Chapitre 1:
Parfois, quand je repense à tout ça…à ma vie « d'avant », j'ai le sentiment que ce n'est pas réel, que je ne l'ai pas vraiment vécu, que ce ne sont pas de véritables souvenirs...comme si au fil des années j'avais pioché dans les films mièvres que j'adore pour me créer un monde où j'étais juste moi, normale. Un idéal où rien n'est parfait mais surtout où rien n'est tragique…
Je n'étais pas particulièrement populaire, plutôt discrète et intello. Élève dans un lycée côté à Paris, je n'avais pas des tonnes d'amis mais au moins ils m'étaient fidèles et honnêtes. Dafne et Billy Sullivan été arrivés d'Irlande avec leurs parents, deux ans auparavant. Un jour, Dafne m'avait rattrapé alors que je glissai dans les escaliers, depuis on ne se quittait plus. On ne se connait pas depuis très longtemps pourtant c'est comme si on était amies depuis toujours, je lui aurai confié ma vie.
Mes parents ont quitté la Californie quand j'avais deux ans parce que mon père avait eu une promotion dans son travail, il dirigeait une des firmes étrangères d'une grosse société américaine. Quant à ma mère, elle était professeur d'anglais dans un collège, nous avions une vie plutôt simple et relativement aisée, une belle petite famille parmi tant d'autres, en bref nous étions heureux.
Ce jour-là, c'était la rentrée des classes, je rentrai en Terminale. Dafne et moi espérions depuis tout l'été qu'on serait dans la même classe cette année, ce qui risquait d'être sérieusement compromis, le proviseur Corre n'avait pas trop apprécié notre tendance au bavardage l'an passé. La seule chose qui arrivait encore à me mettre de bonne humeur était que je verrai Billy, le frère jumeau de mon amie, il me plaisait depuis le premier jour où je l'avais rencontré. C'était un samedi après-midi, je connaissais sa sœur depuis quelques semaines et elle m'avait demandé de l'aider pour un devoir qu'on avait à rendre en Français, je devais donc passer chez elle et c'était son frère qui m'avait ouvert la porte.
Billy est plutôt grand et svelte, blond aux yeux bleus avec un sourire digne des plus belles publicités pour dentifrice. Ce jour-là, je m'étais pointée chez eux avec un look pas possible, les cheveux attachés rapidement et sans maquillage, sans compter qu'il me restait un peu de chocolat du gâteau que ma mère avait fait la vieille sur la joue.
Autant dire que je m'étais ridiculisée à la première minute où l'on s'était rencontré, heureusement que je ne rougis pas facilement. Quand je l'avais vu là, debout devant moi, plus beau qu'un dieu grec, tout s'était passé comme dans un film, digne des meilleures scènes qui se passent au ralentit, il m'a souri et m'a conduit jusqu'à la chambre de Dafne à l'étage, tous mes rêves de fonder une famille avec lui venaient de s'effondrer et je ne connaissais même pas encore son prénom. Quoi qu'il en soit depuis ce jour, à chaque fois que je le croisai, je bafouillai, je trébuchai enfin bref impossible d'être normale quand il était à moins de trois mètres de moi, c'était vraiment frustrant.
« Elena ! Es-tu sortie de la douche ? Tu vas être en retard… ». Ma mère avait toujours l'impression d'être en retard même quand elle n'avait rien à faire, parfois elle m'épuisait.
