AVERTISSEMENT : Certains détails de cette fiction peuvent choquer certaines personnes ! Âmes sensibles s'abstenir !
DISCLAMER : Tous les personnages appartiennent à Stephenie Meyer.
Apprendre à vivre
Chapitre 1
Introduction : une nouvelle arrivée
« Je pars chez Jazz' ! » Lança ma sœur, avant de s'enfuir précipitamment de la cuisine.
« Attends ma puce ! Et mon gâteau ? » Demanda Esmé, attristée. Bien sûr Alice devait déjà être dehors à l'heure qu'il est, prête à foncer vers la maison de son petit ami.
« Et moi chez Rose ! » Fit Emmett en imitant Alice.
Un lourd silence s'installa autour de la table de notre cuisine américaine, ne comprenant plus que mes parents et moi.
« J'en prendrais volontiers, moi… » Dis-je à ma mère afin de lui redonner quelque peu le sourire.
« Je te remercie mais tu n'aimes pas le gâteau au yaourt. Ce n'est pas la peine de te forcer en voulant me faire plaisir. Tu en prends chéri ? » Demanda-t-elle à l'intention Carlisle.
« Absolument ! Pour rien au monde je ne louperais ça ! Vraiment Edward, tu rates quelque chose en n'aimant pas ce dessert ! Et cuisiné par Esmé, ça ne peut qu'être délicieux. »
En remerciement, ma mère vint embrasser tendrement son mari sur la bouche. Et puis même si je n'aimais pas ce plat, j'étais certain que mon père avait absolument raison ! Esmé était une véritable chef cuisinière. Si elle n'était pas une excellente architecte en plus de ses incroyables talents de décoration intérieure, elle aurait certainement prospéré en ouvrant son propre restaurant où elle en aurait été le chef.
Je débarrassai mon assiette ainsi que celle des autres et fis la vaisselle alors que mes parents mangeaient le dessert.
« Tu devrais sortir un peu … » S'inquiéta ma mère surprotectrice. « Carlisle reçoit à la maison un homme pour lui parler du fameux projet auquel il tient tant et moi je pars en déplacement pour Phoenix pour les constats d'une rénovation. »
« Maman, on est à Forks ! Mis à part faire les courses ou aller à la messe le dimanche, je ne vois pas trop où je pourrais sortir… »
« Fais du camping ! » Proposa-t-elle.
« Du camping ? Tout seul ? En plein milieu du mois de juillet ? »
« Bon, j'avoue que mon idée n'était pas terrible mais tu pourrais faire une simple promenade dans ce cas. »
« Mouais… Je vais y réfléchir… »
Nonchalant, je montai dans ma chambre et pris mon bouquin. L'idée de la promenade n'était peut-être pas si mauvaise que ça après tout… De toutes manières, rester cloîtré dans cette villa à l'écart de tout n'était pas mieux. J'avais déjà un teint pâle, si en plus je ne profitais pas du soleil lorsqu'il était rarement présent, j'allais ressembler de plus en plus à un vampire !
Je pris un gilet, mon iPod, quelques livres et mes clés de voiture avant de sortir, sans avoir omis de saluer mes parents bien évidemment !
