Cette nouvelle fait techniquement partie des « Rumeurs stellaires » et donc de mon univers original d' « Au-delà des étoiles ». Néanmoins, comme elle se passe des éons avant même la guerre contre les Anciens, elle peut fonctionner seule, c'est pourquoi je la publie ainsi.

Elle se passe 50'000 ans avant notre ère, durant la préhistoire wraith, sur leur monde d'origine.


Sabur venait de fêter son vingtième printemps et les anciens de la tribu l'avaient autorisé à participer à sa première chasse.

Depuis deux été déjà, il était devenu un mange-vie, mais sa mère ne l'avait jugé assez mature pour être présenté au conseil que cette année. Il avait donc comparu devant les cinq anciens, tous âgés de plus d'un millénaire, et qui, après l'avoir observé sous toutes les coutures et lui avoir posé de nombreuses questions, l'avaient autorisé à participer aux chasses en tant que rabatteur.

C'était donc avec une immense fierté qu'il s'était joint ce matin-là aux chasseurs, laissant sa sœur aînée, une des douze chamanes du village peindre sur son corps les marques sacrées destinées à le rendre aussi silencieux que le fauve et aussi mortel que l'iratus, puis armé d'une paire de bolas (1) et de sa dague en obsidienne, il avait suivit Kalek, le traqueur qui avait repéré la tribu humaine qu'ils allaient chasser. Les traqueurs étaient toujours un peu craints. Tard le soir, lorsque, autour des feux, on murmurait des histoires d'esprits et de monstres, toujours revenaient ces récits où un traqueur invoquait des puissances obscures pour devenir plus silencieux que le vent et plus rapide que l'éclair. Ils étaient tous des prédateurs, conçus pour chasser et tuer, mais les traqueurs étaient différents. Ils aimaient être isolés, loin de la colonie et des leurs. Ils aimaient être seuls dans leurs esprits, goûtant le silence et la solitude. Ils étaient sauvages et étranges. Si sauvages et si étranges que Sabur portait volontiers foi à ces contes qui les disaient possédés ou ayant pactisé avec quelque entité animale.

Pour l'heure Kalek les menaient aux humains, ombre parmi les ombres, ses pieds nus ne laissant presque aucune trace dans le sol meuble de la forêt. Le traqueur ne portait qu'un simple pagne de chasse, usé par les années, tanné par le soleil et tâché de l'humus des bois et du sang de ses proies.

Sur son torse aux muscles fins, un complexe tatouage noir, surmonté de marques sacrées à la terre d'ocre, brisait la monotonie de sa chair, brouillant ses contours. Traversant sa cloison nasale, Kalek portait fièrement une phalange, trophée pris sur le cadavre encore chaud d'une reine chamane d'une tribu ennemie, tandis qu'à ses oreilles pendaient deux anneaux d'os rehaussés de dents translucides.

Sabur, relégué en queue de convoi en compagnie des autres jeunes, se surprit à rêver du jour où lui aussi arborerait ainsi des tatouages et des trophées arrachés aux corps de ses ennemis.

Oui, un jour, il serait un grand guerrier et, comme Kalek ou Maless, il porterait les dents de ses ennemis en bijoux, et alors une reine reproductrice le choisirait, et il aurait l'honneur de lui offrir une descendance.

« Hey, Sabur, arrête de rêver. Tu es déjà tellement maigre que le conseil devrait t'offrir un tatouage de bravoure si tu survis à cette chasse ! » ricana Iop, son cousin, de douze ans son aîné, qui avait lu dans son esprit qu'il avait négligé de correctement fermer.

« Je ne suis peut-être pas aussi massif que toi, mais au moins, je sais différencier ma gauche de ma droite, crétin. » persifla-t-il.

« Je sais très bien où est ma gauche ! » cracha l'autre, désignant un point sur sa droite, ce qui lui valut quelques ricanements de la part d'autres juvéniles.

« Fermez-la, les larves ! » feula un guerrier, tandis que le traqueur leur faisait signe de se disperser à l'orée du bois.

Sabur sentit l'odeur du feu, avant de voir le petit groupe de constructions de bois et de peau.

Ils avaient trouvé le campement des humains.

« Les larves, vous allez les contourner et sortir du bois de l'autre côté. Faites du bruit et arrangez-vous pour qu'ils viennent par ici. » ordonna Kalek, indiquant d'un geste de la main la route qu'ils devaient suivre.

Sans un mot, Sabur longea le village à l'abri de la sylve en compagnie des six autres juvéniles puis, lorsqu'ils furent arrivés à destination, il attendit avec impatience l'ordre mental du traqueur.

Lorsque celui-ci vint enfin, il se jeta hors de sa cachette, rugissant de la joie sauvage de la chasse, galvanisé par les cris de ses frères et sœurs, alors qu'il bondissait entre les tentes, provoquant une débandade paniquée des humains.

Avisant une femme qui était restée en arrière, afin de prendre son petit dans ses bras, il fit tournoyer ses bolas et les lança, la fauchant alors qu'elle commençait à courir. La femme hurla, alors que l'enfant lui échappait des bras, puis alors qu'il s'approchait, la faim lui déchirant les entrailles, il fut interrompu par une main ferme sur son épaule.

Maless, son oncle et l'un des meilleurs guerriers de la tribu, le retint.

