Hey ! Me revoilà avec un nouvel OS !

C'est, hum, comment dire...Bah, je vous laisse découvrir. J'ai inclus au moins trois tiers des persos de TWD, alors tout est à Robert Kirkman. J'ai pris énormément de plaisir à écrire cet UA, alors j'espère qu'il vous plaira. Le titre a été trouvé par Innocens et Lylwenn Shadow m'a un peu aidé à la correction, je les remercie encore une fois toutes les deux :)

La compagnie Amtrak, c'est un peu notre RATP/SNCF, v'voyez. Et la ligne du TGV est sensée s'arrêter à New-Orléans mais...fuck. Voilà.

La chanson est Le Bouchon, de Bigflo et Oli, et dont je me suis bien inspirée pour la structure de ce triptyque. Trois chapitres, le voyage, l'accident et les secours.

Voilà, en vous souhaitant une bonne lecture !

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Shane s'affala dans le siège lui étant attribué avec un énorme soupir, passant la main sur son crâne fraîchement rasé. Rasé parce que c'était la dernière mode, parait-il, depuis l'immense succès de la série Breaking Bad. Alors il s'était rasé la tête, oui, persuadé que peut-être, cette fois-ci, si Dieu se déciderait enfin à intervenir positivement dans sa vie, il pourrait vraiment plaire à une fille qui l'aimerait uniquement pour lui, que ça lui donnerait le sex-appeal qu'il n'avait pas. Résultat : pas de copine –sauf celles d'un soir-, une coupe dégueulasse, et Dieu qui se foutait de lui à gorge déployée. Rick l'avait regardé bizarrement lorsque deux semaines plus tôt il s'était ramené avec sa nouvelle tête, puis il avait été la risée du commissariat. Les filles ? Hé bah, au moins, l'histoire du cancéreux qui voulait passer une dernière nuit extraordinaire marchait.

Il regarda passer une femme et sa fille, qu'elle tenait par la main, comme si elle pouvait disparaître à l'instant, comme ça, clac, dans l'allée débordant de sacs et de gens, où marcher droit devenait une véritable aventure et où on ne pouvait se retourner pour s'enfuir. Une fois assis, on y reste et on y crève, pas question de faire demi-tour parmi la foule, une condamnation à perpétuité. La femme aux cheveux très courts et gris passa et trépassa, de son air de fantôme souffrant d'un mal secret, avec son expression triste et effrayée. Un instant, Shane lui en voulut, parce que lui aussi était malheureux et pourtant, il n'empêchait qu'il ne semblait pas sur le point de s'effondrer en larmes. Après tout, s'il était dans ce foutu train, ce n'était pas par hasard, et c'était bien pour ça qu'il tirait tant la gueule. La femme ne bougea plus, sa fille derrière elle, qui le regardait avec curiosité, comme s'il n'était qu'un putain d'animal d'un zoo aussi sordide que la raison de son voyage.

« Quoi ?! » Grogna-t-il, et la gamine se détourna. La mère lui jeta un coup d'œil mais la voie était enfin libre, alors elle courut à sa place, bon petit chien obéissant, n'osant se confronter à lui. Rick, assis à côté, le menaça du regard, mais il l'ignora.

Sordide, oui, c'était bien le mot. Il devait voir la famille, ses parents plus précisément, qui n'en pouvaient plus de le savoir célibataire. Mais voilà, ils lui avaient dit qu'il ne devait pas venir les mains vides, c'est-à-dire qu'il devait traîner son autre famille dans ses bagages, le trio Grimes. Ses parents ne connaissaient que Rick, et ils étaient impatients de découvrir Carl et Lori.

Mais c'est génial, ça ! J'appelle Lori tout de suite ! S'était écrié Rick, vraiment content de pouvoir le torturer devant ses parents avec sa famille à lui. Ça va être amusant !, qu'il avait dit. Bah bien sûr.

Il soupira encore une fois, et se fit bousculer par un jeune homme pas très propre, à qui il lança le regard le plus meurtrier qu'il avait en stock.

« Bah quoi ? T'as b'soin d't'étaler partout dans l'couloir ? » Ronchonna l'inconnu, puis, sans attendre de réponse, se dirigea vers sa propre place, en bon mouton. Il l'observa s'installer quelques rangs plus loin, juste à côté de la femme auriez-vous-corde-et-tabouret, et un sourire jaune fana sur ses lèvres serrées. Au moins, ce sauvage allait bien s'emmerder.

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Daryl Dixon chuchota quelque insulte à ce connard pas capable de se tenir droit et qui l'avait ralenti un énième de seconde, les écouteurs vissés dans les oreilles et l'œil mauvais. Il s'affala exactement comme Shane, fusillant du regard la pauvre femme en face de lui. Evidemment. Il était à une table de quatre, alors forcément, il y avait des gens à côté de lui. Monde de merde. Journée de merde, train de merde, Los Angeles de merde, vie de merde, Merle de merde. Tiens, ça sonnait bien ça. Merle la merde. Oui, pile son genre.

Merle la merde qui l'obligeait à quitter l'Etat, chose qu'il n'avait jamais faite avant aujourd'hui. Parce que Merle va encore aller en taule, qu'il avait encore oublié de payer le loyer depuis trois mois, qu'il devait encore de l'argent à son dealer, et qu'il l'avait, encore une putain de fois, abandonné. Alors c'était direction Los Angeles, chez Deanna Monroe, sa tante éloignée qui avait accepté de lui donner une seconde chance.

Vie de merde, donc. Et voyageurs de merde, aussi. Sérieux, à peine midi, et les trains étaient déjà bondés. Il n'imaginait même pas la queue devant le vendeur de sandwich, avec des connards arrogants et impatients qui allaient faire vivre l'enfer au pauvre mec qui devra les servir.

Mais qu'importe, pour l'instant il observa la jeune femme disparaître sur elle-même tant elle se recroquevilla, et qui donna à sa fille un livre pour qu'elle s'occupe. Mais le voyage allait durer quatre heures, et son train allait forcément faire un millier d'arrêts avant L.A, et la gamine demandait déjà Maman, on arrive quand ?, alors qu'il n'avait même pas démarré, et qu'un livre ne la tiendra jamais occupée.

Son téléphone dans sa poche vibra, et il regarda l'écran avec ennui.

Vous avez un message. De : Aaronella.

Il sourit face au nouveau nom qui affichait le contact, pas peu fier de sa blague. Il était fin, le Dixon, très fin.

Aaronella : T'es parti, frangin ? C'est maintenant que je pleure des larmes de sang ?

Vous : Et que tu te suicides, aussi. J't'ai laissé la fenêtre grande ouverte.

Aaronella : Oh mon Dieu, tu es d'une telle gentillesse ! Un véritable saint à l'écoute des autres.

Il sourit encore un peu, avant de ranger son téléphone –plus de batterie, pas de chargeur. Parce que Daryl Dixon était encore pauvre.

Nouveau regard sur la femme en face. Elle pourrait être confondue avec le dossier tellement elle est effacée. Pas de doute, c'est l'une des leurs. Trop chétive, trop peureuse, cette meuf-là vivait dans l'ombre et la violence d'un autre mec, p'têt bien un comme Merle. Merle qui dormait encore lorsqu'il était parti, ne rejoignant la prison que le lendemain.

La gamine le défiait du regard, serrant sa peluche contre elle, hésitant entre la peur et l'insolence. Daryl n'aimait pas l'insolence, alors il s'assura que la mitraillette que sont ses yeux fusille correctement l'enfant.