Je démarrai rapidement ma Volvo grise avant de prendre la 101 en direction du Nord. Quelques minutes plus tard, je tournai à droite sur la 110 jusqu'au sentier que j'avais emprunté à moult reprises. Une fois arrivé au bout de celui-ci, j'arrêtai ma voiture pour en sortir et commençai à marcher en direction de mon échappatoire préférée. À une heure de marche, peut-être deux en y allant doucement, se trouvait une magnifique clairière où je m'y retrouvais afin de laisser mon esprit divaguer. Personne n'en connaissait l'existence, mis à part moi. Ce qui me rassurait car j'étais momentanément indisponible pour tout le monde (bien que je fus surpris un jour par le réseau de mon téléphone portable qui était excellent) mais d'un autre côté, j'avais envie que quelqu'un partage avec moi ce bonheur à chaque fois que je m'y rendais. Alice avait Jasper, Emmett Rosalie, mais moi j'avais toujours été seul. Je n'avais pas non plus beaucoup d'ami au lycée. Même aucun en y réfléchissant bien. Nous étions étranges aux yeux d'autrui car nous vivions en Alaska et que l'on s'était infiltrés dans leur petite communauté. Seuls Jasper Withlock et Rosalie Hale s'étaient intéressés à nous, enfin... surtout à ma sœur et à mon frère. Les autres nous regardaient étrangement…
Petite notification : les filles n'avaient pas vraiment l'air de t'ignorer… Loin de là cette idée même…
Effectivement, j'avais été le joujou des demoiselles de cette petite bourgade pluvieuse. D'accord, mon physique n'avait jusqu'à présent laissé aucune fille (et femme) indifférente, mais ça me gênait. Je ne savais pas trop qu'elles étaient leurs réelles intentions. Généralement les parents donnaient des conseils à leurs filles afin qu'elles se méfient des mauvais garçons, mais les miens m'avaient prévenu de me méfier des femmes qui n'en voulaient qu'à mon apparence -avantageuse, je devais bien le reconnaître- et qui se fichaient complètement des sentiments. Or ils savaient parfaitement que j'avais un cœur en or mais fragile. C'est en ça que reposait tout le problème… Ils ne voulaient pas que je souffre par amour… À moins qu'ils ne veuillent tout simplement pas revivre ma période de dépression, lors de notre déménagement, parce que je quittais les seules amies que j'avais. Je n'avais pu m'entendre qu'avec des triplées : Tanya, Kate et Irina Denali. Elles étaient affectueuses, attentionnées mais collectionnaient conquête sur conquête, Tanya exceptée. Elle était comme moi, elle n'aimait pas ce genre de relation éphémère, les qualifiant de malsaines. Elle préférait de loin l'Amour avec un 'A' majuscule et des relations stables et durables.
C'était une époque heureuse pour moi, bien qu'un peu froide à cause du climat… Puis Esmé avait fini par ne plus supporter les températures excessivement basses, mais désirait néanmoins un climat assez proche. Forks était l'endroit parfait selon elle et elle nous avait traînés jusqu'à la villa qu'elle avait rénovée. J'étais contre cette idée, tout comme Alice et Emmett, mais ça c'était avant que les deux ne me lâchent par intérêts personnels. Alice avait un immense dressing (et quoi de plus important pour elle ?) puis Jasper qu'elle avait rencontré au lycée tout comme Emmett qui avait eu le coup de foudre pour sa petite amie actuelle. Carlisle était lui aussi heureux car il avait trouvé une place à l'hôpital pour exercer sa profession : psychologue et parfois psychiatre selon le cas. Mais ces derniers temps, il était concentré sur un projet expérimental. D'après ce qu'il m'en avait expliqué et de ce que j'en avais compris, il s'agirait de ne prendre qu'un patient -ayant un cas difficile- et de s'en occuper jour et nuit à son domicile. Étant donné que la villa était très spacieuse et qu'il y avait une chambre en plus, mon père avait sauté sur l'occasion. De plus, il s'ennuyait ferme à l'hôpital. Il n'y avait pas vraiment de cas difficile (ce qui était tout de même mieux dans un sens !) et les patients venaient uniquement dans le but de lui raconter leur vie sans problème. (Ce qui pour moi était tout de même le but de son métier : écouter les gens peu importe ce qu'ils avaient à dire.)
Une bonne heure plus tard, toujours plongé dans mes pensées, j'arrivais dans ma clairière. Je m'assis au centre de celle-ci et sortis l'un de mes bouquins. Les écouteurs aux oreilles, je laissai mon esprit divaguer sur la tragédie de Shakespeare de Hamlet. J'aurais volontiers lu Roméo et Juliette, seulement l'idée d'aborder un thème lié à l'amour me déprimait, me faisant toujours rappeler à quel point j'étais seul et qu'aucune fille ne m'attirait. Emmett me répétait toujours que j'étais gay parce que je ne traînais qu'avec des filles et qu'elle m'aimait comme leur 'amie'. De plus, aucune d'entre elle ne m'attirait. Le seul argument que j'avais contre cette idée était : 'les hommes ne m'attirent pas non plus'. Après tout, je n'étais peut-être pas normalement constitué…
Excuses-moi de te déranger dans tes pensées, mais n'as-tu pas pensé précédemment à laisser ton esprit divaguer SUR ton livre plutôt que sur tes réflexions personnelles… ?
