Rapeltout sera un recueil regroupant les moments perdus du canon, les idées qui se cachent derrière un évènement, parfois une simple phrase de JKR. Il n'y aura pas de joueurs de Quidditch ici (reportez vous éventuellement à Dieux du Stade), ni Percy et Pénélope (Perfect Prefect).
La palette de personnages sera, je l'espère, la plus variée possible, le rythme de parution des plus chaotique puisque dépendant directement de l'inspiration.
J'espère que chacun y trouvera son plaisir.

OS 1: Ceux qui sont restés (Remus & OC)

Disclaimer:
L'univers est à JKR, je n'ai fait que piocher l'une des ses phrases, broder une histoire et ajouter un personnage.

Note:
Eliot Ness, Izzie et Moe sont des figures importantes de la période de la prohibition à Chicago. Le premier étant connu pour avoir été incorruptible, les seconds pour avoir mis en place un traffic de contrebande d'alcool. Pour plus d'informations, je vous recommande la page Wikipédia à leur sujet.
Le prénom de l'OC est un clin d'oeil à l'un des personnages de Robin Hobb, certainement l'un des meilleurs.


Il lui donna un beau livre à la reliure de cuir. Harry l'ouvrit avec curiosité : il était rempli de photos de sorciers. A chaque page, son père et sa mère lui souriaient en lui adressant des signes de la main.

- J'ai envoyé des hiboux à tous les amis d'école de tes parents en leur demandant des photos. Je savais que tu n'en avais pas. Ça te plaît ?

Harry fut incapable de parler et Hagrid le comprit très bien.

Harry Potter à l'école des sorciers, JK Rowling


Ceux qui sont restés

Remus Lupin avait rencontré dans sa vie de nombreux problèmes, certainement plus que le commun des mortels, moldus ou sorciers. Mais s'il y en avait bien une chose qui, par miracle, parvenait à ne pas lui en poser, c'était la ponctualité.

Le carillon de l'église la plus proche sonna 15 heures. Se félicitant d'être parvenu malgré tout à temps, il poussa la lourde de porte du pub et y pénétra.

L'établissement aux murs épais lui offrit une fraîcheur des plus appréciables après un séjour bref mais épuisant à travers la chape d'air chaud et étouffant qui s'était, à la grande surprise de tous les météorologistes, abattue sur la cité londonienne en cette journée de juin.

S'il avait longtemps hésité à répondre à l'invitation qu'on lui avait adressée, il ne s'était pas un instant étonné du lieu de rendez-vous choisi.

Fitz aimait Londres. Fitz aimait les pubs. Une dizaine d'années plus tard, il fut heureux de constater que cela n'avait pas changé. Quelque part, ça l'avait même rassuré.

Après une courte hésitation, il délaissa la salle pour le comptoir. Sa commande patienterait. La politesse et sa curiosité exigeaient de lui qu'il aille sans plus attendre à la rencontre de l'une de ses plus anciennes connaissances. Il couvrit d'un rapide coup d'œil l'ensemble de la pièce, à la recherche d'une silhouette familière ou de toutes choses qui auraient pu l'être.

Etrange mélange de costume-cravates, de jeunes femmes parfaitement apprêtées et de robes de sorciers flamboyantes, le pub accueillait visiblement, en douceur et sans heurt, les deux univers le temps d'une pause déjeuner plus que prolongée. Pas un regard ne trahissait, peut-être à cause de l'habitude, les questions plus que légitimes que l'on pourrait se poser dans chacun des camps sur ces curieux accoutrements.

Sur la poutre au-dessus du bar avait été accroché un panneau que Remus prit au premier abord pour une interdiction de fumer. A mieux l'observer, il se rendit compte que c'était une baguette magique qui était dans le cercle barré. L'alcool aidant, certains de ses congénères avaient certainement eu du mal à respecter la clause du secret.

Il mit fin à son observation, retira son manteau et s'avança dans la salle, sous le regard intrigué des autres consommateurs. Qu'il soit trempé jusqu'aux os alors que la capitale connaissait sa plus grande période de beau temps depuis quelques années était certainement plus à blâmer que son air fatigué.

Dans un coin de la pièce, il finit par apercevoir la personne tant recherchée, seule face à une chaise vide, perdue dans ses pensées, observant distraitement les gens dans la rue passer. Fitz ne tourna pas les yeux vers lui lorsqu'il approcha.

Elle n'avait pas changé, malgré les années. De grandes boucles noires, parfaits petits ressorts, encadraient son visage parsemé de tâches de rousseur. Personne à la connaissance de Remus n'avait pu résister à la tentation de les étirer, ne serait-ce qu'une fois, pour voir aussitôt la boucle se reformer.

Projeté des années en arrière, il revit la jeune femme qui avait excellé dans son rôle de demoiselle d'honneur, protégeant de sa vie le temps d'une journée la robe de la mariée, se saisissant lors d'un affrontement mémorable du bouquet tant convoité et qui avait fini la soirée sur un tango aussi spectaculaire qu'endiablé en compagnie du témoin des mariés.

Fitz qui aimait Londres, les pubs, faire la fête avec sa meilleure amie et accessoirement le mari de celle-ci et ses amis.

Il posa ses mains sur le dossier de la chaise vide mais n'obtint aucune réaction. Fitz était partie plus loin qu'il ne l'imaginait. Un raclement de gorge sonore fut nécessaire pour la faire émerger et la fit sursauter.

- Madame, fit Remus avec une petite révérence.

Surprise par cette « soudaine » apparition, elle eut besoin de quelques secondes pour se remettre, une main sur le cœur, l'autre sur les lèvres. Remus les lui accorda, amusé. Peut-être que s'il était lui aussi tombé nez à nez avec elle, ce petit laps de temps lui aurait été nécessaire. Plus pour se reprendre que se reconnaître. Un sourire ne tarda pas à se dessiner sur les lèvres de la jeune femme.

- Monsieur, répondit-elle d'un ton exagérément poli avant d'ajouter, les sourcils légèrement froncés. Tiens, il pleut ?

Il accrocha son manteau trempé à son siège avant d'y prendre place et, passant une main rapide dans ses cheveux, tenta de les débarrasser des gouttes qui s'y étaient nichées.

- Pas à Londres, pas encore du moins. Je suis passé… leur dire bonjour, avoua-t-il après une hésitation.

Le sourire de Fitz s'altéra l'espace d'un instant, avant de renaître, légèrement moins assuré.

- Je comptais y aller juste après, soupira-t-elle lentement.

D'un geste de la main, elle attira son attention vers le sac occupant la chaise à côté d'elle.

- Tu as acheté des fleurs ? s'étonna Remus, voyant le haut de ce qui paraissait être un énorme bouquet dépasser du cabas de son amie.

