Prologue

Je volais, libre et fière. Au dessous de moi, des villes illuminées se succédaient à une vitesse folle. Mes longs cheveux roux volaient, fouettant mon visage pâle. Je venais à peine d'ouvrir les yeux sur le monde et j'en étais déjà tombée amoureuse. Lentement, je perdis de l'altitude, changeant progressivement de forme. D'humain à faucon, puis colibri, pour devenir renard roux en touchant le sol. Mon regard fût attiré par un rocher noir qui trônait en maître au centre de la clairière en fleurs où je m'étais posée. Calmement, je m'y rendis, sautillant sur mes petites pattes blanches. Arrivée, je m'assois, ma longue queue battant l'air derrière moi, mon museau frémissant aux effluves précise que me portait le vent. Rose, menthe, tulipe, muguet, lilas… D'innombrables odeurs à analyser. Sans le moindre effort, mon corps s'allongea et dans une gerbe d'étincelles dorées je redevins femme. Étrangement, je n'étais pas nue, mais bien recouverte de la même robe qu'à mon réveil. J'étais parée d'une robe à corsage blanche dotée de nombreux volants qui ne cessaient de changer d'interprétation. Elle semblait vivante. Des loups qui courent sur ma poitrine, des papillons qui remontent le long de ma jambe gauche, des jaguars qui donnent la chasse à de flamboyants paons sur mon ventre… Puis ils sont remplacés par des chatons joueurs en quête de balles de laine. Les animaux défilent sans aucune logique sur le tissu, ce qui me fait rire, tant de surprise que de bien-être. Ma voix m'étonne. Elle est limpide comme celle où se baigne le saumon et fraîche comme les feuilles où se dissimule le python. Splendide. Soudain, je réalise la vie qui grouille autour de moi. Des bêtes sortent de l'orée des arbres, attirés par ma présence. Des lapins blancs viennent se frotter contre moi, suivis de près par les autres animaux. Je suis émerveillée, comme une enfant. Un geai bleu courageux se pose dans mes cheveux flamboyants, ce qui me fait rire doucement. Et puis le choc. Je les entends. Et je les comprends. Sans en être consciente, je laisse échapper un cri de surprise. Je me sens dévisagée, des centaines de regards inquiets posés sur mon corps svelte.

Excusez-moi, souriais-je légèrement

Plein de langues distinctes me parviennent. Je les comprends toutes, à mon grand bonheur. Mais elles me donnent l'une de ses migraines…

Stop! C'est bon, merci. Un à la fois, demandais-je en me massant les tempes, un peu hébétée.

Un petit cardinal rouge décolla et vint se poser dans le creux de mes mains jointes. Il ne posa qu'une seule question.

Qui es-tu?