Quelque part dans un village au nord de la Californie.
Le fouet claqua.
"- Ote toi de mon chemin, pauvre mendiant ! Ricana le vaquero.
Le mendiant en question lui jeta un regard noir, rare chez les personnes de sa condition. Ce qui lui vallut d'ailleurs un dernier coup de fouet.
"- Non mais regardez moi ça, on dirait un pauvre chien !"
Dans la rue où ils se trouvaient, les passants observèrent la scène; indifférents. Pour eux, c'était normal de battre un homme sans un sou, surtout si il avait bousculé puis répondu. Le vaquero avait violemment ordonné à ce dernier de s'excuser mais il avait refusé.
Le mendiant n'était habillé que de vêtements en toiles, sals et déchirés aux extrémités. Il avait des cheveux noirs et parfois gris longs et une épaisse barbe, signe qu'il n'avait pas eu l'occasion, ni les moyens de se les couper. Ses yeux d'un bleu étonnement brillants étaient encore l'unique chose qui parfois intimidaient ceux qui s'approchaient de lui de trop près.
Un deuxième homme, surement un ami, rejoint le passage à tabac et donna de nombreux coups de pied au mendiant déjà à terre.
Les deux agresseurs éclatèrent de rire. L'un des deux leva de nouveau la main pour fouetter le pauvre homme. Alors que le fouet allait encore frapper son dos, une forme humaine s'interposa, la corde s'enroulant autour de son bras.
"- Arrêtez, Senor !"
C'était un jeune homme, plutot bien habillé, visiblement un aristocrate. Les deux vaqueros se figèrent. Ils ne pouvaient pas lever la main sur un plus riche qu'eux et surtout là, une foule les entoura du à la présence de l'étranger.
"- Qui êtes vous ? Lança l'un des vaqueros énervés de cette interruption.
- Diego. Diego de la Vega, pour vous servir."
Le jeune don tira fortement sur la corde pour s'emparer du fouet et frapper les deux tortionnaires qui reculèrent.
"- Vous devriez éviter de jouer avec ça, continua-t-il, ça vous causera pas mal de souçis." Les deux vaqueros déguerpirent, la queue entre les jambes.
Il s'agenouilla ensuite près du mendiant.
"- Vous allez bien ? Demanda-Diego en faisant signe à la foule de s'éparpiller.
- Pourquoi êtes vous venu...à mon secours ? Murmura-t-il.
- Ils n'avaient aucune raison de vous battre, répondit le don en l'aidant à se lever, je vais vous emmener à ma chambre d'hôtel."
Le mendiant ne protesta pas.
"- Juan, auriez vous des serviettes et une bassine d'eau pour moi ? Demanda Diego à l'aubergiste dans la salle à manger.
- Bien sur, Senor, je vais en chercher dans la cuisine."
Derrière le jeunot, certains le fixèrent tout en parlant bas. Juan revint avec la commande de Diego. Ce dernier s'apprêta à remonter dans sa chambre quand un client le prit par le bras.
"- Senor, connaissez vous...ce mendiant ?
- Non, pourquoi ? Répondit Diego sceptique.
- On dit qu'il a fait de la prison pendant quelques mois et qu'il a été autrefois dans l'armée. A votre place, je me méfierai...Les soldats déchus...on ne sait jamais à quoi on peut s'attendre.
- Merci du conseil, senor."
Le jeune homme soupira intérieurement, il détestait qu'on se mèle de ses affaires et encore moins qu'on lui inculque les relations sociales.
Dans sa chambre, le mendiant était resté assis sur une chaise attendant Diego. Il avait enlevé son vêtement du haut dévoilant alors une musculature étonnante et rare pour un homme de sa condition. Diego ne fit aucun commentaire, se souvenant de l'information qu'il avait eu précédemment.
"- Quel est votre nom, senor ? Questionna-t-il en essuyant le sang séché de ces fines blessures sur le dos de l'autre homme.
- Appelez-moi Rico, senor, répondit-il.
- Et d'où venez vous, si je puis me le permettre.
- Je préfère ne pas répondre, senor.
- A votre aise."
Après avoir terminé de nettoyer Diego fouilla dans ses affaires à la recherche de vêtements convenable. Il tendit alors une chemise blanche et un pantalon brun.
"- Mettez ceci, ce sera mieux que vos guenilles.
- Pourquoi ? Lança Rico.
- Pour que vous soyez à l'aise dans vos vêtements... vous faites à peu près la même taille que moi, je pense que ça doit aller, ajouta-t-il.
Rico n'osa pas s'y opposer, après tout, pourquoi pas. Il se debarassa de ses habits en toile pour les remplacer avec ceux de Diego.
"- Eh, bien voilà, il vous suffit juste de vous couper un peu la barbe et les cheveux et...
