Mise en garde : Cette histoire est plus dure que les autres que j'ai déjà écrites. Ceux qui trouvent que je vais trop dans le drame, abstenez-vous de la lire donc. Je n'y ménage aucun des personnages de Jane Austen que nous aimons toutes autant. Miriamme.
Première partie
Confortablement installé dans son bureau en train de discuter avec Charles, son ami de toujours, William sursaute lorsque René, son domestique les interrompt.
-Une jeune femme demande à vous voir, monsieur.
-Est-ce une jeune fille que je connais?
-Non monsieur. Elle m'a simplement dit qu'elle voulait vous voir pour vous remettre une lettre de mademoiselle Georgianna.
-Où est cette lettre?
-Elle refuse de me la donner. Elle affirme qu'elle a promis de vous la remettre en main propre.
-Comment connaît-elle Georgianna?
-Elle ne la connaît pas personnellement.
-Pourtant elle dit avoir une lettre d'elle? Hum. Envoyez-la-moi.
-Tu veux que je te laisse seul? Lui demande alors Charles par discrétion.
-Non, j'aimerais mieux que tu restes avec moi. Cette histoire me semble un peu bizarre.
La jeune femme blonde qui entre prend les deux hommes par surprise à cause de sa beauté. D'abord muets devant cette belle apparition, William est le premier à se ressaisir.
-Veuillez-vous asseoir, mademoiselle?
-Bennet, je me nomme Jane Bennet. Lui répond la jeune femme d'une voix douce mais tout de même ferme avant de lui tendre la main.
-Enchanté mademoiselle?
-Moi également.
Un long silence règne. Finalement, c'est elle qui reprend la parole pour demander : Lequel de vous deux est William Darcy ?
-Pardon, oui c'est vrai. Je suis William Darcy et voici mon ami de toujours Charles, Charles Bingley.
-Enchanté mademoiselle. Lui lance Charles en lui serrant la main.
-Enchantée monsieur Bingley. Elle se tourne vers le maître de maison pressée d'en venir au sujet qui la préoccupe : Votre domestique ne m'a pas prévenue que vous receviez, autrement je n'aurais pas tant insisté! Je suis désolée de vous déranger. Mais puisque je suis là maintenant, je vais vous remettre la fameuse lettre.
-Une lettre de ma sœur Georgianna?
-Non, elle a été écrite par une amie à elle, qui est également religieuse. Répond Jane en demeurant volontairement évasive.
-Les religieuses n'ont pas confiance en nos services postaux? Ajoute William sarcastique.
-C'est que cette lettre a été écrite sans l'approbation de la mère supérieure. Voilà pourquoi c'est moi qui ai été sollicitée pour vous la remettre.
-Vous êtes également religieuse? Lui demande Charles un peu trop vite.
-Non. Mais, lisez-la, vous comprendrez mieux.
Tout en lui prenant la lettre des mains, William se tourne vers son ami et lui dit : Charles, ça t'embête si je te laisse discuter avec mademoiselle Bennet! J'aimerais bien lire cette lettre tout de suite.
-Non, non. S'empresse d'ajouter Jane : Je vais me retirer, ma tâche consistait uniquement à m'assurer que vous l'ayez.
-Non, restez. J'insiste mademoiselle Bennet. Je pourrais bien avoir des questions à vous poser.
-Comme vous voulez.
Une fois William sorti.
-Vous habitez Londres vous aussi?
-Oui.
-Et vous n'êtes pas religieuse?
-Non, je suis infirmière. Je travaille à l'Hôpital Général de Londres.
-Vous devez avoir du cran.
-Disons que je l'ai développé.
Pendant que Jane et Charles font plus ample connaissance, William ouvre la lettre et découvre que celle-ci contient au moins six pages.
Monsieur Darcy,
Il est de toute première instance que je vous fasse savoir que votre sœur n'est pas à sa place dans notre couvent. Sa foi n'étant pas ici en cause, puisque je fais référence à son état psychologique. Sans rien connaître de son histoire, ni de ses antécédents, je puis affirmer sans me tromper que les raisons qui l'ont amenée ici ne sont pas les bonnes. Votre sœur ne peut que s'éteindre entre les murs restreints de notre prison. Elle n'a pas choisi la vie religieuse par amour pour Dieu et pour faire un don de soi, elle a choisi de vivre en retrait d'un monde qu'elle dit ne pas comprendre et qui la terrorise. Je vous demande simplement d'aider votre sœur à comprendre qu'elle ne fait pas le bon choix en refusant de participer à sa vie. Sans compter qu'elle est trop douce et trop fragile pour survivre dans un milieu où les guerres ne manquent pas.
