- Chapitre I -
Le pari
Tout en préparant nerveusement sa commande, Bella, dix-neuf ans, se demandait comment elle avait réussi à se fourrer dans un pareil pétrin et surtout comment elle allait faire pour en sortir. L'heure tournait. Bientôt son patron allait descendre et elle devrait mettre son plan à exécution. « Comment est-ce que j'ai bien pu m'imaginer que j'allais faire un truc pareil ? A force de fréquenter des vieux, j'ai le cerveau qui ramollit », se réprimanda-t-elle avec agacement. Elle jeta un coup d'œil dans la salle qui commençait doucement à se remplir. Presque tous les habitués étaient là. « Tu parles, ils ne rateraient ça pour rien au monde », ronchonna-t-elle. A travers ses longs cils noirs, elle constata sans surprise que tous les regards convergeaient dans sa direction, l'évaluaient, la soupesaient. Les clients arboraient un visage indifférent, mais le petit sourire en coin qu'ils affichaient était plein de sous-entendus. « Je me demande où en sont les paris. Je suis sûre qu'ils pensent tous que je vais me défiler », réfléchit-elle. A cette idée peu rassurante, elle ressentit le besoin urgent de leur donner raison et d'aller faire un tour sur la planète Mars, histoire de vérifier par elle-même, si les martiens n'existaient pas. Courageusement Bella se ressaisit. De toute façon elle n'avait pas vraiment le choix. Elle-même avait misé cinquante euros sur sa réussite et avait besoin de cet argent, destiné à compléter la cagnotte « études supérieures » qu'elle était en train de se constituer.
C'était l'heure intermédiaire entre les derniers cafés et les premiers apéros. Bella faillit renverser la tasse qu'on lui avait commandé et la déposa in extremis sur le plateau… le sourire des vieux s'agrandit et devint, à ce qu'il lui sembla, franchement railleur. Elle se mordit les lèvres pour ne pas tous les envoyer se faire voir, attrapa bravement son plateau et entreprit de le déposer à bon port…
- Je suis descendu, Bella, beugla son patron en faisant le tour de la salle pour saluer les clients.
- Sans blague ! Répliqua-t-elle avec mauvaise humeur. Je t'ai pris pour Daniel Day Lewis et j'ai failli te rouler une pelle.
De surprise Jean-François, dit Jef, interrompit son tour de salle et lui lança un regard suspicieux. Bella avait souvent la dent dure, surtout s'il lui témoignait trop de gentillesse devant témoins. Mais là, il n'avait fait que dire bonjour.
- Qu'est-ce qui va pas, t'as tes règles ? Attaqua-t-il avant de s'apercevoir que tout le monde dans la salle avait pris un air innocent, qui n'était, mais alors là pas du tout, dans les habitudes de la maison.
On aurait entendu une mouche voler. Bella elle-même se mordait les lèvres et était devenue rouge comme une tomate.
- Qu'est-ce qui se passe ce matin ? Est-ce qu'on aurait oublié de me dire quelque chose ? Interrogea-t-il d'un air soupçonneux.
Comme pour confirmer ses soupçons, Paul qui avait encore la main tendue dans l'attente que Jef la lui serre, prit la défense de Bella.
- Fait pas attention, elle fait la gueule parce que Jason a dû lui refuser de rester dormir avec elle hier soir.
Curieusement tout à coup il y avait de l'écho dans la salle et chacun en rajoutait des tonnes sur la question de savoir si Jason partageait ou pas le lit de Bella. Jef dut les interrompre avant que les premiers paris sur la question ne soient engagés.
- Jason ne dort pas avec Bella. Jamais. Affirma-t-il avec conviction tout en louchant sur son employée pour essayer de deviner ce qui ne tournait pas rond chez elle, ce matin-là.
Mais cette dernière affichait un front buté et dissimulait soigneusement ses pensées.
- Je me suis tâchée, je monte me changer. Affirma-t-elle en prenant bien soin de ne pas le regarder en face.