- Les moldus sont très doués pour ce genre de choses, répondit la jeune femme résigné. En tous cas, plus que moi et ma baguette…

Ne souhaitant pas dès à présent aborder le sujet qui les occuperait certainement une bonne partie de l'après-midi, Remus s'efforça de détourner la conversation et de rendre son ton léger.

- Je peux t'offrir quelque chose ?

Comme à chaque fois qu'il était question d'un petit remontant, le sourire de Fitz s'élargit.

- J'ai déjà commandé. Firewhisky, non ? Comme au bon vieux temps, déclara-t-elle d'un air entendu.

- Excepté que maintenant on a l'âge légal pour en boire…

Leur dernière année à Poudlard avait ressemblé de bien des manières à la vie à Chicago durant la prohibition. Par les drames qui s'y étaient déroulés, les mafias qui s'y étaient formées et parce que Dumbledore avait fait un Elliot Ness des plus redoutables, tous s'accordaient à le dire. Pas suffisant cependant pour stopper ou faire renoncer les Maraudeurs, dignes successeurs d'Izzie et Moe, à l'origine d'une véritable contrebande.

Le serveur vint déposer deux verres au liquide ambré devant eux. Fitz fut la première à se saisir du sien et en avala rapidement une gorgée, comme pour se donner du courage.

- Ça fait longtemps, pas vrai ? finit-elle par déclarer.

- Onze ans… répondit distraitement le jeune trentenaire. Hum…Onze ans. En tous cas, tu as l'air d'aller mieux. La dernière fois, j'ai bien cru que toutes ces larmes finiraient par te déshydrater et de dessécher sur place.

Sa plaisanterie plus que maladroite, il en convenait, fit lever un sourcil à la jeune femme.

- Très cher, répondit Fitz avec un léger sourire, tu n'en menais pas large non plus.

Il soutint le regard de son amie sans ciller. La dernière fois qu'ils s'étaient ainsi observés, une tombe que des hommes en robe sombres étaient en train de combler les séparait, un jour de novembre devenu pour le monde sorcier fête nationale et moment de liesse. Eux n'avaient jamais vraiment eu l'occasion ni les raisons de se réjouir.

La voix de Fitz le sortit de ses sombres souvenirs.

- Tu as mauvaise mine en revanche, signala-t-elle portant son verre à ses lèvres.

- La pleine lune approche, marmonna-t-il laconiquement.

La gêne lui fit baisser les yeux un instant mais elle se força à les relever.

- Toujours ton petit problème de cheveux ? finit-elle par plaisanter.

- De fourrure, rectifia-t-il amusé.

- C'est pareil ! soupira-t-elle agacée d'avoir été reprise. Ça reste une histoire de poils, non ?

Ne souhaitant lui donner verbalement raison, il se contenta d'évoquer cette éventualité d'un roulement d'yeux marqué.

- D'ailleurs, ajouta Fitz d'une voix plus aiguë, tu as des cheveux blancs maintenant…

- Je ne les perds pas, c'est déjà ça ! répliqua Remus avec un haussement d'épaules fataliste.

La connaissant et voyant son sourire s'élargir, il sut qu'elle était prête à se lever pour vérifier, histoire de l'embêter. Enchaîner devint donc pour lui une priorité.

- Merci de m'avoir invité… marmonna-t-il gêné.

- Je l'ai fait parce que je savais que tu ne le ferais pas, avoua-t-elle simplement.

Embarrassé, car ça n'était rien de plus que la stricte vérité, Remus baissa la tête.

- Rassure-toi, ça ne me vexe pas. Tu as toujours été un garçon sauvage, Remus, un vrai loup solitaire, expliqua-t-elle avec un sourire triste. Il faut constamment t'apprivoiser. Et comme ta véritable meute a éclaté depuis longtemps, je… En fait, j'avais peur que tu ne veuilles pas revenir.

Il s'abstint de répondre ou de la contredire. Fitz savait quel dilemme l'avait animé avant qu'il ne finisse par accepter. Tout comme lui se doutait que ces mêmes questions l'avaient hantée avant qu'elle n'ait le courage de reprendre contact. Se revoir revenait à remuer beaucoup de choses passées, à se forcer à regarder en arrière et à repenser à toutes ces années manquées. Même s'il avait toujours apprécié sa compagnie, si Fitz avec le temps était devenue aussi son amie, le plaisir de se revoir ne faisait peut-être pas le poids face à toute la douleur que le souvenir du bon vieux temps leur ferait ressasser.

Prendre ce simple verre finalement leur coûtait plus qu'on ne pouvait imaginer.

- C'est marrant qu'on ait mis autant de temps à se recontacter, finit-elle par signaler d'un ton plus léger.

Le fait qu'ils aient certainement suivi mentalement le même raisonnement le fit sourire.

- Après tout ce qu'il s'est passé, on avait peut-être besoin de temps pour tout digérer et essayer d'accepter, répondit-il lentement. Et puis, tu nous connais. Nous sommes deux êtres horriblement orgueilleux ! Il nous fallait une excellente raison pour nous retrouver, autre que la simple envie de se revoir et de pouvoir goûter à la compagnie de l'autre…

Son sarcasme, plus subtil, lui vola un éclat de rire.

- Oui, c'est vrai que c'est loin d'être suffisant ! répliqua-t-elle amusée. Il nous fallait une raison, une vraie… Tu sais, j'ai été très surprise de recevoir cette lettre. Je l'attendais. Je l'attendais depuis des années. J'avais même fini par me résigner. La surprise n'en a été que plus belle.

Elle sortit de son sac un morceau de parchemin où une écriture brouillonne et hésitante se dessinait. Remus la reconnut immédiatement et sortit à son tour l'exemplaire qu'il avait reçu. Les lettres étaient identiques.

- Je crois qu'Hagrid ne s'est toujours pas séparé de son parapluie rose, signala-t-il alors que Fitz s'assurait que les textes étaient bel et bien les mêmes.

- Je suis heureuse que quelqu'un y ait pensé, fit-elle avec un sourire en levant à nouveau les yeux vers lui. Pour Harry. Je voulais tellement faire quelque chose pour lui. Mais avec Dumbledore qui joue les agents du KGB, je n'ai même pas pu l'approcher…

- Toi aussi, tu as été refoulée ?

- Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas lui rendre visite, marmonna-t-elle. Sous prétexte qu'il ne devait rien connaître de notre monde…

Lui aussi avait souvent contesté la décision du directeur de Poudlard d'éloigner Harry de tout ce qui pouvait faire son identité, de le priver du vrai souvenir de ses parents et de la compagnie de ceux qui auraient pu lui en parler. Il n'avait jamais vraiment accepté le choix que Dumbledore avait fait, ce que cela avait impliqué. Mais il faisait confiance en l'homme qui l'avait si souvent aidé.

