À la recherche du temps perdu :


Chapitre 1 : Changement d'ère :


C'était subtil.

Mais subtil, Snape l'était aussi. Alors il avait remarqué, malgré lui. Il était indécis quand à la conduite à tenir. Quoiqu'il décide de faire, il se retrouverait impliqué dans cette histoire. Et s'impliquer dans les plans de Potter n'était jamais une bonne idée.

D'autant plus que, pour une fois, le gamin la jouait fine, ce qui était de très mauvais augure.

S'il n'avait pas été habitué depuis des dizaines d'années à tout observer autour de lui, il n'aurait jamais repéré que quelque chose clochait chez le gamin. Mais à force de regards et de surveillances à distance, il n'avait pu s'empêcher de noter que Potter semblait soucieux.

Et qu'il passait bien trop souvent sa main autour de son cou. Détail futile, peut-être, mais avec le garçon rien n'était jamais laissé au hasard.

Il cachait quelque chose. Mais quoi ?

Sa curiosité allait le mener à sa perte, Snape le pressentait déjà.

Le professeur avait commencé à se douter de quelque chose quand l'impertinent Gryffondor avait cessé de répondre à ses piques. Chose qui l'avait profondément agacé, de prime abord. Il n'était pas le genre d'homme qu'on ignorait. Au début, il avait mis ça sur le compte d'un nouveau moyen pour Potter de le faire tourner en bourrique, mais non, le brun semblait ailleurs, comme détaché de son quotidien. En clair, il s'en foutait.

Il eut la preuve tangible d'un changement radical dans la personnalité du garçon quand celui-ci commença à s'éloigner de ses amis, presque imperceptiblement. Un Gryffondor solitaire, ça n'existait pas. Et un Gryffondor solitaire qui s'éclipsait en cachette de sa salle commune pour disparaître dans les couloirs sans raison et en dehors des heures du couvre-feu était encore moins probable.

Si encore Potter avait voulu emmerder son monde en bravant le règlement, il aurait pu comprendre. Mais non, Monsieur Potter rentrait toujours à l'heure...

Ses amis ne semblaient se rendre compte de rien. Personne ne voyait rien. Mais Snape devait admettre avec amertume qu'il ne restait plus grand monde pour voir quelque chose, aujourd'hui.

Sauf lui, il fallait croire.

Le maître des Potions se disait parfois qu'il était paranoïaque, mais il s'était fait à l'idée que c'était plutôt les autres qui étaient aveugles. Ou qui ne voulaient pas voir, en fait.

Cependant, trop de détails concordaient. Le garçon n'avait jamais eu prise sur ses émotions et pourtant il semblait tout mettre en œuvre pour rester neutre, alors même qu'il n'était plus censé devoir jouer un rôle. Incompréhensible.

Jamais il n'avait contrôlé ses émotions. Après la Bataille Finale, le garçon était tombé dans une étrange léthargie chargée d'une mélancolie profonde et qui avait inquiété tous ses proches. Et puis brusquement, deux mois plus tard, il avait retrouvé la joie de vivre comme elle s'en était allée. Et tout le monde s'était rassuré.

Ce n'était pas normal. Un être humain normal ne pouvait pas changer aussi radicalement d'humeur, du moins sans raison. Même avec toute la mauvaise foi du monde, Snape devait admettre que Potter était un être humain.

Normal, peut-être pas, cependant. Jamais rien n'était ordinaire avec le gamin. Ce n'était peut-être pas de sa faute à chaque fois, mais tout de même...

Quelque chose était en train de mal tourner chez Potter.

En ce début d'après-midi de Novembre, Snape se jura qu'il en saurait plus sur cette histoire. Non pas qu'il était inquiet.

Il en allait simplement de sa fierté personnelle.