« On ne tue pas les femelles gravides ou avec des tout-petits. Sinon le cheptel ne peut se renouveler. »

« Mais j'ai faim ! »

« Capture un mâle ou une vieille femelle alors. » siffla son aîné, le poussant sans ménagement.

Vaincu, Sabur repartit en quête d'une proie, qu'il trouva sous la forme d'un vieillard caché dans une yourte.

L'homme tenta de se défendre, le frappant de sa canne, mais il n'eut aucune peine à écarter ses maigres assauts avant de se nourrir de sa force vitale.

Lorsqu'il ressortit, la plupart des humains avaient été capturés, tantôt aux bolas, tantôt au filet, et les chasseurs étaient déjà en train de faire le tri parmi leurs prises.

Tous les enfants, les six femelles portantes, une vingtaines d'autres en âge de se reproduire et les quinze mâles les plus forts de la horde furent relâchés, tandis qu'ils emportaient trente-et-une proies.

De quoi nourrir toute la tribu. Chaque humain fut solidement entravé, puis chaque chasseur en prit un ou - s'il en avait la force - deux, et ils repartirent après avoir remercié les Esprits, d'une prière et d'un peu de leur sang, pour leur avoir offert une chasse si fructueuse.

Un adolescent plus maigre encore que lui sur l'épaule, Sabur se sentait heureux. Il avait chassé pour la première fois de sa vie et ramenait une proie à son clan.

Falys, une des deux femelles juvéniles à avoir fait partie de la chasse, s'approcha de lui.

« Je t'ai vu capturer cette femelle avec tes bolas. Tu es habile. » le félicita-t-elle.

« Mais c'était stupide, puisque qu'elle ne faisait pas partie des proies exploitables. » marmonna-t-il, vexé.

« Je suis sûre que la prochaine fois, tu viseras une proie utilisable. » lui répondit-elle avec un sourire encourageant.

« Merci. Il est bien aussi, ton humain. » dit-il, désignant de la tête l'homme, plus grand qu'elle, qu'elle portait sans flancher.

« Oh, c'est pas moi qui l'ai eu celui-là, c'est Kalek... En fait, je n'ai eu personne... » avoua-t-elle en baissant le nez.

Il chercha quoi dire pour la consoler.

« Tu sais lire les augures de la Déesse dans le sang, et tu sais faire pousser les graines qui nourrissent les petits comme personne. Tu es déjà plus utile que moi... » murmura-t-il finalement.

« Je suis sûre que tu seras très utile à la tribu, Sabur. »

« C'est pas ce que pense Iop... » siffla-t-il aigrement, tentant de rajuster sa proie qui pesait sur son épaule.

« Iop est un crétin avec beaucoup de muscle, qui se croit meilleur que tout le monde parce qu'il est plus âgé. En attendant, à la prochaine grande lune, ce sera pour lui la treizième cérémonie du Choix. De mémoire d'ancien, aucun mâle n'est resté si longtemps sans être choisi ni comme compagnon ni comme reproducteur, alors par pitié, ne te soucie pas son avis. »

La cérémonie du Choix. Il savait que, dans les semaines à venir, le conseil surveillerait le moindre de ses mouvements et qu'ensuite, s'ils l'en jugeaient digne cette année, il aurait le droit de combattre les autres mâles sous le regard impassible de la Déesse. Des combats rituels, où le sang coulerait à flots et dont, s'il se montrait valeureux et sans peur, il serait récompensé en étant choisi par une des femelles de la tribu pour s'accoupler avec elle, ou si elle le voulait, devenir son compagnon.

Qu'il soit choisi ou non, après son premier combat, il serait officiellement un membre à part entière de la tribu, et s'il était choisi, il deviendrait un reproducteur et aurait l'honneur et le bonheur de transmettre son sang ou même, s'il était élu au rang de compagnon, d'élever les petits de la reine qui l'aurait choisie en compagnie de ses autres mâles.

Soudain perplexe, il se tourna vers la jeune femelle qui marchait toujours à côté de lui.

« Falys, tu participes cette année ? » demanda-t-il.

«J'espère. Je dois d'abord passer l'épreuve de la Lune noire. Mais pourquoi tu me demandes ça, tu voudrais que je te choisisse ? »

Sabur verdit. Falys était aussi jeune que lui, et n'avait encore aucun statut dans la tribu, contrairement à certaines de ses sœurs ou de ses tantes, qui le prendraient sans doute par sympathie pour sa mère, Osalyite, la reine chamane aux yeux de l'Esprit, mais elle démontrait déjà des talents certains qui, à n'en pas douter, se développeraient au cours des siècles, et elle était d'une beauté rare. Grande, forte mais aux traits doux et aussi délicats que les pétales des fleurs à l'aube. Elle avait des yeux sublimes, grands et expressifs, dont les éclats orange et bruns révélaient l'origine de son père, Ikal de Pallam, un des mâles originaires d'une tribu alliée et offert à la tribu d'Asuma en gage de paix, tandis que ses longs cheveux d'un gris lunaire clamaient son appartenance au clan Asuma et sa descendance directe de la grande chamane Jukun'shi.

Non, s'il avait son mot à dire, Falys ne serait définitivement pas son dernier choix pour une femelle.

« Ce serait qui ? » demanda-t-elle, curieuse.

« Qui quoi ? »
« Ce serait qui, ton dernier choix ? » expliqua-t-elle avec un sourire.

Sabur se cacha de son mieux derrière son fardeau, mort de honte de n'avoir pas su garder ses pensées pour lui.

