DEUXIEME PARTIE : LA FEMME DE L'OMBRE.
LIVRE III : MA VERITE, MES CONVICTIONS ? POURQUOI FAIRE?
1- La nuit avait recouvert de son manteau la ville de New York et la télévision passait en boucle les nouvelles marquantes du jour à savoir les prises d'otages survenues à New York et l'enlèvement de figures emblématiques de la haute finance.
Ces nouvelles avaient réussi à faire passer au second plan la crise iraquienne, les mises à mort des personnes enlevées et même les élections présidentielles.
Charles Arden avait atterri depuis quelques heures déjà, mais celui-ci n'avait pas encore mis les pieds chez lui. Depuis le jet il avait ordonné les fermetures des frontières aériennes ainsi qu'une fouille systématique des appareils. Des barrages avaient été mis sur les routes, des moyens sans précédents avaient été mis en place afin de retrouver les précieux otages dans les plus brefs délais car tous les regards étaient braqués sur l'Amérique, ses services de polices et le FBI.
Avachi dans un fauteuil dans les appartements de ses parents, Edouard observait sa mère installée à son secrétaire. Elle avait dépassé la cinquantaine pourtant ses traits gardaient leur beauté. Elle ne craignait pas les stigmates du temps qui passait. Il était impressionné par leurs ressemblances : pas seulement d'un point de vue physique mais, comme sa mère, il était aussi tranchant et insensible, ses intérêts passaient avant ceux des autres.
Tout ne se déroulait pas comme prévu, la disparition de Li Ann Helm's et Madeline Colombier s'était ébruitée bien trop tôt, ils avaient dû sacrifier bien des choses afin de sauver l'opération et reporter d'autres parties de leur plan.
Il n'allait pas se plaindre, Joy était tombée entre leur main. Il allait pouvoir obtenir d'elle ce qu'il voulait car il savait sur quels boutons appuyer pour arriver à ses fins avec elle.
Sa mère était la seule à ne pas le juger malgré ses défauts. Il n'aimait pas lui faire de la peine, mais la nouvelle de l'enlèvement de sa sœur ne semblait pas l'affecter outre mesure.
Lui même était dépourvu de cette sensiblerie dont sa tante ne pouvait se départir. Les rapports au sein de sa famille avaient toujours été froids et dépourvus d'émotion pourtant sa sœur semblait avoir des liens assez étroit avec son entourage.
Pourtant elle était aussi froide qu'un glaçon.
Cependant à plusieurs reprises il l'avait vue échanger un regard avec l'un ou l'autre des membres de la famille et dans ce regard où lui ne voyait rien son vis-à-vis semblait y lire beaucoup.
- « dire que je suis dans l'obligation d'annuler cette réception qui m'a demandé tant d'efforts ! »
C'était tout ce à quoi sa mère avait pensé. Elle avait abandonné Joy à sa naissance et cela avait été définitif et sans retour.
Edouard se leva et partit en direction de la bibliothèque qui se trouvait au rez-de-chaussée afin de pouvoir téléphoner en toute discrétion.
- « Paul c'est Edouard. Tout va bien ? »
- « vous plaisantez ? il y a plus de flics que pour le passage du président et les fédéraux pullulent. »
- « que s'est il passé ? »
- « ils ont retrouvé le cadavre d'un des vigiles de Helm's dans l'une des remises de la tour. »
- « fâcheux. »
- « vous pouvez le dire. A présent ils sont chez moi.»
- « bien, je serai chez vous dans trois quatre jours. »
- « impossible. Deux jours, nous devons faire vite. Ce n'est pas du menu fretin que nous avons là. Et puis votre jumelle est dangereuse. Nous devons nous en débarrasser rapidement. N'oubliez pas deux jours maximum.»
Puis il raccrocha. Il lui en avait fallu du temps mais dans quelques jours il aurait récupéré les parts de Joy dans Arès. Par contre jusqu'à présent ils n'avaient toujours pas trouvé le nom de la personne ayant racheté les 15% de la compagnie familiale.
Distraitement il jeta un œil par la fenêtre. La rue était déserte, chose normale à cette heure de la nuit, pourtant, quelques heures auparavant elle grouillait de monde et d'activité.
Personne ne savait que Joy avait une famille, elle avait toujours pris grand soin de ne jamais faire étalage de ses liens avec eux. Elle était bien la fille de leur père pour cela. Il lui en était gré car il n'était guère d'humeur à jouer les frères éplorés.