… ah-ah ! La gamine céda, dans sa tête résonna le ding ding annonciateur de sa victoire, et une foule imaginaire l'acclama.

Aaah, mais la gamine relève la tête, refusant de perdre si vite, lui arrachant une grimace qui faisait office de sourire sarcastique.

« Sophia, ne fixe pas le monsieur comme ça. » Mais la mère parle ! Ovation du public, pétage de plomb du commentateur ! Le voilà seul contre deux, la partie se corsait ! « Sophia ! » Et c'est la fin, mesdames et messieurs, la gosse abdiquait véritablement ! Quel champion ! « Excusez-là. »

« D'quoi ? Elle a bien raison d'se défendre comme ça, c'te fille. »

Carol Peletier trembla, se figea, se détourna de l'étrange voyageur. Celui-ci haussa les épaules, monta le son et bougea la tête au rythme d'ACDC. Mais une secousse à sa droite lui fit tourner la tête, et il observa avec déception et l'air choqué la jeune fille tout de noir vêtue s'asseoir à côté de lui.

…Putain.

Quelqu'un.

A côté de lui.

Pendant plusieurs heures.

A côté de lui.

Il grogna, et la jeune fille soupira à son tour, imitant le pauvre Shane qui, quelques rangs plus loin, soupirait en écoutant Carl Grimes raconter sa vie.

Elle était en route depuis déjà deux heures, ayant pris un bus pour venir jusqu'ici, dans cette satanée gare d'Atlanta, avec pour objectif de partir le plus loin possible. Elle n'avait prévenu personne, et elle imaginait déjà Beth pleurer toutes les larmes de son corps.

Mais Maggie Greene avait pris sa décision. Elle quittait sa famille pour vivre sa propre aventure, tenter sa chance au terminus. A côté, l'étranger grogna, et elle l'ignora royalement, habituée aux rustres campagnards de son genre. Il avait quoi, cinq, six ans de plus qu'elle ? Même pas capable de porter un Tee-shirt décent et pas tâché ni troué. Un pequenaud, un moins que rien, un looser. Un Redneck ou un White Trash, elle ne savait choisir. En face, une enfant lui fit un sourire, mais elle l'ignora à son tour, prête à cracher sur la Terre entière.

Los Angeles. C'était une bonne destination, ça. Elle y avait même des amis, Sasha et Tyreese, deux avocats qui n'attendaient plus qu'elle.

Son téléphone sonna, elle le saisit d'une main adroite, décrochant sans même regarder qui l'appelait.

« Alors ma grosse, paraît qu'on a quitté la ville ? »

Elle sourit. Andréa. Sa seule amie, une fille qui vivait dans la ferme à côté de chez elle, et qui attendait la fin du lycée pour s'enfuir. Ce qui la tentait, c'était Boston. Son côté Irlandais lui imposait Boston. L'université l'avait déjà accepté, elle allait faire du droit et devenir célèbre.

« Et comment ! Je suis dans le train, il ne devrait pas tarder à partir. »

« Chanceuse ! Ton père est venu nous voir, sinon. Il m'a demandé où tu étais. Tu me connais, j'ai fait la conne, mais Hershel est trop perspicace pour marcher. »

« Vaut mieux que j'éteigne mon téléphone, alors. Mais merci de m'avoir prévenue. »

« C'est normal ! N'oublie pas de m'appeler, une fois chez Sasha. »

Elle dit au revoir, raccrocha, éteignit l'objet, et le rangea dans sa poche. Puis, étonnamment heureuse, elle sourit à la gamine, se présenta à la mère. Carol, enchantée, répondit celle-ci, soulagée de ne plus être seule avec l'homme –qui semblait vouloir ne faire qu'un avec la vitre. Puis, son ventre grognant d'indignation, elle eut l'idée d'acheter à manger. Y'avait pas un vendeur de sandwich quelque part ?

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Glenn sourit, remercia pour la centième fois le client, dit bonjour à l'autre, maudit les suivants. Le train n'était même pas parti que les gens faisaient déjà des réserves de bouffe, comme si l'Apocalypse commençait dans dix minutes et qu'il fallait être prêt. Bon sang, ils avaient l'air de morts-vivants, à fixer avec avidité le stand, se fichant royalement de l'être humain qui peinait à se faire respecter. Que cet imbécile se dépêche, après tout ils n'avaient pas toute la journée, ils avaient des choses à faire eux, ils avaient des vies, pas comme lui, Glenn Rhee, vendeur de pizza ou de sandwich selon la saison, après tout ils n'étaient pas tout dans le même train et soumis au même temps, ils étaient des gens, eux, ils étaient importants, eux.

Il voulait un flingue. Ou une bombe, ou une machette, n'importe quoi pour tous les tuer, et le laisser vivre sa vie, loin de ses obligations économiques qui le poussaient à être là, dans ce fichu wagon-bar, à vendre des sandwichs aussi dégueulasses que les acheteurs.

A côté, Tara, dans le même état que lui, s'acharnait à lui passer les commandes en rythme, mais n'ayant pas l'habitude de ça, finissait par ralentir la chaîne et impatienter les clients. Et puis, ce grand roux, Abraham qu'y disait, n'arrêtait pas de la draguer, la distraire, et Glenn se disait que c'était lui qui méritait de mourir le premier.

Mais bon, c'était un jour ordinaire, où il subissait sa peine quotidienne, et rien d'imprévu n'allait arriver dans le trajet, comme d'habitude, et il se demandait déjà comment il allait tenir le reste du voyage. Un trajet Atlanta-Los Angeles de quatre heures, mais qui avait décidé ça ?

Mesdames et messieurs bonjour, merci d'avoir choisi cette compagnie pour voyager, le train quittera la gare dans deux minutes je répète, le train quittera la gare dans deux minutes, en espérant que le voyage vous soit agréable, de toute façon ce n'est pas mon problème, je serai toujours payé.

Glenn ricana et jeta un regard indigné au haut-parleur. Au moins, y'en avait un qui s'amusait.

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Mesdames et messieurs bonjour, merci d'avoir choisi cette compagnie pour voyager, le train quittera la gare dans deux minutes je répète, le train quittera la gare dans deux minutes, en espérant que le voyage vous soit agréable, de toute façon ce n'est pas mon problème, je serai toujours payé.

Philip Blake passa une main fatiguée sur son visage cerné et mal-rasé, tout seul dans sa pauvre cabine, en tête de convoi. Ses horaires finissaient par le tuer, mais il fallait bien remplir l'assiette de Penny. Depuis la mort de sa femme dans un accident de voiture, sa vie n'était plus pareille. Il travaillait à mi-temps, avant, mais pour payer les factures, il fallait plus. Et pour payer la nounou, aussi, une femme nommée Michonne, serveuse dans une boîte de nuit. Michonne était devenue une amie, mais Michonne avait aussi un loyer qui à chaque fin de mois resserrait toujours plus sa ceinture.

Alors Philip roulait, parce qu'il le fallait bien, malgré la fatigue qui engourdissait ses sens et sa conscience, après tout c'était la routine, peu importait les heures de sommeil en moins.