« Alors, ce serait qui ? » insista-t-elle.

« Zuntal, et les soeurs Nasser.» maugréa-t-il finalement.

«Je comprends pour les soeurs Nasser, mais pourquoi pas Zuntal ? Ta sœur est une des meilleures chasseresses de la tribu et elle sait tisser l'Esprit comme peu. »

« Peut-être, mais elle est méchante et vicieuse, et une de ses distractions favorites, c'est de maltraiter ses mâles... Quand elle s'ennuie, elle aime bien s'approcher d'eux en silence pour les mordre ou les frapper. La semaine dernière, elle a fait ça à Jaakat alors qu'il s'occupait de leur dernière portée.

Ils n'ont que quelques semaines et sont encore très fragiles, et elle lui a mordu l'épaule jusqu'à l'os. Jaakat aurait pu les lâcher... Mère était furieuse et elle a jeté ma sœur hors du nid en hurlant.» murmura-t-il, surveillant d'un œil que ladite sœur soit toujours en tête du convoi, trop loin pour l'entendre.

« Oui, je m'en souviens. On se demandait tous ce qui s'était encore passé. »

« Ben, maintenant tu sais. »

« Osalyite a eu raison d'agir. C'est irresponsable de la part de Zuntal de se comporter ainsi. »

« Elle a déjà trois siècles et se comporte toujours comme ça. Je doute qu'elle change. »

« Ta mère est très respectée, et le conseil l'écoute. Si elle juge que sa fille ne mérite plus son rang de femelle reproductrice, ils le lui retireront. »

«Ça ne changera rien... A part qu'elle ne pourra pas prendre de nouveau mâle. » nota-t-il.

« Au contraire, ça changera tout. Elle n'aura plus aucun droit, ni sur ses mâles ni sur sa progéniture et les autres femelles pourront les prendre, si elles le désirent. »

« Mais les petits. Ils sont nés dans le nid et nous sommes leur famille ! Ils seront perdus dans d'autres nids ! »

Un toussotement attira son attention, et Sabur se figea, mortifié. Trop occupé à s'assurer que Zuntal ne risquait pas de l'entendre, il avait complètement négligé de surveiller Trak, un de ses premiers fils. Le mâle de presque deux siècles, déjà par trois fois reproducteur mais encore jamais choisi comme compagnon, vivait toujours au côté de sa mère dans le même nid que Sabur.

« Mon oncle, j'apprécie tes inquiétudes pour mes sœurs et mes frères, mais je doute que nous quittions le nid d'Osalyite pour autre chose que pour aller fonder nos propres nids. Si ma mère est ainsi reniée, je ne doute pas que vos trois autres sœurs, qui sont bien plus... tempérées, prendront mes pères et leur descendance sous leur protection. »

« C'est vrai que ce serait tout à fait leur genre.» soupira-t-il, soulagé que le chasseur ne semble pas lui en vouloir pour ses propos quelque peu insultants sur Zuntal.

« Sabur... Très belle première chasse. J'espère que le conseil te jugera digne de la cérémonie du Choix. Je serais heureux de t'affronter... » gronda Trak avec un rictus cruel avant d'accélérer pour rejoindre les autres chasseurs qui les précédaient.

« ...Et de me laminer. » maugréa Sabur, certain que son neveu - qui le dominait de plus d'une tête - allait le massacrer.

« Physiquement, tu n'as aucune chance, c'est certain. » siffla Falys, lui jetant un regard critique.

L'humain sur son épaule lui sembla soudain bien lourd et il chancela un peu.

« Hey, Sabur. Ce que je veux dire, c'est que tu n'es pas et ne seras jamais le plus fort de la tribu. Mais ça ne veut pas dire que tu es faible. Tu es malin et habile. N'essaies pas de battre des Iop et autres Trak sur leur terrain, tu n'y arriverais pas. »

« Falys... C'est des combats à mains nues... Je n'aurais pas de bolas à lancer... »

« Non, mais tu n'es pas obligé de te taire, ni de ne pas utiliser ta tête. » répondit la femelle, avant d'accélérer, comme si son fardeau ne pesait rien, le laissant perplexe et morose en queue de procession.


Les saisons s'étaient succédées, et alors que l'hiver laissait la place au printemps, il avait finalement reçu la bénédiction du conseil.

Sabur ne pouvait s'empêcher de penser que les anciens l'avaient sans doute autorisé à participer afin de consoler sa mère, qui ne décolérait pas depuis que Zuntal, après qu'un de ses mâles poussé à bout par ses méchancetés, l'ait frappé, avait tué un de ses propres fils en jetant le nourrisson à la tête du père furieux. Ils étaient des chasseurs et des guerriers, mais tuer un petit sans défense, et en particulier son propre enfant, faisait partie des crimes impardonnables. Sa sœur avait été rasée et son crime avait été tatoué entre ses omoplates, là où elle ne pourrait pas se l'arracher, afin que tous sachent ce qu'elle avait fait, puis elle avait été bannie à tout jamais de la tribu.

Comme l'avait prédit Trak, aucun de ses mâles et aucun de ses enfants ne quitta le nid, ses trois sœurs les ayant tous pris sous leur protection, leur faisant une place dans leur vie et dans leur cœur comme s'ils avaient toujours été les leurs.