Il était très important que Jef ne soupçonne rien de ce qui allait se passer, sinon il allait mettre ses deux gros pieds dans le plat et personne ne saurait jamais si elle aurait gagné son pari ou pas. Et dans cette salle, où tous les habitués, ou presque, étaient déjà là, nul n'aurait supporté que l'affaire capote. Des semaines qu'ils attendaient ça, en tenant le patron soigneusement hors du coup, ce n'était pas maintenant, à la dernière minute que tout allait partir en vrille. Ils regardèrent Bella quitter la salle d'un pas déterminé, ses longs cheveux auburn flottant librement dans son dos, jusqu'aux fesses, qu'elle avait fort jolies. Pas assez grosses disaient certains, mais c'était là une occasion de se distinguer et de parler des fesses qu'ils avaient personnellement fréquentées, dans leur jeunesse. La chute de reins de Bella était un sujet de conversation apprécié, c'était toujours des causeries délicieuses et absolument pas déconseillées, ni aux diabétiques, ni aux hypertendus ; mais il devait absolument n'être abordé qu'en l'absence de cette dernière et de son chien de garde de patron.
Bella monta dans sa chambre, sous les toits. C'était une grande pièce de vingt-cinq mètres carrés avec deux grands velux pour l'illuminer. En hiver on y gelait et en été on y étouffait. Mais c'était sa chambre. Elle disposait d'un petit lit, d'une grande armoire et d'une commode sur laquelle Jef avait posé une télé, qu'elle ne regardait jamais, mais il avait insisté et elle l'avait acceptée pour lui faire plaisir. Elle avait aussi son propre lavabo, mais pour les WC et la douche, Bella devait squatter la salle de bain de son patron qui habitait l'appartement du dessous. Pareil pour le lave-linge. Elle avait un coin bureau, deux tréteaux et une planche, sur lequel était installé son ordinateur portable et sa chaîne hi-fi, pour le reste, il y avait des bouquins et des CD partout, la plupart du temps rangés par piles et qui formaient une architecture assez invraisemblable et donnait de la fantaisie à la pièce. Sinon, pas de déco, pas de poster, rien de personnel. Jef lui avait proposé cent fois de refaire les peintures et la tapisserie mais elle avait toujours refusé, prétextant qu'elle trouvait sa chambre très bien comme ça. Il n'avait pas insisté, il ne la forçait jamais à rien.
Il l'avait recueillit, six mois plus tôt, un peu comme on ramasse un chaton, pour ne pas qu'il se fasse écraser. De ce qu'il avait compris de son histoire, ses parents étaient séparés et depuis son plus jeune âge, Bella avait vécu quelque part du côté de Nice avec sa mère, une femme peu mature et qui collectionnait les aventures. Quand cette dernière se mit en ménage avec un homme dont l'âge était plus proche de celui de sa fille que d'elle-même, Bella décida d'aller vivre avec son père, dans les environs de Saint-Étienne. Ce dernier était commissaire de police et n'avait que très peu de temps à lui consacrer. Mais ce n'était pas un problème parce que Bella ne voulait qu'une chose, avoir son bac et partir pour Paris, commencer des études dans le cinéma. Elle rêvait d'écrire des scénarii et de réaliser ses propres films. Elle bossa avec acharnement et eut son diplôme avec une mention « très bien ». Elle n'eut, malheureusement pas, le temps de s'en réjouir. En juillet, lors d'une partie de pêche avec des amis, son père décéda des suites d'une crise cardiaque, et Bella dut faire une croix sur ses projets d'avenir. Sa mère n'aurait jamais les moyens de lui payer les frais de scolarité et un loyer sur Paris. Elle hésita à renoncer à ses rêves pour poursuivre des études sans intérêt, mais à l'idée de retourner vivre chez sa mère et son très jeune beau-père ; qu'on prenait toujours pour son petit ami ; elle décida de tenter sa chance quand même.
Bella débarqua un jour dans l'établissement de Jef, un modeste café-restaurant du douzième arrondissement, pas très éloigné de la gare de Lyon. Elle avait dû errer au hasard dans les rues du quartier, avant de tomber sur l'affiche « cherche serveur », que Jef avait placardée le matin même de son arrivée. Elle n'avait aucune expérience mais lui avait paru tellement désemparée qu'il l'avait embauchée. Il avait même fait mieux que ça. Il l'avait logée, nourri et surtout, il veillait sur elle comme une poule sur son œuf. Et il avait du mérite parce que Bella avait son caractère et supportait difficilement les témoignages d'affection. Elle était fière et ne voulait pas inspirer de pitié, alors quand il s'agissait de lui rendre service, il fallait faire preuve d'ingéniosité et parfois, il fallait même déployer des ruses de sioux et inventer des stratégies diaboliques, dont tout le bistrot se faisait le complice. Venir en aide à Bella était devenu le sport national de son établissement et c'était à celui qui aurait l'idée la plus tordue, la plus délirante et les vieux s'amusaient comme des petits fous à la mettre en œuvre. Depuis qu'elle était là, ils avaient tous rajeunis de vingt ans.
