Bill Weasley était un jeune homme roux, élégant, l'œil bienveillant et un constant sourire aux lèvres. Il était l'aînée de sa nombreuse fratrie, qui comportait six garçons et une fille. Ce jour-là, la famille Weasley au grand complet s'était engouffrée dans trois taxis pour atteindre, en ce premier septembre d'une certaine année, la gare de King Cross, chargée en outre de trois grosses valises et d'une cage avec un hibou blanc à l'intérieur. C'est Bill, fort de ses études de Moldus, qui avait réglé la note et fait traverser à toute sa famille les rues de Londres de manière à ne pas attirer l'attention.
Car il faut vous le dire : la famille des Weasley n'était pas une famille comme les autres. Tous étaient des sorciers, ou du moins des sorciers en devenir, puisque la petite dernière n'avait pas encore cinq ans et donc n'avait pas encore développé de pouvoir magique. Les Moldus, par opposition, définissaient tous ceux qui n'étaient pas sorciers.
Voie 9 ¾, le quai était bondé d'élèves et de famille qui se faisaient leurs derniers adieux et leurs dernières recommandations, avant que ne parte l'Express en direction de la prestigieuse école de sorcellerie, Poudlard.
C'était la sixième rentrée de Bill ; derrière lui suivait son frère Charlie, de deux ans son cadet ; encore derrière se trouvait un jeune garçon un peu pâle, d'une dizaine d'année environ, qui s'apprêtait à faire à Poudlard sa première entrée. Il faut également préciser que tous les Wesaley héritaient d'un patrimoine génétique qui leur donnait à tous une chevelure d'un roux flamboyant, si bien qu'on les aurait pris de loin pour neuf torches qui se suivaient à la queuleuleu. Non loin des trois futurs écoliers marchaient à leur suite les autres membres de la famille : leur mère, Molly, petite femme replète mais d'un caractère bien trempé ; leur père, Arthur, qui travaillait au ministère de la Magie ; leur petite sœur Ginny, qui les admirait avec de grands yeux bruns ; et leurs trois autres petits frères, Fred et George, jumeaux de huit ans à l'air facétieux, puis Ron, un garçon grand pour ses six ans et qui n'avait à lui que son corps ; ses chaussures, il les avait héritées de Charlie, ses habits lui venaient de Fred – à moins que ce ne fût George – et son manteau de Bill. Etre le dernier garçon d'une longue ribambelle n'est jamais un avantage.
Après d'ultimes adieux repris par neuf voix en chœurs, les trois aînés montèrent dans le train, encombrés de leurs valises et de leur hibou qui se signalait par quelques cris intempestifs. La voix aiguë de Mrs Weasley leur adressait ses derniers conseils, qui fut perdue dans le hurlement du train au départ. Six paires de mains s'agitaient parmi de nombreuses autres lorsque la machine s'ébranla ; puis quelques trois-cents jeunes sorciers furent acheminés en direction de Poudlard.
Quelques instants plus tard Bill se dirigea, bagages en main, vers le compartiment des préfets, qui se trouvait à l'avant du train. Il avait reçu au cours de l'été de l'année précédente la nouvelle de son élévation au titre de Préfet, ce dont il était très fier ; cela lui donnait certaines prérogatives, par exemple un déambulation quasi incontrôlée dans l'enceinte de Poudlard, ce dont il comptait bien profiter…
En passant dans d'autres wagons il remarqua son frère Charlie, déjà installé dans un compartiment avec ses amis ; lorsque celui-ci vit son aîné passer, il entrebâilla la porte et lui demanda par l'ouverture, l'air embarrassé :
- Bill, j'ai perdu Ginny…
Bill soupira, l'air agacé. Il ne s'agissait pas de leur petite sœur, mais d'une souris blanche que Charlie avait voulu emporter à l'école sans en rien dire à ses parents. Mais la boîte dans sa valise s'était ouverte et la souris en avait profité pour s'évader.
- Si jamais tu la revois…
- Je te le signalerai, oui ! promit-il. Mais tu devrais faire plus attention avec les animaux…
Lorsque l'été dernier leur père les avait emmenés pour la première fois à Gringotts, la banque des sorciers, ç'avait été pour tous deux une révélation. Bill avait été séduit par l'atmosphère studieuse qui régnait entre ces couloirs parcourus de Gobelins de toutes les taille, et avait émis le vœu d'y travailler plus tard. Ses études d'arithmancie le lui permettaient aisément, de même que ses excellents résultats aux examens. Quant à Charlie, la visite l'avaient plutôt ennuyé jusqu'à ce qu'au détour d'un virage lors du trajet en chariot pour aller vers les coffres, il ait aperçu quelques secondes un dragon noir utilisé pour alimenter une forge et garder l'accès aux lieux. Il s'était alors mis en tête d'étudier plus tard les dragons, et s'était dévoué aux soins à toute espèce animale magique. Le professeur Brûlopot, qui enseignait à Poudlard le soin aux Créatures Magiques, s'était l'année dernière montré très satisfait de lui. Charlie avait voulu tout de suite commencer un élevage de dragons, mais Bill lui avait objecté avec le sourire qu'un dragon serait trop grand pour sa valise, alors Charlie avait jeté son dévolu sur des animaux plus petits – mais lorsque Mr Brûlopot n'était pas là pour lui imposer des limites, Charlie faisait n'importe quoi. La preuve, Ginny qui s'était évadée. Elle devait préférer le confort du train à celui de sa valise, entre les paires de chaussettes et les chaudrons.