- Il préfère qu'il soit avec sa famille, répondit Remus diplomatiquement.

- Sa famille ? Remus, tu as vu ces gens ? s'écria-t-elle. Lily détestait ce Dursley. Et il le lui rendait bien.

- C'est ce qu'ils auraient voulu, signala-t-il tristement.

- Ce que James aurait voulu ? ricana-t-elle. Pitié, essaie au moins d'avoir l'air convaincu quand tu sors des énormités comme ça ! Comment aurait-il pu vouloir ça pour Harry ? Et Lily… Admettons qu'elle ait dit oui. Enfin, elle a épousé James, tu vois bien que parfois, son cerveau ne fonctionnait pas correctement.

Le loup-garou ne put retenir un sourire. Elle n'avait pas tort. Mais les voies de Dumbledore étaient bien souvent impénétrables.

- Il pense que c'est mieux pour Harry, soupira-t-il simplement.

- Il pensait aussi que faire de Sirius le gardien du secret était une bonne idée…

Fitz avait à peine murmuré. Mais l'entendre parler de ça, de ce moment là, de lui souleva une vague de haine que Remus parvint tout juste à maîtriser. C'était tout ce à quoi s'était résumée sa vie ces onze dernières années. Lutter contre cette rage et la culpabilité qui l'accompagnait. Mâchoires et poings serrés, il fit néanmoins l'effort de se calmer devant l'air inquiet de son amie. Elle attendit qu'il n'entame sa boisson, signe qu'il s'était maîtrisé, avant de continuer.

- Je m'en veux d'avoir été aussi lâche à ce moment là, avoua-t-elle à mi-voix, les yeux rivés au contenu de son propre verre.

- On avait tous peur, tu sais.

Refusant cette excuse qu'on avait, à lui, depuis toujours répétée, elle secoua la tête, faisant un instant voleter ses boucles.

- Lily m'avait proposée de garder leur Secret, murmura-t-elle blême.

- A toi ? s'étonna-t-il les sourcils froncés. C'est vrai ?

Elle se vexa un court instant, plus par principe qu'autre chose.

- Oui… Et j'ai paniqué. J'ai refusé. J'avais trop peur. Peur de mourir… Mmh. Et peur d'échouer. C'est bête, je me doute que je n'aurais certainement rien pu faire, que le pire serait forcément arrivé, même avec moi, peut-être à cause de moi. Mais je ne peux pas m'empêcher de regretter atrocement la décision que j'ai prise il y a onze ans.

Le souffle de Fitz trembla lorsqu'elle expira. Les mains de la jeune femme, désormais posées sur ses genoux, ne permirent pas à Remus de la consoler d'un geste. Quant à savoir quoi dire pour la rassurer… Qu'est-ce que le fait de savoir qu'il ressente la même chose pouvait lui apporter ?

- James me l'a aussi proposé, finit-il par avouer. Et j'ai également refusé.

- Pourquoi ? demanda-t-elle sincèrement surprise.

- Mon petit problème de fourrure, répondit Remus avec un faible sourire. Encore et toujours lui… Lui et le fait qu'il s'agissait d'une responsabilité que je ne pouvais pas assumer. Je les aimais trop pour imaginer que par ma faute je puisse les perdre. Même si au final, c'est ce qui s'est passé.

La tête désormais appuyée dans la paume de sa main, elle tenta de lui rendre son sourire. Elle finit par renoncer et vida son verre d'un trait.

- Bonjour les Gryffondors, se força-t-elle de plaisanter.

- Faut croire qu'on y est allé parce que le rouge nous allait bien au teint, répondit Remus amusé avant de reprendre plus sérieusement. Tu sais, Dumbledore pensait que sincèrement que c'était mieux pour Harry de ne pas devenir trop tôt ce héros que le monde sorcier voulait, que ce serait mieux pour lui d'être là-bas… et qu'il ne nous rencontre pas.

Son sourcil haussé signala à Remus qu'elle comprenait parfaitement ce qu'il sous-entendait.

- On n'a rien fait de si terrible que ça, signala Fitz avec mauvaise foi. Je maintiens que cette mesure d'éloignement est stupide !

Mesure d'éloignement qui n'était, évidemment, pour tous que théorique. Remus sentit son sourire s'élargir, petit détail qui n'échappa pas à la jeune femme qui lui faisait face.

- Tu es passé outre, n'est-ce pas ?

Il répondit d'un hochement de tête affirmatif, sous le regard admiratif et amusé de Fitz.

- Même si dernièrement les gens n'apprécient pas de voir traîner près des écoles des messieurs seuls, ajouta-t-il avec une grimace.

- Tu veux dire qu'ils… t'ont pris pour un pervers ?

Il ne parvint pas à deviner si elle détourna la tête pour refouler le rire qui lui venait ou pour lui témoigner sa réprobation. Qu'elle qu'en fut la raison, la gêne de la jeune femme l'amusa.

- Oh, s'il te plaît, tu as dû en faire de même ! s'écria-t-il en posant ses bras sur la table.

Elle ne put que le reconnaître.

- Le jour de la rentrée, je suis allée à la gare. C'était un jour important pour lui. Je pensais que ce serait bien qu'on soit là…

- La Lune était pleine, soupira Remus tristement.

- Oh, tu n'as rien raté, le rassura-t-elle d'un sourire. Il est arrivé de justesse.

Il fit tourner l'alcool ambré dans son verre avant de le porter à ses lèvres.

- Comme son père…

Fitz approuva d'une légère grimace avant de reprendre plus sérieusement et, ce qui inquiéta Remus, plus tristement.

- Il était seul dans la gare, expliqua-t-elle lentement. Tout seul. Tu imagines, le fils de Lily et James, le grand Harry Potter… Seul. Il n'y avait pas sa famille. Il n'y avait pas Dumbledore. Il a traversé la gare seul. Quoi qu'on en dise, ce ne sont pas des choses qui devraient se passer. Harry n'avait pas à être seul. Nous étions là ! Nous étions prêts ! Tout ce temps, on aurait pu être présents pour lui. Ce jour là comme tous les autres. On aurait pu s'en occuper. Je n'avais pas beaucoup d'argent, ni un grand appartement à l'époque, et c'est toujours le cas en fait. Mais je l'aurais fait volontiers, même à 22 ans. Pour James et Lily.

- J'aurais aimé aussi pouvoir le garder. Malgré mon petit problème de fourrure.

