un mur. Un cri de surprise lui échappa tandis que ses lumineux objectifs sortaient de son champ de vision. Une voix mauvaise lui susurra dans l'oreille : « Tu n'as pas entendu qu'il fallait rentrer chez toi la lézarde ? C'est très mal de trainer là où il ne faut pas. Il va t'arriver quelques bricoles mais rien de trop grave si tu me donnes ton or sans crier. De toute façon il n'y a que mes amis à cette heure donc vraiment ne crie pas. » Keerava vit la chance d'échapper à son agresseur pour une bourse seulement. Les yeux fixés sur le visage du bandit qui la plaquait au mur, elle fouilla sa ceinture et décrocha les cordons de cuir retenant la bourse. Il lui arracha presque des mains et il sourit de toutes ses dents. Elle tenta de se dégager mais il raffermit sa prise et tendit sa main vers sa poitrine. « Je n'ai jamais touché d'argonienne » murmura-t-il en empoignant de la bandoulière de tissu brun dans laquelle dormait Aïcha. Lorsqu'il la saisit, la petite hurla. « Qu'est-ce que… Un gosse. ! » cria-t-il. Il balbutia sans comprendre, perdant ses moyens face à la situation inattendue « Tu as kidnappé une fillette… ». La cloche incendie fendit la nuit à nouveau pour prévenir la cité que de hautes flammes montaient du Manoir des cinq Voies. Elles mettaient en danger la sécurité de la ville entière maintenant. Il se retourna vers la haute bâtisse en flamme mais n'eut pas le temps de comprendre, sa langue se noyant dans un gargouillis de sang. Keevara tremblante lâcha la poignée de métal dweemer qui dépassait de la gorge de son agresseur. Il s'effondra sur les planches des docks en râlant, envoyant des flots de sang repeindre les planches. Hystérique, la nourrice resserra son emprise sur le balluchon-Aïcha et sortit un stylet de sa ceinture, le plongeant dans une fiole de poison. Enjambant les bras secoués de spasmes du bandit, elle commença à courir à perdre haleine abandonnant toute discrétion. Sur sa gauche surgit un autre homme qui tenta de l'empoigner en tendant sa main. Keerava lui planta le stylet dans la paume. Il hurla avant qu'elle ne le retire violement et se remette à courir. Derrière son deuxième agresseur qui serrait contre lui sa main transpercé en beuglant des malédictions, un autre survint mais il s'arrêta pour aider son compagnon. Ouvrant de grands yeux horrifiés, il vit les vaisseaux sanguins sur la main du blessé s'enfler et noircir à cause du poison.

Keerava arriva sur le quai et vit la promesse de survie des auberges sur l'autre rive. Elle chercha désespérément barque du regard et, en voyant une, couru jusqu'au point d'amarrage. De toutes ses forces, elle agrippa la corde rêche et gonflée d'eau et tenta de défaire les nœuds. Elle se pencha et tira jusqu'à faire blanchir ses jointures. Une flèche passa juste au-dessus d'elle et lui écorcha le dos, lui arrachant un cri de douleur. Le sang jaillit et elle le sentit imbiber sa tunique et son plastron déchirés. Elle se jeta derrière des caisses de marchandises tandis que des flèches se fichaient dans le bois derrière elle. Captivée, elle observa les ronds de la flèche tombée dans l'eau tandis que la douleur irradiait son dos, tentant de reprendre son souffle. Elle vit alors comment elle pourrait se sauver. Elle pouvait respirer sous l'eau indéfiniment et nager, elle était argonienne ! Son enthousiasme disparut aussi vite lorsqu'elle comprit qu'elle devrait abandonner Aïcha. Alors que l'archer en noir bondissait du toit ou il était perché pour achever celle qu'il avait blessé au dos, plongea la main dans sa besace, priant pour y trouver ce qu'elle cherchait la seule idée qui puisse la sauver elle et l'enfant.