Même s'il serait heureux de rester dans son nid natal, comme compagnon et reproducteur de ses soeurs, chaque nuit il priait la Déesse afin qu'elle lui permette de s'illustrer durant la cérémonie et d'être choisi par une autre femelle. Et, par pitié, pas les sœurs Nasser !

Durant un cycle lunaire tout entier, il jeûna, comme tous les mâles qui participeraient aux combats, puis alors que la lune était la plus noire, il fut emmené par ses aînés dans une grotte à près de six jours de marche du campement, où il passa la première épreuve qui lui permettrait de quitter le monde des larves pour entrer dans celui des adultes.

Armé seulement de sa dague, aussi nu qu'au premier jour, il dut entrer dans la caverne aux murs tapissés d'insectes furieux et, malgré les ectoparasites qui rampaient à quelques centimètres de sa chair si vulnérable, il dut contrôler parfaitement ses émotions, afin qu'ils ne le sentent pas, tandis qu'il se glissait jusqu'à leur nid pour y voler un œuf.

Lorsqu'il fut de retour auprès du petit feu autour duquel les attendaient ses aînés, il leur présenta fièrement son trophée avant de l'avaler, afin de faire sienne la force du parasite.

Deux autres juvéniles, qui participeraient aussi à leur première cérémonie cette année-là, partirent à sa suite, et lorsqu'ils furent tous revenus victorieux - malgré quelques égratignures pour le dernier - , des outres emplies de jus fermentés semblèrent se matérialiser comme par miracle, et les deux jours suivants se mélangèrent en une brume enfiévrée dans la mémoire de Sabur.

Elle était terrifiée, mais elle ne pouvait l'avouer. Enfin, après cinq longues années d'entraînement, elle avait pour la première fois maîtrisé la transe de reproduction, et pris le contrôle de son corps, laissant la magie du sang et de la vie couler en elle. Bientôt, si la Déesse le voulait, elle rejoindrait aux côtés de sa mère et de la mère de sa mère le rang des reines génitrices, des femelles suffisamment puissantes pour avoir le droit de transmettre l'âme et la vie du clan. Si elle triomphait de l'épreuve de la Lune noire, elle aurait non seulement le droit de prendre compagnon à chaque cérémonie du Choix, mais elle aurait également le droit de s'accoupler avec eux et d'engendrer une descendance. Fermant les yeux, Falys força son cœur à reprendre un rythme normal avant de s'avancer au centre du cercle de terre battue qui entourait la vaste statue de la Déesse. Kitoo, une des chamanes, s'avança et, lorsqu'elle se fut débarrassée de la peau qui la protégeait de la morsure du vent printanier encore frais, elle lui remit la coupe de pierre emplie d'eau sacrée puisée dans les veines du monde.

Serrant fort le bol pour empêcher ses mains de trembler, Falys s'avança, présentant à la Déesse la coupe emplie de ses larmes sacrées et entonna le chant secret des reines. Elle ravala un cri de douleur lorsque, dans un sifflement, la longue lanière de cuir garnie des griffes de leurs ancêtres lui déchira le dos. Écartant légèrement les jambes pour raffermir la posture, elle tenta de faire abstraction des éclairs de souffrance qui la traversaient, mettant toute sa force dans sa prière. Elle devait tenir et supporter bravement l'épreuve, pour l'honneur de sa lignée et la grandeur de sa race. Vilam'shi, fille d'Allomante et descendante de la grande prêtresse Jukun'shi, maniait le fouet avec adresse et force, sans pitié ni repos. Falys était fière d'être une des six filles de la redoutable guerrière-chamane et, pour rien au monde, elle n'aurait accepté d'échouer misérablement face à la Déesse. Elle n'était peut-être qu'une piètre chasseresse, mais elle refusait d'être indigne de la force de caractère légendaire de ses ancêtres !

Un coup plus fort que les autres la fit chanceler, et l'eau menaça de se répandre sur la terre à présent verte de son sang. Mais, avec un hoquet de douleur, elle parvint à garder son équilibre et reprit d'une voix rendue tremblante par la souffrance sa litanie, jusqu'à ce que l'obscurité l'engloutisse, bienveillante et sans tourment.

L'éclat du soleil du matin et les caresses douces procurées par la main fraîche de Vilamin'shi la tirèrent de son oubli bienheureux. Avec un grognement sourd, elle ouvrit les yeux, la chair à moitié régénérée de son dos la brûlant atrocement.

« Reste couchée, ma fille. Tes blessures ont besoin de temps pour guérir.» lui ordonna-t-elle, posant une main ferme sur sa nuque pour l'empêcher de se redresser.

Sa mère dut sentir son inquiétude, et vint s'agenouiller dans son champ de vision, avant de continuer ses caresses apaisantes.

« N'aies aucune inquiétude, ma fille. Je suis très fière de toi. Tu as passé l'épreuve. »

Falys sentit des larmes de joie et de soulagement couler sur ses joues.

Vilamin'shi se pencha, effleurant son oreille de ses lèvres.

« Je ne devrais pas te le dire, mais la Déesse nous a déjà révélé ton nom de reine. Albassia. Albassia, fille de Vilamin'shi et descendante de Junkun'shi-à-l'esprit-clair. » murmura-t-elle.

Albassia. Falys savoura son nouveau nom, goûtant les images et les concepts que sa mère y avait liés. Des ossements, aussi blancs que la neige et aussi immortels que le grand glacier de la montagne Bleue, et une volonté aussi immuable que la course de la lune dans le ciel.