- Tu imagines un peu la paire de tuteurs qu'on aurait pu faire ? Nous y serions parvenus, j'en suis persuadée…

Remus se laissa retomber contre le dossier de sa chaise et savoura la douce chaleur de l'alcool qu'il venait d'ingérer.

- Tata Fitz et Tonton Remus… fit-il avec un sourire immense. J'adore.

Pour une raison qu'il ne saisit pas, Fitz ne sembla pas partager son amusement. Son sourire se fit plus timide, presque nostalgique.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il intrigué, en se redressant.

- Cela va faire douze ans que l'on ne m'a pas appelée comme ça.

Il lui rendit son sourire. Fitz avait toujours été Fitz pour lui. A Poudlard, et ce dès les premières semaines, tout le monde avait fini par délaisser son prénom (Nicolette n'avait pourtant rien d'honteux) pour ce surnom qui lui allait si bien. Fitz aimait Londres et le faisait savoir à qui voulait l'entendre (et par souci d'équité, également à qui ne le voulait pas). Et détail non négligeable, elle le faisait avec l'accent cockney, pire qu'un camelot de l'East End, devenant l'une des rares, si ce n'est l'unique, personnes à la connaissance de Remus a pouvoir s'en vanter (petite particularité linguistique qui fut à l'origine de discussions et joutes verbales plus qu'agitées). Originaire de Bloomsbury, elle n'oubliait jamais de préciser à chacun que c'était Fitzrovia qu'elle habitait. Son surnom avait été tout trouvé. Pas Nikki, ni Colette. Fitz.

Finalement, après toutes ces années, les personnes la connaissant sous ce nom avaient disparu. Ou presque. Tout comme lui pensait à James à chaque fois que l'on évoquait « son petit problème de fourrure », Fitz venait certainement d'avoir une pensée pour son amie Lily, première à l'avoir ainsi rebaptisée.

- Alors comme ça, tu es redevenue pour tous Nicolette ?

Un gémissement lui échappa.

- Remus, s'il te plaît…

Il s'excusa d'un sourire et reprit le fil initial de leur discussion.

- Désolé. Enfin, le principal reste qu'Harry soit heureux désormais. A Poudlard. Et qu'il sache vraiment qui il est. D'après ce qu'Hagrid raconte, ajouta-t-il en reprenant son exemplaire de la lettre, c'est le digne fils de son père.

- Il n'y a pas de quoi se réjouir, signala Fitz devant son air trop fier avant de plonger la tête dans son sac. J'espère que dans les années à venir, il choisira plutôt de suivre le chemin de Lily !

Remus comptait se faire un plaisir de lui rappeler que Lily n'avait pas non plus eu une conduite exemplaire, particulièrement à cause de l'un de ses meilleures amies, quand le tas de photos que Fitz sortit de son panier le fit taire.

- Hagrid a demandé quelques photos, signala-t-il moqueur. Pas de quoi faire une exposition…

D'une grimace, elle indiqua à Remus tout le mépris que sa plaisanterie lui inspirait.

- Je n'ai pas eu le temps de trier, signala-t-elle les lèvres pincées. Du coup, j'ai pris tout ce que j'avais.

- Cela fait quand même un sacré paquet…

- Et toi ?

Après une brève hésitation (il savait par avance la manière dont Fitz réagirait), il sortit de la poche de son manteau une enveloppe jaunie et la déposa devant lui. Comme il s'y attendait, Fitz se mordit inconsciemment la lèvre inférieure. Face à son imposant tas, la maigre enveloppe ne faisait pas le poids.

- Oh… Remus, fit-elle désolée.

- James détestait se faire prendre en photos, plaisanta-t-il pour dédramatiser. Il disait que c'était un truc de filles, rien de plus.

Ce qui était l'absolu contraire de la vérité. James Potter adorait se faire photographier, ça n'était pas un secret. Fitz le lui rappela d'un haussement de sourcil sceptique. Il poussa un soupir de résignation et sortit les quelques clichés de l'enveloppe pour les lui montrer.

- Ce sont les seules photos que je possède à être encore entières, avoua-t-il en les étalant devant elle. Je me suis débarrassé de toutes les autres. Sirius était …

Il s'interrompit, ne trouvant ni la force, ni le courage, ni l'envie de continuer. De toute façon, Fitz avait parfaitement compris. Elle s'avança sur sa chaise et tendit la main pour saisir celle de Remus.

- Il est aussi sur celles qui me restent, ajouta-t-il tristement. Comme James, il adorait être photographié.

Lors du mariage, trois personnes avaient été nécessaires pour l'empêcher de venir perturber la séance des deux mariés en venant faire l'idiot en arrière plan ou en se jetant au dernier moment dans le champ.

Fitz conserva la main de Remus dans la sienne jusqu'à ce que celui-ci parvienne à esquisser un faible sourire. Il apprécia son geste et en savoura le contact. Parce que lui en avait ressenti l'envie sans pouvoir le faire quelques instants auparavant. Parce que c'était celui de quelqu'un qui connaissait ou du moins devinait ce qu'il avait pu vivre.

- Je ne comprends pas qu'il soit toujours en vie… finit par soupirer Fitz en se laissant retomber contre son dossier. Après tout ce qu'il a fait, ça me paraît tellement injuste…

Onze années avaient fini par réussir à transformer sa fureur explosive, à cause de laquelle on avait fini par envisager une sédation les jours qui avaient suivi les décès, en colère résignée. Les choses étaient plus simples pour elle. Il ne disait pas cela pour réduire ou minimiser la peine et la rancœur de la londonienne. Le coupable n'avait simplement pas été son meilleur ami.

- Son sort est peu enviable, crois moi, marmonna-t-il.

- Tu ne lui en veux pas ? s'étonna Fitz, une note d'indignation dans la voix.

S'il ne remettait pas en cause la capacité de compréhension de sa vieille amie, il ne prit cependant pas la peine de se justifier. Les choses étaient compliquées. Très compliquées. Il haïssait l'homme qui avait trahi James et Lily, qui avait assassiné de la pire des façons ce pauvre Peter, qui avait réduit à néant le temps d'une nuit de nombreuses vies. Dont la sienne, celle de Fitz probablement, celle d'Harry certainement.

Black n'était pas le seul à blâmer. Quoi que les gens puissent dire, il aurait dû le remarquer. Lui qui se vantait de connaître sur le bout des griffes et des bois ses meilleurs amis, il s'était finalement trompé. De la plus belle des manières.

- J'ai passé de nombreuses pleines lunes sur la côte, à observer Azkaban, expliqua-t-il doucement. J'ignore ce que j'attendais... Une occasion de le tuer de mes crocs certainement. Mais il a fallu que je me rende à l'évidence…

Un regard jeté à Fitz lui permit de s'apercevoir que celle-ci, la bouche légèrement entrouverte, était suspendue à ses lèvres.