J'imagine que comme toutes les jeunes femmes de son âge, elle avait idéalisé les religieuses croyant qu'elles étaient toutes comme la mère du Christ. Mais la réalité est toute autre. Les sœurs entre elles reproduisent les mêmes comportements que peuvent avoir les membres d'une même famille lorsque la jalousie, l'envie et la convoitise s'en mêlent. Comparée à ces femmes, votre sœur est un ange. Si elle reste ici, où elle s'enfonce dans la solitude et s'isole de plus en plus, votre sœur mourra à petits feux.
Les autres pages sont du même ordre et présentent dans le détail des comportements observés chez Georgianna et qui démontrent - selon son auteur - que la jeune fille n'est pas heureuse.
J'ose espérer que vous ferez ce qu'il faut et que Georgianna n'aura plus à souffrir.
Si tant est qu'elle en a encore le choix.
Une amie qui ne veut que son bonheur.
Repliant les feuilles soigneusement avant de les remettre dans l'enveloppe, William regagne son bureau et s'adresse à Jane.
-C'est à n'y rien comprendre. Mademoiselle Bennet, connaissez-vous celle qui a rédigé cette lettre?
-Assez pour vous dire qu'il est très rare qu'elle se trompe.
-En connaissez-vous le contenu?
-Non, je n'ai fait que suivre les consignes de son auteur et vous l'apporter ici.
-Pouvez-vous m'en dire plus sur cette mystérieuse personne?
-Je ne puis satisfaire à votre demande. Je vous en prie. Ne me posez plus de question. Promettez-moi seulement, à tout le moins, de suivre les conseils qu'elle vous donne.
-Comment faire autrement...
-Voilà qui est bien! Je vais rentrer maintenant.
-Mademoiselle Bennet, est-ce que ça vous dérangerait si je passais vous voir à l'hôpital, un de ces jours? Lui demande Charles encore sous le charme.
-Tant que ce n'est pas parque vous êtes malade. Mais nous sommes très occupés vous savez.
-Je m'en doute, oui. Au revoir mademoiselle Bennet.
-Au revoir monsieur Bingley. Monsieur Darcy. Après avoir serré la main des deux hommes l'un après l'autre, Jane reprend le chemin inverse et quitte la demeure des Darcy.
Lorsqu'il est certain qu'ils sont seuls à nouveau, William reprend la lecture de la lettre à voix haute dans le but de savoir ce que son ami Charles en pense.
-Georgianna est là depuis quand exactement?
-Depuis six mois. Mais c'était à sa demande. Elle voulait tellement y aller.
-Je crois que tu devrais aller la voir.
-Quelle histoire. Je vais donc rentrer avec toi à Londres. Je vais me rendre sans tarder auprès d'elle.
Réglant les détails avec son chauffeur afin que celui-ci vienne le cueillir le lendemain, William monte avec son ami et l'écoute faire l'éloge de celle qu'il vient tout juste de rencontrer et qui lui a fait une très forte impression. William ne peut se retenir de penser que Charles est un grand romantique et qu'il tombe amoureux aussi souvent que lui-même se passionne pour certains contrats qu'il doit négocier avec des hommes d'affaires avisés. Arrivés à l'appartement de Charles, William prend le volant de la voiture de son ami pour se rendre au couvent de sa sœur qui est situé hors des limites de la ville dans la direction opposée de Pemberley.
L'air lugubre du vieil édifice fait le même effet au jeune homme qu'au moment où il était venu pour y déposer sa sœur la première fois. Stationnant la voiture de Charles dans la section réservée aux visiteurs, William monte rapidement les marches qui mènent à l'entrée principale de la chapelle. À l'intérieur, il remarque aussitôt un groupe de religieuses qui circulent lentement dans la cour. Il passe devant elles sans qu'aucune ne tourne la tête. Il frappe doucement à la porte du bureau de la mère supérieure et entre après avoir entendu son invitation.
-Oh! Que puis-je pour vous monsieur Darcy? Je suis surprise de vous voir ici.