Elle avait réussi l'épreuve, recevrait bientôt officiellement son nom de femelle adulte et de reproductrice, et pourrait choisir son premier mâle.


Pour la centième fois au moins depuis l'aube, Sabur ne put s'empêcher de faire jouer les muscles de son épaule, admirant le tatouage sombre qui s'y découpait à présent.

Il l'avait gagné en parvenant à tuer le Kalar noir qu'il avait traqué en compagnie de ses deux compagnons de rite, en guise de dernière épreuve. Le monstrueux prédateur, bien plus grand que lui, les avaient chargé en rugissant, et alors que ses deux camarades se jetaient sur lui en hurlant, leurs lances rippant sur le cuir épais de la bête, il avait agilement grimpé dans un arbre voisin et avait attendu que le monstre passe à sa portée pour lui bondir dessus et lui planter sa dague dans l'œil.

La bête avait poursuivi sa course sur une quinzaine de mètres, l'entraînant dans un rodéo fou qui l'avait laissé avec un bras cassé et trop d'éraflures pour qu'il les compte, avant de s'effondrer dans un bruit de tonnerre.

La peau du Kalar séchait à présent sur un grand cadre, afin qu'il puisse l'offrir en guise de présent à sa future femelle, et son sang avait servi à l'encre de son nouveau tatouage, qui représentait la bête stylisée à l'extrême, ses griffes mortelles s'enroulant autour de son omoplate.

Il avait prouvé être capable de combattre et de vaincre, malgré sa fine stature, et il ne doutait plus d'avoir sa place parmi les guerriers qui combattraient ce soir face à la Déesse.

Bien avant l'aube, sa mère avait chassé tous les mâles du nid, tandis que sa sœur aînée la réveillait. Elle s'était extraite sans enthousiasme de son cocon pour se soumettre aux mille et un petits préparatifs du rituel. Elle avait revêtu une robe en soie grise de Liffelin, puis alors que le soleil se levait, une lente procession composée de toutes les femelles de la tribu l'avait emmenée jusqu'à l'étang voisin, où elle avait dû prendre un bain glacial, pendant qu'une des chamanes récitait des paroles sacrées en lui jetant de la cendre dessus. Tremblante de froid et les doigts bleuis, elle avait ensuite pu renfiler sa robe de tissu trop fin, et était retournée dans le nid familial, où, de sa petite nièce qui lui avait poli les griffes des pieds à sa mère qui avait passé près de sept heures à tresser ses longs cheveux en une coiffe extraordinairement complexe, toutes les femelles de son sang avaient participé à ses ultimes préparatifs. Au coucher du soleil, enfin, le long supplice avait pris fin, et elle avait pu se relever pour suivre sa mère et les autres femelles jusqu'à la grande statue de la Déesse, toute illuminée d'un grand cercle de torches. A l'extrême limite du cercle de lumière dorée, les mâles attendaient en silence qu'elles viennent s'installer.

Groupés à une des extrémités du cercle, Falys reconnut ses pères et ses frères, leurs longs cheveux soigneusement coiffés et des marques sacrées tracées sur tout leur corps pour célébrer cette nuit exceptionnelle.

Sabur sentit son cœur rater un battement, puis deux, alors que la processions des reines se répandait lentement dans le cercle de lumière. Toutes étaient magnifiques, sublimes, éclats incarnés de la Déesse. Osalyite et d'autres reines, confiantes en leur puissance, n'avaient pas ressenti le besoin d'atours complexes, et s'étaient contentées de revêtir de simples robes de cuir fin ou de toile sombre. D'autres, pour la plupart encore jeunes et à l'influence incertaine, s'étaient parées avec soin, ornant leurs cheveux de peignes de bois ou d'os, de perles, de fleurs ou d'éclats de nacre qui renvoyaient la lueur des torches, se drapant dans de longues parures brodées de motifs complexes, révélant qui une épaule tatouée, qui la courbe parfaite d'une hanche. En leur centre, faisant écran de leur corps, avançaient les douze chamanes, dissimulant à leurs regards la silhouette de Falys, dont il ne devina la présence qu'à l'éclat lunaire de ses cheveux cendrés entre ceux de ses aînées.

Kitoo, fine oratrice, s'avança, sa seule présence imposant le silence.

« Mes sœurs, mes fils, en cette nuit sacrée, la Grande Mère nous offre l'éclat radieux de sa chevelure céleste en guise de bénédiction. Elle a chassé le froid et la nuit de son souffle de vie et a arrosé de ses larmes nos récoltes afin que nos petits prospèrent et grandissent, afin qu'ils deviennent de braves et puissants guerriers, des chasseurs habiles, et des reproducteurs fertiles. De ses griffes qui tissent le destin, elle a placé abondance de proies sur notre route et a tenu nos ennemis loin de nos terres. En cette nuit sacrée, pour la remercier, nous lui offrirons le sang vierge de six de nos fils pour étancher sa soif, mais surtout, notre noble et ancienne tribu a l'honneur de lui présenter une nouvelle reine : Albassia, fille de Vilam'shi et descendante de la grande Jukun'shi. Une reine jeune, mais qui a déjà su nous prouver la noblesse du sang qui coule dans ses veines et qui, comme le veut la tradition, fera naître le chant. » déclara la reine-chamane, s'écartant avec grâce pour laisser la place à la nouvelle reine.

