Bientôt trois ans, trois ans que je me suis réveillé seule avec ce nouveau corps, cette nouvelle force, cette nouvelle intelligence et... ce nouveau régime alimentaire. Je me suis posé la question tant de fois, cette même question encore et encore, qui suis-je? La seule chose qui me soit venu à l'esprit lorsque je me suis réveillé, c'est ce prénom, Alice.
Alors forcement, j'en est déduit que c'était le mien.
Dès que j'ai ouvert les yeux, j'ai ressentis cette horrible brulure dans la gorge et ce liquide dans ma bouche, j'avais mal, j'étais perdu et j'avais peur, alors j'ai couru, couru pour trouver des réponses, pour trouver de l'aide, pour ne plus être seule et lorsqu'enfin j'ai pu trouver quelqu'un, quelque chose en moi m'a fait perdre la tête, je lui est sauvagement sauté dessus pour planter mes dents dans sa gorge, là, devant sa maison, je me souviens de chaque seconde, de son regard horrifié, de ses hurlements d'agonies et même de sa porte d'entrer resté ouverte, là où pendant que j'aspirais sa vie hors de lui, je pouvais lire la date sur un calendrier accroché au mur, j'ai commis mon premier meurtre le 21 avril 1862 et je priais chaque jour le ciel pour que ce fut le dernier.
Lorsque je pus sortir de ma transe, j'ai laissé tomber le corps de l'homme au sol et je l'ait regardé horrifié, décontenancé, choqué et puis, j'ai paniqué, alors je me suis remis à courir.
Après cela, alors que je tentai d'éviter au mieux les habitations, je n'avais aucune idée où j'étais et lorsque j'étais tombé par hasard sur d'autres habitations, j'ai pensé qu'il valait mieux faire demi tour pour retourner dans ce bois, celui-là même où je m'étais réveillé et je n'en avait bougé que rarement durant une longue période de peur de m'en prendre à quelqu'un d'autre.
Lorsque ma gorge s'était remise à bruler à la limite du supportable, j'eus la chance de croiser un cerf qui passait par là, bien sur, l'odeur était beaucoup moins alléchante que ma première victime, mais je ne pouvais pas me permettre de tuer n'importe qui, plus jamais, alors je me suis fais souffrance et j'ai sauté sur lui. C'est de cette façon que je me suis mise à chasser des animaux, malheureusement ma soif ne semblait jamais s'étancher totalement, il me fallut donc me déplacer avant d'annihiler jusqu'au dernier animal de la région.
Au début, je n'ai pas de suite compris ce qu'était les rêves éveillés que je faisais, ce n'est que lorsque l'une de ce que j'appelle mes visions s'est réalisé pour la première fois devant moi que j'ai enfin pris conscience que je pouvais voir les événements avant qu'ils arrivent. Depuis le début, je fus étrangement hanté par l'une d'elle en particulier, une scène qui revient encore et encore dans mon esprit, juste un jeune homme blond blessé sur ce qui ressemblait à un champs de bataille abandonné, agonisant, seul au milieu des cadavres, tentant désespérément de ramper sans doute pour trouver de l'aide, un médecin, quelqu'un pour le sauver.
Je me suis posé des tas de questions, je voulais savoir pourquoi la plupart de mes visions concernaient cet homme, faisait-il partit de ma vie avant que je me réveille? Était-il de ma famille? Il paraissait si différent de moi physiquement, mais j'en suis venu à la conclusion qu'il devait vraiment avoir une importance particulière pour me hanter de la sorte.
Cette vision de sa mort à été la première, ce ne fut cependant pas la seule que j'eus de lui, je l'ait vu s'engager, se battre, aider ses camarades et j'ai un peu honte de dire que j'avais fini par tombé amoureuse d'un rêve, d'une homme que je n'avais jamais vu et que peut-être, je ne verrais jamais.
Lorsque j'ai pensé à l'éventualité de lui apporter mon aide, je fus noyé dans une nouvelle vision, je me voyais près de lui, je le prenais dans mes bras et me mettais à courir en direction du camp allié pour l'emmener discrètement sous l'une des tentes, malheureusement, je fus incapable d'en voir plus.
Mais la seule autre alternative était de le laisser mourir et je m'en sentais parfaitement incapable, cependant, je ne pouvais m'empêcher d'hésiter, je savais que je ne pourrais jamais supporter d'être responsable de sa mort, même en ayant vu que je pouvais le sauver, j'avais peur de lui faire du mal.
