Série: Want, need, love
Titre: Tu me manques
Chapitre: 1/?
Auteur: Lisossanya
Rating: T
Pairing: Sirius/Rémus
Période: Tome 5
Résumé: Comment Rémus a vécu la mort de Sirius
Disclaimer: Je ne suis pas J.K. Rowling, tout ceci n'est qu'une fanfiction.

TU ME MANQUES...

- NOOOOOOOOOOOOOOON!

Mon cri silencieux a sans doute résonné dans ma tête cent fois plus fort que celui d'Harry quand tu as disparu derrière le voile. Je n'ai même pas eu besoin de refléchir, la seule incantation "Avada Kedavra" avait suffi à me faire comprendre. Bellatrix t'avait touché de plein fouet, et plus personne ne pouvait rien faire pour toi.

Je me suis entendu l'expliquer à ton filleul qui se débattait entre mes bras pour te rejoindre, mais même si c'était ma voix, ma bouche, je ne contrôlais plus rien.

On ne peut rien faire, Harry. C'est trop tard.

Mon esprit était focalisé sur un seul fait: elle venait de te tuer. Toi, Sirius, mon ami, mon amant, mon amour. Ton corps avait disparu en un seul instant, mais cet instant, dans ma tête, avait duré une éternité. Jamais je n'oublierai ton regard posé sur Harry, puis sur moi, lorsque tu avais compris. Il n'y avait pas de haine envers ta cousine, juste de l'étonnement, rapidement remplacé par cet air inquiet, l'air de dire "je suis désolé", comme si tu savais qu'en nous quittant tu allais nous faire autant de mal.

Je t'avais avoué une fois qu'il n'y avait rien au monde de plus douloureux que la transformation des loups-garous les soirs de pleine lune: un mélange entre la sensation d'être écorché vif et le sentiment qu'on vous brise tous les os du corps un par un. Mais ça, c'était avant que tu ne partes. Au moment où Harry a échappé à mon étreinte pour courir venger ta mort, j'ai été incapable de le suivre ou de le protéger (oh, Sirius, comme tu as dû m'en vouloir!). J'étais terrassé sur place par la douleur, le corps secoué de spasmes. J'ai hyperventilé, je crois, puis je me suis laissé tomber par terre et j'ai hurlé.

Hurlé comme une bête, comme le loup que je suis à chaque pleine lune, à pleins poumons. J'aurais volontiers supporté de me transformer tous les soirs de tous les jours de tous les mois, si seulement on m'avait dit que ce n'était qu'un mauvais rêve et que, dans quelques minutes, j'allais me réveiller, couché sur ta poitrine, en écoutant les battements de ton cœur.

Mais personne n'était venu me réveiller. Personne ne m'avait sorti de ce cauchemar. J'avais beau frapper du poing sur le sol, de toutes mes forces, m'érafflant la peau, couvrant mes doigts de sang, cela ne changea rien. Tu n'es jamais ressorti de derrière ce foutu voile.

Avec le recul, je me dis que le plus dur, je crois, est de ne pas avoir eu de sépulture décente pour toi. J'aurais aimé serrer ton corps sans vie une dernière fois entre mes bras. Admirer tes traits parfaits. Fermer tes paupières. Sceller nos lèvres une dernière fois, recouvrir ton visage de mes larmes. Te dire à quel point je t'aimais, un ultime adieu, avant de te laisser partir. Je n'ai rien eu de tout cela. J'ai juste commandé une petite stèle, deux semaines plus tard, que j'ai posée au fond de mon jardin, là où un chêne commençait tout juste à pousser, frêle, fragile. Comme le souvenir des moments que j'ai passés avec toi.

Souvent, j'ai peur de t'oublier. D'oublier le son de ta voix, la douceur de ta peau, l'odeur de ton parfum ou même celle, plus ennivrante, de ton corps après l'amour. Ton odeur. Celle qui était encore perceptible sur ton oreiller quand je suis retourné, seul, Square Grimmaud, le soir de ta mort. Deux jours plus tard, elle s'était évaporée, à tout jamais. Comme toi.

J'ai laissé le soin à Dumbledore de s'occuper d'Harry. J'en étais incapable. J'étais physiquement malade, une loque humaine. Je ne mangeais rien, ne buvais rien que de l'alcool. Je traînais dans ta maison, enfilant tes chemises, les reniflant au passage. Je restais des heures assis sur ce matelas sur lequel nous avions partagé tant de choses, sur lequel tu m'avais fait jouir, sur lequel je m'étais senti l'homme le plus désiré du monde. J'ai hurlé, parfois. J'ai pleuré, souvent.

Je l'avoue, je t'ai détesté. J'ai honte de l'admettre, mais c'est vrai. Tu t'es lancé dans la bataille sans véritable entraînement, tu avais perdu beaucoup de forces en prison (même si tu avais commencé à reprendre du poil de la bête... marrant comme cette expression t'allait bien). Tu n'étais pas prêt, tu étais sans doute un peu arrogant, et le fait que ce soit contre Bellatrix t'a fait perdre tout sens commun. Tu n'aimais pas ta famille, je le comprends, mais te lancer dans une vendetta n'était pas la solution et tu aurais dû le savoir. Parce que je te l'avais dit! Nous nous étions disputés à ce sujet avant de nous réconcilier sur l'oreiller, comme d'habitude. Je te l'avais dit, tu ne m'avais pas écouté, tu étais mort. Et moi, je payais les pots cassés. C'était moi le survivant, c'était moi qui devrait apprendre à vivre sans toi à l'avenir. Foutu égoïste!

Mais j'ai continué à t'aimer. Jamais rien ne pourrait changer ce qui s'est passé entre nous, la force de nos sentiments. Après notre réconciliation, à ta sortie d'Azkaban, tu m'avais reproché de ne pas t'avoir remplacé, de ne pas avoir su avancer. Au moins, je sais très clairement ce qu'il faudrait que je fasse, maintenant que je t'ai perdu une seconde fois. Quel gâchis.

Le problème, c'est que je m'en sens incapable. J'aurais l'impression de te tromper. Oh, je t'imagine bien, où que tu sois, secouer la tête et rétorquer, "Ne sois pas ridicule, Rémus". Je suis peut-être ridicule, mais ce n'est pas moi qui suis mort et qui ai laissé mon partenaire se démerder pour survivre. Alors ne prends pas tes grands airs avec moi, Sirius! N'oublie pas que je suis encore en colère contre toi.

Et me voilà encore à parler tout seul, à imaginer mes conversations avec toi, alors que je suis assis, seul, dans mon canapé, un énième verre à la main. Tu es parti depuis un mois, et j'ai quitté ta maison il y a deux semaines. J'ai liberé Buck, il est parti en tournoyant te rejoindre, là-haut. Je n'ai pas de nouvelles d'Harry, mais je lui ai envoyé un hibou hier quand j'avais les pensées à peu près claires (traduction: quand j'étais encore sobre). Je me suis excusé de l'avoir laissé tomber. Je ne lui ai pas parlé de nous, je ne sais pas s'il aurait compris. Je vais sans doute attendre encore un peu. J'aimerais te demander conseil, mais je ne peux plus.

Tandis que les derniers rayons du soleil disparaissent derrière la stèle à ton nom, au fond du jardin, je me lève et finis mon verre en une seule gorgée. Quand je baisse la tête, l'épitaphe gravée sous ton nom scintille dans la pénombre moite de ce soir de juillet. Quelques mots qui n'ont jamais été aussi vrais:

Tu me manques, Sirius Black.