« Je suis presque prête… ». Je sorti de la douche et me suis séchée rapidement avant d'enfiler mes sous-vêtements en coton blanc, mon jean et mon pull en cashmere vert. J'essuyai avec la serviette de bain la buée qui s'était accumulée sur le miroir et me fixai en soupirant, j'étais vraiment d'une banalité effarante, petite et mince, mes cheveux longs raides et bruns tombaient autour de mon visage fin comme s'ils souhaitaient le cacher. Mon seul plaisir était la couleur de mes yeux, un vert gris qui ressortait intensément à cause de ma peau blanche, chose étrange, je ne ressemblais pas du tout à mes parents ayant un léger bronzage, les cheveux châtains et les yeux noirs; ma mère me répétait sans arrêt que j'avais simplement hérité des meilleurs gènes. Une mère n'est pas très objective quand il s'agit de son enfant, elle le trouvera de toute façon magnifique même quand il est question de Cynoque dans Les Goonies. Je passai fébrilement un coup d'eye-liner et de mascara et m'attachai les cheveux en un chignon lâche avant de retourner dans ma chambre pour mettre mes ballerines, je récupérai mon sac de cours et ma veste avant de descendre les escaliers, un peu trop vite soit dit en passant, je trébuchai sur la dernière marche et me rétamai de tout mon long sur le sol, heureusement mon sac avait amorti la chute.
« Aie ! ». Blasée, je me relevai et regardai ma mère, adossée à l'encadrement de la porte de la cuisine, une tasse de café à la main, qui dissimulait assez mal un sourire. Elle portait un pantalon gris chiné cintré mais évasé et une chemise parme en soie, elle avait toujours eu une classe naturelle.
« Surtout ne te retient pas pour moi… ».
« Désolée chérie, tu le sais que tu es maladroite, pourquoi ne fais-tu pas plus attention ? ».
« Je fais très attention…mauvais karma, que veux-tu… ». Secouant légèrement la tête, elle m'incita à manger quelque chose avant de m'emmener au lycée.
Après avoir jeté un dernier coup d'œil dans le miroir du couloir, au cas où mon éventuel physique de déesse daignait faire son apparition, je suivi ma mère à la voiture pour monter à l'avant. Et tandis que j'attachais la ceinture de ma main droite, je sortais mon I phone et les écouteurs de mon sac.
« Toi qui n'es pas fan de la technologie, tu as fini par adopter ton téléphone ? », demanda ma mère amusée. Mes parents me l'avaient offert pour la rentrée, je n'étais pas du genre à vouloir à tout prix le dernier bijou technologique à la mode et avais même un peu grimacé quand j'avais ouvert le paquet mais après avoir bûcher une heure de temps sur le mode d'emploi, j'avais appris à apprécier ce nouveau jouet.
« Oui…enfin de compte, il est plutôt pratique.». Nous ne parlâmes plus durant le reste du trajet et je m'endormais presque en écoutant la musique.
« Chérie ? On est arrivées… », m'intima-t-elle en secouant légèrement mon épaule.
« Hm ?...oh oui, merci maman…à plus tard. », je descendais de la voiture pendant que ma mère me rappelait les dernières recommandations d'usages pour la journée, j'acquiesçai machinalement de la tête puis refermai la portière. Marchant vers l'entrée du lycée, je cherchai Dafne du regard, balayant plusieurs fois la cours de droite à gauche.
« Elle est aux toilettes… », je me tournai pour faire face à son frère, je ne sais pas pourquoi mais j'avais le sentiment qu'il avait encore grandi ou alors il avait quelque chose de changé mais je n'arrivai pas à distinguer ce que c'était. La seule chose qui n'avait pas changé c'est qu'il était toujours aussi beau. Il portait des converses grises, un jean délavé et un blouson Redskin noir. Son sourire en coin me laissait pantoise comme d'habitude.
« Billy ! C-…Comment vas-tu ? C'était bien…l'Irlande ? », Il était parti dans sa famille pendant un mois, une éternité pour moi, ce qui m'avait étonné, c'est que Dafne n'avait pas souhaité l'accompagner, préférant rester avec moi.
« Oui, c'était…instructif. » Répondit-il avec un sourire pincé, je n'insistai pas et allai l'abandonner pour rejoindre mon amie quand je trébuchai pour la deuxième fois aujourd'hui, il me rattrapa de justesse, un regard amusé sur le visage.
« Toujours aussi maladroite… ».
