Disclaimer : les personnages sont empruntés à JK Rowlings
Il s'agit d'un total UA (donc un monde sans magie). Attention, cette histoire raconte la romance entre deux hommes ! Vous voilà prévenu !
POV Harry
...
Requiem pour une âme
Mon histoire a commencé il y a maintenant bien longtemps. Tu n'étais même pas né. Ni toi, ni tes parents, ni les parents de tes parents. J'ai vécu tant d'années déjà, et je suis si fatigué !... Je me souviens du soleil ce jour là, je m'en souviens comme aucun être humain ne pourra jamais se le remémorer. Je me souviens de chaque détail de ce jour si spécial. Je me souviens d'un arbre qui venait d'être planté, je suppose qu'aujourd'hui, l'homme l'aura abattu.
Confusion mental ? Où est le début de mon histoire ?
La nuit est tombée, et je te découvre, silhouette appuyée à une fenêtre, les yeux fermés, savourant la fraicheur ambiante de la soirée. Tu sembles perdu dans tes rêves… Vers quel horizon s'égare ta pensée ? Vers quelque chose ? Vers quelqu'un ? Tu ouvres les yeux et je les découvre remplis d'étoiles… de ces étoiles qu'on trouve parfois dans des regards émerveillés.
Ton regard…
Il me fait mal ce regard ! Tellement mal ! Une seule fois auparavant, il m'a été donné de voir un tel regard. Une seule fois seulement ! Je l'ai vu dans les yeux les plus beaux du monde. Et revoir ces étoiles aujourd'hui dans tes yeux à toi… Ca blesse ! Ca fait mal, tellement mal.
Je sens soudain monter en moi une envie furieuse de courir vers ces yeux, de leur arracher ces étoiles, de les vider de toute espérance… de toute vie. La place d'une étoile est de briller dans le ciel. Elle n'a rien à faire dans des yeux.
Maleficio !
Le Maître continue de me punir. Il ne m'a pas encore pardonné. Il ne me pardonnera jamais…
Cette nuit est un châtiment. C'est une punition… Si ça ne l'est pas… dis-moi pourquoi, alors que je me promenais tranquillement dans une rue banale, a-t'il fallu que je te vois, appuyé sur le rebord de ta fenêtre, avec ce regard là ? Ce regard d'argent...
Maleficio ! Pourquoi a-t'il fallu que tes yeux s'ouvrent juste au moment où je passais ?
Oui, mon Seigneur, j'ai compris le message. J'obéirai ! Mais avant… avant laisses-moi soulager mon âme. Tu souris mon Maître… Tu me fais remarquer, et c'est vrai, que je n'ai plus d'âme. Laisses-moi soulager ma conscience alors.
Parce que de conscience… j'en ai toujours, n'est-ce pas ? Je l'avais perdue. Je l'ai retrouvée dans la profondeur d'un regard… dans une de ces étoiles que la magie disperse parfois dans la profondeur de certains yeux.
Je t'obéirais, Ô mon Maître. Tes désirs sont des ordres. Et je ne veux pas risquer d'encourir ta fureur une fois de plus. Avant le levé du jour, je te donnerais la preuve de mon entière soumission.
Une nuit !
Accorde-moi juste cette nuit. La nuit est ton empire, et j'ai tout le temps que dure mon règne pour te complaire…
Toi, Âme Inconnue… toi appuyé à ta fenêtre… écoute-moi ! Je sais que tu ne peux pas m'entendre, je sais que tu ignore ma présence près de toi, mais fais semblant, je t'en supplie. Mon histoire est une légende et pour qu'elle vive… tu dois l'entendre, tu dois croire en elle.
Je te vois soudainement relever la tête… Ce pourrait-il que tu m'ais entendu ?
Dans la pénombre de cette nuit, une sinistre lamentation s'est glissée de ton oreille jusqu'à ton cœur : mes sanglots en cette nuit d'été… ma douleur pour un cœur perdu. Comprends-tu cette souffrance ? C'est le cri de rage d'une créature sans âme qui pleure sa conscience retrouvée.
… Je peux voir que ton regard a changé. - J'aurais au moins réussi ça. - Tu as l'air stupéfait.
Quelle créature de Dieu est donc capable de pousser un tel hurlement ?
... Aucune ! Je ne suis pas une créature de Dieu. Dieu ne m'a jamais sauvé… Il n'a même pas essayé.
Que serais-je alors ?... Une créature ! Juste une créature… une créature maudite !
La douleur me sort des tripes, à défaut d'avoir un cœur, en un hurlement qui te glace le sang. C'est comme entendre mille anges déchus agoniser en même temps. Tellement de douleur, tellement de dégoût… mélangés dans une seule voix.
Je tombe à genoux et je me prends la tête entre les mains.
- Maleficio !
Le mot me sort de la gorge dans un cri de rage.
La torture continue, Maître. A ma conscience, tu as cru bon de rajouter la mémoire. Macabre mémoire. De celle qui permet de revivre le moment, de sentir à nouveau les odeurs et de ressentir les sensations à travers l'air.
