A/N: Je ne sais pas comment vous présenter cette histoire...
À vrai dire, cela me gêne un peu de la publier, puisqu'elle est très expérimentale pour le moment...

Les personnages, ainsi que l'histoire globale, sont issus d'un jeu nommé "Togainu no Chi".
Je me suis toutefois donnée beaucoup de liberté lors de l'écriture, alors il est possible que certaines choses ne soient pas tout à fait exactes.

Cette histoire est mon bébé, en quelques sortes.
D'ailleurs, il se peut que certains points de vue des personnages semblent racistes, toutefois, cela est uniquement pour l'histoire.

Un monde parfait n'existe pas, après tout.


Sapporo, 2050

Le vingt-et-unième siècle était annonciateur d'espoir pour l'humanité toute entière.

Certains espéraient un remède contre le SIDA. D'autres souhaitaient le développement de la recherche sur les cellules souches. Plusieurs souhaitaient l'effacement définitif de la dette de l'Afrique ainsi qu'un traitement contre le cancer. Les possibilités étaient sans limite : l'être humain n'avait plus aucun obstacle devant lui pour mener à terme ses projets grandioses. Explorer la planète Mars ne semblait plus impossible du tout, tout comme trouver les morceaux d'histoire perdus dans les catacombes les plus éloignées des lieux terrestres. Le point Némo sera exploré, l'Antarctique sauvée et le réchauffement planétaire réglé. De vieux documents historiques seront repêchés puis étudiés, le chaînon manquant à la théorie de Darwin sur l'évolution humaine sera élucidé, bref, le monde n'aura plus rien à cacher.

Ceux qui croyaient en la fin du monde ne s'étaient jamais si bien trompés. L'an deux mille pouvait laisser croire en une parfaite renaissance de l'humanité toute entière. La technologie était à son apogée, tout comme l'état des marchés financiers. L'Amérique dominait le reste du monde. Le rêve américain faisait fantasmer encore bien des gens. L'époque contemporaine avait pris un nouveau tournant à une vitesse folle. L'épanouissement mondial n'avait jamais été si puissant depuis la Renaissance et la découverte des Amériques par Christophe Colomb. Ce qui semblait avoir été délaissé renaissait sous une forme plus moderne, plus adaptée à cette nouvelle réalité. La mondialisation permettait de savourer chez-soi des aliments de pays dont la plupart des gens ignoraient l'existence. Les cultures se mélangeaient et se juxtaposaient pour créer une population plus homogène. Il était dorénavant possible pour tout le monde de voyager à l'endroit qu'ils voulaient, quand ils le désiraient. L'apprentissage des langues garantissait une vision plus élargie sur le monde. Dorénavant, grâce aux langues universelles, deux personnes parlant deux langues complètement différentes pouvaient tout de même communiquer ensemble.

La réussite personnelle était aussi de mise. L'éducation, beaucoup plus accessible qu'au siècle précédant, faisait dorénavant partie du quotidien de la plupart des enfants et des adolescents. Il était important pour tout parent de procurer une bonne éducation à leurs enfants afin qu'ils puissent exercer un noble métier. En échange, les enfants se devaient d'obtenir de bons résultats scolaires pour rendre leurs parents fiers et démontrer qu'ils étaient les meilleurs. Les naissances étaient de plus en plus nombreuses partout sur le globe, les grandes villes se développant à de fulgurantes vitesses. La société de consommation y naquit, incitant les gens à se procurer quelconque bien pour être plus heureux. Le pouvoir d'achat n'avait jamais été si hallucinant. Certains conflits explosaient dans les régions les plus pauvres, toutefois, aucun n'était assez dramatique pour les considérer sur l'échelle internationale. L'humain avait finalement compris qu'il était impossible de vivre sans le moindre conflit. La diplomatie, se disait-il, était bien suffisante pour régler ces chicanes, plus besoin de se servir d'armes. Surtout pas les armes nucléaires, qu'il essayait de contrôler tant bien que mal.

Le printemps au Japon était caractérisé par l'éclosion des bourgeons de cerisiers, se transformant en de magnifiques fleurs roses au parfum doux pour les nerfs olfactifs. La tradition était de se regrouper dans les parcs pour admirer ce chef d'œuvre de la nature. Le cerisier était un peu comme l'emblème du pays, auquel les gens attribuaient beaucoup de signification. D'ailleurs, plusieurs femmes portaient le nom de « Sakura (1) » en son honneur. Les élèves graduaient alors que ces petits points roses commençaient à orner timidement les branches des arbres. Cette fleur était, pour plusieurs, un symbole de réussite et d'épanouissement.