-Je suis aussi étonné que vous, mais une affaire urgente m'oblige à voir ma sœur. Je dois la consulter de toute urgence pour régler une affaire de famille.
-Mais c'est impossible voyons. Elle est en retraite fermée pour une dizaine de jours. Elle ne doit voir personne. La seule personne qu'elle peut voir est celle qui partage sa chambre et encore, elles n'ont pas le doit d'échanger une seule parole.
-Croyez bien que je ne vous aurais pas dérangée si la situation n'avait pas été urgente. Réplique William d'un ton autoritaire.
-Je vous répète que c'est impossible. Lorsqu'elle est entrée chez nous, votre sœur savait que sa vie n'appartiendrait plus à sa famille.
-Je ne la verrai donc pas?
-Vous la verrez dans dix jours exactement. Pas avant.
-Très bien, veuillez excuser mon insistance. Vous me ferez savoir à quel moment je pourrai m'entretenir avec elle.
-Je ne manquerai pas de vous appeler monsieur Darcy. Encore une fois, je suis désolée.
Après avoir serré la main tremblante de la vieille religieuse, William sort de la pièce et regagne la première salle où quelques religieuses sont encore rassemblées pour prier.
Il passe à nouveau lentement devant elles, marchant en direction de la porte lorsqu'une sœur dont le visage est entièrement dissimulé par un long capuchon, lui fait signe d'entrer dans un cabinet réservé pour les confessions.
Réagissant spontanément, il entre dans la cabine en question et attend la suite des événements. Soudain la petite cloison qui sépare le côté du confessé de celui du confesseur glisse sur elle-même, lui permettant d'entendre la voix de la religieuse s'adresser directement à lui.
-Êtes-vous le frère de sœur Georgianna?
-Oui. Et vous? Êtes-vous l'auteur de la lettre?
-Oui. C'est bien moi qui l'ai écrite.
-Quel est votre nom?
-Nous n'avons pas le temps de socialiser. Votre sœur. Vous devez la voir. Il est urgent qu'elle sorte d'ici.
-Mais la mère supérieure vient tout juste de m'interdire de la voir.
-Il y a un moyen, mais il est risqué.
-Lequel?
-Vous allez devoir mettre une robe et m'accompagner.
-Quoi! Vous êtes folle?
-Ouvrez votre porte quelques secondes, je vais vous passer une robe. Ne vous en faites pas, elle est assez grande. Passez-la. Lorsque ce sera fait, faites moi signe et donnez-moi quelques secondes pour sortir d'ici. Ensuite, venez me rejoindre. Vous marcherez derrière moi. Vous ne parlerez à personne. Lorsque nous arriverons devant la porte de la chambre de sœur Georgianna, j'échapperai mon chapelet. Vous entrerez seul. Vous aurez 20 minutes avec elle. Tâchez de la convaincre qu'elle doit quitter le couvent.
-Ensuite qu'arrivera-t-il?
-Vous reviendrez ici et laisserez la robe sur le banc du confessionnal avant de vous en aller comme si de rien était. Georgianna n'aura plus qu'à aller voir la mère supérieure pour lui faire part de son désir de quitter définitivement le couvent. La demande ne peut être faite que par elle seule.
-Très bien. Allons-y.
William ouvre sa porte et ramasse rapidement la pièce de vêtement que la religieuse vient de lui mettre dans la main. Ayant passé celle-ci, William ouvre la porte et se place immédiatement derrière la religieuse qui quitte la pièce en marchant lentement.
Dès qu'elle laisse échapper son chapelet, William saisit la poignée de la seule porte à proximité et entre dans une petite pièce où il ne distingue que deux lits et une commode. Une silhouette est allongée sur le premier des deux lits. Il s'approche de celui-ci et secoue légèrement l'épaule de sa sœur.
-La mère supérieure veut me voir? Demande Georgianna d'une voix endormie sans regarder derrière elle.
- Non c'est moi, William. Parlons bas veux-tu? Lui chuchote William en s'asseyant sur le bord du lit en faisant attention pour ne pas l'écraser.
-William! Mais pourquoi es-tu ici? Pourquoi es-tu déguisé ainsi?
-Georgianna, je veux que tu sortes d'ici. Je crois que tu n'es pas à ta place.
-Mais je suis bien ici.
-Georgianna, j'aimerais que tu reviennes avec moi à Pemberley. Donnes-toi six mois. Si dans six moins tu veux toujours revenir ici, nous aviserons.