«Oui on se refait pas…l'agilité du félin ne fait apparemment pas parti de mes attributions génétiques… », Répondis-je un peu sèchement, vraiment furieuse contre moi-même. Il éclata de rire comme si j'avais dit la meilleure blague du monde, je le laissai donc dans la cours et partis à la recherche de sa sœur. Elle sortait tout juste des toilettes quand je la retrouvais enfin, elle portait un très joli chemisier blanc qui mettait sa poitrine en valeur, une jupe en jean à mi-cuisse et des ballerines à lacets qui remontaient légèrement sur ses chevilles, ainsi qu'un manteau trois quart couleur crème. Elle était vraiment magnifique, comme son frère, ils n'étaient pas jumeaux pour rien. Ses cheveux blonds tombaient parfaitement sur ses épaules et son maquillage rendait ses yeux marrons incendiaires, une pointe de jalousie me piqua, pourquoi n'étais-je pas capable de ressembler à Dafne. Elle s'avança vers moi avec un énorme sourire, sûre qu'elle avait quelque chose de capital à me dire.
« Devine quoi ? ».
« J'suis nulle aux devinettes…accouche. ».
« Mon frère est rentré vendredi soir et la première chose qu'il m'a demandé c'est comment tu allais…enfin juste après m'avoir demandé comment moi j'allais bien sûre. », me dit-elle en haussant les épaules.
« Donc c'est la deuxième chose…oui et alors, qu'est-ce que ça prouve ? On passe notre temps ensemble Didi…il m'apprécie comme une sœur, c'est tout. ».
« M'appelle pas comme ça… ».
« Désolée ».
« Mais non j'te dis que tu l'intéresse…c'est mon frère, je le connais quand même…en plus il n'est sorti avec personne l'an dernier… ».
« Tu oublies Annabelle… ». Annabelle Vaughn, brune aux yeux verts si ce n'était pas une vraie vipère, cette fille pourrait être vraiment très belle mais tous les traits de son visage transpiraient la méchanceté, insupportable. Les parents de cette petite peste ont beaucoup d'argent, du coup elle se prend pour la reine du lycée et l'an dernier, elle avait déclaré Billy comme étant son petit copain officiel. Je me rappelle avoir pleuré un week-end entier quand j'avais appris la nouvelle.
« C'est pas pareil…elle a sorti ses griffes et l'a presque violé pour qu'il sorte avec elle, il avait bien essayé de s'en débarrasser mais c'était peine perdue…tu le sais très bien. »
« Hm…peu importe, il peut bien sortir avec qui il veut, il ne m'appartient pas après tout. ».
« Elena…si tu ne fais pas quelque chose, elle va de nouveau l'accaparer et tu vas encore pleurer pendant des jours. ». Sourcil relevé, Dafne attendait que je réplique mais nous savions toutes les deux qu'elle avait raison.
« De quoi on parle ? », demanda Billy en se faufilant entre nous deux, un bras sur les épaules de chacune.
« De comment Annabelle allait s'occuper de toi cette année… ». Il fît une grimace en entendant ce prénom et j'éclatai de rire.
« Ne me parle pas d'elle, mon déjeuner était vraiment délicieux… ».
« Biiiilllllyyyyy…. ». Annabelle, si Billy est là, sûre qu'elle n'est jamais très loin.
« Et voilà, j'ai mal au cœur…à plus tard les filles ! » et tandis qu'il courait en direction de la sortie, Annabelle nous rejoignait.
« Où est-il partit ? ».
« Une envie pressante… », suggéra rapidement Dafne.
« Les toilettes sont dans l'autre direction… ». Nous haussâmes les épaules à l'unisson et sortîmes dans la cours en pouffant, la laissant plantée là avec ses deux petits toutous, Sonia Bergeron et Rachel Mondillac. La première cloche retentit, signe que les classes allaient être attribuées, le jugement allait tomber, nos destins étaient scellés, nous allions enfin savoir si cette année serait un Enfer ou non.
Nous étions tous regroupés dans la cours des Sports, écoutant attentivement le proviseur Corre, il venait de terminer avec les classes de Première et passait enfin aux classes de Terminale.