En l'an 2050, si interrogés à propos de telles traditions, les plus jeunes se contenteront de regarder leur interlocuteur d'une curieuse façon. Les personnes les plus âgées s'en souvenaient pour certains, mais ne voyaient guère l'intérêt de raconter ces choses idiotes issues du passé. Malgré tout le sang qui coulait et les cadavres qui s'accumulaient, la fleur de cerisier continuait d'éclore dans ces endroits que les gens fréquentaient auparavant. Rien ne peut freiner le cycle de la nature.

Quinze ans plus tôt, une guerre d'ordre mondial éclata lorsque les Etats-Unis d'Amérique, la plaque tournante par excellence du capitalisme et du modernisme, furent victimes d'une des plus grandes épidémies jamais survenues. Celle-ci fut causée par une bombe bactériologique envoyée, d'un commun accord, par les dirigeants des pays du Moyen-Orient, dans l'espoir de se venger de toutes ces années de conflit et de massacre. Ces gens n'avaient jamais oublié les guerres en Irak, au Koweït, et en Afghanistan. Les gens réticents à se plier aux paroles sacrées d'Allah ne méritaient que de mourir. Ainsi, la population américaine fut décimée en moins de cinq ans, aucun remède n'ayant vu le jour à temps pour sauver les innocentes victimes. Tous, jusqu'au dernier, moururent dans d'atroces souffrances. À partir de ce moment, le monde entier fut divisé en deux clans : ceux ayant été partenaires avec l'Amérique, et ceux ne souhaitant que son effondrement.

Le Japon était l'un de ces alliés de longue date, depuis la signature de la capitulation à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Dévoué au regretté peuple, cette alliance avait permis au pays de vivre une croissance économique faramineuse, faisant de lui l'une des artères principales de la technologie. Les gens s'entendaient pour dire que les meilleures voitures, sur tous les aspects, étaient Japonaises. Les gadgets électroniques les plus récents voyaient le jour en sol nippon. Même la nourriture particulière faisait de plus en plus d'adeptes. Malgré cela, la population était des plus hostiles face aux étrangers, qu'ils soient Asiatiques ou non. Les gens du Nord en voulaient toujours à la première puissance mondiale d'avoir ravagé les villes de Hiroshima et Nagasaki avec une arme des plus destructrice, la bombe atomique. Certains étaient prêts à ne pas épauler la revanche de l'Amérique, alors que la capitale et plusieurs villes du Sud avaient déjà confirmé leur appui. Le résultat de cette mésentente émergea rapidement : une guerre civile naquit, opposant le Nord du pays au Sud. Depuis ce jour, l'archipel en entier s'était transformé en un immense champ de bataille sur lequel les affrontements avaient lieu, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En moins de quinze ans, les valeurs traditionnelles perdirent leur place, détrônées par la passion de vouloir gagner et prouver à l'ennemi qu'il avait tort.

Pour se faire, les enfants âgés de cinq ans et plus étaient retirés de leur foyer pour subir un entraînement militaire des plus intensifs, avec ou sans l'accord de leurs parents. Le but de cette formation d'une durée de dix ans était, entre autres, de supprimer tout sentiment superflu pouvant se développer en eux. Ils étaient vidés à part entière de toute humanité. Par la suite, ils suivaient, sous la surveillance de plusieurs généraux, de nombreuses épreuves physiques pour déterminer quel type de guerrier ils deviendraient. Les plus résistants seraient envoyés directement sur le terrain où se déroulaient les affrontements, alors que les plus faibles serviraient de chair à canon. Cependant, bien que les forces militaires contrôlaient en grande partie le pays, ses dirigeants étaient extrêmement corrompus et avides de pouvoir. Certains généraux pouvaient agressés sexuellement leurs soldats pour le simple plaisir que cela leur procurait. D'autres étaient excessivement sévères et se faisaient plaisir à frapper leurs recrues sans en avoir la moindre raison. Aveuglés par tout le pouvoir qui leur était conféré, les hommes les plus gentils pouvaient se transformer en de véritables monstres.