De toute façon il ne dormait plus depuis deux semaines, s'étant fait agresser un soir en rentrant du travail. L'homme lui avait pris son portefeuille, mais le Shérif du comté de Kings County –là où il s'était fait voler, pas loin de chez lui-, Rick Grimes, avait retrouvé le voleur assez vite. Merle Dixon, parait-il. M'enfin, il s'en fichait, le Dixon sera bientôt derrière les barreaux, et il avait récupéré la somme volée. Un stupide redneck qui n'allait manquer à personne. Il devait vivre seul, c'était un drogué, il n'avait pas de famille. De toute façon ce n'était pas Philip qui dictait les règles, même si ses collègues l'appelaient Le Gouverneur parce qu'il donnait souvent ordres et conseils à ceux moins doués que lui.

Il bailla, démarra les moteurs. Quatre heures qui ne changeront absolument rien à sa vie, il en était sûr. Il allait être relevé d'ici trois, mais il devra rester en cabine pour superviser les opérations. Et puis il rentrera le lendemain, avec un train express, le temps de payer Michonne et souhaiter une bonne journée à Penny. Il pensa à son cousin Gareth, qui devait prendre son train en ce moment-même, direction l'Alabama, où il était censé trouver un travail et reprendre une vie décente. Il espérait qu'il était bien installé et que personne ne le faisait chier.

Le train avança, lui arrachant un soupir. Le voilà parti.

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« Excusez-moi madame, mais c'est ma place. »

Lori fixa, incrédule, le jeune brun portant un baggy sale et une casquette trop grande pour lui, pas décidée pour un sou à se lever.

« Ah non monsieur, mais ici, c'est moi. » C'est vrai, quoi. C'était quoi ces gens pas foutus de s'asseoir à leur place au point de déranger les familles ?

Gareth soupira encore une fois, épuisé par ces familles qui se croyaient tout permis au point de voler la place à des innocents comme lui. C'est vrai, quoi. La politesse était la base de l'harmonie d'une société. Si cette grande brune n'était pas capable de le comprendre, alors il allait s'en charger.

Mais Crâne-Rasé-Pas-Commode n'avait pas l'air du même avis. Il faisait un peu tâche, entre les trois Grimes, c'était peut-être pour ça qu'il était si énervé, en tout cas Gareth trouvait sa coupe affreuse, puis Shane se leva, ah bon il voulait la baston, tout ça pour une place, Gareth en avait vraiment marre de ces voyageurs abrutis, et songea que ça devait être bien difficile pour Philip tous les jours. Mais Shane, lui, bah il est putain d'énervé, surtout que le train venait tout juste de partir et qu'il voulait déjà sortir, et que ce connard commençait à le faire réellement chier, lui et son sourire de petit con arrog-

« Shane. » Rick se leva à son tour, parce que Rick avait toujours son mot à dire. « Pas la peine. Monsieur, on est tous ensemble, et je peux vous assurer que nous ne nous sommes pas trompés de places. »

Tapette, avait bien envie de crier Shane. Mais Rick avait raison, alors il s'inclina, et puis ça n'en valait certainement pas la peine.

Mais Gareth ne voulait pas laisser tomber maintenant. Il était fatigué, avait passé la nuit dehors, il puait et il avait encore cette casquette ridicule enfoncée sur la gueule. Alors, vous comprenez, cette place était une affaire d'Etat, une question de fierté.

Il sortit son billet, ne perdant pas son stupide sourire, avant de le brandir –le billet, pas le sourire- devant le visage de Rick avec joie. Tiens, connard, bouffe-moi ça !, hurlerait-il avec plaisir. Rick loucha, prit le billet du bout des doigts, plissa les yeux, fronça les sourcils. Place A013, wagon 7, celle de sa femme. Il tendit le billet à Shane, c'était toujours mieux d'avoir un avis objectif, et celui-ci vérifia par deux fois. Mais non, pas de bol, c'était inscrit noir sur blanc.

Noir sur blanc comme le billet de Lori, qu'elle tendait elle aussi comme une arme, la bombe atomique, qui venait d'exploser à la gueule de Gareth.

Silence, regards en chien de faïence. Bon. Gareth était un homme de la rue, il squattait depuis deux ans au Terminus, à Atlanta, il avait l'habitude de ce genre de situation un peu…dangereuse. Il avait aussi l'habitude de se trouver face à plus fort que lui, comme Rick et Shane, mais pas pour un truc aussi important qu'une place assurée pour quatre heures dans un train. Ça, non. Et ses fesses hurlaient déjà au scandale, réclamant un peu de confort après une nuit si rude. Alors cette femme allait se bouger et fissa.

Rick leva les mains, voulant calmer le jeu. On pouvait encore régler un tel enjeu d'une manière civilisée, malgré Shane qui, décidément, n'en pouvait plus d'améliorer ses regards noirs.

« Allons, on est déjà tous installés, le p'tit est fatigué, et on était là avant. Je suis sûr qu'il reste de la place ailleurs. » Et puis, regardez-le, à peine 22 ans et déjà SDF, non mais ces jeunes alors, ça ne savait plus quoi faire de sa vie, non vraiment, c'était aberrant.

« Mais c'est cette place que je veux. » Grogna Gareth, pas effrayé pour un sou.

Shane inspira profondément, serrant déjà les poings, malgré le regard d'avertissement de Lori. Carl fixait à tour de rôle les différents protagonistes, assistant à un conflit de la plus haute importance qui le figea, terrifié par le suspense insoutenable de la situation. D'autres gens les regardaient, et une madame du train s'approchait à petits pas, les observant de loin.

« Ecoute, je suis chef de police. » Parce que c'était la menace ultime, parce que les jeunes avaient peur des flics, parce qu'il aimait bien les préjugés. Hé, pas de fumée sans feu, hein. « Alors, soit tu vas t'asseoir ailleurs… » Et il sortit son insigne, son regard percutant semblant réduire le pauvre Gareth en cendres.

Allons bon, un flic prêt à lui remonter les bretelles, manquait plus que ça.

Bah, c'était qu'une place, après tout, rien de spécial. Et puis il était flic. Il pouvait lui causer des problèmes, surtout qu'il avait certaines choses sur lui que le Grimes ne risquait pas d'apprécier.

Il leva les mains en signe d'abdication, puis applaudit trois fois avant de saluer leur politesse et gentillesse à toute épreuve. Il percuta la pauvre femme qui s'occupait du service mais ne s'excusa pas, trop occupé à insulter silencieusement cette stupide famille.

Rosita fit un doigt d'honneur au voyageur qui avait eu l'idée de la percuter, puis avança dans le couloir, habituée à ce genre de scènes. Elle attendait avec impatience sa pause pour pouvoir rejoindre Tara et Glenn et s'éloigner de ces rustres grossiers, et ne vit pas Gareth s'arrêter et s'écrier. De toute façon, elle n'avait pas envie de s'en occuper, ils n'avaient qu'à tous s'entasser les uns sur les autres, ces clients de merde jamais contents et qui pensaient être les seuls à valoir la peine de vivre.

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Gareth eut un petit cri de victoire en apercevant son vieux pote Daryl Dixon. Les deux se tapèrent virilement dans les mains, s'échangeant quelque fluide corporel, parce qu'ils étaient des hommes, et voyant la place vide à côté de lui, il s'y assit.

« Ah mec, y'a une meuf déjà là, par contre. »

« Bah, elle pourra aller ailleurs, non ? »

Daryl pesa le pour et le contre. Pour : il lui disait que la fille n'avait vraiment pas l'air aimable ni commode, et Gareth fera tout pour garder la place. Contre : il ne disait rien, sortait son Mars et assistait tranquillement à une dispute qui allait être houleuse mais terriblement distrayante.