« Terminale L 1, votre professeur principal est Mme Besse, les élèves que j'aurai nommés seront priés de la rejoindre. François Almont, Sonia Bergeron, … ». Voila le premier prénom qui me faisait souhaiter que je ne sois pas dans cette classe, me retrouver avec les caniches d'Annabelle allait pour sûre me gâcher mon année scolaire. Je regardai alors Dafne et sus dans la seconde qu'elle pensait exactement la même chose que moi, prenant une profonde inspiration, je me concentrai à nouveau sur la liste des élèves pendant qu'elle se dirigeait vers Mme Besse. Sonia a des origines martiniquaises, je me souviens qu'on s'entendait bien au collège mais quand elle a croisé le chemin d'Annabelle, notre amitié s'est écroulée comme un château de cartes.
« Vanessa Milot, Rachel Mondillac, Anzor Rodanoff, Dafne et Billy Sullivan… », elle me serra d'emblée la main, signe qu'elle se réjouissait d'avance de pouvoir être avec son frère en classe, j'étais vraiment heureuse pour elle, d'autant plus qu'il y'avait déjà deux du trio infernal dans sa classe.
« Annabelle Vaughn, Elena Waugner et Xavier Woss. ». Je restai figée, incapable de prendre conscience de la classe dans laquelle je me retrouvai, Dafne sautait dans tous les sens, agitant ses bras, elle me serra contre elle, le proviseur ne nous avait pas séparées, j'étais avec Billy et ce qui devait être mon Paradis s'apparentait également comme mon Enfer.
« Alors Elena, on est dans la même classe…voilà qui sera très…intéressant. », Annabelle agita ses cheveux dans mon visage en rigolant, je voyais rouge.
« Au fait…j'adore ta coiffure…c'est très personnalisée. », rigolant de plus belle, elle s'en alla, suivie de près par les siamoises. Dafne et Billy me retenaient pour que je ne lui saute pas à la gorge, en supposant que j'en aurai vraiment eu le courage dommage cela devra attendre encore un peu.
Nous suivîmes donc Mme Besse dans sa classe, Dafne et moi nous dirigeâmes directement à une table ensemble quand le professeur se racla la gorge.
« Dans la mesure du possible, je souhaiterai qu'à chaque table se trouve un garçon et une fille s'il vous plaît… », super ! il manquait plus que ça, je l'aimai déjà pas celle-là. Soudain, Je vis Billy me sourire et se dirigeai vers nous, il allait s'installer avec Dafne et moi j'allai me retrouver seule dans mon coin, vraiment je détestais cette prof.
« Daf' ça t'embête que je m'assois avec Elena ? », elle me regarda un instant comme pour me demander mon accord, mais mes oreilles sifflaient encore avec ce que je venais d'entendre.
« Non aucun problème, j'vais aller m'asseoir avec Jordan…il est trop craquant, à plus tard. ». Il s'installa alors à côté de moi, je lui jetai un coup d'œil rapide, avant de rassembler mes mains sous la table pour me triturer les doigts à défaut de pouvoir hurler.
« Elle est bizarre cette prof hein ? ».
« Hm…oué…bizarre… », mais comme je l'adore, elle est fantastique, faudra que je pense à lui faire un cadeau pour la remercier…oui ben voyons…un cadeau. J'eu un petit rire et Billy me lança un regard interrogateur auquel je m'empressai de secouer la main en guise de réponse, un «non rien rien, t'inquiète…», et passai le reste de l'heure à l'observer sous les moindres coutures jusqu'à ce que j'aperçoive Annabelle qui me lançait un regard noir, j'allai avoir de gros ennuis. La fin de l'heure sonna enfin et je rangeai mes affaires quand Annabelle nous rejoignît d'un pas rapide mais très élégant.
«Billy…pourquoi es-tu seul à cette table, tu devrais venir t'asseoir à côté de moi », roucoula-t-elle en battant des cils.
