Chasseuse de primes à Nosgoth
Errant dans son palais, il s'ennuyait ferme. Il tenta de se plonger dans la lecture d'un ouvrage relatant l'histoire des Colonnes, puis s'étendit dans son imposant lit et chercha la paix intérieur…En vain ! Quelque chose en lui ne cessait de s'agiter et, agacé, il finit par donner de violents coups de poing à une de ses armoires. Le bois craqua et se rompit. Kain se rassit, pensif, et regarda par la fenêtre de sa chambre.
Les ténèbres de la nuit enveloppaient Nosgoth ; seule la lune dispensait quelques salvateurs rayons laiteux. Il décida alors, après avoir longuement contemplé les reliefs de ces terres damnées, de sortir du Sanctuaire et d'aller prendre quelque plaisir parmi les humains.
Il prit son envol et se rendit à Meridian. La ville, sur les douze coups de minuit, regorgeait de brigands, de fuyards et autres criminels. Dans les rues, des ivrognes rampaient sur les pavés en vomissant tandis que des prostituées cherchaient un éventuel client. A l'intérieur des tavernes, ce n'étaient que bagarres, réglements de comptes et débauches en tout genres.
Kain transforma ses traits de manière à ce qu'il paraisse humain et entra dans une auberge nommée « Les trois doigts de Fritz ». Il s'assit dans le coin le plus obscur de la salle, commanda une bière et entreprit d'observer les mortels aller et venir. Une table plus loin, une bande locale de hors-la-loi se soûlait au vin tandis que deux prostituées au décollé provocant dansaient langoureusement sur un banc.
Le vampire les regardait avec attention, ayant décidé qu'il en choisirait un, le plus vigoureux ou le plus séduisant, le suivrait puis s'en nourrirait.
Alors Thomas ? Il t'a lâché cet enfoiré ? lança d'une voix aigüe un homme à proximité.
J'sais pas…répondit un imposant rouquin qui buvait sa bière, une femme dénudée sur les genoux. Il m'a envoyé un espèce de connard pour me tuer…tu sais, le petit noiraud…
Ouais ! Tu l'as étripé !
Hon hon…Alors j'ai pas peur du suivant…L'or est à moi, maintenant…J'ai toujours eu une vie de merde, à cause des vampires et de tout ça…Maintenant ça va changer…J'vais acheter un bateau, entrer dans la Guilde des Marchands et…
Il ne put terminer sa phrase car la porte de l'auberge s'ouvrit avec fracas pour laisser place à une jeune femme brune, vêtue d'un pantalon et d'une chemise noirs, qui se dirigea à vifs pas dans sa direction.
Thomas leva sa chope et lança :
Oui, viens à moi ma belle !
Elle ne répondit rien mais s'arrêta à deux mètres de la table. Kain distingua à son cou un pendentif en argent représentant une main fermée. Laissant descendre son regard sur les hanches voluptueuses, il remarqua qu'elle avait glissé un poignard dans son pantalon.
Allez…t'as envie de moi, hein ? reprit le rouquin en tendant son bras vers elle.
Sans un mot, elle l'empoigna et le tordit d'un coup sec. Le poignet cassé, l'homme poussa une volée de jurons et, se levant en vacillant, prit de sa main indemne une large épée. A peine l'eût-il brandie que la jeune femme dégaina son poignard et, d'un geste rapide, lui trancha la gorge. S'étouffant dans son sang, gargouillant d'ultimes insultes, le rouquin s'écroula sur la table. Les prostituées disparurent aussitôt tandis que ses compagnons sortirent leurs armes en vociférant.
Tu vas nous le payer, salope !
Si vous tentez de me tuer, alors je devrais également vous refroidir. N'y voyez rien de personnel, dit-elle d'un ton neutre en surplombant le cadavre qui baignait dans une flaque de sang gluant.
Putain ! Je te reconnais ! Bouc ! s'exclama un borgne en la désignant du doigt.
Salut Jér' ! Comment vont les affaires ?
Oh …ça va…
Bon, on peut revenir au sujet ? fit un jeune bandit en brandissant un sabre. Elle a tué un de nos amis !
Ouais…mais c'est son boulot, quoi ! répliqua faiblement le borgne.
On s'en fout !
Je vous préviens : si vous tentez quoi que ce soit, je vous transforme tous en saucisses à rôtir. Moi, ce que je veux, c'est simplement lui couper sa sale tête rousse et la ramener à mon boss histoire de toucher le pognon !
Compris, Bouc ! Compris ! On peut t'engager pour aller tuer ce connard de Bathos ? Hein ? Puisque c'est lui qui t'a envoyée ici et que…euh…bin c'est lui le vrai assassin ! fit le borgne.
Mais non ! C'est elle qui a tué Thomas, pas Bathos ! répliqua un homme barbu, renversant par inadvertance une bouteille de vin.
Mais c'est Bathos qui nous l'a expédiée, crétin ! fit le borgne.
Pendant ce temps, Bouc se chargea de couper la tête du rouquin et l'enfila dans un sac de toile qu'elle avait dissimulé sous sa chemise.
Je ne veux pas me montrer impolie mais…comment dire…je me casse ! fit-elle en sortant de l'auberge.
Les gars restèrent sans rien dire et la plupart haussèrent les épaules. Quant à Kain, qui avait suivi la scène avec intérêt, il suivit la jeune femme dans la rue, déterminé à ne pas laisser s'échapper une si appétissante proie…