Chapeau bas, mon Maître !... Un supplice digne de ta cruauté !
Tu ne me permettras pas uniquement de me souvenir, n'est-ce pas ? Je vais le revivre… et ce soir… et parce que je te l'ai moi-même demandé. Tout ce que je voulais c'était juste un instant de répit pour mon esprit torturé. Je voulais juste m'ôter un poids… tu me le rendras plus lourd encore !
Pour ton bon plaisir, mon Maître, je boirai donc le calice jusqu'à la lie… jusqu'à la dernière goutte !
Je me souviens… Tout me revient en mémoire sans le moindre effort.
Immortel ! Je suis immortel ! J'ai offert mon âme au Démon.
Je me souviens de ce jour là. Le soleil brillait dans le ciel d'un éclat merveilleux tel que personne ne le verra jamais. Cependant, ce jour là, c'est avec un regard empli de haine que j'avais levé les yeux vers lui. Traître soleil ! Le soleil est lumière, et la lumière est vérité. Il est dit qu'on ne saurait mentir en pleine lumière… Mensonge ! … Ils m'ont menti… ils m'ont tous menti ! Mon roi, mes compagnons… ils m'ont tous menti, leur visage baigné de lumière.
Je voulais être héro… ils m'ont fait esclave.
Je voulais défendre la justice à la pointe de mon épée… ils ont fait de moi un assassin.
Tout ça pour un roi félon !
Le Démon, mon Maître, est capable de revêtir plusieurs masques lorsqu'il choisit sa victime. Patient, il tisse doucement sa toile. Il prend son temps, écrit le scénario, choisit ses personnages, cadre son décors avec soin. On ne peut lui échapper lorsqu'il nous a dans sa ligne de mire. Et j'ai eu la disgrâce de trouver grâce à ses yeux.
Le scénario de ma chute enfin terminé, il ne lui restait plus qu'à endosser ses costumes. Jouant le rôle du roi tyran dans la première scène, il est parti se changer dans les coulisses pour que je ne puisse déceler les engrenages de son plan machiavélique.
Acte II :
Il se présente à moi comme un sauveur, comme un ange à l'épée vengeresse. Un miroir à la main dont le reflet représente la noirceur de mon cœur, et il me jette à la figure ce qu'ils ont fait de moi : un assassin ! un meurtrier ! Son doigt accusateur pointé sur moi.
Nouveau changement de décors : le voilà qui apparaît en juge.
Combien d'âmes, combien de vies pèsent sur la balance de mes crimes. –« Je n'ai jamais voulu cela ». « On s'est joué de moi ». – J'essaie tant bien que mal de me défendre.
Face à moi, président, impassible, les trois juges de l'enfer : Severus, Lucius et Bellatrix. Le visage sévère, je sens mon âme mise à nue. Je me sens fragile, vulnérable comme un enfant. Puis soudain, je sens la colère s'emparer de mon cœur. Pourquoi devrais-je, moi, payer pour les erreurs de mon souverain ? Il a lui-même armé mon bras. Ces ordres étaient les siens ! « Je voulais juste être un chevalier au service de la justice ! ».
Je me surprends à crier à la face des juges. Severus lève les yeux, son regard est dur. Son regard me brûle… m'effraie.
- Tu as pris du plaisir à tuer.
La voix de Lucius se répercute jusqu'au tréfonds de mon âme, amplifiée par le vide de la salle. Il n'y a aucun reproche dans cette voix. Ce n'est même pas une question. C'est une constatation, une froide constatation. Un simple fait énoncé par l'un de ces trois juges.
Je frémis. Bellatrix se lève et d'un geste brusque, elle dévoile un grand miroir en bois. Je m'en approche en tremblant. Je vois une image se dessiner dans le tain de ce miroir. Les yeux me sortent des orbites de stupeur, c'est comme voir un film sur sa propre vie : je me vois, l'épée au vent, hurlant le nom de mon roi … et tuant ! Je détourne la tête quand mes yeux croisent mon propre regard. J'ai des flammes dans les yeux ! Des flammes de victoire ! Des flammes de plaisir !
Je me souviens de ce jour là… il brillait dans le ciel un soleil superbe. On m'avait envoyé pour châtier des ennemis du royaume. Des innocents ! Je le savais, mais ce n'était pas mon problème. Mon roi m'avait ordonné de tuer, et je les ai tués, tous, sans me poser la moindre question. Il n'y a pas eut de survivants ce jour-là.
Bellatrix me fait face avec un air triomphant. Et moi, tout ce que je peux lui opposer, c'est un visage défait.
Lucius a raison : j'ai prit du plaisir à tuer. Nous vivons dans un monde cruel. Seul le plus fort peut survivre. Et c'était là ma raison. J'ai aimé tuer… J'aime tuer.
Je reste muet face à l'évidence. Ils ont sondé mon âme et en ont ressorti ma propre perfidie en pleine lumière.