«Je ne suis pas seul, je suis avec Elena…merci quand même. » Il se tourna vers moi et pris mon sac de cours en me faisant signe de la tête de le suivre, je contournai alors Annabelle qui devenait de plus en plus rouge, là c'était clair, cette année allait être un véritable calvaire.
« Tu sais…tu peux te mettre à côté d'elle, ça évitera les ennuis… ». Il s'arrêta alors pour me faire face, ses yeux d'un bleu lagon me fixèrent un instant puis il s'approcha à une distance plus que déraisonnable pour moi, je pouvais sentir son parfum et son haleine fraîche sur mon visage quand il ouvrît la bouche pour me répondre.
« Ca te dérange que je sois à côté de toi ? », je risquais de ne rien suivre à ce cours mais sinon…
« Pas du tout… » déglutis-je difficilement.
« Alors la question est réglée ! », il me fît un clin d'œil et se remit en chemin pour notre prochain cours. Elena ma belle, prie pour que tu puisses t'asseoir à côté de Dafne !
Heureusement pour moi, l'heure qui suivi se passa sans encombres, j'avais encore mon cours de Latin, ni Dafne ni Billy n'avait voulu me suivre à ce cours, prétextant qu'il s'agissait d'une langue inutile, c'était surtout l'occasion d'avoir une heure de libre avant le déjeuner. J'avais beaucoup aimé cette première heure de Latin, elle était pleine de promesses et le professeur semblait vraiment passionné et je dois dire que ça me motive encore plus quand mon professeur aime ce qu'il fait. Je me dirigeai vers les toilettes avant d'aller au réfectoire pour rejoindre Dafne quand j'entendis ce qui semblait être une dispute entre elle et…son frère.
« Il faut vraiment que tu t'investisses…n'oublie pas ce qu'ils ont dit…c'est pour bientôt et on ne peut pas échouer… ».
« Je sais mais je fais du mieux que je peux…je ne peux pas faire plus… », je penchai la tête dans l'ouverture de la porte et aperçu Dafne, croisant les bras, elle tapait du pieds avec impatience, elle semblait vraiment en colère, mais de quoi parlaient-ils.
« Bien sûre que si, tu peux. », Billy fît quelques pas, entrant ainsi dans mon champs de vison, il s'arrêta un temps et se pinça l'arête du nez.
« Très bien…c'est comme si c'était fait. Aucun problème ! », Dafne souriait, elle avait l'air plus détendue.
« Bien allons-y, Elena doit nous attendre… », surprise, je reculai d'une dizaines de pas et fît mine de me dirigeai vers les toilettes.
« Ah vous êtes là…j'vais vite aux toilettes…je…j'arrive. », j'entrai avant qu'ils ne me répondent, j'étais une assez bonne menteuse en règle générale mais Dafne me connaissait suffisamment bien pour repérer mes mensonges. Elle rentra à nouveau dans les toilettes et s'assit sur le rebord des lavabos à côté de moi.
« Est-ce que tout va bien ? ».
« Oui, je…Annabelle me rend folle. ».Elle acquiesça de la tête, mon mensonge était passé.
« Enfin à la maison… », je jetai mon sac au pied de mon lit et me laissai tomber sur celui-ci tout en retirant mes ballerines avec mes pieds ce qui les envoyèrent valser à travers la chambre. Cette journée m'avait épuisé et je me demandai de quoi parlait Dafne…dans quoi Billy doit-il s'investir. Probablement encore un des mystères de leur famille. Si je devais me souvenir de toutes les choses étranges reliées à la famille Sullivan, je pourrais écrire un roman, tous ces secrets, cette langue étrange qu'ils m'arrivent d'entendre quand ils croient que je ne fais pas attention et cette pièce dans leur maison que Dafne ne mentionne jamais, impossible d'y avoir accès. J'évitai toujours de penser à toutes ces choses, c'était un truc à vous coller une migraine pour une semaine, les Irlandais sont vraiment des personnes bizarres. Je souris à cette pensée et me relevai, prenant mon sac je me dirigeai vers mon bureau, premier jour et nos professeurs ne nous avaient pas raté, sûre que j'en aurai pour deux heures de boulot.