Qu'est-ce que je disais ? Anormalement constitué ! Avoir une voix dans sa tête, marque généralement le début d'une mauvaise passe…
Tu n'as qu'à en parler à ton père de psychologue ! Quoique psychiatre conviendrait mieux dans ton cas !
Je soufflais et me mis à lire sérieusement, parfaitement concentré sur le récit.
« Je suis rentré ! » criai-je dans la villa.
Alice était rentrée, puisque sa voiture m'avait obstrué l'allée menant au garage, m'empêchant ainsi de garer ma Volvo. En passant par le garage, je ne vis ni la voiture de ma mère, ni celle de mon frère. J'entendis des pas légers mais pressés résonner dans les escaliers.
« Il a accepté ! » Déclara affolée ma sœur.
« Qui a accepté quoi ? » Lui demandai-je complètement perdu.
« Papa a accepté le projet du patient ! Et il vient dès demain matin parce que selon l'autre homme -qui ne sait même pas comment on porte correctement un costard cravate- c'est un cas d'extrême urgence qui nécessite toutes les attentions ! »
« Dès demain matin ? Si tôt ? Et il va rester combien de temps ce patient ? »
« Le temps de sa guérison… Et si c'est un cas qui est grave, je sens qu'on va bien s'amuser parce que sa guérison va prendre longtemps ! » Ironisa-t-elle.
« Ne fais pas cette tête ! Si ça se trouve, il sera super gentil… et on deviendra tous amis. » Essayai-je de positiver.
« Ouaiiiis ! Youpiiii ! » Dit-elle faussement joyeuse en agitant ses mains au niveau de sa tête. « Et si jamais ce n'est pas le cas ? » Redevint-elle sérieuse. « On parle d'un patient à problèmes graves Edward ! » Insista-t-elle sur l'avant dernier mot. « Il ne sera pas gentil ! Imagine un peu que ce soit un serial killer ! Ou un mec qui fait des sacrifices avec les animaux ! Oh mon dieu ! Si jamais il a le malheur de s'en prendre à Jake ne serait-ce que toucher à l'un de ses poils, je deviens moi-même une criminelle avide de sang humain ! »
« Calme-toi ! Avant de dire des choses pareilles, voyons d'abord comment le patient sera. »
« Je n'aime pas ça ! » Déclara-t-elle comme un mauvais pressentiment, avant de retourner dans sa chambre.
Je soufflai un coup. Il était grand temps de dîner, mais avant une petite douche s'imposait !
Je montai rapidement à l'étage, pris des affaires propres et m'enfermai dans ma salle de bain. Une fois ma douche prise et que je fus rhabillé, je descendis dans l'intention de préparer le repas, mais Carlisle l'avait déjà préparé. Alice était assise devant son assiette à tester la matière de la pitance du bout de sa fourchette d'un air peu rassuré… Il était évident que Carlisle aux fourneaux n'était pas vraiment… de tout repos pour l'estomac.
« Tu tombes bien Edward, j'allais t'appeler ! »
Je lui fis un sourire contraint et vins m'asseoir à table. À priori, les pâtes qu'il avait préparées avaient l'air comestibles…
Bon dieu ! Faîtes qu'il n'ait pas mis trop de sel et qu'il ait voulu se rattraper en mettant du sucre ! Priai-je mentalement.
Visiblement, Alice était septique au fait de goûter la première, et me regarder avec insistance afin que je franchisse le premier le cap… Je soufflai un bon coup avant de goûter une petite quantité de pâtes.
Je me mis à rire en voyant l'expression humoristique de ma sœur, qui très clairement était celle du 'Alors ? Verdict ? Si je mange ça est-ce que je vais mourir dans les prochaines heures ?'
« J'ai raté un épisode ? » se demanda mon père.
« Non, aucun. » lui répondis-je.
Je souris à Alice tout en lui faisant un discret clin d'œil pour lui donner le feu vert. Les pâtes étaient acceptables, mais excellentes selon le niveau culinaire de mon géniteur.
« Je voulais vous parler du projet- » commença-t-il.
« Pas la peine de tout expliquer, j'ai tout entendu. » le coupa Alice.
« Et bien je peux d'ores et déjà vous prévenir que c'est un cas- »
« Grave et sérieux ! » termina-t-elle.
« Oui… Mademoiselle Cullen, n'auriez-vous pas 'par hasard' écouté ma conversation à travers la porte ? » demanda notre père avec un ton autoritaire.