Cette fois, Sabur sentit son cœur s'arrêter complètement. Il lui était impossible de même penser à des concepts pour décrire la beauté de cette nouvelle reine qui avait été Falys.

Lorsque, avec un air infiniment doux, elle entonna le long chant, le chant qui jamais ne meurt, pulsation de vie de l'univers, il comprit.

Elle était la Déesse faite chair, perfection parmi les perfections, souveraine parmi les reines. C'était la seule explication, la seule chose qui rendait possible la sensualité parfaite des courbes de son corps, caressées par la soie de sa robe si fine qu'il devinait ses formes dans la lueur des torches.

La seule chose qui rendait possible l'éclat hypnotique de ses pupilles de bronze et la beauté insupportable de son chant.

D'une tape bien sentie à l'arrière du crâne, son oncle le sortit de son hébétude, en même temps que Iop - qui poussa un couinement outré.

La gorge sèche, il se força à déglutir, puis se laissa absorber par le long chant et sa vibration toute-puissante, porteuse de joie et de vie.

La lune monta lentement à l'assaut du ciel, et alors qu'elle éclairait de sa lumière immortelle la gigantesque statue et leur assemblée, le chant changea imperceptiblement, jusqu'à être une ode à la mort et au sang. Une imploration à la violence et à la brutalité.

Les femelles s'étaient depuis longtemps assises en bordure du cercle de torches, les reines devant, les autres derrière et, avec un feulement sauvage, Lapan bondit au milieu de l'enceinte sacrée, puis se redressant de toute sa hauteur, il rugit, les bras écartés, leur lançant un défi à tous.

Avec un rugissement plus puissant encore, Maless lui répondit, et s'avança, fier et puissant.

Les deux mâles se tournèrent un moment autour, alors que la vibration puissante du chant submergeait leurs âmes, aussi indomptable qu'une rivière en crue, puis, avec des feulements hargneux, ils se jetèrent l'un sur l'autre, se déchiquetant à coups de griffes et de dents. Leur sang gicla, éclaboussant les spectateurs, présage de chance et de fertilité.

Durant de longs instants qui semblèrent des siècles, les deux guerriers s'entredéchirèrent, puis Maless parvint à coincer la tête de son adversaire sous son aisselle, avant de faire pleuvoir une pluie de coups brutaux sur ses côtes, en brisant plusieurs, et lui éclatant probablement la rate.

Lapan s'effondra finalement, inconscient et vaincu, et tandis que Maless se dessinait fièrement une ligne sombre en travers du visage avec le sang de son opposant, deux mâles trop jeunes pour participer tirèrent ce dernier hors du cercle.

Avec un rugissement hautain, Zuulat entra en lice.

Maless sortit vainqueur de quatre combats supplémentaires avant d'être défait par Kalek, qui, vicieux comme seuls les traqueurs savent l'être, lui avait brisé une rotule avant de l'assommer en lui frappant la tête au sol.

Sabur tremblait d'impatience à l'idée du combat mais, à chaque fois qu'un duel s'achevait, il se figeait un instant de trop et l'opportunité lui passait sous le nez.

Lentement, les reines faisaient leurs choix, et dès qu'ils reprenaient conscience, les mâles en question venaient fièrement s'asseoir à la limite de la lueur des torches derrière celle qui les avait élus pour un accouplement ou, honneur suprême, dans l'éclat d'or des torches, s'ils avaient suffisamment plu pour être jugés digne de rejoindre les nids royaux.

Il sentit un pic de glace le traverser lorsque Falys - non, Albassia - choisit Vitt'at comme reproducteur.

Vitt'at était un habile chasseur de presque un siècle, dont le caractère doux et discret démentait la sauvagerie à la chasse. Jugé trop effacé pour mériter une place de compagnon, son port noble et sa silhouette déliée n'avaient cependant pas échappé aux reines, et il était déjà le géniteur de six couvées.

Stratégiquement, il était un excellent choix pour la jeune reine, et Sabur en était conscient, mais il ne put s'empêcher de jeter un regard assassin à son aîné, qui avait remporté le privilège qu'il convoitait tant.

Soudain moins pressé de se battre, il laissa son imbécile de cousin se faire démonter par Haet'Kan (2), le meilleur guerrier de la tribu, puis il laissa ce dernier se fatiguer pendant encore sept combats. Lorsque le géant s'effondra, finalement vaincu par Trak, le fils de sa sœur bannie, et un des derniers concurrents, il entra en lice.

Il sentit un frisson glacé le parcourir, alors qu'un rictus mauvais naissait sur les lèvres de son congénère. Pourquoi avait-il fallu qu'il choisisse d'affronter un des seuls mâles à avoir quelque raison de lui en vouloir?

« Tu as raison, mon oncle... Tremble, tremble donc, pauvre petite larve. Je vais te faire passer l'envie de dénigrer ma mère et le sang qui coule dans mes veines ! » siffla Trak dans son esprit, alors qu'ils se tournaient autour comme deux fauves.

Il réfléchit à toute vitesse. Trak était plus grand, plus fort et plus expérimenté que lui. Mais il était furieux. S'il pouvait lui faire perdre tous ses moyens, il aurait une chance. Une très maigre chance.

« Je te signale que c'est le même sang qui coule dans mes veines, mon neveu... Mais ni moi ni ma mère n'y pouvons rien si Zuntal était la branche pourrie d'un arbre fécond... » susurra-t-il en retour.