« Eli…ma puce ? », j'ouvrai les yeux, mon dos me faisait un mal de chien. Relevant la tête, je regardai un peu autour de moi, ma mère me souriait tandis que j'essuyai le fil de bave à la commissure de ma lèvre et retirai le post-it collé sur ma joue. J'étais assise à mon bureau, il semblerait que mes devoirs m'aient pris un peu plus de temps que prévu.
« Va te rafraichir un peu, on va passer à table », elle m'embrassa le front avant de sortir de la chambre. Je me frottai le visage puis me lever quand regardant mes cours, je remarquai que j'avais tout fait, ce qui me soulageait un peu, satisfaite je rangeai toutes mes affaires, remarquant alors un gribouillage répété des dizaines de fois sur une feuille de brouillon. C'était ma tâche de naissance que j'ai au creux du dos, pourquoi avais-je dessiné ça. J'avais toujours trouvé ma tâche de naissance étrange, surtout le jour où je l'avais vu dans un film, le 5ème élément. Evidement c'était une coïncidence mais quand on voit ça à la télévision, ça fait vraiment flipper. Je me souviens comme Dafne s'était énervée, on était chez moi et Billy voulait absolument le voir pour l'actrice, elle trouvait cette marque ridicule; je ne comprenais pas du tout une telle réaction mais je n'avais pas cherché à comprendre, j'avais mis ça sur le compte d'une journée féminine.
Je finissais donc de ranger mes affaires puis allais dans la salle de bain, mes parents avaient visités des dizaines d'appartements simplement pour que je puisse avoir la mienne quand j'en aurai l'utilité. Depuis notre arrivée à Paris, nous n'avions pas déménagé et j'appréciai vraiment l'endroit où nous vivions. Me regardant dans le miroir, je me perdais dans mes pensées quand ma mère me rappela encore une fois pour que je descende manger, je me passai un peu d'eau sur le visage et me rattachai les cheveux correctement avant de descendre à la salle à manger.
« Alors ma puce, comment s'est passée ta journée ? », mon père était assis à ma gauche et ma mère en face de moi, en quinze ans nous nous étions toujours disposés ainsi.
« Plutôt bien, je suis avec Dafne en classe, il y a son frère aussi… ».
« Essayez de rester concentrées cette année… ».
« Oui, on va essayer, c'est promis ! ».
« Billy ? le garçon qui te fait craquer ? ». Merci maman.
« C'était pas déjà lui l'année dernière ? ».
« Bref, c'est juste un copain…je ne craque pas pour lui. Il est gentil c'est tout. ».
« Oh…il ne veut pas sortir avec toi, c'est ça ? ».
« PAPA ! Je ne lui ai pas demandé…c'est juste un copain…je…on pourrait parler d'autre chose s'il vous plaît ? …non laissez tomber, j'vais dans ma chambre. ».
Ok, c'était quoi ça ? Ce que ça peut être gênant une telle conversation avec ses parents, j'en ai des frissons. Je courais dans ma chambre avant qu'ils ne me demandent de revenir et refermai la porte derrière moi. Je me changeai rapidement, enfilant un short et un débardeur, j'allai à la salle de bain pour me brosser les dents et me tresser les cheveux puis me faufilant sous les couvertures, j'activais mon réveil pour le lendemain quand mon téléphone vibra, un message de Dafne.
« Demain : mission Billy».
« Tu joues contre ton propre frère ? ».
« Pas du tout, c'est pour lui aussi que je fais ça. ».
Je reposai mon portable sur la table de chevet et m'enfonçai un peu plus dans mon oreiller, j'étais vraiment épuisée et ne tardai pas à m'endormir.
