Bonjouuuur, une petite fanfic sans prétention, et c'est un peu une première pour moi, alors j'espère qu'elle vous fera plaisir ;)


Karen se laissa tomber comme un poids mort sur le bord de la route, avec un bruit sourd qui alerta ses compagnons. Elle défit les lacets de sa bottine gauche et en extirpa en grimaçant son pied. Sa cheville était encore rouge et enflée malgré la pommade et le bandage qu'elle avait appliqué quelques heures plus tôt. Damien lui jeta un regard compatissant. Il n'y avait rien de pire que de marcher avec les os déplacés, même avec les meilleures potions antidouleur… Et tant qu'ils n'étaient pas dans l'enceinte de la ville, lancer le moindre sort serait du suicide.

-On est plus très loin, 5 kilomètres à tout casser, l'encouragea-t-il en tendant son bras vers Londres.

Karen leva les yeux. La vue était majestueuse, il n'y avait pas à dire. On était en tout début de journée, et le soleil de six heures frappait de ses rayons la plus grande ville d'Angleterre dans un jeu d'ombres et de lumières, tandis que les nuages se teintaient d'un dégradé de pourpre et d'orangé. C'était un spectacle simple, mais Karen et ses compagnons faisaient partie de ceux qui avaient appris à se satisfaire d'un rien, et ils admiraient silencieusement le paysage.

En ces temps de guerre, tout était à prendre, ne serait-ce que cet instant de paix. Personne sur la route, personne à leur poursuite; ils étaient juste trois anonymes sur le bord de ce qui avait été la route principale entre Reading et Londres, comme des centaines, des milliers de moldus sillonnant les routes suivant les nouvelles de ravitaillements, ou de places qui se libéraient dans des logements de fortune dans les villes. Sauf qu'ils ne courraient pas après des vivres ou un toit, et qu'ils n'étaient aucunement moldus. Damien et Jean étaient des sorciers aguerris. Ils avaient même étudié à Poudlard quand ils étaient adolescents. Ils en parlaient souvent le soir, quand ils avaient réussi à monter un campement sécurisé, les yeux brillants de mélancolie, la voix tremblotante, et Karen pendue à leur lèvres, tentant de s'imaginer ce qu'avait pu être la vie dans l'enceinte de l'école à cette époque-là. Elle en avait rêvé pendant des années.

Elle avait attendu sa lettre tout l'été de ses onze ans. La lettre n'était jamais arrivée. Tous ses meilleurs amis l'avaient quittée, lui promettant de garder contact, aussi longtemps qu'ils le pourraient, tandis qu'elle avait dû se résigner à rentrer dans une école moldue. Au fil des mois, les lettres se firent plus courtes, plus rares, avant de disparaître pour de bon, la coupant du monde sorcier et l'enfermant dans une profonde solitude, entourée d'adolescents ordinaires, et, il faut le dire, pas particulièrement fins. Adolescents, les moldus étaient vraiment une plaie. Et alors qu'elle pensait que la vie ne pouvait être pire, quatre ans plus tard, ce n'était plus ses espoirs, mais tout son monde qui s'effondrait. La guerre civile était revenue, encore plus violente, encore plus meurtrière, encore plus longue, faisant des enfants, s'ils étaient chanceux des orphelins, des esclaves sinon, faisant des hommes et des femmes assez courageux (fous ?) pour combattre des veufs, des veuves, ou des corps sans vie, faisant des mangemorts, revenus plus nombreux, plus puissants, des monstres peuplant les cauchemars des enfants, ou même des plus vieux.

Enfin, lorsque le 5 juillet 2003, Harry Potter, incarnation de la lutte contre les forces du mal et leader du camp des sorciers libres, fut touché par un Avada Kadavra de Bellatrix Lestrange en plein combat, et lorsque ses compagnons, qui comptaient parmi les meilleurs, furent tous massacrés, les espoirs de revoir un jour poindre l'aube d'une victoire quittèrent les cœurs des derniers combattants. Les deux autres membres du légendaire trio d'or ne montrèrent jamais signe de vie, alors que les ténèbres refermaient finalement leur étreinte sur l'Angleterre.

Depuis ce jour-là, les défenseurs de la cause moldue étaient devenus des hors-la-loi. L'emploi de la magie était strictement réservé aux membres du Parti Pur, et quiconque s'amusait à jouer de la baguette sans en faire partie était condamné à la peine de mort. Cependant, les rebelles avaient vite compris que si en rase campagne, avec trois têtes au kilomètre carré, il était impossible de lancer un sort sans se faire repérer, en ville, où la population était tellement dense que la notion d'espace personnel avait disparu du vocabulaire courant, il était quasiment impossible de les repérer. Le système de surveillance mis en place n'était pas infaillible, et les membres du Parti en faisaient couramment les frais à coup d'attentats violemment réprimés.

Et de toutes les villes d'Angleterre, Londres était de loin la plus marquée par ces rebellions. Mais aussi la plus dangereuse. Les moldus, suite aux descentes répétées des Purs (comme ils se faisaient appeler maintenant) n'avaient plus la moindre confiance en tous les sorciers, quels qu'ils soient. Ainsi, si par malheur un mouvement maladroit dévoilait le manche d'une baguette, c'était une mort lente et douloureuse assurée. C'est pourquoi Karen ne comprenait pas la volonté inébranlable de Jean à rejoindre la ville, ni pourquoi Damien, qui faisait habituellement preuve d'un QI plutôt élevé, acceptait sans rechigner de la suivre. Elle soupira :

-Pourquoi on devrait aller à Londres aussi, hein ? On pouvait pas choisir moins risqué comme ville ?

Jean lui lança un regard réprobateur.

-Je t'ai déjà dit que je ne pouvais pas t'expliquer, Rennie. Je te demande juste de me faire confiance, ok ? Allez, remets ta godasse et lève-toi, parce que je ne pourrais pas te soigner avant qu'on soit arrivés, et ta potion ne fera bientôt plus effet…

Nouveau soupir. Jean s'était réveillée il y a deux jours, alors qu'ils étaient à Reading, avait disparu pendant toute la journée et était revenue en décrétant qu'ils devaient aller en urgence à Londres, sans donner plus d'explications, et elle n'avait cessé de les hâter. La brune était une vraie tête de mule dans ces cas-là, et on ne pouvait rien en tirer tant qu'on avait pas accédé à sa demande. Karen renfonça son pied dans sa chaussure et retint à peine le juron de douleur que son geste engendra. En effet, la potion ne faisait plus effet.

Il était grand temps d'entrer dans Londres.