« Ce n'était pas écrit privé et à ne pas écouter sur la porte à ce que je sache ! »
« Tu te rebelles ! »
« Tu as accepté de faire venir un de tes patients ici sans même l'avoir rencontré et évalué son cas ! Tu te fies aux jugements des autres sans connaître l'homme en question ! »
« Alice Mary Cullen, je te prierais de te calmer immédiatement s'il te plaît ! » haussa-t-il la voix.
Elle se calma et commença à manger la nourriture servie tout en maugréant dans son coin.
« Ce sera une fille de dix-sept ans. » précisa Carlisle.
Alice releva la tête d'un air intéressé.
« Pas un vieux de quarante ans qui croit encore au Père Noël, qui met des couches à cause de problèmes de vessie et qui est pédophile à tendance psychorigide avec des troubles obsessionnels du comportement ? »
Notre père se mit à rire de bon cœur.
« Non pas du tout ! Il s'agissait uniquement d'adolescent ayant le même âge que vous. »
« Et que sais-tu exactement de son cas ? » demandai-je.
« Pas grand-chose à vrai dire. Le docteur Snow, l'homme qui supervise le projet m'a seulement dit qu'elle était spéciale, qu'il y aurait énormément de travail, et que ce ne serait pas aisé. »
« Elle arrive vers quelle heure ? » m'enquis-je.
« Au environ de dix heures du matin si tout va bien et qu'il n'y a aucun problème. »
« Rassurant… » commenta sarcastiquement ma sœur. « Au fait, on a que des pâtes à manger ? »
Carlisle toussota et désigna une poêle fumante. La viande ne devait certainement pas avoir tenu le coup au 'talent' culinaire de notre cher père…
« Pas grave, je n'avais pas trop faim de toutes manières. La prochaine fois, laisses-nous tout de même faire à manger, je crois que ça vaut mieux pour tout le monde… »
« Totalement d'accord avec elle ! » approuvai-je.
Le reste du repas se déroula dans le calme. Chacun débarrassa son assiette, mais je me proposai pour faire la vaisselle comme à mon habitude. Les deux retournèrent à leurs occupations, tandis que je me mettais à pianoter sur le clavier de mon instrument favori : le piano. Je me contentai d'une improvisation qui dura près d'une heure puis je me réfugiai dans ma chambre. J'allumai la télévision accrochée sur le mur en face de mon lit, et zappai à la recherche d'un programme passable. Je finis par laisser les informations, par faute de mieux. On parlait du président, d'attentas commis ces derniers temps, de disparitions en tout genre… Rien de très gai ! Pourquoi ne parlions-nous jamais des bonnes nouvelles ?
Parce que les bonnes nouvelles ne sont pas sur les chaînes d'informations ! Regardes donc la chaîne spéciale faune et flore, avec un peu de chance tu assisteras à la naissance d'un panda, ou d'un tigre blanc !
Encore cette voix…
Conscience, je préfère ! Et puis au moins tu as quelqu'un à qui parler. Estime-toi heureux ! Ce n'est pas souvent que ça arrive dans la 'réalité'…
Les consciences ne sont-elles pas présentes pour remonter le moral, ou donner du courage au lieu de nous donner une paire de grosses gifles en pleine figure, en nous rappelant à quel point notre vie est pathétique et en nous enfonçant davantage par la même occasion ?
Je soufflai, faisant abstraction de la réponse de ma 'conscience'. L'entendre était une chose, mais commencer à lui répondre en était une autre !
Je fis défiler une nouvelle fois toutes les chaînes et m'arrêtai sur la chaîne spéciale faune et flore. Allez savoir pourquoi ! Peut-être bien que j'avais une auto influence sur moi-même… L'émission parlait de la reproduction des oursins…
Palpitant !
Finalement, je zappai sur une chaîne de musique des années 80. Je ressortis un roman de Sir Arthur Conan Doyle, avec son fameux personnage de Sherlock Holmes.