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Malgré l'heure tardive, l'antenne new-yorkaise du FBI grouillait d'activité. Depuis l'annonce de l'enlèvement le bureau était pris d'assaut par les journalistes en quête d'un scoop.
- « elle a plutôt réussi sa conversion la Arden. »
- « tu l'as dit Gérard, mais pour l'avoir vue travailler, je sais qu'elle avait les compétence pour assurer à ce niveau. »
- « selon les premiers interrogatoires, Mlle Arden fait partie du groupe depuis cinq ans au moins. »
- « ah bon ! Pourtant cela ne fait qu'un an qu'elle escorte Winch. »
- « elle travaillait en Europe avant. »
- « où ça? »
- « Winch Air Lines.»
- « bon qu'est ce qu'on attend ? Où sont les vidéos des caméras de surveillances ? »
- « désolée mais le groupe W ne nous les a pas encore remis. »
- « comment ça ils vous les ont pas encore remis ? »
- « la salle où se trouvent l'équipement de surveillance a été scellée au moment de l'assaut or personne ne dispose des codes d'accès si ce n'est Joy Arden et le bras droit de Winch John Sullivan. »
- « faites sauter les portes. »
- « c'est ce que nos hommes ont voulu faire, mais les portes sont blindées il aurait fallu un sacré paquet de dynamite pour le faire. »
De l'autre côté de la pièce.
- « c'est pas vrai j'aurai jamais cru ça. Tu as vu le carnage ? »
- « j'ai vu et tu as vu le matos. Ils ont autant d'équipement que les commandos d'assaut. Ils ne nous ont pas lâché une seule seconde. Et les coffres t'as vu la taille ? »
- « ouais, et le personnel de vrai petits soldats, je croyais voir une marée déferler une fois les portes ouvertes mais non. Les étages se sont vidés calmement comme si ce qui s'était passé ce matin était normal. »
- « et les vigiles. Ils se baladent avec des M16, et semblent aux aguets. »
- « mais quel carnage aussi Raoul en a gerbé ! »
- « y'a de quoi aussi. Certains ont été égorgés comme du bétail. »
- « mais c'est propre et sans bavure. Il n'aura pas beaucoup souffert. »
- « qu'est ce qu'on attend ? Plus le temps passe moins on a de chance de les retrouver. »
- « on attend le chef et l'équipe du groupe W. »
- « quoi ? Ils vont participer à l'enquête ? »
Avant que Ryan ne puisse répondre à son collègue le silence s'abattit sur la vingtaine d'agent qui se trouvait dans la salle de réunion.
- « mince Dana regarde qui est là. »
- « Charles Arden. »
- « qui c'est ? »
- « une ponte. En tout cas c'est quelqu'un d'important à la CIA. »
Aucun des hommes assis près de Dana et Gérard n'avait manqué l'aparté entre les deux agents mais ils ne purent demander de plus amples détails, la voix du fantôme emplissait l'espace. Après un bref rappel de la situation il se mit à demander les comptes rendus de chaque équipe.
- « commençons par l'enlèvement de Li Ann Helm's et Madeline Colombier. Equipe un. »
- « voilà Monsieur, Colom Co et Helm's Co doivent signer un important contrat de partenariat dans le domaine de l'aéronautique. Aujourd'hui Madeline et François Pâris en compagnie du garde du corps de Mlle avaient rendez vous au siège du groupe à New York pour finaliser le contrat avant la cérémonie qui allaient se dérouler à Paris dans deux mois. Le groupe dispose d'un système de sécurité performant dont une partie est externalisée. C'est la branche new-yorkaise d'Arès qui gère la sécurité des membres du conseil et fournit les gardes du corps. »
- « autres choses ? »
- « Li Ann Helm's a été endormie grâce à un gaz ainsi que ses invités. »
- « et que montrent les caméras. »
- « rien. Ni arrivées ni départs. »
- « ça s'est peut être produit par une opération du Saint Esprit. Cherchez et trouvez moi des réponses. »
- « oui Monsieur. »
L'homme cinglé par le ton de voix de son supérieur était à présent au garde à vous, et ce fut avec une célérité certaine qu'il s'empressa de quitter la salle de réunion en direction du laboratoire de l'agence.
Ce fut au tour de la seconde équipe et lorsqu'il apprit les difficultés auxquelles ils se heurtaient il se mit dans une rage folle. Il quitta au pas de charge la salle de réunion suivi par Allan.
