Assise près de mon appuie de fenêtre, je peux contempler la vue apaisante du parc aux couleurs d'automne. Alors que je suis supposée étudier pour le test de demain, je ne peux m'empêcher de me laisser distraire par à peu prêt tout ce qui se trouve sous mon nez. Ici, cependant, dans la chambre de l'appartement que je partage avec ma meilleure amie, je ne cesse de lever les yeux vers ces feuilles qui sont pris dans une ultime danse avec le vent qui les emportent. Je m'imagine, assise contre un de ces arbres, lire un bon bouquin, m'évadant pour oublier la vie stressante de l'étudiante que je suis.
Je sais au fond de moi que j'aurais beau étudier de toutes mes forces, je n'y arriverai pas demain. Peut-être que je ne devrais pas penser ainsi, que je ne devrais pas partir perdante aussi vite. Cependant, je m'y suis prise trop tard pour étudier ce cours et connaissant mes difficultés pour apprendre une langue, je sais que c'est perdu d'avance. Le mieux que je puisse faire, c'est de trouver un professeur pour me donner des cours particuliers. Je le devrais même s'il serait dur pour moi de le payer. Il en va de ma réussite, donc ce serait un investissement sensé.
- Bella, t'aurais pas vu mon sèche-cheveux par hasard?
Mélanie rentre en trombe dans ma chambre, les cheveux mouillés et totalement affolée. Elle sort depuis peu avec un certain Damien et même s'il est évident qu'il est déjà fou d'elle, elle n'arrive pas à se détendre lorsqu'il est présent. Elle a de la chance de vivre les premiers émois d'une relation qui est bien partie pour durer. Ces deux là sont fait l'un pour l'autre, c'est évident.
Mélanie est une étudiante aussi mais elle est en Kiné' alors que son nouveau petit ami est en psycho'. De mon côté, je suis des études de communications. Pour plus de facilité et aussi parce que nous avions envie de vivre ensemble, nous avons décidé toutes les deux de louer un appartement à deux chambres pas loin de notre université. Notre cohabitation pose quelques soucis parfois mais dans l'ensemble, je suis plutôt satisfaite et je crois qu'elle aussi.
- Ah le voilà! Merci pour le coup de main, rétorque-t-elle sarcastique puisque je n'ai pas daigné me lever pour l'aider. Il n'arrive pas avant une heure et elle est déjà dans tous ses états.
- Mais de rien, plaisanté-je avant de retourner dans les nuages.
Une fois prête, j'aide Mélanie à se calmer avant son arrivée. Elle est si excitée qu'elle sautille dans tous les sens.
- Tu crois que je lui plais vraiment?… Oh je ne suis pas sûre… J'ai hâte qu'il soit là, si tu savais, débite-t-elle sans interruption
Je souris face à son attitude. Je ne sais pas si j'agirais ainsi lorsque ce sera mon tour. Je dois dire que je n'ai jamais connu ça. Malheureusement, les garçons ne se sont jamais vraiment intéressés à moi. Du moins, pas comme je l'aurais voulu. A croire que je n'ai jamais eu l'air d'être assez bien pour être « sortable » . Non. Lorsque je suis tombée amoureuse d'un garçon en secondaire, ce n'était pas réciproque. J'ai eu le courage de lui demander et il m'a fait sèchement comprendre que ce n'était pas réciproque. Mon chagrin était telle que j'ai fini dans le lit de Manu. Le playboy de service qui me courait après juste pour m'ajouter sur son tableau de chasse. C'était ma première fois. Evidemment, cela s'est très mal passé. Je ne m'y connaissais pas mais j'étais sûre qu'il s'y était vraiment mal pris. Il devait avoir de l'expérience mais il m'a demandé de lui faire des choses dégoutantes et m'a ensuite sautée dessus sans préliminaire.
Si seulement, ça avait été le pire. Non, bien sûr. Lorsque ça s'est su, je suis devenue la risée de toute la classe. Je ne m'attendais pas qu'il aurait une langue si bien pendue. Je n'avais pas vraiment de statut particulier en secondaire mais je suis vite devenue la fille facile. Je ne comprenais pas ce que j'avais fait de mal. Pour moi, une femme devait être libre de vivre sa sexualité comme elle l'entendait sans jugement de ce type. Comme quoi, on a beau être au 21 ème siècle, les choses n'ont en rien changé. Etre une vierge est une vertu de la plus haute importance. L'avoir fait avec un « Manu » vous classifie comme la « pétasse » de service.