Son aîné se jeta sur lui avec un grondement rageur, et il esquiva tant bien que mal son attaque.

« Sale larve, je vais te... ! » cracha Trak, écorchant ses barrières mentales de sa haine.

« Tu vas quoi ? Me jeter un de tes petits frères au visage, comme ta mère ? Ah, mais non, suis-je bête. Tu n'es pas assez courageux pour aller affronter un des leurs pères pour t'en emparer, n'est-ce pas ? » ricana-t-il télépathiquement en retour, esquivant une attaque mentale, et encaissant péniblement un coup de poing en plein ventre.

Alors qu'il cherchait encore à reprendre son souffle, le genou de Trak entra brutalement en contact avec son entrejambe, faisant danser des étoiles devant ses yeux. Il s'effondra lentement, paralysé par la douleur.

Son adversaire tourna autour de lui, les bras levés comme s'il avait déjà gagné, un rugissement victorieux roulant dans sa poitrine.

Sabur tenta en vain de focaliser son regard qui flottait sur la foule, devenue masse dansante de vert et d'or. Enfin ses yeux s'accrochèrent à un point fixe. Une ancre solide auquel il s'accrocha désespérément : deux perles d'or rouge dans les profondeurs desquels dansaient toute la sagesse de leurs ancêtres, et toutes les promesses d'un avenir glorieux.

« C'est tout ce que tu sais faire ? » cracha-t-il en même temps qu'un peu de sang.

Pendant un bref instant, il eut la joie de voir la surprise se peindre sur les traits de Trak, puis il se jeta en avant, évitant d'un cheveu le genou que ce dernier destinait à sa mâchoire, avant de venir planter ses dents dans l'intérieur de sa cuisse, juste sous l'aine.

Le chasseur beugla de douleur, alors qu'il tombait au sol, l'emportant dans sa chute. Il tint bon, et lorsque le muscle céda sous ses crocs, il recracha le morceau de chair sanguinolent, et sans laisser le temps à son adversaire de se reprendre, il grimpa sur lui, enroulant ses jambes autour des siennes pour l'empêcher de se débattre, avant de le mordre à nouveau, à la clavicule, cette fois.

Il n'était pas assez fort pour pouvoir lui ceinturer efficacement les bras, et il se sentait encore trop affaibli par les coups qu'il avait encaissés pour efficacement riposter, aussi se contenta-t-il de verrouiller sa mâchoire sur sa prise, laissant Trak lui lacérer le dos et lui briser des côtes à coups de poings rageurs, dans un concert de hurlements furieux.

Il sentit les fibres musculaires se rompre une à une sous sa morsure.

« Abandonne, ou tu vas perdre l'usage de ton bras. » signala-t-il à son adversaire.

Il n'y avait aucune honte à être vaincu par un rival plus fort lors des combats sacrés, mais abandonner était une des pires humiliations imaginables. S'il abandonnait maintenant, il ne serait jamais plus qu'un paria, une honte pour sa lignée, et se verrait à tout jamais dénier l'honneur de s'accoupler. D'un autre côté, si Trak perdait l'usage de son bras, il serait un poids pour la tribu qui, même s'il se débrouillait pour se rendre utile en gardant les petits ou en confectionnant de menus objets, ne verrait plus en lui qu'un individu de seconde catégorie. Dans un cas comme dans l'autre, son neveu serait mis au ban de la tribu, le poids du crime de sa mère pesant déjà sur ses épaules.

Soudain, il entrevit avec horreur les conséquences de ses actes. Dans un cas comme dans l'autre, Trak prouverait la faiblesse du sang de sa mère, et si les autres petits de Zuntal ne seraient pas forcément tués, jamais le conseil ne leur donnerait le droit de se reproduire ou de fonder leur propre nid, et, sans aucun doute, les petits de Trak seraient, eux, abattus afin d'éviter que la « faiblesse congénitale » ne se répande.

Enfin, cela rejaillirait sur Osalyite et tout son nid, de ses soeurs et leurs petits à lui-même et à tous ses frères. Si son neveu était jugé trop faible, ce serait toute sa lignée qui serait disgraciée.

Il ne pouvait faire cela.

Il relâcha insensiblement la prise, et un instant plus tard, son aîné parvenait à le renverser d'un coup de reins.

Il sourit, alors que le poing du mâle scintillait haut dans le ciel, vert de son sang. Puis ce fut le néant.

Elle sourit, alors que le soleil entrait à flots par la porte de la hutte. Sabur n'avait toujours pas repris conscience. A sa décharge, il avait fallu l'intervention de trois mâles pour empêcher Trak de le tuer, et il souffrait de plusieurs fractures du crâne. Elle en ignorait la raison, mais une chose était certaine, Sabur avait volontairement laissé son neveu gagner. Non pas que cela ait été très profitable à ce dernier, puisque c'était une des sœurs Nasser qui l'avait choisi comme compagnon. Le malheureux Trak allait devoir apprendre à vivre avec les deux sœurs jumelles, leur caractère instable et leur odeur putride.

Elle rinça le chiffon poisseux de sang séché dans la coupe de bois emplie d'eau claire posée à côté d'elle, et continua à essuyer doucement le visage du jeune mâle.

Selon les règles du rite, il avait perdu, mais bientôt il serait totalement guéri, alors que son adversaire aurait à tout jamais un creux à l'intérieur de la cuisse, là où il lui avait arraché bien trop de chair pour que cela régénère complètement.