Après le départ de Joy, Charles avait repris en main la formation d'Allan puisque Ashley avait été évincée du programme après le sévère rapport rédigé par Joy.
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Après une conférence de presse harassante sur les marches de la tour, Michel avait regagné l'étage du conseil laissant les attachés de presse du groupe prendre la relève.
L'atmosphère y était aussi silencieuse que d'habitude mais l'air semblait chargé d'électricité, la tension était palpable. Chacun vaquait à ses occupations quotidiennes mais tous étaient tendus, sur le qui-vive, le moindre bruit faisait sursauter, mais vaille que vaille ils devaient maintenir le navire en marche.
Michel ne put se remettre au travail aussitôt, en l'absence de Sullivan il devait assurer l'intérim donc il fit escale à chaque étage, vérifia les dégâts consola les uns, félicita les autres. Accrochés à ses pas l'un des assureurs du groupe et ses aides qui faisaient les estimations des dégâts.
- « faites vite, les travaux de rénovation des locaux doivent débuter dés cette nuit, Winch Construction a déjà reçu ses ordres. »
- « mais Monsieur Cardignac c'est impossible d'auditer le bâtiment en si peu de temps. »
- « impossible n'est pas un mot que nous utilisons au groupe W. Nous vous payons grassement chaque année donc prouvez moi que j'ai raison où je trouve un autre groupement d'assurance. »
- « bien Monsieur. »
- « Gabriella, faites venir du personnel du département assurance du groupe afin qu'ils les aident. Puis donnez moi la liste des rendez vous de Winch pour la journée. Nous allons tenter d'honorer le maximum d'entre eux. Appelez ma secrétaire et voyez comment vous allez pouvoir recaser tout cela. Voyez avec celle de Sullivan pour gérer au mieux le reste des rendez vous…. Autre chose demandez à Hector de venir me rejoindre.»
- « bien Monsieur Cardignac. »
Gabriella s'éloigna rapidement en direction des ascenseurs. Comme la plupart du personnel elle avait rapidement rejoint son bureau et s'y était barricadée une fois le délai d'activation des générateurs écoulé.
Au sein du groupe les procédures étaient on ne peut plus clair, et elles avaient prouvé leur utilité aujourd'hui puisqu'à l'exception du personnel de sécurité blessé durant l'assaut aucun autre membre du personnel n'avait été touché.
Avant le groupe W, Gabriella avait travaillé dans d'autres multinationales mais le groupe W c'était autre chose. Un autre monde et une autre vision. Au départ elle faisait partie du staff des secrétaires mises à la disposition des cadres du groupe et des visiteurs importants puis avec l'arrivée de Largo ce dernier avait renvoyé beaucoup de monde et aucune explication n'avait été donnée au sujet du départ de la secrétaire de Nério. Après des entretiens elle fut retenue pour le poste. Cela faisait trois ans à présent qu'elle occupait le très convoité poste de la secrétaire de Largo Winch.
- « je me demande comment tout cela va se terminer ? »
Exceptionnellement aujourd'hui tous les conseillers avaient quitté leur bureau tôt sous l'escorte de gardes du corps qui, cette fois-ci, ne prenaient plus la peine de se faire discrets. Michel était même allé plus loin ainsi que Simon ils avaient affecté une protection même à l'entourage immédiat des conseillers, épouses, enfants, concubines. Il fallait pouvoir prévenir tout débordement.
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Le vol entre New York et Montréal n'avait pas duré longtemps, deux heures tout au plus qu'Andreïna avait mis à profit pour dormir peu, les dernières semaines avaient été tellement éprouvantes.
Installé à l'autre bout du jet personnel de sa patronne Patrick regardait cette femme qu'il avait dû aller chercher toutes affaires cessantes.
Lorsque Joy Arden était venue le voir à l'issue de ses années de formation dans l'établissement pénitencier, il avait cru au moment de son affectation qu'il allait espionner ou quelque chose dans le même genre. Or, tout ce qu'elle lui avait demandé c'était de servir loyalement Anjali Walken et de lui être fidèle car elle était la petite fille de l'un des plus puissant chef mafieux de la côte Est.
Et depuis trois ans maintenant il n'avait presque plus eu de contact avec Joy Arden si ce n'était à de rares occasions où elle lui posait d'anodines questions.
En fait il occupait au sein de Walken Industrie le rôle de bras droit de sa présidente. Elle ne remettait jamais en cause ses décisions lorsqu'elles étaient justifiées mais ne se gênait pas de le remettre à sa place lorsque cela s'avérait nécessaire.