Ca faisait longtemps que Bella ne regardait plus sa chambre. Elle se déshabilla rapidement et enfila une robe courte et assez décolletée, enfin, raisonnablement courte et décolletée. Elle était toujours très raisonnable en tout. Elle releva ensuite ses cheveux en chignon qu'elle attacha avec une grosse pince, puis se maquilla, soigneusement. Un coup de rouge à lèvres d'un rouge très foncé, presque bordeaux et qui contrastait vivement avec sa carnation, très claire, enflamma son visage comme un coup de rasoir. Elle poudra ensuite ses pommettes de façon à faire ressortir le côté anguleux de sa figure, puis elle souligna son regard chocolat d'un trait noir qu'elle étira soigneusement vers ses tempes déjà dégagées par le chignon. Elle rajouta encore une bonne couche de mascara et contempla enfin le résultat de son œuvre. Elle était … effrayante, une vraie pouffiasse, jugea-t-elle, mais ça collait parfaitement avec son projet. Elle enfila une paire de ballerines, elle n'avait pas de chaussures à talons, et redescendit rapidement reprendre son service. Elle ne voulait pas que Jef s'énerve trop après elle, il devait attendre qu'elle revienne pour aller en cuisine finir de préparer le plat du jour.
- C'est pas trop tôt, l'entendit-elle beugler tandis qu'elle dévalait les escaliers aussi vite que sa maladresse le lui permettaient.
- Ouais, excuse-moi, je n'avais plus rien à me mettre de propre, j'ai dû enfiler une robe. Aboya-t-elle à son tour.
Mais elle l'entendit déjà claquer la porte, signe qu'il s'enfermait dans sa cuisine. Elle était débarrassée de lui pour au moins une heure.
Lorsqu'elle fit son apparition dans la salle, il y eu tout à coup un grand silence et elle remarqua, tandis qu'elle faisait mine de ne pas s'en rendre compte, qu'ils étaient tous là à échanger des regards investigateurs. Ce qu'elle allait faire, ils ne l'avaient pas prévu. Elle sentit que la tension montait d'un cran et leur adressa un sourire triomphant. Ils allaient voir de quoi elle était capable. Bella fit du regard le tour de la pièce. Tout le monde était là sauf… La porte s'ouvrit pour laisser entrer un vieux monsieur, très élégant. Ca y était, tout le monde était là. Il se dirigea tout droit vers le bar et s'assit sur un tabouret.
- Bonjour Bella.
Il avait l'air tellement heureux qu'on aurait dit qu'il avait gagné au quinté plus.
- Bonjour Emile, minauda cette dernière en battant des cils. Tu t'es mis sur ton trente-et-un, t'as rendez-vous avec une jolie fille ?
L'Emile en question prit la teinte d'une pivoine et baissa les yeux devant tant d'innocence. Bella en profita pour jeter un regard victorieux à l'assistance qui pour ne pas perdre une miette de la conversation, avait fait silence.
- C'est mon anniversaire aujourd'hui Bella, j'ai quatre-vingt ans.
Ca faisait un mois qu'il le lui répétait tous les jours, donc elle ne craignait pas de l'ignorer, pourtant elle fit son étonnée.
- Vraiment ? Tu ne les fais pas, tu es encore très… fréquentable. Apprécia-t-elle en l'envisageant d'un air de connaisseuse.
Emile rougit de plus belle et ses yeux s'embuèrent.
- Je t'offre l'apéro ? Lui proposa-t-elle avec son air le plus engageant.
Le beau vieillard n'attendait visiblement que ça et s'empressa d'accepter.
- Alors, ce sera quoi ? L'encouragea gentiment Bella.