Lorsque Damien vient chercher Mélanie, je les salue et je me dirige vers la cuisine pour me préparer à manger. Une fois fait, je retourne dans ma chambre pour prendre mon repas devant une série que je viens de découvrir. Je remarque que la question de la sexualité de la femme vient sur le tapis dans cet épisode. Ce qui me rappelle, Laurent, ma deuxième erreur lors de ma première année à l'université. Evidemment, il était du même genre que Manu et je le savais. Depuis, j'ai préféré prendre du recul sur ma vie sentimentale. Je n'ai plus eu personne. Alors que je m'entêtais à voir ces relations comme des passes-temps sans conséquence. Je finis par remarquer que ma réputation dépassait largement le cadre de ma classe de secondaire. Lorsque J'ai voulu sortir avec Nathan à l'université, il m'a avoué qu'il aurait trop honte d'être vu à mes côtés et que vu le nombre de mecs que j'étais « censée » m'être tapée, il préférait éviter tout rapport de peur d'attraper une MST!
Je suis tombée de si haut ce jour là, je n'en revenais pas. Qu'est-ce qu'on a bien pu raconter sur mon compte pour que j'aie une telle réputation. Mes deux malheureuses aventures se sont apparemment transformées en une armée de garçons qui me seraient passés dessus. Même si je suis assez ouverte d'esprit, il y a une limite à tout.
C'est donc à cet instant que j'ai compris que je devais prendre du recul et arrêter ce genre d'aventures.
Le lendemain, je me réveille du mauvais pieds. Je stresse pour ce contrôle. Même si j'ai essayé d'étudier après avoir mangé, je dois avouer que ce fut insuffisant mais je n'ai pas le choix, je dois y aller.
Je traine les pieds pour me préparer. Mélanie est revenue tard dans la nuit et je la découvre toute souriante au petit-déjeuner.
- Salut! La vie est belle, lance-t-elle toute guillerette
J'ai à peine la force de lui répondre. Une fois prête, je me rends au cours de Néerlandais. Oui, ce fichu cours qui me donne des cauchemars est Néerlandais. Je dois dire que malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à avoir des points corrects cette année.
Après que le professeur nous ait distribué les copies, je plonge dans un profond désarroi lorsque je vois les questions. Pas moyen de répondre à une seule d'entre elles ou à peine.
Le temps écoulé, le prof ramasse les copies. Je blêmis tellement, je n'en reviens pas de ne pas avoir su répondre. Pourtant, je devais m'en douter mais au fond de moi, j'espérais un miracle.
Lorsque je rentre à l'appart, je fonce dans ma chambre et je pleure à gros sanglots.
Je suppose que Mélanie m'a entendue car elle vient me voir pour savoir ce qu'il se passe:
- Ton test s'est mal passé, c'est ça? M'interroge-t-elle
- J'ai su répondre à aucune question, c'était humiliant, reniflé-je
- Je suis vraiment désolée, m'assure-t-elle s'asseyant sur mon lit
- Qu'est-ce qu'il se passe ici? demande Damien qui vient voir après Mélanie, je suppose
- Elle a raté son contrôle de néerlandais, lui répond Mélanie
- Je sais que je devrais prendre des cours particuliers, sangloté-je, mais j'ai déjà à peine de quoi payer tout ce qu'il me faut alors, je me vois mal débourser pour ça pour le moment.
- Tu sais, tente Damien, je connais un flamand qui pourrait accepter de t'aider gratuitement, si tu veux mais faut que je vois avec lui d'abord, évidemment…
- Ce serait super gentil, s'exclame Mélanie d'un ton admiratif
- C'est normal. conclut-il fièrement
Je les entends s'embrasser comme si Damien venait de sauver le monde. Je roule des yeux dans mon coin. Cela dit, il est vrai que je suis assez contente de sa proposition. C'est vrai que c'est gentil de sa part mais faut voir si son ami serait d'accord.
- Merci, c'est vraiment super de ta part, lui réponds-je, pourvu qu'il accepte alors.
- Il n'y a pas de raison, déclare Mélanie confiante. Demande-lui vite, s'il te plaît, le presse-t-elle
Je sèche doucement mes larmes, rassurée par leur soutien. Je me retourne et je le vois envoyer un message. Mélanie revient vers moi pour tendre un mouchoir que j'utilise pour essayer mes yeux. Damien reçoit une réponse positive de la part de son ami.
- Voilà, il s'appelle Edward et il accepte de t'aider mais ce sera les dimanches après-midi durant deux heures seulement. Ce sera suffisant pour toi?
- Largement! Merci milles fois, Damien. m'exclamai-je avec enthousiasme. Je n'en reviens pas de sa gentillesse. A lui comme à son ami.
- Je peux lui donner ton nom pour qu'il t'accepte sur Facebook?
- Pas de souci, c'est normal, acquiescé-je
Puisque nous sommes vendredi soir, Damien décide d'organiser une rencontre avec mon futur professeur particulier. Mélanie et moi, nous nous préparons donc pour sortir. Damien est parti faire une course. Mélanie est de nouveau toute excitée et je dois avouer que sa bonne humeur est communicative, cette fois. Cependant, je passe plus de temps à l'aider à se faire belle que moi. Je me maquille légèrement et je mets des vêtements plus confortables alors qu'elle, elle compte en mettre plein la vue à Damien, ce qui est logique.