Passé le sentiment d'inquiétude, je me surprends à me sentir plus léger. Comme libéré d'un lourd secret. Je me suis surpris à me sentir libre de jeter au sol ce masque d'innocence qui m'asphyxiait. Mon cœur a été mis à nu… inutile de feindre davantage. Il n'est plus nécessaire de jouer les faux-semblants. Dans le jeu des apparences, ils ont gagné… j'ai perdu.
Je relève la tête et regarde fixement les trois juges, l'un après l'autre. Ils m'ont mis face à ma propre noirceur. Ma nature profonde ressort et prend place devant mes yeux en cet instant… Et déjà un sourire mauvais se dessine sur mes lèvres. Si je dois couler en cette nuit, alors je coulerais avec dignité, le regard fier.
Condamné ! J'ai su que j'étais condamné à la minute même où j'ai revécut ces instants. J'ai dégusté la mort de ces hommes, une seconde fois à travers le miroir. Je ne connaissais pas leurs noms et je n'ai jamais cherché à les connaître. Pour moi, ce n'était que des êtres faibles. Ils ne méritaient même pas d'être nommés. Sans remords ! Sans regrets !
Fou ! Serais-je fou ?… En plein procès je me surprends à sourire et à défier du regard mes juges. Mes bourreaux.
J'ai décidé, ce jour-là, de ne jamais revoir la lumière fallacieuse du soleil. Levant le poing vers le ciel, j'ai maudis ses rayons de toute mon âme, j'ai haïs sa lumière. Maudit soit le jour !... on ne découvre son âme véritable qu'à la lumière de la pleine lune et j'ai découvert la mienne violente, agressive, profondément mauvaise : mon âme véritable, ma nature profonde.
Je ne l'ai pas vu à ce moment là, mais à présent que je me remémore cette journée, je peux imaginer sans peine le Démon, dissimulé derrière le rideau de cette scène créée à mon attention, se frottant les mains de satisfaction.
Dernier acte : la proposition.
-Nouveau changement vestimentaire-
Il se découvre à mes yeux, cette fois-ci revêtu de tentation. Le visage maquillé de sang frais. La gorge offerte à mes pulsions meurtrières.
Un regard au Démon et je découvre qu'il s'est paré de mon propre visage cette fois. Je suis en train de me confronter à moi-même ! Je me vois, cadavre sanglant je peux voir la vie s'échapper de mon propre corps… c'est une vision incroyable et pourtant, je ne ressens aucune peur. Je me détaille avec curiosité… Une curiosité malsaine !
- Je te propose un pacte.
La phrase est sortie de ces lèvres teintées de mort. Je lève les yeux et mon regard suit la trajectoire d'une goutte de sang. Je suis fasciné par cette simple goutte.
Elle a coulé des yeux de cette créature qui me fait face. Une larme de sang… Le Démon serait-il donc capable de pleurer ? Oui, je l'ai su plus tard… mais il ne pleure que de félicité.
Changement de décors.
Je vois s'évaporer l'image des trois juges et de cette salle de tribunal. Le Démon s'est changé à nouveau, cette fois, pour reprendre sa propre apparence. Et je le vois : grand, magnifique dans toute sa splendeur.
Nouvelle salle. Cette fois, en son centre, il n'y a qu'une table et deux chaises.
- Nous allons jouer.
Il me sourit - d'un sourire perfide ! - pendant que je tente au mieux de garder mon calme. Je le regarde froidement.
- Jouons.
J'entends ma voix trembler et je me maudis de ne pas être maître de moi-même. D'un geste de la main, le Démon m'invite à prendre place sur une chaise, face à lui. Je croise les mains devant moi et attends patiemment qu'il m'énonce les règles…, mais je sais déjà, au fond de moi, que quel que soit le jeu qu'il me soumette, je l'ai perdu d'avance.
A son tour, il prend place. Il ouvre un petit tiroir de son côté de la table. De la main gauche, il sort un pistolet. De la main droite, il sort des cartouches. Il pose le tout sur la table, bien en vue de mon regard…
Quelques secondes passent.
Il prend le pistolet, le charge, et le repose à nouveau sur la table.
Je le regarde exécuter son opération sans prononcer la moindre parole. L'angoisse me prend à la gorge mais je tente de ne rien montrer.
Quelques minutes passent.
Nous nous confrontons du regard. Je ne comprends pas quel est ce jeu. Essaierait-il de m'effrayer avec l'arme ? Serait-il en train de me proposer un duel ? Pourtant, le visage du Démon n'a rien de menaçant.
Je baisse le regard sur mon propre coin de table à la recherche du même petit tiroir… il n'y a rien.
Une étincelle amusée s'allume dans le regard de mon opposant.