Je fus réveillé par des rugissements, et sursautai. La télé était encore allumée, et mon livre ouvert à la page où je m'étais assoupi. Je baillai et allai éteindre l'appareil. Je me lavai rapidement les dents avant de me mettre en boxer et me glissai dans les draps de mon lit déjà refroidi par ma brève absence sur celui-ci…
Je fus réveillé cette fois-ci, par un rayon de soleil sur ma joue. Je baillai et m'étirai. Il était neuf heures passées. Je sortis de mon lit et fis ma toilette du matin, avant de prendre mon petit déjeuner dans la cuisine. J'ouvris les volets au passage, puisque visiblement, personne n'était encore levé mis à part moi. Je mangeai rapidement un bol de céréales. Neuf heures quarante-cinq. Si tout se passait bien, la patiente de Carlisle arriverait dans un quart d'heure… D'ailleurs, en parlant de lui… Il descendit rapidement les escaliers et me salua rapidement.
« La patiente arrive dans quelques minutes. Alice est partie faire quelques courses et ne devrait pas tarder, tout comme Emmett que j'ai appelé afin qu'il rentre à la maison. Esmé est également sur le chemin du retour. »
« Elle n'était pas censée y rester plus de temps ? »
« Si, mais elle a insisté pour qu'on soit tous réunis lorsque la patiente arrivera. »
La sonnette de l'entrée retentit.
« Je vais ouvrir ? »
« S'il te plaît. » Acquiesça-t-il. « Je finis de préparer la chambre… » Dit-il en se précipitant vers les escaliers.
Je regardai par le loquet et vis Emmett avec notre mère.
« Coucou ! Vous allez bien ? » Leur demandai-je en ouvrant la porte.
« On accueille une patiente dégénérée chez nous ! » S'exclama Emmett. « Et je suis sexuellement frustré de ne pas avoir pu faire jouir comme il se doit Rosalie à cause de l'appel de papa qui nous a interrompu en pleine action ! Alors non, ça ne va pas ! »
Ma mère le regarda d'un air choqué avant de se reprendre et de le corriger. Il alla directement dans la cuisine ouvrir le frigo et manger. Esmé me fit rapidement la bise avant de le rejoindre. Je m'apprêtais à refermer la porte lorsqu'Alice arriva. Je la laissai entrer. Une voiture aux vitres teintées se gara dans notre allée et je prévins tout le monde que nous avions de la visite.
Un homme descendit du côté passager et vint à la rencontre de mon père qui était rapidement descendu. Puis le conducteur ouvrit la porte arrière, il parla à une personne dans l'habitacle et y entra. Il en ressortit et demanda de l'aide auprès de son collègue. Tous deux tirèrent une petite brune qui résistait et qui voulait rester dans la voiture. J'observais le spectacle avec attention, tout comme le reste des membres de ma famille. Le conducteur referma la portière, ainsi la patiente qui gesticulait ne put retourner dans le véhicule. L'homme de la veille tint le visage de la fille entre ses mains et lui parla. La fille se calma et l'homme la prit comme une mariée. Elle serrait fortement contre elle une peluche représentant Panpan, le lapin du dessin animé Bambi. Il était très abîmé et sale, mais elle s'y agrippait comme un échoué en pleine mer le ferait à une bouée. Son visage était dissimulé par sa longue cascade de cheveux bruns bouclés, et il était également enfoui dans le cou du médecin qui la portait sans grande difficulté. Il rentra dans notre maison et déposa à terre la petite brune qui enlaçait ses jambes de ses bras, et qui se cacha derrière celles de l'homme. Elle posa son menton sur ses genoux et fixa le sol. Son visage que je n'avais toujours pas aperçu, était toujours dissimulé derrière sa chevelure.
« Comment s'appelle-t-elle ? » Demandai-je au médecin.
« Elle n'a pas de prénom. Personne n'osait lui en donner un au centre, et comme nous avions dès le départ l'intention de la confier à une famille accueillante nous pensions qu'il serait mieux que ce soit les membres de cette famille qui le lui en donne un. »
« Elle a l'air timide… » Constatai-je à haute voix.
« Elle est surtout… effrayée je pense. Elle a une certaine histoire… et son passé est… particulier. »
Je fronçai les sourcils, et l'homme du projet nous proposa de nous asseoir sur les canapés afin que nous ayons toute l'histoire depuis le début.
Nous allâmes tous nous asseoir et il vint nous rejoindre. Son collège arriva avec un sac en toile assez usé, et une grosse caisse en carton.