Étant incapables de vivre sous toute cette pression, de nombreux enfants finissaient par s'ôter la vie collectivement, espérant qu'une meilleure vie les attende de l'autre côté. Rien ne pouvait être pire que ce qu'ils vivaient dans l'armée. Pour que les autres soldats n'aient pas vent de telles histoires, les généraux se dépêchaient de se débarrasser des corps, comme s'ils étaient que de vulgaires déchets. Personne n'avait droit à de grandes cérémonies ou d'émouvantes funérailles. Ceux qui n'avaient pas le courage de se suicider trouvaient un certain réconfort dans les stupéfiants de contrebande, la vente de drogues étant interdite au pays. Seule une drogue dénommée « Rain » pouvait être vendue. Pour les autres narcotiques, dont l'opium et l'ecstasy, les gens devaient s'en procurer auprès des commerçants chinois qui longeaient la côte ouest du pays.

Pour ces apprentis soldats, la notion de futur était quasi-inexistante. Ils ignoraient pourquoi ils se battaient, et ne comprenaient pas les idéaux que leurs supérieurs essayaient de leur inculquer. Aucun d'entre eux ne pouvait se coucher le soir avec la certitude qu'il se réveillerait le lendemain. Peut-être, selon eux, serait-il préférable qu'ils ne se réveillent point, puisqu'ils n'avaient pas du tout envie de retourner sur le champ de bataille pour massacrer des jeunes adolescents qui étaient comme eux. Bien que drainés de tous leurs sentiments humains, ils étaient incapables de se départir de leur bon sens ainsi que de la compassion qu'ils éprouvaient à l'égard des autres.

La situation du Japon était des plus déplorables. Ainsi, autant que ses habitants méprisaient au plus haut point les « Gaijins (2) » auparavant, autant, maintenant, ils n'hésitaient pas à s'entre-tuer plutôt que d'essayer de trouver un terrain d'entente. Plus personne ne souhaitait leur venir en aide, même les pays qui furent, auparavant, des alliés. Les dirigeants politiques avaient d'autres préoccupations que celle de venir en aide à un pays dont les habitants s'entretuaient.

La ville de Sapporo fut jadis l'une des plus grandes villes nippones. Située dans la préfecture d'Hokkaido, elle célébrait, à chaque année, le festival de la neige, le plus grand festival hivernal au monde qui lui rapportait des millions de yens en retombées économiques. Des touristes de partout venaient admirer les paysages enneigés qui, parfois, semblaient presque irréels. De nombreuses célébrités étaient également natives de la région, dont la très populaire Keiko Fuji, talentueuse chanteuse d'enka (3) au vingtième siècle, que tous les Japonais connaissaient et appréciaient. Après le déclenchement de la guerre, l'armée nordiste fit de la ville son quartier général à cause de sa situation géographique des plus stratégiques. Cependant, étant située près de la frontière séparant le Nord du pays au Sud, beaucoup de ses habitants désertèrent, ayant peur que l'armée adverse finisse par y mettre le pied. Ainsi, la plupart d'entre eux migrèrent plus au Nord, dans les petites îles avoisinantes. Malgré cela, les soldats ne voulaient guère abandonner leur capitale et décidèrent d'y laisser une troupe de cent effectifs pour y veiller. Si l'armée sudiste venait à prendre le contrôle de Sapporo, elle aurait une très grande longueur d'avance sur son opposant.

En temps de guerre, une nuit calme est l'une des choses que les soldats redoutent de plus. Le silence n'est jamais bon signe. Si les coups de feu et les cris ne se faisaient point entendre, cela pouvait signifier qu'un massacre avait eu lieu et que personne n'en était sorti vivant. Cela pouvait également signifier que l'armée adverse était sur le point de tendre une embuscade. Ce ne serait point surprenant, puisqu'il était toujours préférable, bien qu'excessivement lâche, d'attaquer l'ennemi alors que celui-ci ne s'y attendait pas.