Soudain, il s'empare de l'arme, la place sur sa tempe, et sans même ciller, tire sans me quitter des yeux…
Tout est allé si vite !... J'ai entendu la détonation. Le bruit était si fort et la surprise si grande, que j'ai fermé les yeux quelques secondes et j'ai retenu ma respiration. - Réflexe humain - Lorsque j'ai ouvert à nouveau les yeux, il y avait de la fumée dans l'air, une forte odeur de poudre. Et derrière ce brouillard, les yeux du Démon me regardent fixement, son visage impassible, sans la moindre émotion. Juste une lueur de défit dans le diamant noir de ce regard. La tempe intacte… Balle à blanc !...
Je soupire profondément. Quelle chance ! Une balle à cette distance tuerait quiconque.
Il repose le pistolet sur la table, prend un nouvelle cartouche et le charge à nouveau. Je commence à comprendre le jeu au moment où, de la main gauche, il fait glisser sur la table le pistolet dans ma direction. Je reste interdit. Je ne sais qu'une chose : j'ai accepté de jouer sans même savoir quel était le jeu, je n'ai pas le choix… Je prends l'arme. Mes mains tremblent ! J'essaie tant bien que mal de calmer ma respiration. Je pose le canon du pistolet contre mon front et savoure ainsi la fraicheur du métal. J'essaie de maîtriser la peur que je sens s'affoler en moi.
- Si tu veux, tu peux faire une prière.
Le ton est moqueur. La voix du Démon me fait sortir de mes pensées et je me rends compte que, dans cette position, j'ai l'air d'être en train de prier. Il se moque de moi ! Une prière à qui ? Je n'ai pas le moindre Dieu à prier pour quémander une aide.
J'ouvre les yeux et nos regards se croisent. C'est à ce moment que je comprends : ce n'est pas un jeu, c'est une épreuve ! Et je dois la passer.
J'inspire profondément. Je suis terrorisé, mais je ne peux plus faire marche arrière. – « Jouons » - j'ai dit. Alors en avant ! Je dois le faire !
Mille pensées se mélangent dans mon esprit. Je n'ai pas de famille, personne à qui faire mes adieux. Je n'ai rien à perdre !... De plus il trop tard pour songer à la valeur de ma propre vie.
« Balle à blanc ». C'est la seule chose sur laquelle je veux me focaliser. Le coup tiré par le Démon était à blanc. Juste une épreuve !... Je dois juste prouver que je suis capable de le faire. Que j'en ai le courage !
Si le Démon a pu le faire, alors moi aussi, j'en suis capable.
Je ferme les yeux de nouveau et je compte jusqu'à trois avant de les ouvrir et de répondre au défi… Je tire…
D'abord, j'ai entendu ce même bruit horrible. A nouveau, cette odeur de poudre m'a sauté au nez, plus forte vu que je suis plus près. Puis, quelque chose d'étrange… une douleur fulgurante dans ma tête. Le pistolet tombe à terre… ou peut-être est-ce moi qui l'ai jeté… je ne sais pas. Je reste un moment sans bouger. J'ai tellement mal à la tête. Je sens comme un liquide qui coule de ma tempe. Quelque chose de chaud. Je lève la main vers ma tête et je regarde mes doigts.
Du sang !...
Du sang ? Comment est-ce possible ? Mon esprit se met à réfléchir à toute vitesse. Ce n'était pas une balle à blanc !
Face à moi, le Démon continue à sourire tranquillement : satisfait et le temps semble alors se passer au ralenti. Je commence à réaliser mon erreur. Je sens mon cœur battre plus vite dans ma poitrine. Je pensais que ce n'était qu'une épreuve. Je pensais que la cartouche serait vide. Je pensais qu'il me suffisait de prouver mon courage. Mais j'ai vraiment cru que le tir serait une balle à blanc… Quelle erreur !
La réalité me saute aux yeux lorsque je croise le regarde de la créature qui me fait face.
Une créature immortelle !
Le Démon n'est pas humain. Il ne peut pas mourir ! Peu lui importe de se tirer une balle en pleine tête, il ne la sentira même pas… Son tir, non plus, n'était pas à blanc.
J'ai voulu me surpasser en affrontant un adversaire qui ne joue pas au même niveau. J'avais simplement oublié que des deux opposants, l'un est humain… l'autre non !
Je reste immobile, le regard fixe, tentant désespérément de garder ma concentration sur un point quelconque. Une seule pensée en tête : je vais mourir !
Je veux me lever, courir, sortir de cette chambre de la mort. Mais je ne réussis pas à esquisser le moindre mouvement. Je suis paralysé et j'ai peur. Je suis terrorisé. Je sens mon cœur battre fort, si fort dans ma poitrine, comme essayant désespérément de prouver qu'il continue à vivre… Je suis en train de mourir !
J'ai l'impression qu'il s'est écoulé des heures, alors qu'en réalité, il n'a dû se passer que quelques secondes.
Lentement, je vois le Démon se lever et venir se placer devant moi. Sa main se pose sur mon front et je la sens me caresser les cheveux dans un geste tendre, presque paternel. Il approche son visage vers le mien, et j'entends son murmure, lent, pour me donner le temps d'assimiler chacune de ses paroles.