- … Je ne sais pas nager, fit-il en tentant de rester le plus sérieux possible.

Une seconde fut nécessaire pour qu'elle réalise qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Elle se prépara à lui adresser un regard consterné du plus bel effet avant de finalement préférer se mettre à rire avec lui.

- Quelque chose a dû changer à un moment, reprit-il. L'amour qu'il portait à James, à Lily, à son filleul n'était pas feint. J'ignore ce qu'on a pu lui promettre mais Sirius regrettera toute sa vie amèrement ce qu'il a provoqué. Et c'est une chose dont je ne veux pas que la mort le délivre.

- Tu… Tu crois qu'on devrait donner des photos de lui à Harry ? demanda Fitz hésitante.

Encore un dilemme auquel il était confronté…

- C'était le meilleur ami de James, finit-il par soupirer. Il a très longtemps été le mien avant de changer. Harry a le droit de savoir qu'il n'a pas toujours été un meurtrier…

Fitz approuva d'un hochement de tête et fit glisser dans sa direction une bonne partie de ses propres clichés, réquisitionné de force pour l'aider à trier. C'était une tâche qu'il accomplissait volontiers. Si lui possédait en majorité des photos de James, en toute logique, c'était Lily qu'on retrouvait sur celles de sa meilleure amie. Lily à peine sortie de l'enfance à ses onze ans, adolescente, sur le point de convoler, jeune mariée et maman. Il n'avait jamais vu ces clichés et découvrit à cet instant une part de la vie de son amie Lily dont il ignorait tout. Comme le plaisir évident qu'elle avait pris à imiter tous les touristes en visite à la capitale en tentant de distraire de bien des façons les gardes royaux.

Reniflements amusés, légers rires et faibles soupirs ponctuaient la moindre de ses découvertes. Il se promit de penser à remercier Fitz pour ça. A l'instant où il formula mentalement cette idée, il s'étonna de ne pas l'avoir entendue jusque-là, elle d'habitude si loquace.

Levant les yeux dans sa direction, il l'aperçut observant, totalement absente, une photo posée devant elle.

- A quoi tu penses ? demanda-t-il avec douceur.

Elle poussa un profond soupir et leva lentement les yeux vers lui.

- Ils me manquent, finit-elle par avouer. C'est aussi une chose qui n'a pas changé durant toutes ces années…

Elle ne parvint pas à maintenir son sourire crispé et préféra détourner la tête avant de craquer. Encore une fois, Remus ne sut quoi lui dire. Plutôt que de perdre son temps à ne pas trouver, il tendit à son tour la main dans sa direction. Fitz le prit malheureusement de vitesse, ne réalisant pas le geste qu'il avait amorcé) en levant le bras pour appeler le serveur.

- Je crois que je vais avoir besoin d'un verre pour continuer, expliqua-t-elle après s'être assurée que l'employé du pub l'ait bien vue. Tu veux quelque chose ?

Il déclina l'offre, lui montrant le verre encore à moitié plein qui trônait au milieu des photos devant lui.

- Au fait, tu ne m'as pas dit ce que tu avais fait pendant ce temps là ? demanda-t-elle une fois ses lèvres à nouveau trempées dans le plus célèbre alcool sorcier.

- J'ai pas mal voyagé, répondit Remus d'une voix badine. Et maintenant que je suis de retour au pays, je vivote, passant d'un boulot à un autre. Et toi ?

A voir la manière dont son visage venait de s'éclairer, il devina que c'était une question à laquelle elle mourrait d'envie de répondre. Connaissant Fitz, cela promettait. Elle se redressa fièrement et répondit, le menton légèrement redressé.

- Je suis devenue une dame respectable.

Remus sentit aussitôt les coins de sa bouche commencer à se soulever. Ne souhaitant pas la vexer, il prit soin de dissimuler son hilarité naissante.

- Tu t'es mariée ? demanda-t-il en se cachant derrière son verre.

- Ça va pas ? s'indigna-t-elle.

Il renonça à se cacher. C'était visiblement ce que Fitz attendait. Les unions maritales étaient un thème sur lequel ils étaient toujours parvenus à s'accorder. Avec sa lycanthropie, il voyait mal comment il aurait pu envisager seulement de se marier. Fitz, elle, préférait de loin marier les autres que de simplement penser que cela puisse lui arriver.

- Oh, alors explique-moi comment tu as gagné ta respectabilité !

Il comprit au sourire qu'elle lui adressa qu'il était capable de lui-même le deviner.

- Par mon travail, finit-elle par avouer.

Les yeux de Remus s'écarquillèrent.

- T'as pas fait ça ? demanda-t-il interdit.

Devant son regard « Pas qu'un peu », il ne put retenir un éclat de rire.

- Tu as toujours eu un vrai problème, toi ! signala-t-il en portant son verre à ses lèvres.

- Au Ministère, répliqua Fitz fièrement. Oui, monsieur, tout à fait ! Je savais plus quoi faire après tout ça. Et comme j'avais besoin d'un boulot, je me suis dit pourquoi pas. Département des accidents et des catastrophes magiques.

Remus s'abstint de la provoquer en lui signalant qu'on faisait vraiment entrer n'importe qui au Ministère, préférant prendre un air exagérément impressionné. Fitz ne s'y trompa cependant pas.

- Comité d'inventions d'excuses à l'usage des Moldus, avoua-t-elle avec un sourire.

- Ça, c'est déjà plus la Fitz que je connais, s'écria-t-il. Si les tabloïds se mettent à parler de futures invasions aliens, je saurais de qui ça vient !

- Ne ris pas ! grimaça-t-elle. Il me fallait un boulot. La paye est convenable, je suis toujours à Londres ! Et… Ils n'ont pas accepté mon idée d'extra-terrestres.

- Tu es trop avant-gardiste pour eux, répondit Remus amusé. En tous cas, tu as raison. Je ne peux que m'incliner devant tant de réussite professionnelle. Sache, très chère, que tu as mon respect éternel.

D'un geste typiquement régalien, elle fit signe à son sujet de se relever avant de se fendre d'un immense sourire.

- Ça m'a manqué ça aussi…

- Quoi donc ? demanda Remus les sourcils légèrement froncés. Que l'on te prête allégeance tous les matins ?

- Idiot… Toi ! répondit-elle sans se laisser perturber.

A son grand déplaisir, Remus Lupin se sentit rougir comme un adolescent.

- C'est vrai ? demanda-t-il étonné.

Fitz eut la gentillesse de ne pas faire de remarques sur la soudaine et nouvelle pigmentation d'une partie de son visage. Certainement parce qu'elle n'était pas non plus à son aise.