-Mais pourquoi ce retournement. C'est la mère supérieure qui t'a parlé? Les autres sœurs ne m'aiment pas c'est ça?
-Non. Tu te trompes. Je me suis seulement dit que j'avais accepté trop facilement de te laisser entrer au couvent. Tu es ma seule famille Georgianna. Je ne veux pas te voir seulement une fois par an. Écoute moi bien, voici ce que je te propose. Demain, va dire à la mère supérieur que tu veux réfléchir. Demande à revenir à la maison. Une fois à Pemberley, je serai avec toi. On parlera de tout ça. D'accord?
-Très bien. Mais… La jeune femme vient pour parler, mais s'arrête, incertaine.
-Quoi?
-Non rien. Va-t'en. Tu risques gros vêtu ainsi. Comment t'y es-tu pris pour trouver cette robe?
-Tu as une bonne amie au couvent semble-t-il?
-Sœur Élizabeth.
-Georgie. Je dois y aller. Je t'attends à la maison demain.
-C'est ça oui.
William sort discrètement et retourne dans le confessionnal où il dépose la robe. Une fois dehors, il est tout étourdi par l'aventure qu'il vient de vivre. Il se rend chez Charles à qui il raconte ce qui s'est passé au couvent. Ce dernier est aussi perplexe que lui. Le lendemain, William est tiré du lit par la sonnerie de son portable qu'il avait posé sur la table de chevet avant de se coucher.
-Oui, allô!
-Monsieur Darcy?
-Oui, c'est moi?
-Ici Jane Bennet. Vous souvenez-vous de moi? La lettre.
-Oui, bien sur. Comment allez-vous?
-Moi bien. Mais j'ai bien peur d'avoir de mauvaises nouvelles à vous apprendre.
-Je vous écoute. Ajoute William en se redressant une bonne fois pour toute.
-C'est votre sœur. Elle vient d'arriver à l'hôpital. Elle a fait une tentative de suicide. C'est la religieuse qui partage sa chambre qui l'a trouvée en se levant ce matin. Elle s'est coupé les veines.
-Comment est-elle? Lui demande aussitôt William la gorge nouée par l'angoisse.
-Elle a perdu beaucoup de sang.
-Elle va mourir?
-Non! Nous croyons être capables de la sauver, mais vous devriez venir. Elle vous réclame à son chevet.
-J'arrive. Répond William en écartant ses couvertures d'un seul geste.
-Présentez-vous directement aux soins intensifs et faites-moi appeler. En passant, la mère supérieure veut que vous lui apportiez la lettre que je vous ai remise hier! Il va y avoir une enquête.
-J'arrive tout de suite.
Aussitôt informé de la nouvelle, Charles décide d'accompagner William ne voulant pas que ce dernier conduise alors qu'il est aussi inquiet et nerveux.
Arrivé sur les lieux, William rencontre deux enquêteurs qui lui demandent à voir la lettre. William la leur remet et se presse de faire demander Jane Bennet.
-Suivez-moi. Je vais vous conduire jusqu'à elle. Mais laissez-moi tout de suite vous rassurer. Elle va s'en tirer.
-Dieu merci. S'exclame Charles en suivant son ami de près.
-Merci, mademoiselle Bennet. Peut enfin articuler William après avoir repris le contrôle de ses émotions.
Dans la chambre de Georgianna, les deux hommes sont dévastés par le visage blême de celle-ci. Endormie, elle semble morte. William s'avance vers elle, s'assied sur la chaise placée tout à côté du lit et prend sa main dans la sienne.
-La mère supérieure m'a demandé de vous remettre cette lettre. Lui dit Jane avant de lui donner une feuille toute froissée.
Cher William,
Je suis lâche,
Pardonne-moi, mais puisque le couvent ne veut pas de moi et que moi, je ne veux pas vivre à l'extérieur, il ne me reste plus qu'un choix. Je sais que tu seras dévasté, mais vois-tu, c'est justement parce que je n'ai pas ta force que je préfère vous quitter alors que je suis encore capable de le faire.
Je sais que tu t'en remettras alors que quitter le couvent pour moi serait un vrai calvaire.
-Je le savais. Je savais que je n'aurais jamais dû aller la voir et faire pression sur elle. Dit William en pleurant tout bas. Charles s'approche de lui pour lui passer un mouchoir. Il lui pose sa main sur l'épaule en guise de réconfort.