- La balle n'était pas à blanc ! Je vais te donner un choix que je concède rarement. Si je t'abandonne maintenant, tu meurs. Si tu décides de me suivre, je peux t'offrir la vie éternelle. Ni la douleur, ni la peur n'auront plus aucune emprise sur toi. Tu inspireras la terreur. Tu seras respecté de tous….Si tu rejoins mon armée.
Le Démon me parlait avec la voix de la tentation et je compris… Je compris qu'il s'était joué de moi. Tout avait été planifié pour en arriver à ce moment précis. Pour me mettre face au néant, à la douleur, à la crainte…
Au seuil de ma mort, le Démon m'offrait la vie. Et quelle vie: la vie éternelle !
- Quelle est ta réponse ?
A la seconde suivante, j'ai senti que la douleur abandonnait mon corps. Et se fut comme une renaissance. Je me suis senti comme jamais je ne m'étais senti auparavant : tellement vivant !
J'ai ouvert les yeux sur un monde complètement différent. Je me sentais comme un aveugle qui recouvre la vue et qui se rends compte combien sa vision du monde était faussée. J'avais la possibilité de voir un monde vrai… Voir le monde tel qu'il est en réalité.
Je me sentais invulnérable ! Puissant ! Personne ne pouvait me tromper. Rien de pouvait m'atteindre.
Le Démon souri, d'un sourire malfaisant. Il fit quelques pas dans la salle… se retourna et me regarda froidement :
- A partir de maintenant, ton âme m'appartient. Jamais plus tu ne reverras le soleil. La nuit sera ton royaume. Tu aimais tuer ? Tu seras mon assassin ! Tuer sera ta mission. Tu tueras sans distinction, qui tu désires, qui je t'ordonne. Tu tueras pour vivre, t'alimentant de sang humain. Tu seras puissant… tu seras craint. Sous ma protection.
J'ai posé un genou à terre, la main droite sur le cœur et j'ai incliné la tête.
- Merci mon Seigneur.
Cette nuit-là, je suis sorti dans la rue, j'ai levé les yeux au ciel et j'ai regardé les étoiles. Je sentais que je faisais parti de cet univers étrange. L'univers entier contient tellement de secrets, tant de choses extraordinaires, qu'un simple humain, même disposant de tout le temps d'une vie, ne pourra jamais comprendre. Notre terre renferme tant de merveilles, tant de magie ! Des énigmes ancestrales que tout le temps du monde ne serait pas suffisant pour pouvoir déchiffrer : des contes et des légendes, des fées et des démons, des mystères… Je pouvais tout voir. Je pouvais tout comprendre. Le grand secret de la vie méritait mon âme en gage. La connaissance est mère du pouvoir ! Et tellement de connaissance en échange d'une seule âme… n'était pas un prix élevé.
Et moi, en cet instant, je l'avais… cette connaissance. Je l'avais parce que je m'étais transformé en une de ces énigmes que l'univers cache en son sein. J'étais transformé en une créature fantastique… moi aussi. La nuit allait devenir mon royaume. Dissimulé par son obscurité complice, le démon que j'étais devenu se réveillait à la vraie vie pour la première fois. Et les larmes de sang coulaient librement sur mon visage sans que nul ne puisse les apercevoir. Des larmes de joie, des larmes de reconnaissance. En ton honneur mon Maître ! A cet instant, je pleurais à ta gloire. En ce temps là…
Très vite, j'ai senti monter en moi une faim comme jamais je n'en n'avais ressenti. J'étais affamé. J'avais faim de vie, faim de mort, impatient de calmer cette soif qui me brûlait la gorge. Sans réfléchir, j'ai pris la direction d'une auberge que je savais proche d'ici.
C'était une nuit sans lune. Obscurité totale ! Je suis entré sans faire le moindre bruit et je me suis glissé dans la première chambre que j'ai trouvée. A l'intérieur dormait, plongé dans un profond sommeil, un jeune homme roux… Je me suis approché du lit. Je n'ai pas cherché à connaître ni son nom, ni sa vie. Ce n'était pas important ! Mes mains tremblaient d'excitation. D'instinct, j'ai su exactement ce que je devais faire. Et ce fut uniquement lorsque mes crocs se sont plantés dans sa gorge offerte, et que j'ai senti son sang envahir mon corps tout entier, que j'ai alors découvert ce qu'était l'extase véritable.
Ainsi commença ma renaissance… par le sang. A bien y réfléchir, ce n'était que pure justice. Ma mort ayant été plutôt sanglante elle aussi. Mon destin était en marche, et cette nuit, en contemplant le visage sans vie de cet homme, je l'ai pleinement accepté.
Ce fut ma première victime, et même si je ne me souviens pas de son visage, … je n'ai jamais oublié sa saveur !