Triomphalement, elle sortit l'élixir bleu pâle qu'elle avait récupérer plus tôt dans la soirée et le fit boire de force à Aïcha jusqu'à bout. Puis elle se jeta dans les flots malgré la douleur cuisante de son dos. L'eau calma un peu la douleur tandis qu'une trainée rouge suivait son sillage. Elle nagea de toutes ses forces, comptant le nombre de secondes de respiration que la potion allouerait à Aïcha. Elle remarqua la flèche qui l'avait blessé fichée dans un poteau d'amarrage englouti mais resta insensible, tout comme elle l'était avec les flèches qui pleuvaient autour d'elle. Elle avait moins d'une dizaine de secondes avant de ressortir de l'eau. Deux flèches perdues tombèrent faiblement dans l'eau loin sur sa droite et elle ressortit à quelques brasses à peine de l'autre rive. Elle maintint la tête d'Aïcha hors de l'eau et, sans regarder les trois hommes sur le ponton de l'autre cote de l'eau, elle se hissa sur la terre ferme avant d'entrer dans une ruelle bondée de soudards à moitié ivres entre deux tavernes. Elle pressa le pas au milieu de la foule vers le coin bondé des bordels.


Au bord du dock, l'archer en noir, visière relevée, observait les lueurs des auberges en face de lui. Ses yeux ne cessaient de passer des lueurs vives à l'eau sombre ou avaient disparus sa flèche et la lézarde. Au moins personne ne trouverait de pièce à conviction pour le relier personnellement à l'attaque il n'avait déjà que trop tuer en Haute-Roche. Sur ses deux flèches tirées l'une était au fond de l'eau et il avait arraché l'autre de la poitrine du forgeron. Son regard insensible passa de l'eau à la lame d'ébonite qu'il tenait à la main et d'où gouttait lentement le sang pourpre des deux autres archers qui avaient manqués la lézarde. Leurs corps tranchés et mutilés lui avaient permis de liquider un peu la fureur qui l'avait envahi. Poussant d'un coup de pieds quelques membres déchiquetés au fond de l'eau, il rumina en se rendant compte que le plan avait échoué. La lézarde s'était enfuie avec la fille des Bellamont ! Au moins les parents étaient morts et le manoir était à moitié calciné. Néanmoins la gamine pourrait trouver refuge chez le mercenaire Azzan de Lenclume ou chez les marchands bosmers. Elle ne représentait pas un danger immédiat au moins et, même si l'employeur n'était pas content, il n'aurait qu'à les réembaucher dans quinze ans pour finir le travail de cette nuit. D'après ce qu'on lui avait rapporté, nombre des pillards engagés étaient morts dans les pièges de la demeure ou des lames des domestiques. Les survivants étaient passés au fil de l'épée pour éviter qu'ils ne divulguent quoi que ce soit. Point sombre au tableau, il avait perdu plusieurs frères d'armes. Sur le groupe d'assassins surentrainés beaucoup étaient morts de la main des mages eux même ou, plus étonnant, d'un majordome de sang elfique qui s'était révélé particulièrement coriace. Excédé l'archer banda son arc avec une flèche de simple fer volée sur le cadavre d'un de ses exutoires et visa un brigand pleurant trop bruyamment la mort de son compagnon. Il avait observé le cadavre noir de poison en revenant de la place pour récupérer sa flèche. Le spectacle était assez immonde, même pour un tueur comme lui. L'argonienne avait été particulièrement efficace, elle n'avait laissé aucune chance à son adversaire. Même égratigné, le poison aurait été suffisant pour tuer trois hommes comme le mort. Stoppant sa respiration il sentit sa frustration l'envahir et, visant la tempe, il lâcha la corde. Alors, tandis qu'un cadavre au crâne explosé s'effondrait sur le sol, alors là seulement, il se sentit un peu mieux.