« Dans ce carton, vous trouverez des journaux intimes. Il appartenant à un certain James. À l'âge de un an, peut-être moins, cette fille (Il désigna la patiente, qui s'était discrètement déplacée et qui maintenant était calée dans un coin de la pièce, à l'écart, toujours dans la même position : elle enlaçait ses genoux et serrait fermement sa peluche contre elle.) a été enlevée à ses parents ou du moins il est précisé à sa mère dans les journaux. Il ne s'est pas occupé d'elle comme il aurait dû s'occuper d'un bambin de son âge. Elle ne sait pas marcher, ni parler, ni lire, ni écrire. On ne sait pas vraiment si elle nous comprend même si on aurait tendance à dire que oui, mais elle semble avoir été dressée pour certaines tâches uniquement. Cet homme l'employait comme… »
Il regarda d'un air désolé la fille, qui le fixait d'un étrange regard. J'eus enfin le loisir d'observer son visage. Il y avait quelque chose d'unique dans son regard chocolat qui m'envoûtait. Et son corps entier dégageait une aura… spéciale. Les mots me manquaient pour décrire cette sensation si particulière. Elle avait l'air tout à fait normal, et pourtant…
« Objet sexuel… » Finit par lâcher l'homme.
Immédiatement Esmé et Alice semblèrent bien plus affectées que nous, les hommes. Personnellement, je m'empêchais de dire ce que je pensais de cet homme ! C'était monstrueux de faire ça à quelqu'un ! Je regardais en direction de la fille. Bien qu'elle nous fixait, on distinguait très clairement qu'elle ne savait pas de quoi on parlait. Elle était totalement insouciante. Nos regards se croisèrent alors pour la première fois. Elle baissa aussitôt sa tête tandis que je reportais mon attention sur le médecin, qui parlait avec Esmé.
« Ne me dîtes pas qu'il lui a fait certaine chose à un an ! »
« Je ne pense pas, non… Les journaux décrivent leur première expérience sexuelle, une pénétration vaginale à l'âge de neuf ans. Mais peut-être avait-il déjà tenté des approches auparavant sans qu'il ne les mentionne par écrit… »
« Oh mon dieu ! C'est horrible ! » S'exclamèrent ma sœur et notre mère.
« Comment peut-on faire des choses pareilles ! » M'énervai-je.
Je me levai sous les regards surpris des personnes présentes autour de moi, et marchai en direction de la baie vitrée. J'observai le paysage environnant, se résumant uniquement à de grands sapins verts formant une forêt dense. Puis mon regard se porta sur la fille, à ma gauche. La sérénité m'envahit immédiatement lorsque je vis qu'elle m'observait. Je ne saurais décrire exactement l'émotion qui se dégageait de ses yeux, mais c'était incroyable. Ils étaient doux et innocents. Tout ce dont j'avais envie pour le moment, c'était de les admirer toute l'éternité. Cette fille paraissait fragile, et j'avais un soudain instinct protecteur envers elle.
« Dans quelles conditions vivait-elle ? » Demanda professionnellement mon père.
« Je préfère vous prévenir que ce n'est pas joyeux du tout, et que si vous êtes trop sensibles, vous devriez sortir de la pièce le temps de ma réponse. »
Je me retournai et quittai à regret le regard de notre nouvelle venue. Esmé et Alice s'était levée. Emmett suivit le mouvement, ce qui déclencha les rires d'Alice.
« Toi, trop sensible ? » S'esclaffa-t-elle.
« J'en ai pas l'air, mais comme les gros nounours, j'ai un cœur là-dessous. » Déclara-t-il théâtralement.
« Bon, sortons qu'on les laisse discuter. » Décréta ma mère. « Edward, tu restes ici ? »
Je jetai un coup d'œil à la fille, qui me regardait intriguée.
« Oui… » Fis-je faiblement avant de m'asseoir à la place que j'occupais il y a quelques minutes.
L'homme inspira profondément, puis soupira.
« Les deux vivaient dans une cabane éloignée de toute civilisations, à la frontière du Canada. Lorsque nous avons débarqués dans celle-ci, elle se trouvait sur un matelas trop petit pour elle, le cou… attaché… (Il avala sa salive difficilement, le regard dans le vide. Il était certainement en train de revivre mentalement la scène.) Elle était complètement nue et ne pouvait pas bouger de son lit, la chaîne était trop courte pour faire quoi que ce soit. Le matelas sentait l'urine et lorsque nous l'avons détachée de là et mise ailleurs, nous avons remarqué une partie imbibée de sang. L'homme qui la retenait ne s'occupait pas de son hygiène ni de son confort. Elle devait se soulager sur place et ne lui donnait rien lorsqu'elle avait ses menstruations… »
Un silence s'installa afin que nous puissions nous remettre de nos émotions, mais je choisis de la rompre et d'en savoir davantage.