Haletant, un jeune soldat blond d'une quinzaine d'années tentait, tant bien que mal, de se frayer un chemin parmi les cadavres des soldats de sa division. Bien qu'il régnait une odeur pestilentielle sur les lieux, cela ne semblait pas l'incommoder. Ses yeux pâles cherchaient, sans le moindre succès, la trace de quelconque survivant. Il n'y avait que des corps sans vie jonchant le sol rouge de sang. Serrant les dents, il en vint à la triste conclusion que la ville devait avoir eu droit à une attaque surprise de la part des Sudistes. Il n'en fut guère surpris : cela devait arriver tôt ou tard, malheureusement. Malgré cela, il n'aurait jamais pensé qu'un obus puisse exploser sur la ville. Depuis l'incident arrivé aux Etats-Unis quinze ans auparavant, le Japon avait fait en sorte de se débarrasser de tout engin explosif, que ce soit de la dynamite ou des mines. Évidemment, le gouvernement était loin d'être neutre et avait une préférence pour le Sud, alors il ne serait pas surprenant qu'il l'ait aidé à se procurer le quelconque matériel explosif. Ou encore, la Corée du Nord avait daigné s'ouvrir au monde extérieur pour partager ses engins meurtriers. Les possibilités étaient plus que nombreuses.

Celle de la Chine était la plus probable. Devenue une puissance mondiale lors des années vingt, le reste du monde se mit à la craindre, au point où plus personne n'osait s'y opposer. Théoriquement, elle était neutre. Ayant développé à fond ses centrales nucléaires pendant les dernières années, elle n'hésitait pas à vendre de son matériel à quiconque en faisait la demande, sans se préoccuper s'il s'agissait d'un ennemi ou d'un allié. En plus de fabriquer diverses armes de destruction massive, la Chine était propriétaire d'un immense réseau de drogues de médiocre qualité qu'elle vendait à des prix exorbitants. Les Japonais n'avaient jamais été friands des Chinois, toutefois, plusieurs d'entre eux faisaient affaires avec pour se procurer des biens qu'il était interdit de vendre dans leur pays, comme les narcotiques.

La Corée du Nord avait pris modèle sur la Chine en ce qui s'agissait du commerce des armes. Pyongyang était propriétaire des plus grandes centrales nucléaires au monde qui fonctionnaient à pleine capacité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'ailleurs, la rumeur veut que ce soit ce petit pays coincé entre la Chine et son voisin du Sud qui ait vendu la fameuse bombe bactériologique qui causa la perte de l'Amérique. Depuis le début des années quarante, son économie était des plus florissantes. La dynastie des Jong Il régnait toujours d'une main de fer sur le peuple ignorant et entièrement dévoué à la famille dictatrice.

Tout à coup, il entendit un déclic derrière lui. Un fusil. Un soldat ennemi. Le jeune homme n'avait jamais craint la mort, sachant très bien que, comme pour la plupart des soldats, elle n'était qu'une question de jours ou de mois. Cette idée ne lui faisait plus peur. Ainsi, lentement, il se tourna pour faire face à l'ennemi. Ses yeux ne s'étant pas encore tout à fait habitués à la pénombre, il eut du mal à distinguer l'homme se trouvant à quelques mètres de lui. En plissant légèrement les yeux, il remarqua que ce dernier était beaucoup plus grand que lui, et probablement beaucoup plus grand que la moyenne des Japonais. Il était visiblement beaucoup plus âgé que lui, à voir ses traits tirés, qui devaient plutôt être des rides. Contrairement à lui, son teint était basané, ses cheveux étaient aussi foncés que de l'encre et ses yeux sombres ne semblaient pas avoir le moindre éclat. Une vilaine cicatrice ornait son front proéminant, lui donnant un air des plus impitoyables. Son regard avait quelque chose de malsain, quelque chose qu'il avait souvent vu chez les soldats ennemis. Il devait probablement être un général.

Malgré tout, il n'était pas apeuré. Une telle situation s'était produite des centaines de fois. Si cet homme décidait de l'attaquer, il ne se laisserait pas faire. La plupart des gens croyaient qu'il était faible à cause de son jeune âge, mais ce n'était pas du tout le cas. Il était un excellent soldat, prisé pour son habileté à manier toutes sortes d'armes, que ce soit un fusil ou un poignard. Il faisait d'ailleurs partie de l'élite de l'armée nordiste.

- Qu'est-ce que t'attends ?