Je n'avais pas souvenir d'avoir entendu parler de gens se nourrissant de sang, j'étais parfaitement incapable de savoir si il existait d'autres personnes comme moi, étais-je une sorte d'animal? Un monstre? Rien ne semblait pouvoir m'apporter de réponse, tout ce dont j'étais sur, c'est que j'étais différente, très différente. Il m'arrivait parfois d'observer les gens du haut d'un arbre, malgré la distance, je n'avais pas besoin d'être à proximité pour les distinguer, je les voyaient parfaitement bien, la plupart du temps je restai des heures à les regarder pendant qu'ils travaillaient dans leurs champs, il leur arrivait de discuter, c'est ainsi que j'ai appris que la jolie Elisabeth devait épouser un jeune homme du nom de Grant que ses parents avaient choisi pour elle, cependant, la malheureuse était amoureuse d'un jeune homme travaillant pour eux, mais elle n'osait pas se déclarer à lui.
Avais-je aimé ainsi? Est-ce que quelque part quelqu'un voulait savoir où je me trouvais ou si j'allais bien? La solitude était difficile à supporter, mais je me voulais raisonnable, je savais que si je m'approchais trop près de ces gens, ils mourraient certainement et contrairement à moi, ils avaient une famille, des gens qui tenaient à eux, alors malgré mon envi, mon besoin, je me jurai de ne pas les arracher à leurs familles, quel que soit le monstre que j'étais, je ne voulais faire de mal à personne.
Alors, j'en revenais à cette question serais-je réellement capable d'aider Jasper? Il y avait toujours un risque que je perde le contrôle, le besoin de lui venir en aide était si fort mais mes visions étaient subjectives, elles changeaient en fonction des décisions et des événements qui pouvaient subvenir à la dernière minute. Il me faillait d'abord savoir où le trouver et pour ce faire, je devais me déplacer. J'avais donc décidé d'expérimenter certaines de mes théories me concernant, d'abord, j'avais eu la surprise de constater que je n'avais pas besoin de respirer, ensuite, j'avais tenté de retenir ma respiration face à mes proies et je fus ravis de constater que la soif n'agissait pas tant que je ne pouvais pas sentir son odeur, voilà comment je sauverais Jasper.
Cela faisait à présent quatre cent vingt et un jour que j'étais dans la région me déplaçant d'un bois à l'autre pour me nourrir, je n'avais réellement besoin de le faire qu'une fois par semaine passé une certaine période.
C'est pour Jasper que j'avais commencé à espionner les gens vivant dans la région, il est vrai que j'avais trouvé là une occupation, mais pendant une longue période, aucun d'eux ne me donnèrent les réponses dont j'avais tant besoin, mes visions de sa mort devenaient de plus en plus écrasantes et je devinais que c'était pour bientôt.
Enfin, un jour, j'entendis deux hommes parler d'une guerres qui avait lieu principalement dans le sud du pays, c'est tout ce dont j'avais besoin pour commencer à le chercher, alors je sautai de mon perchoir lorsqu'il fit nuit et je me mis à courir le plus vite qu'il me fut possible vers le sud.
J'ai couru longtemps, m'arrêtant uniquement lorsque cela était nécessaire, pour étancher ma soif ou pour éviter d'être vu. Après plusieurs jours, enfin les sons d'une bataille chantaient à mes oreilles, j'arrêtai immédiatement de marcher, peut-être étais-je arrivé trop tôt? Dans ma visions, celle-ci était terminé, alors je m'approchai le plus discrètement qu'il me fut possible et grimpa dans l'arbre le plus haut.
Là, au loin, ce jouait un vrai massacre, c'était absolument immonde et je dû de suite retenir ma respiration tant le sang voyageait à distance jusqu'à mes narines et puis, j'ai attendus, attendus qu'ils meurent tous ou presque, l'armée venant du nord semblait avoir prit le dessus et elle continua à avancer vers le sud, marchant sur les cadavres de leurs ennemies, pour la première fois depuis mon réveille, je compris que je n'étais pas un monstre, non, ce que ces gens faisaient, ça... ça c'était monstrueux, je savais qu'ils n'étaient pas comme moi, ils n'avaient aucun problème pour contrôler leur soif puisqu'ils n'avaient pas soif, et pourtant, tant de cruauté... je voyais les soldats tuer les blessés qu'ils croisaient sur leur chemin sans pitié aucune et remercia le ciel lorsque je les vis disparaître au loin, il était temps de le retrouver.
Je bondis de mon arbre et me mis à courir en zigzaguant entre les cadavres mutilés, me répétant sans cesse de ne pas respirer et puis brusquement, je l'ait vu, il était là au sol, rampant sur ses avant-bras, il avait apparemment prit une balle dans l'épaule et une autre dans la jambe.