« Qu'est-ce que cet homme, ce James… est devenu ? » Demandai-je d'un ton maîtrisé, mais tout de même colérique.
« Il est mort. Nous avons reçu l'appel d'un homme juste un peu avant son décès. Il nous a donné sa localisation. Un procès posthume aura lieu d'ici peu. »
« Vous dîtes qu'elle ne sait pas marcher, mais il a bien fallu qu'elle arrive jusque-là toute seule, non ? » Demandai-je en pointant du doigt le coin derrière moi où se trouvait la fille.
« Elle se déplace à quatre pattes. » Nous expliqua-t-il.
« Ses muscles ne se sont pas atrophiés ? »
« Dans les écrits de son ravisseurs, on apprend qu'il lui faisait des promenades régulières chaque jour. Il… (L'homme prit une grande inspiration.) Il l'a promenée comme un chien, généralement pour les grosses commissions si vous voyez ce que je veux dire… Durant les quelques semaines où nous l'avions au centre, un kinésithérapeute se chargeait de faire son éducation. Elle a fait beaucoup de progrès mais le chemin reste encore long pour qu'elle sache parfaitement marcher et se tenir debout sans aide. »
Mon père et moi hochâmes gravement la tête. L'homme regarda sa montre et se leva.
« Je suis navré mais je dois vous laisser. J'aurais préféré rester encore un moment afin de mieux vous expliquer la situation, sauf qu'une urgente affaire me demande. » Il s'adressa ensuite exclusivement à mon père. « Vous pourrez me joindre à tous moments. Vous avez mon numéro. Au moindre problème, appelez-moi. Vous trouverez ses effets personnels dans ce sac en tissu. Il n'y a pas grand-chose. Une boîte à musique, un biberon en jouet, une brosse à cheveux ainsi qu'un pendentif en mauvais état. Nous vous laissons la caisse des journaux intimes à conditions qu'ils restent intacts et que vous les gardiez toujours en votre possession. Nous vous avons également rapporté une caisse qui contient quelques vêtements propres, des serviettes de toilettes, un shampoing, un gel douche et des couches. Elle n'a jamais appris à faire ses besoins dans des toilettes et s'approcher d'elle au centre a été très difficile si bien que nous n'avons rien pu tenter avec ce domaine. Donnez-nous régulièrement des nouvelles et des rapports sur les avancés du projet. »
Il commença à partir en direction de la porte, comme son coéquipier silencieux, avant d'ajouter une dernière chose.
« Je vous déconseille de lui enlever son doudou, enfin… sa peluche, c'est comme vous préférez. Nous avons déjà essayé et croyez-moi vous n'auriez pas aimé être présents à ce moment-là... Ne vous étonnez pas trop de son cycle de sommeil. Il est très… spécial. » Chercha-t-il le terme qui convenait le mieux. « Oh ! Et j'allais oublier le dossier médical ! Peux-tu aller me le chercher s'il te plaît ? » S'adressa-t-il à son collègue qui sortit de la maison après un hochement de tête.
« Elle est en parfaite santé, si on excepte des carences en vitamine D, en calcium et en fer. Elle a également certains réflexes sexuels. Éviter d'avoir une érection en sa présence. Chaque jeudi, elle est obligée de se masturber devant quelqu'un. Nous avons essayons de passer outre, mais rien n'a su y faire… C'est automatique et indispensable pour elle… Une personne lui suffit, homme de préférence, sinon elle fera ça devant tout le monde… Je vous appellerai pour vous donner plus d'informations. » Fit-il à l'intention de mon père.
Le second homme revint et tendit le dossier à Carlisle, avant de nous saluer brièvement. Il sortit une nouvelle fois et entra dans la voiture, place conducteur. Le chef du projet nous souhaita bonne chance, fit de loin un petit signe à la fille et monta à son tour dans la voiture. Je refermai la porte et me tournai en direction de la fille. Elle n'était pas seulement qu'une patiente de mon père. Chaque membre de notre famille avait une mission que nous devions accomplir tous ensemble : lui apprendre à vivre…