- Je pensais souvent à toi en regardant la lune, avoua-t-elle un peu gênée.

- Il paraît que je fais cet effet aux gens, soupira-t-il avec un faible sourire.

- Je me demandais où tu étais quand elle était pleine et ce que tu faisais une fois le soleil levé.

Touché, Remus ne put retenir un reniflement amusé. Comme tous les êtres humains normalement constitués et dotés d'une once de bon sens, Fitz avait quelques problèmes avec sa lycanthropie. La peur avait été sa première réaction, comportement naturel d'une proie potentielle mise en présence d'un prédateur, même si ce n'était que le temps d'une nuit. L'évoquer comme un « petit problème de fourrure » permettait à tous de dédramatiser. Un lendemain de pleine lune, elle était arrivée à l'improviste, croissants à la main, chez les Potter où James et Sirius l'avait ramené après une longue nuit. Voir de ses yeux tout ce que les manuels de sorcellerie ne racontaient pas à son sujet avait changé pas mal de choses pour Fitz. Le fait de le voir aussi atteint et diminué avait certainement dû jouer. Son âme de Saint-bernard n'était certainement pas à l'origine du soutien autant logistique que moral qu'elle apportait à Lily quand la rouquine se lançait dans ses opérations de harcèlement marternel auquel Remus était soumis. A l'époque, il imaginait plus volontiers que Fitz le faisait pour le simple plaisir de l'embêter. Il s'était peut-être trompé.

Elle avait toujours peur, il le sentait. Mais elle parvenait à en plaisanter, c'était déjà plus qu'il ne pouvait en demander.

Durant toutes ces années, il n'avait jamais vraiment envisagé de rentrer, sauf pour voir Harry. Il avait préféré ne pas soulever la grosse pierre sous laquelle il avait tenté d'enterrer tous ses mauvais souvenirs, quitte à ne pas revoir ceux qui auraient pu les lui rappeler. Il pensait parfois à reprendre contact, pour simplement avoir des nouvelles, sans jamais franchir le pas. Mais à sentir ses zygomatiques autant travailler, il finit par envisager que là aussi, il s'était certainement trompé.

- Je pense aussi à toi… finit-il par avouer.

Même la tête légèrement baissée, les boucles de Fitz ne purent cacher ses joues rosissantes.

- …quand je passe devant un pub, jugea bon de préciser Remus.

La vitesse à laquelle l'air gêné mais ravi de la jeune se fondit en une consternation totale laissa le loup-garou pantois.

- Charmant, grogna-t-elle.

Remus mit fin à son ricanement avant de la vexer et reprit plus sérieusement.

- Quand je repense à leur mariage, forcément, je ne peux pas ne pas penser à toi…

Avec un gémissement plaintif, elle plongea la tête entre ses deux mains.

- Comme à peu près tous les gens qui étaient là ce soir là, continua Remus avec un sourire.

- Pitié, ne m'en reparle pas…

- Quoi ? C'était une bonne soirée, non ? se moqua-t-il. Ça devrait être un excellent souvenir.

Elle sortit son visage de ses mains le temps de lui décocher un regard meurtrier.

- Tu parles… J'étais dans un tel état que les parents de James ont dû me ramener chez moi une fois la fête terminée puisque je ne pouvais pas transplaner. Arrivée à la maison, je… Je me suis lamentablement écroulée sur Mr Potter dans les escaliers.

Avant qu'il n'ait eu le temps de se mettre à rire, elle lui fit comprendre d'un geste de la main que le pire était à venir.

- C'est là que ma jupe a… reprit-elle le visage caché dans ses mains. C'était très gênant.

Fitz fut si surprise de voir que Remus ne riait pas qu'elle en oublia même d'en être soulagée. A vrai dire, il se roulait intérieurement de rire et ce n'était pas par pitié ou compassion qu'il n'extériorisait pas. Il venait simplement de réaliser quelque chose.

- Tu veux dire que… dit-il les sourcils froncés avant de laisser sa phrase en suspens.

- Que quoi ? demanda-t-elle intriguée.

- Hé bien, comme tu as disparu soudainement à la fin de la soirée et que…

A nouveau, il s'interrompit. Fitz se fendit d'un sourire devant son air embarrassé.

- Oh, c'est ce qu'il t'a dit ? demanda-t-elle d'un air entendu.

Remus avait appris avec le temps à ne jamais répéter ce que Sirius pouvait raconter, encore moins à des jeunes filles, surtout pas quand cela les concernait. Il avait fait l'erreur une fois et s'était promis de ne jamais recommencer.

- Disons qu'après le mariage, on a tous cru…

Le rire de Fitz l'empêcha de continuer. Quelque part, il l'en remercia.

- Ce type avait un don pour le mensonge et la manipulation, c'est certain désormais. Désolée de te décevoir, très cher, mais il n'y a jamais rien eu entre lui et moi. Merlin, merci !

Elle n'avait aucun intérêt à lui mentir. Remus le savait mais avait également du mal à croire que Sirius ait pu en faire autant à ce sujet. S'il y avait bien un domaine où il n'avait pas à en rajouter, c'était bien celui-là.

- Vraiment ? demanda-t-il sceptique.

- Je t'en prie Remus ! s'écria Fitz ahurie. Sirius n'avait qu'un demi-cerveau qu'il partageait la plupart du temps avec James, quand il n'en faisait pas un don temporaire à Peter. Reconnais-le ! Et physiquement, il n'a jamais été ma tasse de thé. Encore mois totalement soule !

C'était effectivement très loin de la nuit d'amour passionné que Black leur avait relatée à de multiples reprises et qui avait quelque peu changé le regard qu'il portait sur la jeune femme. En bien, s'était-il empressé d'ajouter quand, devant son sourire en coin, elle était parvenue à le faire se livrer à cette confidence.

- Je croyais que c'était Sirius que tu préférais, signala Remus en saisissant de la dernière photo qui avait réuni les célèbres Maraudeurs.

- A ce moment là, soupira-t-elle en lui piquant le cliché, ce n'était pas lui qui me plaisait.

Remus esquissa un sourire.

- James, je parie, dit-il avant de vider son verre d'un trait.

- Oui mais je ne pouvais pas faire de concurrence déloyale à Lily, répondit Fitz mélodramatiquement. Je n'allais pas lui prendre l'amour de sa vie…

- Oh, je vois… Peter dans ce cas?

L'éclat de rire qui lui échappa sortir du fond du cœur. Elle fit néanmoins l'effort de se reprendre.

- Oui. Peter, dit-elle avec un sourire entendu avant d'ajouter plus sérieusement. Qu'il repose en paix.