-Votre sœur va dormir pendant une bonne partie de la journée à cause des médicaments qu'on lui a donnés. Elle devrait se réveiller dans la soirée. Leur apprend Jane avant de quitter la chambre.
Charles prend la décision de partir pour son bureau promettant à William de revenir le voir dans la soirée.
-Appelle donc René pour lui dire que tu vas rester à Londres pour une autre nuit.
-Bonne idée. Merci Charles. Je ne sais pas ce que je ferais si tu n'étais pas là.
Les deux hommes se font une accolade après quoi, Charles quitte la chambre pour la journée. Après avoir appelé son domestique et lui avoir demandé de prévenir le chauffeur de venir le chercher une journée plus tard, William passe à la cafétéria où il s'achète une petite soupe qu'il n'arrive même pas à avaler tant il est préoccupé par Georgianna.
Jane revient le voir vers la fin de l'après-midi, le surprenant en train de murmurer des paroles d'encouragement à sa sœur. Émue par son attachement pour la jeune malade, Jane change d'opinion à son sujet. L'homme d'affaire froid qu'elle avait rencontré la veille est toujours là, mais elle sait maintenant qu'il peut manifester tendresse et affection aux êtres qui comptent pour lui. Exactement comme son ami Charles le lui avait affirmé lorsqu'elle s'était entretenue avec lui à Pemberley. Ne voulant pas interrompre celui-ci, Jane quitte la pièce sur la pointe des pieds, préférant revenir après être allée visiter ses autres patients.
Après un souper aussi léger que son dîner, William revient s'installer au chevet de Georgianna jusqu'à ce que Charles revienne de sa journée de travail.
-Alors?
-Elle ne s'est pas encore réveillée.
Comme pour démentir ses paroles, Georgianna ouvre les yeux lentement. Apercevant son frère, un grand sourire éclaire son visage.
-Georgie.
-William. Je suis désolée.
-Je vais prendre soins de toi. Charles est ici, avec nous.
-Salut Georgie.
-Charles. Merci d'être venu.
-C'est tout naturel voyons.
Sans être capables d'aborder le sujet de sa tentative de suicide, William et Charles restent encore pendant une bonne heure avec la jeune fille jusqu'à ce que le médecin passe et lui fasse prendre un somnifère en expliquant qu'il est important qu'elle dorme beaucoup.
-Vous faites aussi de l'anémie. Voilà pourquoi vous étiez toujours fatiguée.
Quinze minutes après le départ du médecin, Jane passe à son tour saluer les deux hommes et Georgianna avant de prendre congé.
-Ma journée de travail est terminée. Je viendrai vous voir demain matin Georgianna.
-Au revoir Jane.
-Mademoiselle Bennet.
Cette nuit-là, William se met à angoisser. Il se voit difficilement rentrer à Pemberley avec sa sœur sans que celle-ci reçoivent des soins psychologiques. N'étant pas d'un naturel ouvert, il ne se sentait pas capable de porter sur ses seules épaules la responsabilité de Georgianna. Au déjeuner, lorsqu'il en parle avec Charles, celui-ci lui conseille : Tu devrais demander à mademoiselle Bennet ce qu'elle en pense.
-Bonne idée.
Laissant son ami devant l'hôpital, Charles lui promet de venir le rejoindre à Pemberley dès la fin de sa journée de travail.
-On est vendredi. Je vais laisser s'écouler d'heure de pointe, puis j'irai te rejoindre à Pemberley.
-Très bien. Merci infiniment Charles.
Lorsqu'il arrive dans la chambre de sa sœur, William constate qu'une jeune femme est assise à son chevet. De dos, William tente de l'identifier, mais n'y arrivant pas, il choisit de manifester sa présence, espérant que celle-ci se retournerait. Il n'a même pas le temps de s'exécuter que la jeune fille se lève comme si elle avait pressenti une présence.
-Jane, tu es bien sure qu'elle va mieux. Je la trouve bien pâle encore.
-Je crois que vous ne faites erreur sur la personne.
-Excusez-moi, je croyais que c'était Jane, l'infirmière qui revenait. Je vais vous laisser.
-Qui êtes-vous? Lui demande William en la dévisageant.
-Une amie de votre sœur.