Hmm. Ce n'est pas qu'il n'aimait pas Gareth, mais il était du genre bavard et collant. Tout ce que Daryl n'aimait pas, voilà. Et il voulait être tranquille, digérer le fait que cette fois-ci, c'était lui qui abandonnait son frère. Alors non, Gareth devait partir, ça lui ferait des vacances. Un peu de calme, oui. Parce qu'après, face à cette Deanna dans l'aéroport, il ne savait pas trop ce qui allait advenir de lui. Il ne l'avait vu qu'enfant, il l'avait appelé par désespoir et par ennui, lassé de devoir se battre pour survivre. Quand elle l'avait eu au téléphone, elle était plus qu'heureuse et, bien sûr, toute prête à l'accueillir, avec son mari. C'était aussi grâce/à cause de ce dernier qu'il s'était décidé à y aller.

Mais il avait abandonné Merle. Oh, ce n'était que justice, bien sûr, mais c'était toujours un peu dur, surtout lorsque c'était la première fois, surtout quand Merle allait en prison. Mais Daryl avait assez de mal à s'occuper de lui-même, il ne pouvait plus être le pilier de Merle.

Gareth rit, Gareth s'enchanta, Gareth se perdit dans ses histoires de rues. Gareth était riche, mais il ne voulait pas vivre avec l'assurance d'un toit. Non, Gareth voulait l'aventure. Mais qui aurait cru que c'était dans ce train-là qu'il aurait pu connaître sa plus grande aventure ?

Qu'importe, Daryl attendait, pas vraiment préparé aux tragiques évènements, n'en n'ayant pas conscience. Tout ce qu'il voulait, là, c'est que l'autre se ramène et éjecte cet idiot de Gareth.

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Maggie n'avait pas encore conscience du sacrilège que venait de commettre Gareth. Sinon, oh, pensez-vous, elle serait retournée illico à sa place pour apprendre à ce pendejo comment il fallait traiter les gens avec décence et surtout, surtout, ne pas leur voler leur place.

Mais pour l'instant, Maggie avait le ventre qui grognait, et elle arrivait enfin dans le wagon-bar, le numéro 4, voyait déjà l'objet de ses rêves derrière la vitrine. Enfin, l'objet de ses rêves. Un bacon-fromage qui semblait avoir servi d'éponge depuis au moins trois mille ans. Mais bon, être dans ce train, c'était comme vivre l'Apocalypse, alors elle n'allait pas faire la difficile. Surtout qu'il n'y avait plus qu'un couple attablé et qu'elle n'avait pas besoin de faire la queue. Un couple d'obèses qui s'empiffraient un maximum de calories de peur d'en perdre. Maggie avait eu sa propre période de surpoids, elle savait ce que c'était.

Et puis, loin de la belle-mère et son père, bah fallait bien dire qu'elle se sentait mieux, beaucoup mieux, peut-être trop. Trop excitée, trop précipitée, et alors qu'elle lorgnait ce bacon-fromage qui hébergeait une vie extraterrestre, elle se demandait si oui, sa fugue n'était pas un peu précipitée.

Mais Shawn et Beth comprendront, et puis ils seront soulagés, ils ne l'entendront plus s'engueuler avec son père, comme la gamine qui venait d'entrer dans le wagon, une petite blonde déjà insupportable, que son père n'arrivait pas à calmer, mais c'était quoi ces gens mal-éduqués, élever un enfant c'était pas si compliqué, mais la gamine qu'était Lizzie Samuels tenait son père d'une main de fer.

Son père, Ryan, une tablette IPad dans la main, n'avait pas le temps d'écouter Lizzie, il faisait partie de ces clients qui avaient une vie, une entreprise, des objectifs. Ryan, il était comme Philip Le Gouverneur : il devait remplir l'assiette de ses filles. Sauf que lui, il gagnait bien cinq fois sa paie, que sa maison faisait la taille de son quartier, et que Lizzie voulait désormais un poney. Parce que Lizzie était bien élevée, qu'elle faisait de l'équitation depuis son plus jeune âge, que c'était comme ça qu'on vivait chez les riches. Alors elle demandait, tempêtait, s'insurgeait, et sur sa tablette, alors que Ryan faisait mine de l'ignorer, il était déjà en train de chercher un pur-sang pas trop cher que sa fille ne montera plus d'ici un an. En attendant, Lizzie avait faim, et Ryan aussi, mais y'avait comme une gothique devant eux, qui prenait son temps, qui parlait avec l'Asiatique censé les servir. Ryan leva enfin la tête de son écran, prêt à gueuler.

Mais Maggie n'en n'avait rien à foutre, après tout le serveur, il pouvait aligner deux phrases cohérentes. Tu sais Ryan, Glenn c'est un être humain, de ceux qui vivent pour eux et non pour l'argent, au contraire de toi et ta fille.

Ta fille qui semblait hypnotisée par Maggie, fixant ses vêtements de punk avec ébahissement, et Ryan avait peur pour son avenir. C'est vrai quoi, ces jeunes délinquants avaient trop d'influence, il fallait que quelqu'un fasse quelque chose.

Qu'à cela ne tienne, Maggie parlait avec Glenn, qui, subjugué, bégayait et papillonnait des yeux. Maggie sourit, se pencha un peu plus sur le comptoir, tandis que Tara soupira et leva les yeux au ciel. Maggie comme Glenn avaient bien besoin de chaleur humaine, deux âmes perdues dans un train qui n'était en route que depuis vingt minutes, et qui se réconfortaient avec des phrases de drague à deux balles. Parce que ça faisait du bien, de temps en temps.

« Et…et tu vas où ? » Stupide question, Glenn. Quand on prend un train pour Los Angeles, c'est pas pour Saint-Pétersbourg.

« L.A. » Rit Maggie, amusée –ennuyée ?- par la discussion. « Je pars à l'aventure. »

« Ah, l'aventure…tu rejoins quelqu'un, là-bas ? »

« Ouais, mais j'y reste pas. Je voulais m'éloigner de tout, tu vois ? La famille, les amis…Je vis dans une ferme à deux heures d'Atlanta. Mon père est très pratiquant. Ma sœur et mon frère sont…si naïfs…je ne pouvais pas rester, j'avais l'impression d'en crever, tu vois ? Il me fallait voir autre chose que des champs et des poules. »

Glenn hocha la tête, puis la baissa. C'était bizarre, parce que lui, sa seule famille c'était T-Dog, un mec qui s'occupait de p'tits vieux dans un hospice. Et T-Dog, il n'était pas naïf, mais très joyeux. Si Glenn devait partir à l'aventure, ce ne serait pas sans lui.

Alors il demanda, t'es sûre que ça te manquera pas, après tout c'est la famille, mais Maggie rigola, ça veut rien dire, la famille.

Ryan, servi par Tara, soupira face à cette jeunesse perdue, éloignant Lizzie des deux adolescents, parce qu'au moins elle, elle ne crèvera pas dans la rue ou finira pas comme ce mec à la casquette qui avait embêté une famille pour une misérable place. De toute façon les gens comme lui ne méritaient pas de prendre le train, surtout si c'était pour partir à l'aventure, à l'inconnu, sans se douter que l'atterrissage risquait d'être sordide.

Un petit garçon courut soudainement, alors que l'homme de la famille citée plus haut, celui pas rasé, appelait son fils en trottinant derrière lui, par des Carl aussi énervés que blasés. Lizzie les regarda passer d'un air méprisant, son manteau haute couture bien vissé sur les épaules. Quelle jeunesse, franchement.