A ses yeux, le véritable gagnant ne faisait aucun doute, et aux moqueries de ses sœurs pour le choix de son premier compagnon, elle n'avait répondu que par un feulement hautain. Si elles étaient trop bêtes pour ne pas voir que derrière l'apparence délicate, se cachait un esprit inébranlable et empli d'une intelligence vive et d'une bonté profonde,elle n'y pouvait rien.


(1) Les bolas sont des armes de lancer composées de poids reliés par une corde ou une chaîne. Elles servent à immobiliser les proies en s'emmêlant dans leurs membres.

(2) Dans les grandes lignes, les suffixes descriptifs des noms wraiths existaient déjà, mais n'étaient offerts qu'à titre honorifique et ne servaient pas systématiquement à définir la place de l'individu dans la ruche.


Une fois n'est pas coutume, je désirerais faire une note explicative à la suite de cette nouvelle.

Il s'agit purement et simplement de mes Headcanons sur leur passé.

Tout d'abord sachez que tous ces rituels sont inspirés de rites et traditions bien humaines, tantôt africaines, amazoniennes ou amérindiennes. Oui, il existe bel et bien une tribu en afrique où les filles sont fouettés au sang par leurs mères et tantes jusqu'à l'évanouissement, et plus elle tienne longtemps, plus on considère que cela leur apportera un avenir fécond et heureux.

Mais retour aux wraiths.

A cette époque, les Anciens ont déjà déposé depuis des milliers d'années des humains sur la planète pour étudier ce qu'il se passe avec les Iratus. Ils ont entre temps oublié leurs expériences et ne savent pas encore que les wraiths existent.

Ces derniers sont coincés sur ce monde, dont la Porte se trouve en orbite, et ils ne le quitteront que presque 30'000 ans plus tard, lorsqu'un Ancien très stupide leur offrira la technologie spatiale, leur permettant de s'étendre dans la galaxie et de commencer à la moissonner.

Pour donner une idée de l'échelle temporelle démente, l'arrière grand-mère de Delleb (voir Par-delà le destin) est née et à grandi sur cette planète, alors que ses habitants n'atteignaient que très péniblement une ère pseudo-industrielle. Delleb possède donc des souvenirs hérités de ses ancêtres et datant de bien avant la conquête spatiale des wraiths.

Mais revenons à notre préhistoire. Pour Sabur et tous les siens, les ruches n'existent pas encore et ils vivent en colonies, tribus semi-nomades composées de quelques nids familiaux tous liés de plus ou moins loin par le sang. Le clan Asuma est composé de douze nids d'une vingtaine de wraiths chacun, ce qui en fait un clan puissant et plutôt important avec un peu moins de trois-cents membres.

Chaque nid est composé d'une reine reproductrice et de ses compagnons, de ses filles fécondes, de leurs mâles et enfants, et enfin de ses filles infécondes et fils « célibataires » ou trop jeunes.

Une femelle peut choisir de quitter le nid maternel et de fonder le sien, si elle a les ressources et l'influence nécessaire pour imposer son choix à sa mère et aux autres reines, et permettre aux siens de vivre décemment.

A cette époque, le ratio mâle/femelle était bien plus élevé que de nos jours, et ce n'était pas une femelle qui naissait sur des milliers de mâles, mais plutôt une femelle pour cinq à sept mâles. Les luttes claniques, puis plus tard la science génétique, ont poussé les reines à tuer leurs filles, puis à ne même plus les faire naître, afin de supprimer la concurrence et de régner sur des harems de mâles de plus en plus vastes, jusqu'à en arriver aux ruches actuelles.

A l'époque moderne, il reste une cinquantaine de reines vivantes dans toute la galaxie, ce qui appauvrit considérablement le potentiel génétique des wraiths, l'immense majorité étant liée génétiquement de près ou de loin, rendant l'extermination de leur race imaginable.

A l'époque de cette nouvelle, la seule tribu d'Asuma possède une vingtaine de reines reproductrices ayant gagné le droit de s'accoupler, et près du double de « femelles alphas ».

A cette époque, le clivage des rôles est aussi bien moins strict et les femelles, reproductrices ou pas, prennent une part active à la vie de la tribu, tantôt guerrières, tantôt chasseresses, chamanes ou artisanes. Si les mâles sont rarement chamane (mais ça peut arriver !), et que c'est principalement eux qui s'occupent des petits encore trop jeunes pour se débrouiller seuls, ils occupent aussi toutes les strates sociales du clan.

Le conseil des anciens - composé de tous les individus âgés de plus d'un millénaire, quelque soit leur sexe - est l'organe consultatif qui prend les décisions touchant à la vie de tout le clan, tandis que chaque reine gère seule son nid.

En ces temps reculés, malgré leur immortalité théorique et leur régénération, il était rare d'atteindre mille ans, et plus rare encore de dépasser les deux mille. Un wraith était donc adulte autour des vingt ans, quelques années après avoir changé de régime, et il était considéré comme dans son âge d'or autour de deux ou trois siècles.

Avec la technologie, la mortalité accidentelle a diminué et si, à présent, il est honorable de dépasser les dix millénaires, il est devenu courant d'atteindre cinq à six mille ans, si bien que l'âge d'or d'un wraith se situe dorénavant entre son premier et son deuxième millénaire.