- Je voudrais un kir… avec du sirop de violette, ajouta-t-il précipitamment.
La salle frémit et laissa échapper quelques murmures appréciateurs. Bella se renfrogna et fit mine de se mettre en colère.
- Soit gentille ma belle, c'est mon anniversaire, tu ne vas pas faire ta méchante ! Plaida Emile avant qu'elle ne prenne l'idée de l'envoyer se faire voir.
Elle fit mine de réfléchir. Cette histoire de sirop datait en fait de son arrivée. Dès le début Jef l'avait invité à s'investir dans son travail et lui avait confié l'approvisionnement du bar. Il avait bien sûr fait une liste des boissons qui manquaient mais lui avait recommandé de la compléter avec ce qui lui paraissait important. Comme l'après-midi même, un couple avec des enfants lui avait demandé un Orangina avec du sirop à la violette et qu'elle n'avait pas pu leur donner satisfaction, elle en acheta une caisse entière. A la livraison, Jeff lui passa un sacré savon et hissa les bouteilles sur la plus haute étagère du bar. Tout en serait resté là si, le jour même, un jeune assoiffé ne lui avait pas fait la même demande. Et c'est là que la salle ébahie la vit monter pour la première fois sur l'escabeau de service, offrant à leur regard, le joli spectacle de ses jambes et surtout de son incomparable fessier. Dès lors, les vieux n'eurent de cesse que de se faire servir la même chose. Il leur fallait du sirop de violette dans à peu près tout : le pastis, le vin blanc, j'en passe et des meilleurs, jusqu'à ce que Jef se rende compte de leur manège et interdise purement et simplement à Bella de remonter sur le tabouret à leur demande.
Le silence s'épaissit dans la salle, suspendue à la décision de la jeune serveuse. Bella ferma les yeux et se concentra sur son objectif. « Tu dois le faire, sinon t'es foutue », se motiva-t-elle. En évitant soigneusement le regard des habitués, rivé sur elle, Bella ouvrit l'escabeau et entreprit de monter, une à une, les cinq marches qui le composaient. Arrivée tout en haut, elle dut encore se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre la bouteille fatidique de sirop de violette. La vision de rêve des jambes de Bella, étirée de toute leur longueur, provoqua un murmure appréciateur de la part de la clientèle. Le cœur battant, elle attrapa l'objet du délit et redescendit sous les applaudissements et les sifflets de la salle, déchainée. Le bruit attira Jef qui s'énerva en voyant l'escabeau.
- Je croyais t'avoir dit de ne pas de faire ça, Bella.
Il fit taire d'un regard furibond les vivats et se dirigea vers le commanditaire du crime, lui appliquant une grande tape dans le dos, qui lui fit cracher son dentier sur le comptoir. Des hurlements de protestation s'élevèrent de toute la salle, comme quoi c'était de la triche, que ça ne comptait pas, qu'Emile devait perdre sa prothèse tout seul et que le pari ne tenait pas dans ces conditions. Bella s'insurgea. Il avait perdu son dentier et peu importait de quelle manière. Elle avait gagné. Jef se mit à hurler plus fort que tout le monde en exigeant de savoir de quel pari il était question, ce qui ramena instantanément le calme dans la salle.
Personne n'avait prêté attention à un client qui tentait désespérément d'attirer l'attention de la serveuse. Il profita de cet instant de silence pour se faire remarquer.
- S'il vous plait, lança-t-il en levant la main.
Tous les regards convergèrent vers le gêneur et sur un signe de tête de son patron, Bella se décida à aller prendre sa commande. Le brouhaha reprit derrière elle, chacun tentait d'expliquer la situation à Jef en rejetant la faute sur les autres. Ce dernier n'appréciait pas du tout la plaisanterie et voulait à tout prix connaître l'auteur de l'idée tordue de faire perdre son dentier à Emile. Il pouvait longtemps courir, se dit cette dernière, c'était un tel pataquès qu'il ne démêlerait jamais le vrai du faux. Et c'était tant mieux, parce que l'invention était d'elle et que recevoir une leçon de morale ne l'enthousiasmait pas plus que ça.