Le réveil sonna mais il était hors de question que je sorte de mon lit, un parce qu'il était vraiment tôt et que j'étais très fatiguée deux parce que hier au soir j'avais oublié de fermer le volet et que maintenant je voyais à quel point il faisait moche dehors, pluie, vent, je ne pouvais vraiment pas me lever. « Ce n'est pas grave, rendors toi Elena. Personne ne pourra te forcer à te lever, rendors toi, tu as oublié de mettre le réveil. »
« Elenaaaa ! ». Non, tu rêves, ta mère est déjà partie au boulot, aucun soucis à te faire.
« Elena…debout mon cœur. ». Je retirai doucement la couverture de ma tête, et clignai plusieurs fois des yeux, ma mère se tenait à seulement quelques centimètres de mon visage, sourcils froncés. Galère, il va vraiment falloir que je me lève en fin de compte.
« Je me lève…je n'ai pas entendu le réveil sonner. ».
« Hm…dépêche toi, tu vas être en retard. ». Et voila, une future routine commençait à s'installer, se lever, passer sa journée au lycée en essayant d'éviter un maximum Annabelle, action qui au final va se révéler bien plus compliquée que prévu étant donné que nous sommes dans la même classe cette année, le destin n'est vraiment pas avec moi, ensuite rentrer à la maison et faire mes devoirs deuxième jour et aller en cours était déjà un supplice, qu'on me brûle sur un bûcher si un jour je souhaite y aller de mon propre chef. Evidement vous vous demandez ce que je peux bien avoir contre Annabelle et bien la réponse est simple, absolument rien. Malheureusement j'ai eu la malchance un jour de la voir dans une posture plus que gênante, elle pleurait dans les vestiaires au collège, encore aujourd'hui je ne sais pas pourquoi. Et depuis ce jour, elle s'est fait une vocation de me pourrir la vie, et dieu sait qu'elle y arrive sans trop d'efforts, je crois que si je n'avais pas Dafne, je serai terrorisée par cette furie.
Voilà, il est 16h00, l'heure de la pause, avec Dafne, on se dirigeait vers la cours du lycée quand dans le couloir on croisa Annabelle et son fan club, elle me regardait avec un tel mépris, j'en avais littéralement des frissons. Il faut dire que depuis ce matin, Billy était vraiment très affectif, je ne savais pas ce qu'il se passait mais c'était vraiment étrange, il n'avait jamais été comme ça avec aucune fille et surtout pas avec moi. Evidement quand c'est arrivé Annabelle était toujours dans les parages, elle me détestait encore plus que d'habitude si c'était encore possible. Je discutai donc avec mon amie quand j'ai trébuché sur le pied d'Annabelle, sa jambe était discrètement tendu vers moi et mon pied a heurté le sien, évidement tout s'est passé très vite mais malgré tout, j'ai eu le temps de prendre pleinement conscience de ce qui était en train de se produire, j'allais dans une seconde me ramasser parterre devant une bonne centaine d'élèves, voilà qui ne m'aiderai pas pour ma réputation ici, non pas que je m'en préoccupe réellement mais si j'avais pu éviter l'étiquette de mademoiselle maladroite dès le début de l'année, cela m'aurait arrangé un tant soit peu. Je fermai donc très fort les yeux par réflexe, protection totalement inutile qui donne le sentiment qu'on aura moins mal quand je senti une barre s'écraser contre mon ventre me coupant derechef la respiration. Mon corps alors incontrôlable reparti en arrière et une main retint ma tête qui semblait chanceler sous toutes ces secousses, quand le calme revint enfin, j'ouvrai d'abord un œil puis l'autre comprenant alors dans la foulée que j'étais dans les bras magnifiques de Billy, il m'avait rattrapé, m'empêchant de me ridiculiser le deuxième jour de la rentrée.
« Est-ce que ça va ? ». J'acquiesçai simplement de la tête, incapable de répondre.
« Tu es vraiment d'une maladresse exaspérante Elena… » me dit alors Annabelle, avec un petit sourire innocent.