Il reposa son verre et soupira.

- Quand je pense qu'on était tous persuadé que Sirius et toi aviez…

Rencontrant aujourd'hui une étonnante difficulté pour mettre en mot cette chose, il renonça et lui laissa imaginer la suite d'un mouvement de la main.

- Tu sais comment sont les filles, expliqua Fitz un sourire en coin. Elles craquent pour le méchant à moto et finissent avec le gentil à vélo.

- Je ne suis pas le gentil, répliqua Remus certainement plus froidement qu'il ne le voulait.

- Toi ? s'étonna Fitz se laisser impressionner. Mais je croyais qu'on parlait de « Peter ». Et puis tu sais, c'est typiquement une phrase de gentil. Le méchant dirait qu'il est gentil pour coucher avec la fille.

- Je n'ai pas envie de coucher avec la fille.

- Ça, c'est méchant, marmonna Fitz. Mais la fille n'a jamais dit qu'elle voulait coucher avec toi.

- Avec « Peter », tu veux dire ? demanda-t-il moqueur.

- Euh… Non, là, ce n'est plus très sain comme jeu, répondit-elle avec une grimace écœurée.

Elle avait raison. Ce n'était pas un jeu.

- Fitz, je n'ai pas de vélo.

Désespérée, elle leva les yeux au ciel.

- Tu n'as pas non plus de sens de l'humour à ce que je vois !

Elle se mit à bouder et à trier ses photos avant qu'il n'ait pu ajouter quoi que ce soit. De toute façon, il valait certainement mieux que rien ne soit ajouté. Il profita du calme qu'elle lui offrait pour se remettre lui aussi à la tâche. Eparpillant les photos qu'on lui avait confiées, il sut que grâce à l'une d'elles, il tenait le moyen de la dérider.

- Tu es à moitié nue sur celle-là, dit-il après s'être assuré, d'un raclement de gorge, qu'elle allait l'écouter.

- Quoi ?

- Hum… Non, rien, répondit-il avec un sourire satisfait.

Plongée dans ses souvenirs, elle ne tarda pas à trouver de quel cliché il devait s'agir. En tous cas, c'est ce que lui confirmèrent son air horrifié et le fait qu'elle lui ait quasiment sauté dessus pour le récupérer.

- Fais-moi voir la photo ! ordonna-t-elle constatant que la table était trop grande pour pouvoir l'atteindre.

Remus se fendit d'un sourire carnassier. Si Fitz tenait tant à la récupérer, c'est qu'elle valait la peine qu'il la garde encore un peu hors de sa portée. Ce ne fut d'ailleurs pas compliqué. Il eut simplement à tendre le bras derrière sa tête.

- Remus ! Rends la moi ! s'écria-t-elle dans ce qui était un curieux mélange de grognement et de supplication. Tu n'as pas le droit de voir ça.

- Pourquoi ? demanda-t-il intéressé. Qu'est-ce que c'était ?

Affreusement embarrassée, elle se fit violence pour lui répondre.

- Qu'est ce qu'on a sur la tête ? demanda-t-elle d'une voix faible.

- Quoi ?

- Est-ce que c'est un chapeau pointu ou des oreilles de lapin ? grogna-t-elle entre ses dents.

Etonné par sa question, il jeta un nouveau regard à la photo et constata qu'effectivement, en faisant remonter son regard, il y avait bel et bien un couvre-chef.

- Chapeau pointu.

Le soupir de soulagement que poussa Fitz, pour le moins tendancieux, fit se retourner vers eux les clients les plus proches. Si c'était volontaire, la jeune femme s'était parfaitement vengée. Il était désormais lui aussi très mal à l'aise. Remus soutint les regards tant bien que mal avant de rencontrer celui amusé de Fitz.

- L'enterrement de vie de jeune fille de Lily, dit-elle en réponse à la question qu'il s'apprêtait à poser.

- Je ne savais pas que vous l'aviez fait, signala-t-il en se mettant à la recherche des autres photographies de cette soirée.

- Quoi ? ricana Fitz en vidant son verre d'un trait. Tu pensais que seul James allait pouvoir en profiter ?

- Je n'imagine pas Lily faire ce genre de chose, rectifia-t-il les sourcils froncés.

- Je ne l'imaginais pas non plus avant cette soirée, avoua l'ancienne demoiselle d'honneur sur le ton de la confidence. Maintenant, rends les moi, j'avais promis que jamais personne ne les verrait.

Un peu à contre cœur, il s'exécuta, conservant seulement celle qu'elle avait tant tenu à récupérer.

- Tu aurais mieux fait de faire comme nous, signala-t-il un sourcil haussé.

- C'est-à-dire ?

- Dans ces moments là, surtout ne pas prendre de photos, expliqua-t-il d'un ton professoral. Pas de photos, pas de preuves, rien à se reprocher. Et surtout rien à expliquer.

Elle ne parut pas totalement convaincue.

- Fitz, si tu y tiens tant, je te la rends.

Son soudain sourire ravi l'inquiéta.

- Garde-la. Comme ça, tu auras une autre raison de penser à moi ! En tous cas, autre que passer devant un pub ou imaginer ce que Sirius et moi aurions pu faire…

Il abandonna l'idée de protester, sachant pertinemment qu'elle trouverait un moyen de tourner ses paroles à son avantage et se résolut à accepter.

Il jeta un rapide regard aux autres clichés étalés devant lui.

- Harry est peut-être un peu jeune pour tout ça ! signala-t-il avec un sourire. Moi en revanche, je serai curieux d'en savoir plus sur ces oreilles de lapins.

En une heure, le tri avait été fait. Et quelques jolies hontes dévoilées. De multiples souvenirs, bons et mauvais, avaient été évoqués. Le point sur les amis de chacun avait été fait. Des condoléances présentées, des regrets exprimés. Un autre verre commandé et cette histoire d'oreilles de lapin de nombreuses fois répétée. Les photos sélectionnées avec un léger pincement au cœur à l'idée de s'en séparer.

Harry serait heureux.

Et pas choqué.

C'était ce qui comptait.

Fitz fut chargée d'envoyer le paquet au garde chasse de Poudlard. Une fois l'addition réglée, ils sortirent du pub frais pour affronter une belle journée d'été.

- C'est tout ce qui me reste de cette époque, soupira Fitz une fois dans la rue en rangeant le colis dans son sac. Un tas de photos, un gamin que je ne connaîtrai certainement jamais et un… loup-garou.

- Estime-toi heureuse ! répliqua Remus amusé. Tout ce que je possède encore sont des photos où se trouvent mes amis et leur assassin, un enfant que je ne connais pas et qui a des chances de ne jamais m'accepter et… une vielle amie qui me refile des photos d'elle à moitié nue.