Rapidement, j'ai appris réprimer ma faim pour jouer avec mes victimes. Ma cruauté prenant le pas sur une soif incontrôlée. Et je me suis découvert un certain talent à manipuler, tromper, pour mieux savourer ma récompense finale. Je prenais plaisir à retarder l'instant fatidique pour mieux le déguster. Meurtrier de talent ! Ton digne disciple mon Seigneur. Je suis passé maître dans l'art de la tromperie. Dissimulant mes intentions sous un visage amical, usant de poignées de main franches en guise d'accessoire théâtral. Mon sourire, méticuleusement étudié, apparaît aux yeux du monde comme l'innocence personnifiée et tous se laissent prendre par ce masque derrière lequel je cache mes pensées. J'aurais surement pu être un grand acteur.
Attentif, courtois… je prends mon temps à choisir ma proie… à l'envelopper dans un cocon de confiance totale… une confiance aveugle.
Serait-ce un Lord anglais ? Je m'invente la vie d'un de ses pairs pour mieux le prendre dans mes filets : « Clever isn't it » ? … Une dame française ? Je deviens alors son amant passionné et désespéré. Poète qui, telle une araignée, tisse patiemment sa toile mortelle, mais toujours avec une grande délicatesse : « Romantique, non ? »… Une jeune italienne ? Mon rôle : Casanova ! Séducteur talentueux qui séduisait aussi bien les hommes que les femmes… un regard, un sourire : « Ciao, Bella ! » et la voilà qui cède à mes charmes… Un jeune grec ? Enveloppé d'une toge, je me présente à lui tel un héro, guerrier de l'époque antique. Ni une, ni deux, me voila devenu Achille et lui Patrocle : « Efkaristo Afrodita ! »…
Il y en a eut ainsi des centaines, des milliers. Tous dupés par la grandeur de mon talent. Hypnotisés par ma prestance. Je sais me montrer un parfait « gentleman » en toutes circonstances.
Secret, je laisse les autres spéculer sur ma vie. Je ne démens ni ne confirme rien. Je me contente de lancer un sourire énigmatique en réponse aux regards interrogateurs qui pèsent sur moi. J'aime être un mystère !
Ma sélection faite, je suis capable de patienter des jours entiers le meilleur moment pour laisser tomber le masque. Je me plais à choisir avec un soin particulier la meilleure scène pour le dernier acte. Shakespeare n'aurait pas fait mieux !
Je savoure avec cruauté le changement d'expression sur le visage de ma proie lorsqu'elle comprend enfin mes intentions lorsqu'elle découvre la machiavélique pièce écrite à son attention, et dans laquelle je lui ai attribué le rôle macabre du plat principal dans mon festin. A la fois terrorisés et fascinés par ma présence, rares sont ceux qui tentent de prendre de la fuite. Aucun n'a d'ailleurs réussis à m'échapper ! - Je suis un chasseur, j'ai fais de la chasse mon art de vivre. – Et c'est ainsi même que je les préfère, avec ce petit goût de terreur dans le sang qui me pique agréablement la langue.
J'aime les entendre supplier, crier grâce, lire la peur dans leurs yeux avant qu'ils ne tombent raide mort…
Créature du Démon… toute une profession !
Je n'ai pas de remords. Je reste fidèle à ma loi : la loi du plus fort.
J'ai voyagé de pays en pays, années après années. Semant la terreur et la désolation à chaque passage, dans chaque contrée visitée.
Ma véritable nature fut découverte mais non mon identité habillement cachée par mon talent.
Les survivants, endeuillés par mes appétits criminels, juraient avec force et rage de se venger… sans savoir que j'étais déjà à leur côté, une main posée sur leur épaule dans un semblant de compassion - cruelle compassion ! -
Perdu dans leur aveuglement, ils n'ont jamais soupçonné dans cet ami fidèle et sincère, l'assassin qui avait ruiné leur vie. Mon sourire toujours de mise sur mon visage, ils ne m'ont jamais vu boire dans des verres vides, et manger dans des assiettes qui ne contenaient rien.
Ils ne réalisaient même pas, que d'un baiser fraternellement déposé sur le front, je les marquais ainsi comme mes futurs victimes… leurs larmes de tristesses se diluant dans une mare de sang alors qu'ils pleuraient dans mes bras, la gorge offerte en toute confiance à mes crocs gourmands.
Mille et une stratégies furent élaborées, des plans de génies furent conçus dans le seul but de ma destruction. Ce furent ces années de terreur qui virent naître ma légende ! Et je m'enorgueillis à dire, sans fausse modestie, que grâce à moi, nombreux furent les écrivains sans imagination qui firent fortune.
La créature sortie tout droit des ténèbres était déjà crée ! Il suffisait juste de lui inventer une raison… vu qu'ils ne connaissaient pas la vraie… et je ne me suis jamais rabaissé à donner des interviews.
Malédiction, duperie, meurtres, larmes… des ingrédients de rêves pour le parfait livre d'horreur manquait uniquement le « happy-end ». Il parait qu'en ces temps là, la mode était de faire vaincre le héro… chrétien et courageux, cela va de soi ! L'église même usa de mon image comme anti-modèle, faisant de mon personnage son étendard contre les infidèles hérétiques. Ironie du sort !