Il leva la tête vers moi et écarquilla les yeux se demandant sans doute ce que je devais faire ici et puis, il se mit à sourire et s'immobilisa comme s'il avait soudainement accepté son sort
- Un ange, l'entendis-je murmurer comme émerveillé
Je voulais lui répondre, lui dire qu'il se trompait lourdement, mais sans air, comment parler? Je me contentai donc d'étirer un sourire que je voulais rassurant et de m'avancer vers lui qui avait toujours les yeux rivés sur moi.
Je le retournai sur le ventre le faisant grimacer de douleur ce qui eut le don de faire revenir à la réalité, il pencha la tête légèrement sur le côté
- Qu'est-ce qu'une magnifique dame peut faire sur un champ de bataille? Murmura t-il difficilement en fronçant les sourcils
Je secouai la tête essayant de lui faire comprendre qu'il devait se taire, économiser ses forces, mais il continua à me demander ce que je faisais, alors que je le soulevait pour le prendre dans mes bras et commencer à marcher dans la direction du camp que j'avais vu dans ma vision.
- Que... ne suis-je pas trop lourd? Comment...
Il haletait sous la douleur alors que je marchai lentement vers le sud en prenant soin d'éviter de croiser quelqu'un
- Ma'am, c'est dangereux ici...
Et bien, pour une nouvelle! Il commençait sérieusement à m'énerver à gaspiller ses forces en tentant de me parler
- Ma'am, je vous en pris...
- Pour l'amour de dieu, Jasper Whitlock! Tu es blessé, tais-toi, je vais te ramener à ton camp! Sifflai-je entre mes dents
Les mots s'étaient échappés d'eux même et son odeur envahi de suite mes narines, sa magnifique odeur, cependant, malgré la brulure dans ma gorge, je me rendis compte que je pouvais me retenir de le mordre, c'était difficile, douloureux et je n'étais pas capable de comprendre si c'était par ce qu'il s'agissait de lui ou si c'était par ce que j'étais parvenu à obtenir un certain niveau de contrôle, mais je savais que je n'allais pas le mordre, plutôt mourir que de lui faire du mal.
Pourtant, je ne m'étais pas vu lui parler dans ma vision, voici un détail qui aurait pu s'avérer dangereux pour lui...
- Ma'am, comment me connaissez-vous? Demanda t-il me tirant de ma réflexion
Je baissai les yeux sur lui, il était vraiment beau, ses yeux étaient hypnotisant, d'un bleu saphir absolument délicieux dans lequel j'aurais voulu me noyer. J'entendis des pas venir vers nous et je bondis à droite afin de me cacher derrière un fourré.
- Pas un bruit, murmurai-je
Il hocha la tête en plissant le front, il savait que les gens normaux n'étaient pas capable de faire de tels bonds, il avait dû être surpris et je fus surprise moi même de le voir obtempérer aussi facilement. J'attendis que les trois hommes venant dans notre direction passaient devant nous, lorsqu'ils furent à distance, je me relevai avec Jasper toujours dans mes bras.
- Ma'am? Murmura t-il à son tour
- Tu peux m'appeler Alice, sourirai-je
- Je ne sais pas comment vous faites Alice, ni même pourquoi vous le faites, mais merci
J'étirai un peu plus mon sourire et je vis enfin les tentes à quelques kilomètres de nous, la chance voulu qu'il fasse déjà nuit, je pus donc me faufiler facilement jusqu'à celle que j'avais vu dans ma vision. Je déposai doucement le corps de Jasper sur l'un des lits et passai la main sur son front avant de me retourner pour partir, mais il me retint par le bras.
- Attendez! Comment... comment puis-je vous revoir?
Je pivotai pour lui faire face, un sentiment de tristesse me parcourra, ce fut la première fois depuis mon réveil que je pouvais parler avec quelqu'un.
- Prends soin de toi Jasper, s'il te plait
Déposant un léger baiser sur son front, je me tournai pour repartir
- Ho, je ne te conseil pas de dire qui t'as ramené ici si tu ne veux pas passer pour un fou, ricanai-je avant de sortir
J'eus l'impression d'avoir le cœur arraché lorsque je me mis à courir loin de lui, mais qu'aurais-je pu faire d'autre? Le fait de ne pas l'avoir tué à ce moment là ne voulait pas dire que je ne pouvais pas le faire plus tard, je devais le laisser, malgré ma peine, je devais...
C'est ce jour là, grâce à Jasper que je compris que mon contrôle était plus fort, je pouvais à présent marcher près des humains sans pour autant les tuer, par ailleurs, j'avais appris après cela à contrôler d'avantage mon don, me concentrant sur des événements précis, ce qui était très utile pour me déplacer.
Je me mis donc à voyager à travers le pays, grâce à ce magnifique jeune homme que j'avais sauvé de la mort, je pouvais avoir une vie autre que de rester caché dans les arbre pendant des heures, je peux même dire que j'étais à présent heureuse de mon sort.