Le lendemain matin, dès l'aube, les badauds se pressaient aux abords du manoir calciné. Le feu n'avait pu être éteint qu'à grand renfort de magie et il ne restait plus grand-chose d'un des plus grands lieux de pouvoir de Haute-Roche. Envoyé par les autorités de la ville, le sorcier Kastus Charascel ne pouvait qu'observer le cadre du massacre en tentant d'identifier les cadavres omniprésents. Presque toute la domesticité y était passée avec un nombre plus qu'impressionnant d'agresseurs. Heureusement les corps des deux mages étaient intacts, protégés par une puissante magie d'altération. Un homme passa le cordon de garde et se dirigea vers lui à travers les gravats. Etonné que l'individu passe, Kastus se dirigea vers lui pour lui adresser la parole mais l'homme en face de lui fut plus rapide : « Lazare Merowald, monsieur. Intendant du domaine Bellamont et gestionnaire de la fortune du couple décédé. J'ai entendu dire que les familles avaient étés prévenues, sont-elles arrivées ? » « Non, mais les Maborel ont quitté leur domaine tôt ce matin dès l'annonce de la nouvelle. » Otant ses gants le petit homme avança plus loin dans les décombres, emmenant l'enquêteur avec lui. Il chuchota « De vous à moi, as-t-on retrouvé leur fille ? Ou la servante argonienne ? Elle était une de leurs plus proches amies. »

Choqué de son oubli, Kastus resta coït il avait oublié l'existence de la fille du couple… Et aucun corps d'enfants ou d'argonienne n'avait été retrouvé dans les décombres. Du moins pour le moment. Entrainant le gestionnaire, il ré inspecta la ligne de cadavres mais ne trouva rien. « Venez un détail pourrait vous intéresser mais ne divulguez rien. »

Ils s'éloignèrent de l'entrée du Manoir, dépassant les notables vociférant pour récupérer leurs derniers documents de leurs bureaux détruits. Sous leurs pieds bottés crissaient les délicats éclats de verre de ce qui avait été la rosace, avant qu'elle ne soit soufflée par les explosions consécutives. Ils arrivèrent dehors dans le quartier des pilotis d'où on enlevait le corps de plusieurs bandits et de quelques habitants piétinés. Ceux qui avaient étés interrogés racontaient une même scène de bataille de rue au cœur de la nuit, puis une fuite éperdue pour retrouver la sécurité de son logis. Aucun ne mentionnait la mort des brigands. Des bastonnades oui, mais ils ne semblaient pas avoir tué leurs agresseurs, préférant s'écraser les uns les autres apparemment. En suivant une des ruelles extérieures menant aux petits docks, ils tombèrent sur un cadavre qui n'avait pas encore été retiré. De sa gorge, la poignée d'une dague dwemmer dépassait seulement, couverte du sang noir qui avait coulé à gros bouillons toute la nuit et qui maintenant formait une épaisse couche coagulée.

« Je ne sais pas si votre argonienne est en vie monsieur Merowald. Je ne sais pas ce qui a pu se passer cette nuit. En tout cas, nous avons beaucoup trop de brigands morts et ça ne correspond pas à ce que disent les habitants. Je veux bien qu'ils soient morts dans la maison mais en plein quartier marchand il n'y a pas de pièges. Je ne sais pas non plus comment je vais traiter cette affaire sans plonger la cité dans la panique. Néanmoins vous avez une chance, aussi infime soit-elle de retrouver l'enfant. Des domestiques se sont échappés, cherchez les et trouvez les car ils n'oseront pas faire parler d'eux. Ils ont peur pour leur vie et ils éviteront autant assassin que sorciers de Haute-Roche. Personnellement ma tâche est d'arrêter les tueurs, pas de trouver l'enfant. A vous de jouer, vous avez ma bénédiction. »

Lazare Merowald acquiesça sombrement il s'attendait à ce que les autorités ne se préoccupent pas de l'enfant. Il y avait plus urgent et les Bellamont agaçaient de nombreux notables de Haute-Roche. Ceux-là ferraient tout, pas pour tuer l'enfant, mais pour ralentir et enterrer les recherches.

Kastus le tira de sa rêverie en ajoutant « En tout cas si c'est l'argonienne qui a fait ça, la petite est entre de bonnes mains » et ce faisant il laissa retomber le symbole de Mara sur la poitrine du mort.