« Je sais plus ce que je dois faire… »
Affalée dans son canapé bien trop luxueux, Regina regardait, les yeux vides et plein de larmes, des émissions débiles, où des gens stupides s'agitaient en parlant de choses idiotes, sur sa télévision bien trop grande, dans son salon bien trop spacieux. A quoi bon tout ça ? A quoi bon ?
« Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que je peux faire ? » elle marmonna d'une voix éteinte.
Elle commençait à parler seule, c'était mauvais signe. Et le fait qu'elle s'en moque complètement, encore plus. Il lui fallait trouver une solution, vite, avant qu'elle ne devienne folle. A moins qu'elle ne le soit déjà… Elle gémit et se recroquevilla un peu plus dans le coin sous la montagne de coussins du sofa. Elle aurait tout donné pour ne pas être seule ce soir, pour une occupation, une échappatoire à la déprime, mais Henry restait chez Emma ce soir. Emma…
Avec un nouveau gémissement, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et étouffa un sanglot. Elle ferma les yeux, les rouvrit. La bouteille posée sur la table basse attira son attention.
« Regina, vous avez fait tomber quelque chose, je crois.
Elle lève les yeux. Gold se tient devant elle, lui tend une bouteille marron à forme étrange, toute tarabiscotée, et fermée par un bouchon en liège. Elle fronce les sourcils.
« Non, désolée, ce n'est pas à moi…
- Et moi je crois que si. »
Elle le saisit, méfiante, observe l'objet un instant. Le verre brun renvoie un éclat de soleil qui l'éblouit. Elle redresse la tête et se rapproche pour lui murmurer à l'oreille d'un air menaçant.
« A quoi vous jouez, Gold ? Qu'est-ce que c'est ? Un autre de vos pièges ? »
Avec son sourire, le Ténébreux pousse la bouteille plus près d'elle.
- Oh ne soyez pas si méfiante, votre majesté. Pour une fois, je suis de votre coté. C'est … Un cadeau, en quelque sorte. Un cadeau un peu spécial… Souvenez vous de ne l'utiliser que lorsque vous n'aurez plus aucun espoir, plus aucun autre choix. A vous de faire en sorte que ce cadeau ne se transforme pas en poison…»
Elle fronce à nouveau les sourcils, et s'apprête à demander plus d'explication, mais Gold est déjà parti, manteau sur l'épaule et canne à la main.
Elle observa la bouteille un instant encore. Revit en pensée le regard transparent de la Sauveuse qui la croisait sans la voir, son sourire gêné quand elle avait juste voulu passer du temps avec elle. Son regard absent, ses mouvements de recul quand elle s'approchait trop près. La douleur fulgurante qui traversait son cœur à chaque fois plus violente, à chaque fois plus tenace. Elle n'avait plus le choix. Plus d'autre espoir, ou elle en mourrait. Elle se redressa et attrapa l'objet, le soupesa un instant de ses mains manucurées, en éprouva la dureté et, dans une grande inspiration, défit le bouchon. Et il ne se passa… Rien. Regina sentit son cœur se serrer.
« J'aurais dû me douter que le Crocodile se payait de ma tête… »
Un sanglot dans la voix, elle se retourna et fixa d'un air absent son écran de télé, où des acteurs idiots rabâchaient toujours des absurdités en faisant semblant de trouver ça drôle, envoyant la bouteille au diable. Celle-ci tomba doucement sur le tapis épais, sans un bruit. Regina, dans le brouillard de son chagrin, ne remarqua pas la fumée blanche, presque confondue dans la couleur claire du tapis, ni le léger pschitt qu'elle émettait en sortant du récipient. Elle ne vit pas la silhouette sombre naître de la fumée et grandir, grandir encore jusqu'à prendre l'allure d'un homme de haute stature, debout derrière le dossier du canapé, si bien que lorsqu'il émit un léger toussotement pour l'avertir de sa présence, elle sursauta violemment. Elle se retourna d'un bond, pour faire face à un homme grand, barbu, portant un turban et d'étranges chaussures à bout pointu qui s'enroulaient comme celles des lutins (étrangement, ce fut la première chose que cette vision lui évoqua). Il avait le teint basané, des grands yeux noirs et les bras croisés sur la poitrine. Oh, et un air blasé et condescendant assez désagréable. Il détailla sa tenue d'un air désapprobateur, puis redressa la tête pour la fixer d'un air impatient.
« Bien le bonjour, chère Maitresse. »
Le « maitresse » semblait lui écorcher les lèvres. Et le « chère », n'en parlons pas. A se demander pourquoi il avait même prononcé ces mots, s'ils le dérangeaient tant, mais elle n'était pas encore assez remise de ses émotions pour oser lui poser la question… Elle laissa passer un moment encore, moment qu'il utilisa pour l'étudier encore un peu et elle se sentit idiote, assise en peignoir dans son canapé, en pantoufles, les cheveux en pétard, les yeux gonflés. Et devant un inconnu, en plus ; qui s'était introduit chez elle sans son autorisation certes, mais quand même... Depuis quand avait-elle si peu d'amour propre ? Elle se drapa dans son peignoir et ce qu'il lui restait d'honneur et se releva, plantée debout face à l'homme étrange aux chaussures de lutin. Rassembla sa colère et sa nouvelle détermination pour lui faire face.
« Monsieur, je ne crois pas vous avoir invité à entrer. Qui êtes-vous, et que diable faites vous chez moi ? »
Retour du regard méprisant, qui n'avait cette fois rien à envier aux prunelles décidées et furieuses de l'ancienne reine. L'homme sembla un instant décontenancé ; il se racla la gorge, toussota puis se bomba le torse de nouveau.
« A vrai dire, je pensais que ce serait évident. Je ne me suis pas introduit chez vous ; vous m'y avez emmené. A l'intérieur de cette bouteille. »
Il désigna du bout du doigt la silhouette marron abandonnée sur le tapis, et le regard de Regina suivit son mouvement avant de revenir se fixer sur son propriétaire alors qu'il continuait dans un grommellement.
« Je suis le génie de la lampe. Et comme vous m'avez libéré, je vous dois trois vœu. Que puis-je faire pour vous ? »
Regina prit une seconde pour réfléchir. Gold lui avait donné cette bouteille. Lui avait dit de faire attention. Elle ferma les yeux, et d'autres prunelles s'imposèrent aux siennes. Un regard vert indifférent, insupportable et impossible à lâcher. Réentendit une voix, un rire, puis voix de Catherine dans sa tête avant qu'elle ne parte pour Boston. « Voyons Regina, tu es une femme. Comment veux-tu être son prince charmant ? »
C'est alors que l'idée vint. L'idée avec un grand I. Peu importait le prix que le Ténébreux demanderait, si ça devait lui coûter tout ce qu'elle avait. Elle avait enfin une solution, un moyen de parvenir à ses fins, de sortir de cette misère, de cette vaine et perpétuelle attente.
« Faites de moi un prince charmant. »