L'ennemi le regarda curieusement, comme s'il ne s'attendait pas à se faire interpeller. Toutefois, il ne bougea pas d'un poil, prenant bien le soin d'étudier son opposant. Il n'était pas très grand, et ses vêtements étaient déchirés et tachés de sang, prouvant qu'il devait revenir d'une bataille. Si tel était le cas, il devait être exténué et ne se battrait pas au meilleur de ses capacités. Une lourde ceinture était retenue par ses hanches et devait contenir un fusil, mais rien d'un très gros calibre. D'ailleurs, il remarqua qu'il n'avait pas de mitraillette. Peut-être une baïonnette, mais pour pouvoir le blesser avec, il devra premièrement s'approcher suffisamment de lui.

- Écoute sale morveux, ferme-la et suis-moi.

Son ton était des plus autoritaires, lui prouvant bel et bien qu'il s'agissait d'un général. Il ne put s'empêcher de faire un léger sourire tout en ricanant. Il n'était pas certain s'il devait l'attaquer aveuglement ou lui laisser l'honneur de le faire pour voir quelle sorte d'arme il utilisait. Cependant, il savait très bien que, pour obtenir une mort rapide, il devait résister à l'ennemi :

- Je vois pas pourquoi je te suivrais, espèce de vioque.

Il posa ses mains sur ses hanches avant de faire un petit sourire en coin qui se devait d'être sensuel. S'il devait mourir, il serait préférable que ce soit d'une balle à la poitrine qu'après avoir été torturé des façons les plus imaginables.

- Les gamins du Nord sont vraiment des gamins en manque.

Le jeune Nordiste ne put réprimer une expression de surprise. Cela ne le dérangeait pas de se faire insulter personnellement. Toutefois, il ne laisserait jamais qui que ce soit insulter ses frères d'armes. En temps normal, il n'aurait pas hésité à lui sauter dessus et le poignarder jusqu'à ce que mort s'en suive. Cependant, il semblait avoir un fusil… il avait donc un avantage considérable sur lui. Si jamais il osait s'approcher de lui, il est évident que l'autre en profiterait pour faire feu. En regardant un peu plus attentivement le soldat ennemi, il remarqua une bien curieuse arme, qui ressemblait, en quelques sortes, à un tuyau. Il n'en avait jamais vues de telles auparavant, ce qui le laissa perplexe.

- On dit que les meilleures putes du pays sont celles d'Hokkaido.
- Ta gueule !

Il en avait beaucoup trop dit. Même si tel était le cas, aucun Sudiste n'avait le droit de dire de telles choses. Ils n'en savaient rien. Aveuglé par la colère, le soldat blond fonça directement sur son ennemi, un poing dans les airs, prêt à lui casser la mâchoire pour qu'il ne dise plus jamais de telles choses. Lorsqu'il se trouva assez près de lui, mais pas assez pour se faire frapper, il se pencha pour effectuer un balayage dans ses chevilles. Le soldat vacilla mais se retint avec la curieuse arme qui avait attiré son attention plus tôt. Serrant les dents, il se recula immédiatement pour être hors de portée, constatant sans grande joie son échec. S'il était incapable de lui faire perdre l'équilibre pour qu'il tombe par terre, il ne pourra jamais prendre le risque de dégainer son poignard et lui trancher la gorge avec.

Tout en reprenant son souffle, il analysa la situation du mieux qu'il le put. L'ennemi n'avait pas sorti son fusil de son étui. C'était un bon signe, mais pas assez pour le rassurer. Il considéra un instant l'option de lui lancer ses couteaux, mais il serait facile pour lui de les éviter. Ce ne serait qu'une perte de temps et d'énergie. Alors qu'il posait une main sur sa ceinture, il sentit une douleur effroyable lui traverser le corps tout entier, comme s'il venait de se faire fracasser le crâne. Il eut le souffle coupé, puis vomit avant de s'évanouir.

o o o

Lorsqu'il revint à lui, la première chose dont il se rendit compte était qu'il était allongé sur quelque chose de mou et de doux. Ne souhaitant pas ouvrir les yeux pour le moment, il tenta de deviner sur quoi il était couché. Serait-ce… un nuage ? Non, ce serait un problème : s'il venait à mourir, il se retrouverait à coup sûr en enfer. Après quelques secondes de réflexion, il en vint à la conclusion qu'il devait s'agir d'un lit de camps, ou tout simplement un matelas. Cela ne le surprit guère. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois qu'il se retrouverait couché dans un lit après s'être évanoui. Une chose sembla le frapper, cependant : ses mains n'étaient pas menottées ensemble, ni attachées, et ses vêtements semblaient être encore sur lui. Il ne put s'empêcher d'être méfiant. Il était peu probable qu'il se soit fait recueillir par une troupe alliée, puisque la seule se trouvant à Sapporo s'était fait massacrer par l'ennemi. Difficilement, il s'assit tant bien que mal sur le lit, se disant qu'il s'agissait de la meilleure solution pour savoir ce qui se passait exactement.