D'une légère poussée, elle le força à s'écarter.

- Va te faire voir ! grogna-t-elle. Je peux toujours la reprendre !

Remus évita le coup que son ricanement avait motivé et d'un signe de la tête, lui conseilla d'avancer.

Les mains dans les poches, il se surprit à réellement apprécier cette journée qu'il avait tant appréhendée. A deux, les choses étaient finalement plus faciles. La voix de Fitz le ramena sur terre.

- J'ai envie d'un verre…

- Encore ? s'écria-t-il surpris.

- On a l'âge légal pour ça ! répondit-elle avec un sourire. Autant en profiter !

La jeune femme mit quelques secondes à s'apercevoir qu'il avait cessé de marcher.

- Je te rappelle que tu es une dame respectable désormais.

- Remus, je t'en prie, je bosse au Ministère ! rappela-t-elle en jetant un rapide regard autour d'elle. Je crains. Ma vie craint. C'est presque un besoin vital là !

Un faible sourire lui échappa. Pas à cause de ce qu'elle avait dit. Plutôt à cause de ce qu'il venait de réaliser et à côté de quoi il aurait pu passer.

- Fitz… fit-il d'une voix grave. Tu en as déjà descendu trois !

Elle se détourna avec un ricanement moqueur, sembla chercher l'inspiration ailleurs avant d'à nouveau lui faire face.

- Ne me fais pas ce regard là, s'il te plaît. Lily avait le même. Tu sais, ce regard qui te dit « je vais sonder ton âme et voir de quoi il retourne, tu ferais mieux de me dire directement la vérité »

Elle avait raison. Mais il n'allait pas le reconnaître.

- Ce n'est pas mon genre de faire ça !

- Alors arrête ! demanda-t-elle froidement.

- Fitz, fit-il doucement alors qu'elle se passait une main sur le visage.

Elle hésita longuement à lever à nouveau les yeux dans sa direction. Sans insister, Remus ne lui laissa pas l'occasion de s'esquiver.

- Ok… avoua-t-elle honteusement. J'ai… eu un petit problème de boisson par le passé.

- Si ça peut te rassurer, j'ai le même avec la fourrure, se hasarda-t-il à plaisanter.

Loin de mal le prendre, elle apprécia la diversion et l'en remercia d'un sourire, certes furtif, mais qui eut le mérite d'exister.

- Je vais mieux et je me soigne, reprit-elle d'une voix plus assurée. C'est juste qu'il y a des moments où… c'est plus dur que d'autres.

Elle s'interrompit, ne sachant visiblement pas comment continuer.

- Il y a des moments où je n'y arrive pas…

Sans trop réfléchir, il l'attira contre lui et la prit dans ses bras, quitte à froisser un peu le haut de son joli bouquet. Cela faisait onze ans qu'il avait fini par admettre qu'il ne s'en remettrait vraiment jamais. Lui, l'âme torturé, le maudit des dieux, le damné. Il croyait sincèrement que les autres ne suivraient pas cette voie, que Fitz y arriverait. Parce que c'était Fitz. Fitz qui aimait Londres, les pubs, faire la fête avec sa meilleure amie, et accessoirement le mari de celle-ci et ses amis.

Sauf qu'aujourd'hui, elle n'avait plus désormais que Londres et les pubs à aimer.

Le dernier ami du mari de sa meilleure amie avait mis trop de tant à rentrer.

Loin de fuir le contact, elle blottit sa tête contre sa poitrine et passa ses bras autour de sa taille, quitte à abîmer encore un peu plus le haut de son joli bouquet. Remus ne s'y trompa pas. C'était un gros nounours qu'elle serait dans ses bras pour se rassurer.

Ils restèrent un instant ainsi au beau milieu de la rue piétonne jusqu'à ce qu'il cède à l'envie qui le taraudait. Un grognement échappa à Fitz quand Remus s'amusa à tirer l'un de ses boucles, qui, en parfait ressort, reprit immédiatement sa forme originelle, et se recula.

- Tu vois que tu es un gentil garçon… déclara-t-elle avec un sourire en levant la tête vers lui. Quoi que tu en dises.

- Mouais…marmonna-t-il peu convaincu. 27 jours par mois.

- Pour beaucoup de filles, ce serait suffisant. Pas pour moi, si ça peut te rassurer, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

Ils continueraient donc éternellement à jouer. Les coins de sa bouche se relevèrent. Ceux de Fitz ne tardèrent pas à les imiter. Elle se laissa aller à un geste amical mais tendre et passa avec douceur sa main sur sa joue rugueuse.

- Tu rencontreras une fille à qui tu plairas, malgré tes cheveux blancs et tes problèmes d'ordre pileux. Oui, je ne te l'ai pas dit, s'empressa-t-elle de préciser, mais je m'adonne à la Divination désormais. Tu dois simplement me promettre que si tu te maries, je serai ta demoiselle d'honneur, ton témoin si tu trouves ça plus viril !

Son haussement de sourcils entendu le fit éclater de rire. Sachant désormais de quoi elle serait capable, il y avait matière à hésiter.

- Si je veux divorcer dès le lendemain, promis, je le ferai !

- Remus ! grogna-t-elle en lui pinçant la joue.

Sans mal, il lui attrapa la main et la fit reculer.

- Ok, Fitz, je te le promets, répondit-il lentement. Mais avant ça, tu devras arrêter l'alcool.

Elle leva à nouveau les yeux au ciel avant de soupirer.

- Mon âme n'a pas besoin d'être sauvée.

- Tu veux être mon témoin ? demanda-t-il d'un ton sans appel.

- De toutes façons avec ton mariage à commencer à préparer, ma vie sera bien trop occupée pour que je trouve simplement le temps de boire.

Elle était parvenue à détourner son chantage en une menace. Remus ne pouvait que s'incliner. Et aussi s'inquiéter. Elle était capable de préparer tout ça, même durant des années.

- On devrait peut-être aller au cimetière, finit-il par proposer. Tes fleurs sont belles. Un petit peu froissées désormais. Mais ils vont les adorer.

Elle baissa la tête ver son bouquet, peinée. Certainement plus par le lieu à rejoindre que par ses lys et orchidées.

- Et après, je t'offrirai un café, promit Remus en lui attrapant le bras avant de transplaner.

- Un Irish Coffee ?

Elle eut tout juste le temps d'articuler un « je plaisantais » avant qu'ils ne disparaissent.

Oh, Fitz pouvait rire. Elle ignorait pour l'instant qu'il s'était emparé d'un autre de ses honteux clichés. James apprécierait certainement la petite histoire qui l'accompagnait.