Tout en progressant vers l'avant, Bill rencontra, carré dans un coin avec d'autres première-année, son autre frère, Perceval, qui avait eu onze ans une semaine plus tôt.
Perceval, qui préférait être appelé Percy, admirait, l'œil scintillant, l'enseigne de Préfet épinglée sur la veste de Bill. Il le regardait venir, jeune, rayonnant, le sourire fleurissant, plein de son pouvoir et de sa renommée. Leur père, Arthur Weasley, avait un poste au ministère, ce qui en soi était plutôt une réussite, mais la vision d'un père fatigué, sous-payé, à qui il restait peu de temps après l'ouvrage pour voir grandir ses enfants, avait convaincu Percy que la vraie réussite était celle qui faisait du bruit, et surtout celle qui s'accrochait, coûte que coûte, au pouvoir en place. Perceval s'était formé, comme ambition à court terme, l'objectif d'atteindre le grade de préfet, puis de devenir préfet en chef ; un seul moyen pour cela, se détacher de la masse et obtenir la grâce des supérieurs immédiats (en l'occurrence les professeurs) pour peu à peu, se faire sa place dans l'avenir – quitte même un jour à ne devenir que l'obscure secrétaire d'une personnalité, mais une personnalité tout de même.
Bill atteignit enfin le compartiment des préfets. Il y retrouva quelques camarades, chacun paré des couleurs de la maison de Poudlard à laquelle ils appartenaient : il y avait deux Poufsouffle, deux Sedaigle, deux Serpentard, et avec Bill, deux Gryffondor. Chacun se salua avec plus ou moins de chaleur. Le préfet de Poufsouffle, Peter Abbott, était un ami de longue date. En revanche, les retrouvailles avec Cyril Flint, préfet de Serpentard, se déroulèrent de façon beaucoup moins cordiales.
- Alors, Weasley ? ricana-t-il, l'air mauvais. Avec combien de Moldus as-tu traîné cet été ?
Comme hélas nombre de Serpentard, Flint s'estimait supérieur aux autres parce qu'il avait du sang de sorcier qui coulait dans ses veines. Les quelques sorciers issus de familles Moldues s'attiraient de sa part un mépris non dissimulé.
Je suppose, reprenait-il, que vous n'avez pas eu l'argent nécessaire pour partir cet été et vous éloigner du commun…
- Flint, je crois que tu ferais bien de ne rien ajouter, repartit Bill froidement, qui ne désirait pas d'affrontement. Cette longue lutte chaque fois recommencée l'agaçait profondément.
- Hé, Bill ! s'exclama Mary Lewis, qui était devenue préfète de la maison Poufsouffle, ce que Bill remarqua avec le plus grand plaisir. J'ai entendu dire que tu avais eu 12 BUSES à ton examen ?
A la fin de leur cinquième année, les sorciers passaient un examen plus important que les autres, et selon leur évaluation pour les matières passées, les élèves recevaient des BUSES qui étaient donc l'indice d'un plus ou moins grand succès. L'on pouvait passer au maximum douze matières, et obtenir tous les BUSES était donc quelque chose de très grand prestigieux. Les matières en question étaient : Défense contre les Forces du Mal, Potions, Métamorphoses, Soins au Créatures Magiques, Arithmancie, Histoire de la Magie, Sortilèges, Divination, Botanique, Astronomie, Runes anciennes et Etudes de Moldus.
Bill acquiesça à la question de Mary, et tous autour de lui eurent un halètement d'admiration, sauf les deux préfets de Serpentard qui se contentèrent de hausser les épaules avec envie.
Soudain la partenaire de Cyril Flint poussa un long cri et se dressa tout droit, gigotant dans tous les sens pour attraper quelque chose qui semblait danser la salsa dans le col de sa robe de sorcière. Les autres préfets la regardaient avec de grands yeux ronds ; Bill se leva, retenant à grand-peine un sourire naissant sur son visage, et força la jeune préfète à s'immobiliser ; immisçant sa main dans son dos, il la retira quelques instants plus tard qui tenait suspendue entre deux doigts une bestiole blanche qui se démenait comme un beau diable pour s'échapper.
Cette fois Bill ne put retenir un franc rire devant le visage effaré de la jeune fille.
- Charlie ! hurla-t-il à travers la porte du compartiment. Charlie ! Viens ici ! j'ai retrouvé Ginny !!!
L'année commençait bien.