- Non, interrompit le mendiant, hors de question."
Diego cligna des yeux surpris.
"- Mais ce n'est pas...hum..la mode, senor Rico.
- Je m'en moque de la mode, grinça-t-il froidement.
Le jeune don leva les mains en signe de résignation.
"- Avez vous faim ? Interrogea-t-il ensuite.
La dignité qui restait à Rico lui disait de rester silencieux et humble. Pourtant, il n'avait pas mangé de repas depuis deux jours et il répondit par un hochement de la tête. Diego lui sourit et l'invita à le suivre pour prendre le dîner avec lui.
L'ambiance de la soirée laissait à désirer. Rico et Diego étaient observés, épiés et sujet de conversation.
"- Senor, je pense que je devrais vous quitter, dit-Rico en sentant la tension montée.
- Pour quel raison ?"
En vérité, le mendiant souhaitait vraiment rester avec le jeune de la Vega mais il craignait que la méfiance que les clients avaient à son égard allait détruire ses plans. Il connaissait Diego de la Vega pour l'avoir rencontré, il y a quelques années et il avait une revanche à prendre. Il ne voulait surtout pas laisser une occasion pareille.
"- On dirait que vous vous moquez de ce qu'il y a autour de vous, marmonna Rico anxieux.
- Parfois, il n'y a que le calme qui peut apaiser un homme violent, rétorqua Diego.
Pour ça, il n'avait pas changé, toujours à philosopher et à agir de façon pacifique. Bien que réellement, Rico le savait, ce n'était qu'une façade.
"- Alors, vous allez rester là, tandis qu'on nous insulte derrière notre dos ?
- Il n'y a que la vérité qui blesse, senor."
Rico serra des poings, il détestait ce coté de Diego et se demandait bien comment il faisait pour garder un calme parfait, une maîtrise de lui-même. Voyant que ce dernier n'avait surtout pas l'intention de bouger, il préféra l'imiter et continua à manger tranquillement bien qu'il bouillait intérieurement.
Fort heureusement, rien ne se produisit et quand ils eurent finis, Diego alla payer l'aubergiste pour ensuite lui annoncer qu'il ne restait pas pour la nuit.
"- Comment, senor, vous partez déjà ? Mais le soleil vient à peine de se coucher, protesta Juan.
- Je sais mais j'aimerai contempler les constellations dans le ciel, et puis, pour une fois qu'il est assez dégagé, j'aimerai en profiter. Nous dormirons à la belle étoile.
- Nous ? Intervint Rico surpris.
- Oui, nous. Si vous voulez bien m'accompagner. Après tout, plus on est, plus on est fou.
- Ce sera avec joie, senor de la Vega, s'inclina Rico en cachant un sourire machiavélique.
Ce pauvre don était tellement généreux que cela allait lui causer sa perte. Rico se réjouit de la tournure que prenait les événements, alors qu'il venait de purger sa peine, il allait enfin se venger et tuer le responsable de sa destruction, de sa descente aux enfers.
Quand Diego sella les deux cheveux, Rico fut surpris de voir un noir et un blanc.
"- Ce sont à vous ? Questionna-t-il curieux.
- Euh..On peut dire ça. Vous prendrez Phantom, c'est le blanc. C'est une très bonne monture, très rapide mais, il a un peu de mal avec les sauts d'obstacles."
Diego chuchota quelques mots au cheval blanc avant de lui donner les rênes.
"- Que lui avez vous dit ? Ne put s'empêcher de demander Rico.
- Je lui ai dit que vous seriez son maître pendant un bon moment, sourit le jeune homme en enfourchant sa monture. Rico n'ajouta rien et fit de même.
Ils sortirent du petit village, s'éloignant dans la campagne, à travers les ténèbres de la nuit.
"- N'avez vous pas peur que nous tombions sur des bandits ? Lança Rico après quelques kilomètres.
- Non, dans cette région, il n'y a pas de bandits.
- Comment le savez vous ?
- Parce qu'il n'y a pas de riches dans les environs, il n'y a que des fermiers, des pauvres vaqueros et des moines qui vivent dans des cabanes.
- Mais vous, vous êtes bien le fils d'un riche ranchero."
Diego arrêta brusquement son cheval sous le choc. Personne n'était censé le connaître, ou entendre parler de son père, surtout dans un coin paumé pareil. Rico se rendit compte qu'il était sur le point de se trahir.
"- Comment le savez vous ?
- J'ai...vécu un bon moment dans le Sud de la Californie et votre nom ne m'était pas inconnu."
Rico espérait vraiment que le jeune don ne se méfit de rien. Il devait d'abord lui donner confiance puis ensuite, s'occuper de sa vengeance.