La folie littéraire s'empara de ma légende et je me vis devenir alternativement : comte d'un peuple roumain, esclave du Diable, ange rejeté par Dieu… On m'a cherché des origines nobles, inventé des fiancées trahies, des ennemis mortels… On m'a prêté tant de noms, donné tellement d'identités, tellement de vies différentes…
Ils prétendaient connaître ma vie mieux que je ne la connaissais moi-même. On m'a même inventé des collègues de crime… ça oui, ça m'aurait plu ! J'aurais apprécié avoir de la compagnie pendant ces longues et ennuyeuses journées d'été. Au moins, nous aurions pu passer le temps en jouant aux cartes, dissimulés de la lumière dans une cave à peine éclairée, plutôt que de me brûler les yeux à lire les fables de mes mille et une morts… en solitaire.
Il fut dit, à cette époque, qu'un miroir ne pouvait pas réfléchir mon image, que l'ail m'était mortel, qu'une croix et de l'eau bénite suffisait à m'éloigner et qu'un pieu planté en plein cœur me serait fatal…
Idioties !
Je continue encore à rire de la crédulité des gens, lorsque je les voyais s'affairer pour parsemer leurs maisons de miroirs et d'ails, et plus encore, de leur naïveté, lorsqu'ils me demandaient mon aide pour tout mettre en place…
Je continue à sourire lorsque je revoie ces jeunes crédules et orgueilleux brandissant leurs pieux en guise d'épée et me maudissant, me défiant haut et fort pour impressionner les jouvencelles. Rêvant de combattre la créature maudite… et de la renvoyer aux ténèbres évidement. Rêvant de devenir des héros… ils criaient sans se douter que l'ennemi invisible les entendait, sans savoir que ce défi, lancé en l'air comme un jeu, aurait une réponse positive.
Je m'avançais alors vers eux, un sourire d'apparence indulgent sur les lèvres, et dans un geste paternel, toujours cette main sournoisement posée sur leurs épaules, je les assurais que la créature viendrait et qu'ils pourraient la combattre… et alors prouver leur courage. Et ils l'ont prouvé… en fuyant désespérément lorsque vint pour moi le moment de me révéler à leurs yeux.
… Pauvres ingénus… Innocents… Pauvres fous !
Pensaient-ils réellement pouvoir gagner face à une créature créée par le Démon ?
Croyaient-ils vraiment pouvoir me réduire à néant en m'arrosant d'eau bénite, en me jetant de l'ail ou en psalmodiant des prières à un Dieu, qu'en plus de cent ans de vie, je n'ai jamais vu aider quiconque ?...
Une seule vérité dans cet océan de légende : le soleil !
Les rayons du soleil ont le pouvoir de me détruire le corps avec force et douleur. A la manière d'une sorcière brûlée dans les flammes d'un bûcher, l'astre du jour, de sa force vengeresse, est l'unique puissance capable de débarrasser le monde d'une créature maudite telle que moi.
Et face à cela, Maître, même toi, tu as été impuissant à me défendre et pourtant tu m'avais prévenu, mais je ne t'ai pas écouté.
Chacun porte sa propre malédiction ! La mienne fut mon œuvre, et je la découvris le jour suivant ma renaissance, lorsque je suis sorti de cette auberge. Je voulais simplement m'arrêter un moment et profiter de la beauté de l'aube. Je voulais prendre ma revanche sur le soleil. Je voulais le voir sortir avec mes yeux de vainqueur. Mais à peine le soleil commença à réveiller le monde de sa lumière, à peine ses premiers rayons commencèrent à inonder la terre, que je sentis ma peau se mettre à brûler. Une douleur comme jamais je n'en n'avais ressenti auparavant ! Mon propre corps s'embrasait lentement !…
Je me souviens de ce matin-là… j'aurais voulu planter dans cet astre un regard de pure défi. J'aurais voulu lui crier à la face : « Regarde ! Contemple ton œuvre, admire ce que tu as fait de moi, astre menteur. Contemple et pleure ! Tu as échoué ! Je suis encore debout et en vie. Vivant ! »…
Mais le soleil ne m'a même pas laissé le temps de lui cracher ma haine en pleine figure. Fort, vengeur, furieux d'avoir été traité de la sorte, il a frappé le premier sans me donner un coup de semonce.
Et j'ai vu, avec effroi, ma peau commencer à se désagréger derrière un rideau de fumée. Et soudain j'ai compris, j'ai réalisé qu'on ne peut renier et maudire le soleil sans en payer le prix. Et ce fut uniquement à ce moment là, que je me suis souvenu de tes paroles, mon Seigneur :
« Jamais plus tu ne reverras le soleil. »
Cette phrase résonnait dans ma mémoire comme un hymne funèbre. Le sens profond de ton avertissement vint me frapper en pleine figure. Ce n'est pas qu'un avertissement, c'était une interdiction. Une sentence divine !