- Tu sais, me confie-t-elle, si cet Edward est celui que j'ai vu l'autre jour, tu devrais mettre une autre tenue
- Ah bon? Pourquoi?
- Il est vraiment pas mal du tout, tu verras tout à l'heure. Il n'est pas mon genre mais je peux largement imaginer qu'il plaît beaucoup.
- Tu sais, ce sera juste un prof pour moi, je ne compte pas sortir avec.
- Attends de le voir avant d'affirmer ce genre de chose.
Je hausse les épaules et je continue de l'aider à choisir sa tenue. Une fois prêtes, on descend rejoindre Damien et on monte dans sa voiture. Il nous conduit dans un bar cool et cosy que les jeunes de notre âge affectionnent.
On s'assied et on commande une boisson. Je prends un blanc passion alors qu'eux choisissent une bière. Son ami n'est pas encore arrivé mais il est en chemin.
Soudain, je vois un garçon entrer dans le bar, cherchant des yeux quelqu'un, je suppose. Sa beauté est indescriptible, il est juste à couper le souffle. Il est élancé, grand et mince, une chevelure blonde abondante encadrant son visage. Il porte un jean, un t-shirt blanc et une veste en cuir brun. Une peau légèrement bronzée qui rappelle les surfeurs australiens ou californiens. Une main dans poche, il passe l'autre dans ses cheveux, toujours en train de chercher quelque chose
- Ah le voilà, déclare Damien, Edward, on est là!
Le garçon que j'ai remarqué se tourne vers nous et se dirige à notre table.
- Désolé pour le retard, s'excuse-t-il dans un accent flamand que je n'aurais jamais imaginé pouvoir être un accent à ce point sexy. Mais j'avais du travail à finir, continue-t-il.
- Je te présente, Bella. déclare Damien. Bella voici, Edward.
Il pose enfin les yeux sur moi. Des yeux d'un bleu si clair qu'ils tranchent merveillsement avec son bronzage. Mais son regard me fait l'effet d'un coup de poignard. Alors que je viens de passer mon temps à confirmer sa beauté. Lui, me toise avec dédain, hésitant un instant à me tendre la main pour me saluer, comme s'il était face à une horreur ou je ne sais quoi.
- Ah, je vois, souffle-t-il avant de me serrer la main.
Je suis rouge de honte, j'espère que ça ne se voit pas. Je ne connais pas ce type mais je le déteste déjà. Je ne suis plus du tout convaincue que ces cours vont si bien se passer que ça. Ils parlent tous les trois pendant un moment tandis que moi, je reste silencieuse.
Au bout d'un moment, Mélanie a besoin de se rendre aux toilettes, je saute sur l'occasion pour la suivre. Une fois devant les miroirs, Mélanie veut faire le point:
- Alors comment le trouves-tu? S'enquiert-elle auprès de moi
- Oui, il est bien…
- Il est bien? Il est canon oui! Bon, j'ai Damien mais tu devrais pouvoir sortir avec
- Je ne crois pas que je sois son genre…
- Arrête un peu d'exagérer, t'es très bien aussi et puis tu es intelligente, tu le séduiras par ta personnalité également.
Je suis convaincue du contraire mais je ne veux pas la contrarier alors, je la laisse rêver.
Lorsqu'on remonte pour rejoindre notre table, Mélanie fonce vers le comptoir pour commander un autre verre alors que moi, je prends mon temps pour me rendre à notre table car je n'ai pas très envie de m'y asseoir sans elle.
A deux pas de nos places, je les surprends en plein commérage… sur ma personne:
- Alors, elle est jolie, Bella, n'est-ce pas? s'enthousiasme Damien croyant avoir présenté une potentielle copine à son pote
- Jolie? S'étonne-t-il. Je la trouve assez quelconque, moi. J'en ai vu des plus belles…
Mon sang ne fait qu'un tour lorsqu'il lâche cette insulte sans sourciller. Je suis choquée par sa méchanceté gratuite. Des larmes me montent aux yeux et je sors en trombe du bar. Je ne sais pas s'ils m'ont vu mais, je m'en moque. La seule chose dont j'ai envie c'est de rentrer me réfugier à l'appartement. Je ne suis peut-être pas la plus jolie, certes mais l'entendre de la bouche d'un tel garçon, ça fait mal, très mal!
Je n'ai jamais pensé que c'était le cas. D'ailleurs, mon prénom, Bella, que je tiens de ma grand-mère qui fut, très belle à son époque, a été pour moi plus un fardeau qu'autre chose. A part à l'adolescence où il m'arrivait parfois de recevoir quelques compliments, je ne me suis jamais considérée comme « belle ».
Je suis certaine désormais de le détester profondément et qu'importe ce qui va se passer pour mon cours de langue, je ne veux plus jamais le revoir!