Pourtant à ce poste il n'était pas seul, il partageait les responsabilités avec Tamahome Takamiya et Sean Valence. Ce dernier était un nouveau venu dans le groupe mais qui possédait de solides connaissances en droit des affaires ainsi qu'un sens des affaires hors du commun. Tous les trois ne répondaient de leurs actes qu'auprès d'Anjali Walken, aucun membre du conseil ne pouvait leur demander de comptes mais eux pouvaient leur en demander.
Les deux heures de vol s'écoulèrent rapidement. Il était sept heures à New York mais la ville bruissait d'activité. Au pied du jet une voiture attendait patiemment les deux voyageurs, deux enveloppes les attendaient à bord du véhicule.
Chacun prit connaissance de son pli avant de le replier.
- « Mlle Warwick, vous occuperez un appartement meublé dans l'un des complexes de Connors Immobiliers en attendant votre prise de fonction. »
- « bien je vous remercie pour ce que vous avez fait pour moi Mr Herrera. »
- « je ne fais qu'exécuter les ordres de ma patronne. Ne me remerciez pas pour cela. »
Le silence s'installa dans le véhicule. Malgré l'heure matinale les premiers bouchons commençaient à se former déjà.
Arrivée dans ce qui serait son nouveau chez soi, Andreïna s'écroula toute habillée sur son lit où elle s'endormit. Elle dormit d'une traite pendant cinq bonnes heures pour n'émerger que lorsque son estomac se rappela à elle.
Quelque peu remise de ses longes nuits sans sommeil, elle se leva et partit en direction de la salle de bain attenante où sous la puissance des jets d'eaux tièdes elle finit de se réveiller.
Dans l'enveloppe laissée à son intention, il y avait en plus des clés de son nouvel appartement, une carte de crédit et de l'argent liquide.
Désoeuvrée, Andreïna se décida à explorer son nouvel environnement. L'appartement était composé de deux pièces ainsi qu'un séjour dont une partie faisait office de cuisine.
Près du téléphone se trouvait un petit bloc note sur lequel figurait quelques numéros dont celui d'une pizzeria, qu'elle s'empressa d'appeler.
N'ayant plus rien à faire elle partit s'installer sur l'un des deux fauteuils qui faisaient face à un petit téléviseur. Aucun programme n'ayant réussi à la captiver Andreïna se mit à zapper d'une chaîne à une autre jusqu'à ce que la voix d'une speakerine réussit à la captiver en prononçant les mots magiques « Groupe W » là où travaillait Georgi.
- « Georgi »
Elle avait prononcé son nom dans un souffle, leur histoire n'avait pas été une histoire de sentiment mais plutôt d'attirance.
Ils avaient été attirés l'un par l'autre dés le départ et cela n'avait pas changé avec le passage des années, chaque fois que leur métier respectif le leur permettait ils s'étaient retrouvés et les retrouvailles étaient torrides à chaque fois mais avec le passage du temps quelque chose état venue se greffer à l'attraction, de l'affection et un souci de l'autre.
Durant l'année écoulée il était venu la voir à plusieurs reprises, restant parfois une nuit, parfois un week-end. Il allait et venait au gré de ses fantaisies et elle en faisait de même.
Sans qu'ils s'en aperçoivent presque il laissa un tee-shirt puis une brosse à dent, elle en fit de même. Bien qu'il fût peu bavard elle le connaissait, elle savait quand quelque chose n'allait pas pour lui.
La tour finit de se vider aux environs de 20h. Bientôt seul les vigiles demeurèrent dans l'immeuble en compagnie de Simon et de Michel Cardignac.
Une atmosphère étrange régnait sur la tour et le silence était oppressant. Au cinquante huitième étage Simon regardait New York se parer de ses lumières nocturnes, il voyait sans réellement voir son esprit entièrement focalisé sur ses deux amis enlevés.
En l'absence de Kerenski le quatrième membre de l'équipe il se sentait perdu et ne savait par où commencer. Habituellement ils se retrouvaient tous les quatre Largo et lui s'élançant sans vraiment réfléchir tandis que Joy tempérait le tout sur le terrain pendant que Kerenski veillait sur eux de loin à partir de son cher bunker.
Mais cette fois-ci il se retrouvait seul, Kerenski n'était toujours pas apparu alors que le jet qui les avait ramenés de Russie avait atterri depuis une heure mais celui-ci demeurait introuvable.