L'idée du pari lui était venue il y avait environ un mois. Jean, un habitué de la maison, avait tenté sa chance ; une fois de plus ; de se faire servir un verre de sirop à la violette et c'était bien sûr entendu répondre d'aller se faire voir, mais en des termes moins châtiés. Et là, comme Emile pénétrait à son tour dans l'établissement et lui jetait un regard plein d'espoir, l'idée lumineuse du pari avait jailli.
- Je ne monte sur cet escabeau que dans des circonstances exceptionnelles et seulement pour des clients qui me témoignent du respect… comme Emile. Lança-t-elle en lui faisant une œillade et son plus joli sourire.
Sans surprise, ce dernier rosit de plaisir et l'idée germa tout naturellement dans sa tête de faire grimper Bella sur le tabouret à l'occasion de son anniversaire.
Tout le monde savait qu'en cas d'émotion forte, Emile avait tendance à laisser échapper son dentier. C'était déjà arrivé quand il avait eu un carré de valets à la belote et aussi quand Bella l'avait embrassé, la première fois. C'était un chaste baiser, sur le front, pour le remercier de lui avoir offert des fleurs à l'occasion de la fête des Isabelle, son vrai prénom ; et l'appareil dentaire était tombé par terre et s'était cassé, ce qui était très triste mais qui fit rire tout le monde.
Les vieux pariaient entre eux sur tout et n'importe quoi, mais de petites sommes. Bella réussit à les amener à risquer cinquante euros chacun, elle pouvait gagner ou perdre sept cents euros en une seule fois. Les anciens étaient convaincus que lui ayant fait cracher son dentier une fois, en l'embrassant, il en faudrait plus à Emile pour éprouver de nouveau une émotion aussi forte. Connaissant Bella comme s'ils l'avaient fait, ils étaient certains qu'elle n'irait jamais plus loin et il y avait donc peu de chance pour elle de remporter son pari.
- Elle se dirigea vivement vers le client qui commençait à s'énerver, mais elle resta concentrée sur la conversation qui avait lieue dans son dos. Ce fut Jef, encore une fois qui mit tout le monde d'accord.
- Sortez tous vos portefeuilles, Bella a gagné son pari et le prochain qui commande du sirop de violette, je le fous à la porte, c'est compris ? Aboya-t-il d'un ton définitif.
Bella sourit avec satisfaction, ignorant la montagne de protestations qui s'éleva de la salle.
- Qu'est-ce que je vous sers, Monsieur ? S'enquit-elle avec son plus charmant sourire.
Elle frissonna en avisant son interlocuteur. C'était un homme d'une trentaine d'années, imposant, les cheveux longs, d'un blond doré. Il portait des lunettes noires et sa peau était très pâle, mais parfaite. Tout en lui était parfait. Il lui adressa un sourire ironique qui lui déplut immédiatement. Bella sentait les ennuis des kilomètres à la ronde, question d'expérience, elle devina donc que ce client allait la faire ch…
- La même chose, commanda-t-il.
Elle se renfrogna et se retint de lui dire qu'il était un pervers, un gros dégoutant, un sale porc… ce genre de choses qui lui vinrent spontanément à l'esprit. Au lieu de ça elle se contenta de grommeler.
- Y'en a plus.
Le sourire de l'homme se figea, mais il n'eut pas le temps de manifester son mécontentement que déjà, Jef était là.
- Monte te changer Bella, grogna-t-il, je vais servir Monsieur.
Celle-ci ne se le fit pas dire deux fois et effectua un demi-tour en règle sans oublier de se prendre les pieds dans les jambes de Paul et de manquer s'étaler.
- Tu me dois cinquante euros, clama-t-elle en se rattrapant à lui de justesse. Je redescends dans cinq minutes et vous passez tous à la caisse.
Elle s'avisa alors que le pauvre Emile, tirait une tête de six pieds de long.
- Toi, lui déclara-t-elle avec un sourire prometteur, tu es mon invité. Ce midi tu pourras commander tout ce qui te fera plaisir, ce sera pour moi.
Elle envoya un baiser virtuel à son vieux qui venait de retrouver le sourire et s'envola vers les escaliers. De retour dans la salle, après s'être changée et débarbouillée, Bella constata avec satisfaction que sa cagnotte l'attendait. Pour dérider tout le monde elle offrit une tournée générale. Le client indésirable s'était fait la malle. Tout allait pour le mieux.