-Je connais toutes les amies de ma sœur et vous ne m'avez jamais été présentée.
-C'est normal. J'étais cloîtrée, jusqu'à ce matin.
-La sœur... C'était vous? La robe... La lettre était de vous. William se met en colère au fur et à mesure qu'il réalise qui elle est : Toute cette histoire est arrivée à cause de vous.
-Hein?
-William, c'est toi? Laisse échapper la voix faible de Georgianna que le ton colérique de William avait réveillée.
-Je vous laisse. S'écrie Élizabeth profitant de l'intervention de Georgianna.
-Non! Trouvez une salle ou un endroit où nous pourrons parler! J'ai des choses à vous dire.
-Qu'est-ce que qui se passe ici? Demande Jane en entrant dans la chambre.
-C'est rien, Jane. Je m'en allais. Lui apprend sa sœur.
-Non! S'adressant à Jane maintenant, William lui demande : Mademoiselle Bennet, pouvez-vous trouver une salle? Je dois parler avec cette… sœur.
-Ancienne sœur. Précise Élizabeth d'un ton hargneux.
-Très bien, je vais vous arranger ça. Elle ajoute en direction de sa sœur : Veuillez me suivre mademoiselle.
Une fois hors de la chambre, Élizabeth attaque aussitôt : Il est fou ou quoi?
-Non! Il est désemparé. Je te rappelle que tu l'étais toi aussi, pas plus tard qu'il y a deux jours. Alors ménage-le.
-Et lui, il a l'intention de me ménager tu crois?
-Lizzie, tout ce dont tu dois tenir compte, c'est qu'il aime sa sœur. Et qu'il a bien failli la perdre.
-Je vais faire de mon mieux.
10 minutes plus tard, William arrive dans la salle où Élizabeth attendait patiemment, occupée qu'elle était à lire de vieux articles dans les revues laissées là par les patients lorsqu'ils quittent l'hôpital. Elle sursaute en entendant la voix colérique de William.
-Alors? Vous êtes fière de vous?
-Pourrais-je savoir de quel crime je suis accusée?
-Vous m'avez trompé. Je n'aurais jamais du vous écouter. Georgianna ne voulait pas sortir du couvent.
-Monsieur Darcy, je comprends très bien votre douleur. Seulement, ne faites pas l'erreur de soulager votre conscience avec la certitude que votre sœur n'aurait pas commis le même geste - avec succès - si elle était restée bien sagement au couvent. Le mal qui la ronge l'aurait poussé à faire la même chose.
-Je n'en crois rien.
-Elle n'en était pas à sa première tentative de suicide.
-Le couvent m'aurait prévenu.
Élizabeth laisse sortir un rire sec et bref : -Vous croyez? Elle n'est pas la première à avoir cru que le couvent était l'endroit idéal pour venir enterrer sa souffrance. Mais comme bien d'autres avant elle, elle a réalisé que la souffrance pouvait franchir les murs du couvent. Elle nous ronge comme un rat. Des dizaines de religieuses sont mortes du cancer en ayant la conviction d'avoir la vocation religieuse. Lorsque vous êtes venu la chercher, elle a craquée. J'avais prévu qu'elle réagirait ainsi et je l'ai surveillée. Si elle revient au couvent, vous devrez l'y enterrer.
-D'où vous vient cette certitude?
-J'ai bien observé votre sœur et j'ai écouté ce qu'elle me disait.
-Dans sa dernière lettre elle me disait à quel point elle était bien au couvent.
-Elle cherchait à s'en convaincre, voilà tout.
-Vous ne la connaissez que depuis quelques mois pourtant. Jouer la comédie ne ressemble pas à ma sœur.
-Être religieuse encore moins.
-C'était ce qu'elle voulait.
-À vous entendre, on croirait plutôt que c'est vous qui vouliez vous débarrasser d'elle? Avouez donc que ça faisait votre affaire de placer votre jeune et embarrassante sœur au couvent?
-Comment osez-vous? Lui crie William en avançant vers elle rouge de colère. Arrivé près d'elle, il pousse un long soupire, se contrôle et lui dit plutôt : Sortez immédiatement!
-Vous avez raison. Elle s'arrête juste sur le bord de la porte pour lui lancer : Maintenant que je vous connais, je plains votre sœur et je vous jure que je prierai pour elle.
Des commentaires? Des questions? Je continue ou pas?
Miriamme!