- T'as fini ta sieste, sale morveux ?

Se raidissant, il n'eut aucun problème à reconnaître la voix du soldat ennemi qui l'avait attaqué. Que faisait-il couché dans ce lit… ? Il se tourna avec peine dans la direction d'où provenait la voix, pour faire face à l'homme qu'il avait rencontré tout à l'heure. Il remarqua qu'il était assis dans une chaise pivotante placée à côté du lit de fortune, comme s'il avait veillé sur lui pendant qu'il était inconscient.

- Quoi ? Viens pas me dire que t'as déjà perdu ta langue ?
- La ferme, enfoiré. Je vois pas ce que tu attends de moi !

L'homme aux cheveux noirs ne put s'empêcher de faire un sourire en coin. Ce gamin avait beaucoup de zèle pour lui parler de la sorte. Contrairement à la plupart qui l'aurait supplié pour les laisser partir, lui préférait continuer de l'insulter. Peut-être était-il terrifié au point qu'il ne pensait plus correctement, par contre. Ça lui était égal, à vrai dire. Il n'était pas n'importe qui.

- Et puis, pourquoi est-ce que tu m'as apporté ici, de toute façon ? T'es trop conventionnel pour baiser dans la rue parmi les cadavres et les morceaux de cervelle ?

Sur ce, il se leva tant bien que mal du lit en titubant, se tenant contre le mur pour ne pas tomber. L'arrière de son crâne le faisait toujours affreusement souffrir et il avait de la difficulté à penser correctement. Malgré cela, il n'avait pas peur. D'un air défiant, il se permit de regarder son ennemi de haut, comme pour le provoquer. Il sentait l'adrénaline monter en lui, le faisant sourire sans même qu'il s'en rende compte : il n'avait plus rien à perdre.

- Alors le vioque, qu'est-ce que tu attends ?

De longues secondes s'écoulèrent sans que le moindre mot ne fut échangé. Le regard sombre et sans pitié était toujours fixé sur lui, comme s'il essayait de deviner ce à quoi il pensait. N'étant pas le moindrement intimidé, le jeune soldat se permit de le regarder d'un air hautain. La tension qui régnait dans la pièce était presque palpable et aurait même pu être tranchée au couteau. Dehors, les cris d'horreur des soldats ainsi que le bruit continuel des mitraillettes faisaient à nouveau rage. Ils devaient être loin de Sapporo…

Puis, au bout d'un moment, l'homme assis sur la chaise finit par montrer un signe de vie en clignant des yeux et en prenant la parole :

- Pauvre gamine en chaleur.

Cette remarque fit sourire le blondinet. C'était exactement ce à quoi il s'attendait. Péniblement, il contourna une table sur laquelle se trouvaient des cartes de la région ainsi que des livres dans une langue qu'il ne connaissait pas. Jetant un regard circulaire à la pièce alors qu'il s'avançait vers le soldat ennemi, son attention fut captée par un drapeau accroché au mur qui était ni celui du Japon, ni celui des Sudistes, ni celui des Nordistes. Des articles de journal jaunis avaient été collés sur les murs avec l'aide de ruban adhésif bon marché, cachant à certains endroits le papier peint qui décollait. Un ordinateur de bureau occupait en majeure partie la deuxième table de la pièce, un modèle rare qui n'avait rien de comparable aux ordinateurs portables de l'époque. Il s'agissait d'un très vieux modèle, avec un écran bombé et une tour munie d'un ventilateur qui faisait un vacarme d'enfer. Ce qui devait être une imprimante ou un photocopieur avait été placé à la droite de l'écran, une pile de papier sur le dessus. La mansarde n'était guère en ordre, mais ce n'était pas surprenant, puisque les soldats avaient bien d'autres choses à faire que le ménage. En face du bureau sur lequel se trouvait l'ordinateur avait été posé sur un petit meuble un téléviseur qui semblait dater du siècle dernier tellement il était petit et différent de ceux qu'il avait vus. Il ne serait d'ailleurs guère surpris d'apprendre que l'image n'était qu'en noir et blanc. Des dizaines d'objets hétéroclites jonchaient le plancher, que ce soit des vêtements ou même des miettes de nourriture. Aucun arme n'avait été placé à la vue de quiconque : elles avaient probablement été caché pour donner un sentiment de fausse sécurité aux visiteurs. Les soldats les plus expérimentés pensaient toujours à ce petit détail.