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Carl n'était pas un garçon qui restait sur place. Carl était chiant. Il disparaissait toutes les trente secondes, il désobéissait méticuleusement à chaque interdit, et en plus de ça il se plaignait de son manque de liberté. Il était en manque de fessée, oui. Mais Rick n'osait pas trop lui en vouloir, ni même le réprimander.

Bah oui, Rick était un papa poule. C'était mal, il le savait, mais fallait voir la bouille de son fils, il ne pouvait rien lui refuser. Il ne le gâtait pas trop non plus, mais il reconnaissait qu'il était plutôt laxiste. C'était Lori qui devait s'en charger –il avait trop de responsabilités, vous comprenez. Elle l'engueulait souvent pour ça, comme elle l'avait engueulé pour cette histoire de week-end avec Shane. M'enfin, il n'avait pas trop envie d'en parler maintenant là, il voyait son fils foncer de wagon en wagon, prêt à remonter tout le train, et il avait beau l'implorer de se calmer, il était plutôt fier de son agilité. Ils dépassèrent le wagon-bar, où il aperçut la jeune punk discuter, ne se doutant pas qu'elle n'avait déjà plus de place. Enfin, il en restait une à côté du petit vieux un peu fou. Pas qu'il ne pouvait pas aisément dégager le Gareth, mais il était en famille, et n'avait pas envie de faire d'histoire. Ce n'était qu'une place, après tout.

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Petit-Vieux-Un-Peu-Fou souriait à l'invisible, d'ailleurs. Daryl en était sûr, l'était complètement barré. Il le lorgnait depuis déjà dix minutes quand Gareth avait fini par dire qu'il partait en mission périlleuse pour découvrir l'hostile terrain dans lequel ils étaient coincés pour les trois et quelques prochaines heures. Petit-Vieux-Un-Peu-Fou, PVUPF pour les intimes, avait sorti deux boites en plastique, avec dans l'une des légumes crus et dans l'autre de la charcuterie.

De la charcuterie. Daryl donnerait tout pour de la viande, là, maintenant, tout de suite. Mais Daryl n'avait pas d'argent, et devait se contenter de sa bouteille d'eau et d'un Mars. Donc en plus d'être bizarre, ce vieux le narguait aussi avec sa bouffe. Bon, c'était tout le wagon qui le narguait, car tout le monde s'était mis à manger en même temps, tous réglés sur la même horloge. Devant lui, la gamine bouffait son sandwich, la mère bouffait son sandwich, ce connard de Shane faisait l'amour à son sandwich tout en le fixant, et la punk allait aussi revenir les mains pleines.

'Méritaient tous de crever, tiens. C'pas comme si lui crevait de faim, hein. Merle avait prévu une super journée, la dernière avec son p'tit frère, et ça commençait par une orgie d'bouffe, drogue, tabac, alcool, conneries. Avant, s'ils habitaient encore la campagne, ils seraient allés chasser. Mais en ville, ils pourrissaient, et c'était aussi ça qui poussait Daryl à partir. Pas que L.A. était mieux qu'Atlanta, mais au moins, il aurait un point de chute, la villa de Deanna Monroe, dans la banlieue d'Alexandria. Alors p'têt qu'il se fera vite jeter lorsque les Monroe prendront conscience de leurs différences d'éducation et de niveau, mais on ne pouvait pas lui reprocher de tenter sa chance.

Mais qu'allait dire Merle à son réveil, en se voyant seul dans leur minable appartement ? Il ne lui avait même pas laissé un mot. C'était dégueulasse, Daryl était dégueulasse.

Il se rendit compte que PVUPF le fixait depuis déjà une longue minute et que son espionnage était réduit à néant, le faisant un peu sursauter, et il se détourna de lui.

C'est ce moment que choisit Carol pour lui proposer de partager leur repas. Sidéré, le jeune homme la fusilla du regard, ne sachant quel piège elle lui tendait là. Mais son expression craintive avait laissé place à la pitié et la douceur, et elle tendait son paquet de madeleine avec un certain plaisir.

« Prenez-en quelques-unes, on ne mangera pas tout. »

« Nan. »

« Mais vous avez faim. »

« Nan. »

Son ventre grogna si fort que même avec ses écouteurs, il l'entendit, et il vit leurs voisins de rangée se tourner vers lui avec amusement.

Soupirant longuement, son index tapotant le bord de la table, il affronta les yeux de Carol, mais celle-ci ne se démontait pas. Elle l'avait bien observé, et elle avait remarqué ce regard de tristesse et détresse qu'il portait à l'horizon. Ses grandes cernes qui trahissaient un mal-être évident, mais une étincelle farouche et sauvage ancrée au fond de ses pupilles inspirait force et santé.

« Pourquoi vous faites ça ? »

« Hé bien… »

« Vous m'connaissez pas. »

« Hé bien… » Les yeux de Daryl roulèrent dans leur orbite, et elle se tortilla, mal à l'aise. « Faisons connaissance, alors. »

« Bah moi, j'en prends une ! »

Maggie les fit sursauter, mais déjà sa main plongeait dans le paquet, remerciant chaudement la femme, avant de s'asseoir avec un soupir d'aise dans le siège.

« On t'a causé, à toi ? » L'agressa le Redneck, et la Greene se hérissa.

« Mon vieux, j'te conseille de t'calmer, où j'te jure que tu vas t'en prendre une. »

« Ah ouais ? Et qu'est-ce que tu vas faire, gamine ? T'crois j'suis d'humeur à jouer ? »

Tous les regards se braquaient sur eux, maintenant, et PVUPF ne souriait plus.

« Et il va faire quoi le paysan, hein ? »

« Et toi, p'tite conne adoratrice de Satan ? »

« Y'a un problème ? »

Ils fixèrent avec autant de colère Shane qui se tenait bien droit face à eux, les bras croisés. Tout le monde les regardait, des têtes se dressèrent au-dessus des sièges. C'était si drôle, vous voyez, et puis on s'ennuyait tellement dans ce train, si seulement le chauffeur pouvait aller plus vite, si seulement Daryl avait eu assez d'argent pour un billet d'avion, si…

« KESSKYA ?! » S'écria Maggie, oubliant des mots, et le Dixon haussa un sourcil face à une telle onomatopée. « Tu crois que j'suis pas capable de m'défendre toute seule, qui m'faut forcément un mec pour ça ?! » Andréa avait beaucoup trop d'influence sur elle.

Shane, irrité, fatigué, ennuyé, décida qu'aujourd'hui on n'avait pas le droit de le faire chier. Et les cris que poussaient ces deux enfants –bah oui, le mec avait la vingtaine, pas plus- étaient encore plus insupportables qu'un Carl sur la Terre des Interdits. Donc, parce qu'il était policier, parce qu'il ne voulait pas voir quelque chose dégénérer, parce qu'il aimerait bien pioncer, il fit valoir son autorité en tant que mâle alpha, voulant aussi se venger de la bousculade du Dixon.

« On se calme, jeune fille. » Lori s'approcha, l'air prête à se tirer une balle, n'en pouvant plus de ce wagon surpeuplé et de ce Shane au crâne mal rasé.

C'est vrai, quoi. Ce n'était pas parce que sa coupe était moche que tout le monde devait en payer les frais.