Je suppose que ce n'est là que justice. J'avais maudis la lumière de cet astre lorsqu'on m'a menti. Je m'étais juré d'être toujours sincère avec moi-même en regardant la lune. J'avais renié le soleil, fuit de ses rayons en me réfugiant dans les profondeurs tentatrices des ténèbres des enfers !
Oui, ce n'est que justice ! J'ai maudis le soleil, renié ses rayons. C'est justice que le soleil me pourchasse à présent. Ce n'est que le juste châtiment de mon blasphème…
Mais ce n'est plus important. Il devait être écrit quelque part dans ma légende que la nuit deviendrait ma dernière demeure, mon ultime refuge. Ainsi soit-il… ad vitam eternam !
Ainsi passèrent les années, les unes après les autres, jusqu'à ce que j'arrête de les compter. Je gagnais en âge mais mon corps lui, restait celui du jeune homme que j'étais lorsque le Démon s'était approprié mon âme. Paralysé dans une jeunesse éternelle… présent de mon Maître !
Ce furent des années heureuses…
Cela te parait incongru que j'use de ce mot, Âme inconnue ? Cruel, peut-être… mais vrai.
J'allais, libéré de la douleur humaine par la bonté de mon Maître, semant la mort sur mon passage pour me distraire. Tuer était ma mission sacrée, mon devoir de démon, et il faut reconnaître que je m'acquittais de ma tâche avec beaucoup de conscience professionnelle.
Parfait ! Tout était parfait… jusqu'à cette nuit d'automne.
Cette nuit où, du rôle de chasseur, j'ai changé pour celui de la proie…
C'était une nuit étrange. Une de ces nuits que le monde connait parfois sans pouvoir les définir. On pouvait sentir quelque chose de curieux dans l'air sans savoir ce que c'était.
Je m'étais invité à une de ces soirées que la haute société affectionne tant. Avec le temps, mes goûts étaient devenus plus aristocrates. Il faut dire qu'il n'y a rien de tel que du sang bleu pour exciter mes papilles et je passais ma vie à fréquenter la noblesse de ce monde.
Cette nuit, en toute franchise, je ne connaissais personne. Mais comme à mon d'habitude, je m'étais présenté séducteur, galant, parfait dans mon rôle et nul ne se fit la moindre question quant à ma présence. Je me promenais au milieu des convives, me présentant, et régalant les invités de sourires charmeurs et de phrases bien tournées. Chasseur au milieu de la jungle, choisissant ma future victime. Gourmet de génie composant mon menu. Je plaisantais avec chacun et complimentais avec force et habilité les maîtres de maison. La soirée, il me faut bien l'admettre, était vraiment splendide : des dizaines de plats à l'aspect succulent, des vins français et du champagne de la meilleure qualité – enfin apparemment, puisque bien entendu, je n'ai rien goûté de tout cela. Mon palet est habitué à des mets d'une autre qualité… -
Les invités avaient été triés sur le volet : avocats, politiciens, médecins…
Nos hôtes nous obligeaient par des spectacles exquis, des merveilles de couleurs et de formes agrémentés d'une musique divine.
La musique !
Perdu dans mon petit jeu de mondanité, je n'avais pas daigné lui prêter la moindre attention, tous mes sens ayant été requis à ma seule mission.
Et ce ne fut que lorsque mes hôtes involontaires me firent la question anodine de savoir si j'appréciais leur choix musical que je me mis à écouter d'une oreille distraite. Les premières notes vinrent caresser mon ouïe et je sentis une douce torpeur m'envahir subitement. Comment avais-je pu passer à côté d'une telle symphonie ? C'était comme entendre un millier d'anges chanter ensemble un émouvant hymne dédié à la terre entière.
Curieuse définition pour un démon, je te l'accorde Âme inconnue. Même moi, je suis resté surpris d'émettre une telle comparaison. Mais jusqu'à aujourd'hui, que je te raconte l'histoire de ma disgrâce, je n'ai jamais trouvé un autre moyen de définir une telle ode au genre humain.
La mélodie céleste pénétrait chaque parcelle de mon être et forçait les barrières de mon cœur, à défaut d'avoir une âme. Mais si âme j'aurais toujours eu, sans aucun doute cette symphonie l'aurait fait voler jusqu'aux cieux. Je me suis surpris à fermer les yeux et à accueillir dans mon cœur ce présent divin. La musique, sans aucune agressivité, passait une à une chacune les barrières que j'avais patiemment érigé autour de mon cœur : elle le prenait, le berçait, le cajolait… Et moi, incapable de dresser la moindre défense, je la laissais simplement prendre possession de mon être tout entier.
J'ai ouvert les yeux, et je me suis retrouvé muet de stupéfaction face au spectacle dont mes sens avaient été témoins.
Je pensais que c'était une symphonie, je pensais que c'était un concert divin. J'ai ouvert les yeux et je me suis retourné pour découvrir un homme, seul, jouant sur scène… Un homme et un piano !
…