Arrivé devant l'homme aux cheveux noir de jais, le jeune militaire s'agenouilla, un air indifférent au visage. Puis, lentement, il défit d'une main agile la braguette de l'ennemi pour ensuite l'enfouir dans son pantalon, ses yeux n'exprimant toujours aucune émotion. Toutefois, un petit sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'il saisit l'érection grandissante. L'autre sembla le remarquer et ne put s'empêcher de froncer un sourcil :

- Te flatte pas, sale morveux, t'es pas le premier à me faire réagir de la sorte.

Ignorant la remarque, le morveux en question concentra toute son attention sur le geste qu'il exécutait. Il l'avait fait des centaines de fois auparavant, sur des centaines d'hommes différents. Cela se rapportait toujours au même, cependant. Il savait exactement quoi faire et comment le faire pour leur faire perdre tous leurs moyens. Les généraux qu'il avait côtoyés lui avaient répété un nombre incalculable de fois qu'en cas de danger, il pouvait toujours se fier sur cette tactique puisqu'elle n'échouait jamais. Ce n'était d'ailleurs pas faux. Les hommes, qu'ils soient alliés ou ennemis, avaient tous le même point faible : ils étaient incapables de résister à une caresse bien exécutée.

Sans plus tarder, il se mit à faire bouger lentement sa main le long du membre. Son regard vide était revenu une fois de plus, comme si le geste qu'il exécutait était des plus normaux. Puis, avec son pouce, il vint en caresser doucement mais fermement l'extrémité, arrachant des grognements de plaisir à l'ennemi. Il s'était abandonné au geste, lui confirmant ainsi qu'il avait abaissé sa garde. Au bout de quelques secondes, il se décida à l'enfouir complètement dans sa bouche, émettant un fort bruit de succion par le fait-même. Sa langue glissait lestement sur la peau mince et sensible alors que sa gorge effectuait toujours son mouvement d'aspiration. Avant même qu'il puisse s'en rendre compte, une main puissante s'était logée dans ses cheveux pour l'inciter à continuer son geste de plus bel. Les gens lui avaient souvent dit qu'il était talentueux pour ce genre de choses. Bien que ce n'était pas un compliment des plus valorisants, il savait tout de même qu'il pouvait manipuler n'importe qui à sa guise en faisant ce geste.

De temps à autre, il se reculait légèrement pour lécher complètement le liquide visqueux coulant le long du membre, histoire de faire durer le « plaisir » le plus longtemps possible. Le goût était exactement le même d'une personne à l'autre, prouvant que tous les hommes étaient les mêmes sur ce point. Personne n'avait son propre goût personnel… Alors qu'il s'affairait à nettoyer du mieux qu'il le pouvait l'organe durci, le derrière de sa tête fut brusquement saisi et ramené vers l'avant, de sorte à ce qu'il engloutisse à nouveau l'autre homme dans sa bouche. Ne s'y attendant pas, il ne put s'empêcher de suffoquer, sa gorge étant à nouveau obstruée sans s'y être préparée.

- Arrête de faire n'importe quoi et finis ce que tu as commencé, sale morveux.

Offusqué, le blondinet lui jeta un regard assassin à travers les longues mèches de son toupet. Malgré tout, il se résigna à donner au soldat ennemi ce qu'il voulait, avalant d'un coup le liquide collant lorsqu'il atteignit l'orgasme. Sans attendre, il se recula pour s'essuyer la bouche, son mal de crâne toujours présent. Peut-être avait-il été fracturé ? Il ne sentait pourtant pas de sang couler dans ses cheveux. Reprenant son souffle, il se permit de soupirer. Maintenant que l'ennemi avait abaissé sa garde, il n'avait qu'à saisir son couteau et lui trancher la gorge. Prudemment, il enfouit une main dans l'étui se trouvant attaché à sa ceinture, palpant le manche de l'arme du bout des doigts. Alors qu'il faisait semblant de se relever, il fut violemment plaqué au sol, une poigne de fer à son cou. Il fut incapable de réprimer un cri de douleur alors que son crâne heurta durement le plancher de pierres. Toutefois, son gémissement fut rapidement étouffé lorsqu'une pression se fit sentir sur son œsophage. Tout s'était déroulé tellement vite qu'il n'avait même pas eu le temps de réagir.