« Crois-moi, t'as pas envie d't'arrêter au prochain arrêt pour te r'trouver au commissariat. D'ailleurs, t'as quel âge, 16 ans ? Elle est où ton autorisation parentale pour voyager, hein ? »

« Mais pas besoin monsieur, je suis sa mère ! »

Shane fixa le vide une seconde, cligna des yeux, vit enfin la petite Carol, si discrète qu'il l'avait oublié, et Sophia, les espionnant par-dessus son livre.

« Vous. Sa mère. » Ben voyons, et lui, il était Jésus. « Vous me prenez pour un con ? »

« Jamais ! » S'épouvanta Carol, dans un couinement étranglé. Daryl lui faisait les gros yeux, tentant par tous les moyens de disparaître dans son siège. « Daryl et Maggie sont mes enfants. J'ai l'habitude, avec eux. Mais ils vont être sages, n'est-ce pas mes chéris ? »

Les deux lui jetèrent un regard mortifié mais ne répondirent pas. Shane échangea une œillade avec Lori, qui hochait négativement de la tête, l'air de lui dire de laisser tomber.

« O.K. » Bougonna-t-il en passant la main sur son crâne. « Mais je vous entends encore une fois et je vous fourre chez les flics. »

Il s'en fichait, après tout. Si la Maggie était une fugueuse et Daryl un pauvre pequenaud, ce n'était pas son problème. Il était assez préoccupé par l'humiliation qu'il allait subir avec sa famille. Il retourna à son siège, suivi de Lori, qui sentait la discussion sérieuse arriver.

Parce que c'était toujours à elle de s'en occuper. Rick évitait la confrontation au point de passer pour un lâche, même aux yeux de Lori, même de lors leurs disputes effroyables. Mais comme elle aimait son mari, et qu'elle appréciait Shane, elle s'acquittait de cette tâche avec soin, parce que Shane le valait bien.

« Bon, explique-moi ce qu'il y a. »

« Pff ! » Et vas-y que je te repasse la main sur mon crâne et que je te regarde mal, comme si je détenais le secret de la création du monde... « Tu peux pas comprendre. » Ben voyons ! « Ma famille me déteste, et je déteste ma famille. » C'était d'un compliqué, mon Dieu… « Tout ce qu'ils veulent, c'est m'humilier. Je n'ai pas de copine, oh mais regardez la parfaite petite famille Grimes, comment notre bon vieux Shane peut-il autant la parasiter… »

Il continua ainsi quelques secondes de plus, sous l'œil affectueux de Lori. Elle avait l'habitude, l'amitié Grimes-Walsh n'était pas idyllique non plus. Elle le savait, Shane souffrait de sa solitude et du bonheur parfait de sa famille. Elle s'était énervée contre Rick lorsque celui-ci, enchanté et naïf, pensait bien faire en acceptant une telle invitation. Elle aimait son mari, mais parfois, il était con. Elle-même souffrait de la parfaite attitude de ce dernier, elle comprenait Shane.

« Tu sais quoi ? On va bien s'amuser, chez tes parents. »

« Ouais, ça c'est sûr. »

« Non… Ecoute-moi. » Elle se pencha un peu vers lui, l'idée brûlant dans ses yeux rieurs. « On n'a qu'à gâcher cette réunion de famille. »

« Et comment ? »

« Eh bien, il nous reste encore trois heures pour y réfléchir…mais tu sais, je suis une mère au foyer, qui n'a pas fait d'études pour s'occuper de son fils…Je n'ai qu'à accentuer ce rôle jusqu'à ses plus profonds préjugés. Faire l'ignorante et l'idiote, véritable citadine qui porte des talons à la campagne, qui n'a aucune culture générale… »

Elle se renfonça dans son siège, croisa les bras sur sa poitrine. Shane la considéra longuement, un peu moins fâché contre la Terre entière.

« Pourquoi tu ferais ça ? »

« Tu es aussi mon ami, Shane. Et puis, ce serait une bonne occasion de rigoler. Sans compter Carl, je suis déjà certaine qu'il enchaînera bêtise sur bêtise ! » Termina-t-elle en grimaçant, faisant ricaner son ami. « D'ailleurs ils en mettent du temps pour aller aux toilettes… »

« Laisse tomber, quand j'ai vu Carl partir comme une flèche, j'ai vite compris que ce qui l'intéressait, c'était se dégourdir les jambes en allant le plus loin possible. »

Mais Rick se présenta soudainement à eux, un peu essoufflé, et se plaignant de son fils hyperactif. Ils se mirent à rire franchement de son apparition au timing parfait, et il fronça les sourcils, lassé qu'on se foute encore de sa gueule, assurant qu'il l'avait vraiment disputé. Tu parles, Lori était prête à parier sa vie qu'il n'avait que suivi de loin leur garçon, sans oser l'arrêter. Il était beaucoup trop papa poule, son mari.

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« Bonjour messieurs-dames, voilà je me présente, je m'appelle Jésus, j'ai 26 ans, et je cherche quelque âme charitable pour me payer mon repas ce soir, ou un café… »

Daryl soupira. Mais c'était la saison des péquenauds allumés ou quoi ? Il regarda le jeune brun, Jésus, en se demandant ce qu'il foutait là, comment il avait pu passer les contrôleurs. Et pourquoi il était dans son wagon à lui. Entre PVUPF qui racontait quelque connerie à un gosse, Carol qui semblait attendre le moment propice pour se suicider, et un mec comme…Jésus, il était servi.

Mais en plus de tout ça, y'avait Sophia. Sophia. La gamine s'ennuyait terriblement au bout d'une heure, et elle avait décidé de jouer. Sauf que Carol, après quelques parties de bataille corse, s'était tournée vers le paysage, l'air soudainement très triste. Alors, très naturellement, l'enfant avait demandé à Maggie de participer, et au bout d'une longue minute, l'adolescente avait accepté. Dixon voyait bien l'effort que ça lui demandait.

Il aurait pu être tranquille. Il avait mangé des madeleines, Maggie avait même consenti à partager son paquet de chips, et il avait donné à la gamine son Mars. Il écoutait le nouvel album des Walkers, intitulé The Walking Dead, un groupe de hard qui cartonnait à l'échelle mondiale. Il somnolait, personne ne le faisait –trop- chier…

…sauf Maggie qui avait décidé de ne rien, mais strictement rien comprendre aux règles du jeu. Sérieux. Elle était foutrement conne, ce n'était pas possible. Même lui, sans les écouter et les yeux mi-clos, avait compris. Alors il avait ouvert plus grand ses paupières, sidéré par Maggie, qui ne faisait aucun effort pour apprendre. Carol fixait toujours l'horizon, perdue dans ses pensées.
C'était pourtant si simple, fallait juste taper sur la table lorsque la bonne carte sortait du jeu…

Sophia avait fini par remarquer son manège. Et, dans sa saloperie de naïveté de gosse, elle lui avait dit : tu joues ?

Il avait eu l'impression que le convoi entier s'était arrêté de respirer. Même PVUPF les fixait d'un air inquiet. Son expression était inédite, pour sûr. Et Carol espérait de ses grands yeux innocents qu'il participe au bonheur d'un instant de sa fille.

Foutue, s'était-il dit en hochant la tête et se préparant à jouer, ma réputation est foutue. Il espérait vraiment que Gareth était loin d'ici, à l'extrême avant du train, priant pour qu'il n'assiste jamais à la scène. Il jeta un dernier coup d'œil vers PVUPF qui parlait au gosse Grimes de sa montre, se demandant où étaient ses parents. C'est vrai, quoi. L'était pas net, ce vieux.