« En même temps si tu ne lui avais pas fait un croche-pied, elle aurait sûrement survécu aujourd'hui… », Billy lui avait dit ça avec une telle rancœur que je ne comprenais presque pas sa réaction, elle l'avait fait exprès certes, j'étais aussi en colère c'est vrai mais pourquoi lui s'en inquiétait-il autant soudainement ? Je regardai alors Annabelle et vu son visage pâlir, elle déglutit difficilement et expliqua qu'elle n'avait pas fait exprès et à vrai dire je n'avais pas écouté la suite de sa tirade, trop concentrée à ressentir les pressions des mains de Billy sur moi, pendant qu'elle se défendait, il m'avait redressé s'assurant que ses mains ne me laisseraient pas partir. Sa main gauche était posée dans le creux de mes reins et l'autre caressait mon avant-bras, me provoquant honteusement quelques frissons au passage. Je tournai légèrement le visage pour le remercier quand du coin de l'œil je m'aperçue que sa bouche était vraiment très près de mes lèvres, il me suffisait de me tourner de quelques centimètres supplémentaire pour faire enfin ce dont je rêve secrètement depuis des mois, je remarquai seulement à cet instant, que je sentais son souffle dans mon cou, je levai les yeux vers lui, gênée, il me regardait avec des yeux que je n'avais jamais vu auparavant. Je me raclai alors la gorge et me dégageai de son étreinte, ce qui lui arracha un sourire, il avait compris que j'étais mal à l'aise, sa sœur lui avait-elle dit l'effet qu'il me faisait, c'était peu probable, elle ne me trahirait pas mais parfois à la façon dont il me regardait, j'avais l'impression qu'il savait quelque chose que j'ignore et c'était très déstabilisant.
Dafne me prit par la main me tirant de mes songes afin que je la suive à travers le couloir du lycée. Je regardais une dernière fois Billy et lui souriais pour le remercier, il me fixait toujours avec le même regard, il avait envie de dire quelque chose mais se retint puis sans croiser le regard furibond d'Annabelle, je suivais mon amie aux toilettes. Je sentais les yeux de tous les élèves présents posés sur moi, chuchotant des tas de choses que je ne saisissais pas, je n'ai jamais vraiment aimé avoir autant d'attention portée sur moi surtout quand il était question de ma maladresse légendaire mais difficile d'éviter leurs regards à cet instant alors j'essayais tant bien que mal d'en faire abstraction. Évidemment, comme tout bon lycée, la nouvelle s'était répandue si vite qu'à peine arrivées à l'étage inférieur, les élèves présents le savaient déjà, ne me laissant pas une minute de répit.
Nous entrions enfin dans les toilettes, la porte se refermait sur moi quand Dafne se retourna pour me faire face, une lueur étrange dans ses yeux.
« Est-ce que ça va ? », elle semblait anxieuse, comme si l'envie meurtrière d'Annabelle et ce qui s'en ai suivi était de sa faute.
« Oui, je vais très bien. Heureusement que Billy était dans les parages, j'aurai souffert le martyre arrivé en bas. » Je souris, repensant à la façon dont il m'avait rattrapé, me rendant compte alors à quel point cela avait était facile pour lui, comme si je ne pesais rien du tout. Il devait sûrement faire de la musculation, en y pensant mes fantasmes commencèrent à surgir, le voir torse nu faisant des pompes, je dû me gifler intérieurement pour me calmer.
« Oui, il est tombé à pique cette fois, on a eu chaud... ». Elle fronça les sourcils, secoua la tête et se passa un peu d'eau sur le visage, avant de s'appuyer sur le bord du lavabo avec ses mains, son visage se tourna vers moi.
« Espérons que plus rien ne te mettra en danger maintenant… », elle se releva d'un bond et me regarda avec de grands yeux comme si elle en avait trop dit, je lui souriais un peu maladroitement, je ne comprenais pas du tout pourquoi elle disait une telle chose mais au vu de son regard, je n'allais pas avoir de réponse tout de suite.