- Tu t'attendais à quoi, sale morveux, à ce que je te laisse m'assassiner, peut-être ? En plus d'être un enfoiré de Nordiste, t'es un Gaijin !

Cela était évident : le jeune garçon avait les cheveux très blonds et le teint beaucoup plus pâle que la majorité des Asiatiques. Même ses yeux, qui n'étaient pas bridés, étaient de couleur pâle et n'avaient rien de japonais.

- Oh, t'es intelligent, je te félicite… !

La poigne autour de son cou se resserra considérablement, le faisant suffoquer. Il n'avait aucun moyen de s'en défaire. Ça y était : son heure était enfin arrivée. Ce qui l'entourait sembla s'éloigner peu à peu de lui alors que l'étreinte semblait même se desserrer. Sa vision s'embruma, puis noircit complètement.

La ville d'Osaka était le Guantanamo du siège sudiste. Une énorme prison y avait été construite pour les soldats ennemis attendant l'heure de leur sentence. Bâtie selon les normes de l'ancienne prison cubaine, elle pouvait être considérée, à la limite, comme un camp de concentration. Les détenus y étaient très mal nourris et souvent violentés, physiquement et mentalement. Ils étaient traités comme de vulgaires objets, la plupart d'entre eux subissant les mêmes sévices apposés aux rebelles lors des guerres d'Irak et d'Afghanistan. L'organisme des nations unies avait eu vent de ces persécutions mais préférait s'abstenir d'intervenir. Il était impossible pour n'importe lequel organisme pacifiste de prendre part à ce conflit en épaulant l'un des deux camps : si tel était le cas, celui ne bénéficiant pas du support serait encore moins enclin à baisser les armes. Ainsi, l'ONU se devait de fermer les yeux devant tous les crimes contre l'humanité commis par les armées nippones.

Un détenu d'Osaka ne pouvait espérer pouvoir en ressortir un jour. La plupart d'entre eux finissaient par succomber aux blessures qui leur étaient infligées, alors que le reste était exécuté par les Sudistes. En minorité se trouvaient des déserteurs japonais capturés par les espions chinois et sud-coréens et rapatriés chez eux. Un vulgaire citoyen ne pouvait pas se permettre de demeurer neutre dans ce conflit : seuls les hommes riches et influents pouvaient profiter pleinement de cette bataille interminable et s'enrichir avec.

Le vingt-et-unième siècle, que tous croyaient comme annonciateur d'espoir pour l'humanité toute entière, ne fut qu'une illusion. Le cauchemar du monde entier se concrétisa pour jeter le monde entier dans l'angoisse et l'insécurité. L'être humain avait abandonné ses grandioses projets, préférant exterminer ses semblables pour une raison que la majorité des gens ignoraient. Le SIDA rendait tout le monde indifférent. Les cellules souches étaient rapidement tombées aux oubliettes. Il n'y avait plus aucun intérêt à explorer le point Némo ou à éponger la dette de l'Afrique. Le seul langage universel de l'homme était celui des armes, donnant ainsi une certaine véracité au mythe de Babel. Les mystères archéologiques n'intéressaient plus personne, que ce soit ceux de l'île de Pâques, de Stonehenge, ou des pyramides égyptiennes. La culture était une chose du passé, comme l'éducation et la religion qui avaient jadis dirigées les peuples.

Nostradamus avait eu raison lorsqu'il insinua que la fin du monde était prévue pour le vingt-et-unième siècle. La fin de l'humanité n'était pas une question de disparition de la race humaine, elle pouvait être définie par un déséquilibre d'ordre planétaire.

À présent, tous approuvaient le fait que leurs ancêtres avaient été trop ambitieux pour le futur de la race humaine.


Références:

1. « Sakura » signifie « cerisier » en japonais.

2. « Gaijin » signifie « étranger » en japonais. Il s'agit du terme à connotation péjorative que les Japonais utilisent pour désigner les étrangers.

3. Musique traditionnelle japonaise.