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Mais PVUPF avait un nom, oui oui. Il s'appelait Dale Horvath et il n'était pas fou, du tout. Ni même un peu dans la lune, c'était un homme extrêmement lucide qui avait une vie encore bien remplie. Daryl ne le savait pas, mais c'était un des producteurs des Walkers, qui aurait pu aisément lui filer des places de concert gratuitement s'il n'était pas autant animé par les préjugés. Et Dale s'était trouvé comme ami ce bon petit Carl, que ses parents surveillaient de loin avec le sourire aux lèvres. Il était gentil, ce papy, et puis il avait le mérite de faire tenir Carl assis. Les deux s'entendaient si bien que Carl prévoyait déjà de le revoir. Dale s'enthousiasmait avec lui, se rappelant les amitiés éphémères d'enfants. Jésus passa devant lui, et il lui donna un billet de cinq dollars, l'appelant mon brave. Jésus le remercia un bon millier de fois, se décidant enfin à passer à un autre wagon, mais fut arrêté à la porte par des contrôleurs, aussi surpris que lui.

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Dawn était quelqu'un de bien. Elle était intelligente. Perspicace, douée, alerte et surtout, in-tran-si-geante. C'était une qualité essentielle dans son métier, celui de contrôleur de train Amtrak. Elle dirigeait son équipe depuis deux ans, maintenant. Elle en était fière, bien que le jeune Noah et cet allumé d'Axel gâchait le tableau, mais bon, il lui restait toujours le grand et dissuasif Oscar ainsi que l'intelligent et froid Eugène. Et quand toute sa petite troupe rencontra le pauvre Jésus, ce fut comme une révélation. Lui, pas de billet ni d'argent en poche –ah si, cinq dollars-, pour sûr, c'était un déviant qui venait squatter les rails de la compagnie. Mais ça ne passera pas comme ça, alors sortez votre titre de transport, s'il-vous-plait monsieur. Jésus rougit et blanchit, donnant un bien étrange tableau, et ouvrit grand les yeux, ne sachant apparemment pas mentir. Dawn soupira, Eugène commençait déjà à énumérer droits et devoirs du voyageur, comme s'il était flic. Tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous, termina-t-il le visage impassible, tentant là une plaisanterie que personne ne décela sous son masque imperturbable. Jésus leva les mains en l'air, les posa sur sa tête et se tourna par réflexe, et Axel eut un rire étranglé. Mais, alors que Dawn s'approchait de lui, il se mit à sprinter droit devant lui, et était déjà passé à un autre wagon lorsqu'elle comprit ce qu'il venait de se produire.

Votre attention s'il-vous-plait, le train marquera son premier arrêt d'ici deux minutes, je répète le train marquera son premier arrêt à New-Orléans dans deux minutes. La pause sera effective dès l'entrée en gare et sera de quinze minutes. Et ceux qui ne sont pas contents d'un arrêt aussi long n'auront qu'à ronger leur frein.

« Enfoiré de fils de pute. » Grommela Daryl en jetant un regard meurtrier aux haut-parleurs. « Il croit qu'il a tout son temps, lui ? Il ose faire de l'humour en plus ? » Les contrôleurs passèrent en trombe dans leur compartiment, et il ricana. « C'est ça, bande de cons, courrez après un mec qui s'appelle Jésus et qui de toute façon payera jamais c't'amende… »

« Cigarette. Je veux une cigarette. » Gémissait Maggie en ignorant les autres.

« Qui sait, il f'ra p'têt un miracle, hein. » Répondit Daryl. « Genre changer son amende en bon d'réduction, j'sais pas. »

« Donne-moi une cigarette. »

« Tu n'as pas vraiment l'air d'avoir l'âge de fumer, Maggie… »

Maggie répondit par un grognement, et Carol coula un regard doux sur sa personne. Daryl était vraiment loin des préjugés qu'elle avait eu sur lui, et le comprenait depuis qu'il jouait avec sa fille, dévoilant une certaine tendresse qu'elle n'aurait jamais pensé de lui. Une heure qu'elle le connaissait, mais elle avait l'impression qu'un millier d'années étaient passées. Il avait échangé sa place avec Maggie, et celle-ci dorénavant en face d'elle discutait de tout et rien sans cet éclat rebelle dans ses prunelles. Sophia riait beaucoup des blagues de Daryl, qui lui-même souriait aux piques de Maggie. Décidément, malgré la terreur, elle appréciait de plus en plus le voyage.

« Ni même l'âge de voyager… » Railla Daryl sans les regarder. « Raaaah mais t'es une sournoise ! » S'écria-t-il en perdant la manche suivante.

« Arrête de parler et concentre-toi ! » Ordonna Sophia, s'amusant comme une folle.

« Ouais ben arrête de tricher hein, crois pas que j'te vois pas, hein… »

Carol se détourna d'eux pour revenir à Maggie, sa voix douce caressant la jeune fille.

« Que t'est-il arrivé, ma chérie ? »

« Rien, c'est juste que… » Gênée, l'adolescente se tortilla, fixant le train entrer en gare. « Il fallait que je parte. »

« Pourquoi ? »

« Bah…j'en avais marre ? »

« De quoi ? »

Soupir, regard de travers, et Daryl qui se croyait discret à tendre son oreille ainsi…

« Du silence. J'en pouvais plus, de ce silence. Des prières à l'Eglise, de la douceur naïve de ma famille… C'est tellement ennuyant, la vie de fermier ! Et moi, je voulais évoluer. Découvrir le Sud, voir la mer, grandir. Ma famille…ils ne sont pas comme moi. On peut plus vivre ensemble. Il fallait absolument que je quitte cette vie. »

« Ouais, bah c'est que t'es stupide. J'aurais b'coup aimé vivre dans l'silence, moi. »

Elles se tournèrent vers Daryl, qui continuait de jouer tout en leur parlant.

« Pourquoi, tu fuis quoi, toi ? »

« Qui te dit qu'je fuis ? »

Défense bien vaine face aux expressions pince-sans-rire des trois personnes face à lui. Il renifla, bougea un peu ses jambes, chuchota quelque chose d'incompréhensible.

« C'juste que moi, j'vis dans l'bruit en permanence. C'pas vraiment calme, chez moi, et c'est…usant. »

Silence, arrêt du train. Déjà, la silhouette débraillée de Jésus passait en trombe devant la vitre, sur le quai, vite suivi par l'armée de contrôleurs hurlant au voleur. Les gens se levèrent, certains emportèrent toutes leurs affaires.

« On n'a qu'à s'inscrire à l'émission On a échangé nos parents, histoire de voir comment c'est chez l'autre. » Railla Maggie, faisant sourire Carol.

« J'ai pas d'parents. »

Ah. Bon, Maggie en était sûre maintenant, elle savait parfaitement mettre les pieds dans le plat.

« J'ai qu'un frère. » Continua le jeune homme, les yeux dans le vague. Elles s'étaient toutes les trois figées, sentant qu'il se dévoilait beaucoup avec quelques phrases. « Et demain, il va en taule. Et moi, j'peux plus vivre chez moi. J'ai d'la famille, à L.A. Ils pensent faire quequ'chose d'bien en m'accueillant, du coup j'pense pioncer chez eux l'temps d'trouver un truc à faire et m'payer ma piaule. »

Un truc à faire, c'était dealer, ou voler, ou revendre, ou n'importe quoi d'illégal qui lui assurerait une vie un minimum décente. L'illégalité, c'est toujours mieux payé qu'un job de diplômés, disait Merle. Ne voulant plus être le centre d'attention, et n'ayant plus personne pour gêner le passage, il se leva, dégagea brusquement son blouson de cuir du siège de Maggie, lui grognant qu'il consentirait p'têt à lui filer une clope si elle bougeait son cul sans mot dire. Carol assura qu'elle gardera leurs affaires, et ils sortirent en vitesse, se disputant pour des broutilles.

« Maman, est-ce que papa va venir nous rejoindre ? »

« Oh, Sophia. » Elle serra sa fille dans ses bras, pour oublier le froid qui serrait son cœur. « On fera tout pour qu'il ne nous retrouve jamais. »

« Mais il va être très fâché… »

« Et c'est pour ça qu'on ne reviendra pas. »

« Dites, madame, il est passé où, mon copain ? » Elle leva les yeux vers Gareth, accompagné d'un jeune Noir qui lui souriait gentiment.

« Oh, il est parti fumer une cigarette. »

« Ah…Ecoutez, vous pourriez lui dire que moi, je m'arrête là ? Bob va m'héberger quelques jours, je viens de le rencontrer. Que Daryl s'inquiète pas, j'ai toujours son numéro, je l'appellerai d'ici quelques temps ! »

Gareth était ainsi. Il n'avait pas de foyer parce que le monde lui suffisait amplement comme toit. Il voyage d'Etat en Etat au gré de sa carte bancaire, toujours cachée sur lui. C'était un véritable aventurier des temps modernes.

Carol accepta, se doutant bien que Daryl n'en avait certainement rien à faire, et Gareth sortit, bras dessus bras dessous avec son ami de l'instant, Bob.

.


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« Putain, j'ai cru qu'on n'y arriverait jamais ! »

« On n'est pas encore au terminus. »

« Achève-moi, Tara. » Rosita était affalée sur l'une des seules tables du wagon-bar, alors que Glenn réapprovisionnait leurs stocks. « J'ai plus la force, je te jure. En plus j'ai un bleu à l'épaule à cause d'un crétin qui m'a poussé sans s'excuser. Putain, on devrait arrêter les gens comme lui et les coucher sur les rails en attendant l'prochain train. »

« Au fait Rosy, t'as vu Jésus ? »

Rosita haussa un sourcil, l'air de se demander quelle sorte de blague était en train de lui faire Tara.

« Mais tu sais, ce mec qui fait tous les wagons en mendiant… »

« On a un mendiant dans le train qui s'appelle Jésus. D'accord, très bien. Maintenant ma journée est complète. »

Glenn tapota son épaule avec compassion, et elle se mit à gémir, les bras ballants et la joue collée contre la table.

« Au moins, t'es pas plantée derrière ce stupide comptoir à servir des gens avec pour seule envie d'enfoncer des canettes dans leur c... »

« Ah parce que tu veux ramasser leurs cochonneries, toi ? D'ailleurs vous ne pourriez pas arrêter de leur vendre de la bouffe ? C'est à cause de vous que j'ai tant de travail ! »

« Les gens peuvent être odieux, mais il faut savoir être plus intelligents qu'eux. »

Gabriel Stokes se tenait face à eux avec un sourire bienveillant, sa Bible dans la main. Rosita grogna, car elle devait décoller sa peau de la table pour le voir, et Glenn lui offrit un salut curieux.

« Bonjour à vous, les jeunes. Je suis venu vous acheter une bouteille d'eau. Mais si ce n'est pas le bon moment… »

« Non, ça ne nous embête pas ! » L'Asiatique ignora le regard de Tara signifiant que si, c'était le mauvais moment, surtout qu'ils étaient en pause, et il lui donna la première bouteille à portée de main. « Tenez, c'est gratuit. »

« Oh, non ! Je veux payer comme les autres ! » Et sur cette bonne parole, il planta son billet dans la paume du vendeur, fier de lui. « Et gardez la monnaie ! » Aaah, il était quelqu'un de bien, Gabriel. Il se le disait souvent à lui-même.

Rosita le tchipa silencieusement, fronça le nez lorsqu'il passa devant elle.

« Et gardez la monnaie ! » Le singea-t-elle en levant les yeux au ciel. « Tous les mêmes, je vous jure ! »

Tara comme Glenn se gardèrent de lui dire qu'il avait été le seul un tant soit peu poli et généreux, voyant bien que la jeune femme avait besoin de soutien. Tara lui apporta un café et Glenn s'empara d'une boite de gâteaux avant de venir s'attabler avec elle. Plus que cinq minutes de pause…

« Sinon, elle te plaît, Maggie ? »

Rosita ouvre grand les yeux, soudainement très lucide, mais c'est qui, Maggie, oubliant que la voyageuse n'était là que pour un aller simple, mais ils s'ennuyaient dans ce train, ils s'oubliaient en se faisant des films.

Bien sûr que oui, Maggie lui plaisait. Mais Glenn n'était pas naïf, il sait qu'il ne la connaîtra jamais vraiment, qu'il n'y aura plus un regard ni une parole, qu'une fois son sandwich avalé, il sera oublié. Mais c'était stimulant, d'espérer.

« Moi c'est le Gouverneur qui m'excite. » Lâcha Rosita en faisant éclater de rire ses compagnons, et elle ne put s'empêcher d'en rajouter. « Ses immenses cernes, son regard froid et mort comme celui d'un poisson, son odeur dégueulasse de tabac….Grrr. »

Elle les accompagna dans leur hilarité soudaine, imitant un tigre qui promenait ses doigts sur Tara.

« Non mais vous vous croyez où, là ? À la foire aux cons ? »

Ils eurent un petit cri de terreur, attirant l'hilarité du nouvel arrivant.

« Morgan Jones ! » S'indigna Rosita en portant la main sur son cœur. « Comment oses-tu ? »

« Comment ? Je te rappelle que je suis ton patron. Et que si tu veux un job pour l'été prochain, t'as intérêt à retourner bosser fissa. »

Morgan sortit de l'ombre, le regard terrible, et ses trois employés le regardèrent avec peur. Mais il finit par sourire, j'plaisante voyons, et ils soupirèrent de soulagement, t'es bête, hein.

Voilà. Morgan. C'était pour ça que Glenn revenait à chaque vacance avec joie, malgré son boulot de merde. Parce que Morgan inspirait une telle confiance en soi et autrui que quelques minutes passées avec lui valait bien deux heures de son calvaire.

Il se joignit à leur table, tirant sa chaise avec ces manières précieuses, comme si tout avait une valeur, à ses yeux. C'était peut-être parce qu'il faisait de l'aïkido qu'il avait un tel état d'esprit - en tous cas, Glenn l'adorait. Morgan voyait la richesse et le sacré en lui. Il lui donnait l'impression d'être un être humain, pas une ombre peinant à joindre les deux bouts.

« Allez, les enfants. » Sa voix douce transporta les trois employés, qui se levèrent et débarrassèrent le tout en souriant. « Il est temps d'y retourner, maintenant. » Un peu de baume au cœur et de paix, voilà ce qu'apportait Jones.

Glenn serra sa main en lui demandant de l'attendre au terminus, qu'il avait encore un tas de choses à lui raconter. Morgan sourit, Morgan rit, Morgan promit un verre à chacun s'ils survivaient à ce voyage.

Ah ! S'il avait su, ce pauvre Jones n'aurait pas payé que le verre, mais bien le baril de bière. Ils vont le mériter, après tout. Mais ça, il ne pouvait pas le savoir.