Harry jeta un regard perçant autour de lui. Il ne voyait personne à l'horizon. Il balaya d'un regard nostalgique les silhouettes de Neville et Luna qui discutaient dans la bibliothèque. On pouvait les apercevoir par la fenêtre du couloir. Ils semblaient heureux, on sentait une alchimie parfaite entre eux, pratiquement palpable. Il fallait être aveugle pour ne pas remarquer qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.

Ses amis allaient lui manquer, un peu.

Mais pas plus que ceux qui lui manquaient déjà.

Bientôt, ses recherches toucheraient à leur fin et son projet pourrait se concrétiser. Deux mois qu'il travaillait avec acharnement pour peaufiner le moindre détail. Harry risquait gros, et il le savait. Mais il avait tant perdu les trois années précédentes qu'il ne regrettait rien de ce qu'il pourrait perdre.

Il avait hésité, longtemps. Cependant rien à faire, il n'arrivait pas à reprendre une vie normale. Un besoin fou d'évasion lui tordait les entrailles, il étouffait. Quelques mois plus tôt, il avait pensé faire le tour du monde.

Mais changer d'air n'aurait pas suffit, alors il avait décidé de changer d'époque.

Cette idée un peu tordue était venue subitement, un soir lorsqu'il rêvassait seul au square Grimaud dans l'ancienne chambre de Sirius. Son parrain lui avait légué l'ancienne demeure des Blacks, entre autre. De toutes façons tous les héritiers possibles à la tête de la maison avaient péri lors de la guerre, il ne restait personne.

Bellatrix était morte de sa main. Narcissa Malfoy avait succombé à ses blessures aux côtés de son mari et Tonks était morte en même temps que Remus. Toute une génération avait été sacrifiée, et la suivante était orpheline ou enterrée. Même Drago était mort, laissant un étrange creux dans l'estomac d'Harry. Une drôle de sensation d'inachevé noyée bien vite par d'autres morts.

Rares était ceux qui avaient échappé aux horreurs des combats. Vers la fin, Harry s'était presque dit que se battre était devenu inutile.

Pourquoi risquer sa vie quand plus personne n'est là pour que ça en vaille la peine ? Même les ennemis étaient mort. Ne restait plus que lui et sa Némésis, dans un combat déloyal depuis le départ. Le Gryffondor pensait sincèrement qu'il allait y passer.

Il avait presque été déçu.

Et un beau jour, tout s'était fini. Brusquement. Harry s'était retrouvé comme un con au milieu des ruines du château, une baguette bien trop puissante pour lui entre les mains et le sang de son ennemi qui séchait sous ses ongles. Souillé à jamais.

Il avait transplanné au square et y était resté quelques temps. La raison officielle était qu'il prenait des vacances -bien méritées selon tous- mais la raison officieuse était bien moins rose. Le Gryffondor se sentait coincé. La volonté de se battre qui l'avait toujours fait tenir s'était envolée si brusquement qu'il s'était retrouvé, bras ballants, allongé sur le lit de Sirius dans une chambre poussiéreuse sans vraiment prendre le temps de comprendre pourquoi.

C'est alors que son regard était tombé sur une chaîne qui luisait doucement, à la lueur du soleil couchant qui brillait au travers des carreaux sales. Elle était accrochée à un fauteuil dans un coin de la pièce, et Harry se demandait comment il n'avait pas pu la remarquer avant.

Elle était son rayon à lui. Le dernier cadeau de Sirius. Un cadeau pas vraiment voulu, sans doute. Mais un cadeau quand même.

Un accio informulé plus tard, il était assis sur un coussin en plein milieu de la pièce et fixait l'objet d'un regard sceptique. Ça ne pouvait pas être ça...

Même pour une antique famille comme celle des Blacks, posséder un retourneur de temps était chose inédite. Interdite, même.

Un objet si rare, si dangereux..

Harry ferma les yeux. Puis les rouvrit, confiant.

Cette fois-ci, il avait un but.

Et plus personne pour lui mettre des bâtons dans les roues.


« L'usage de retourneur de temps est interdit depuis le dix-huitième colloque des sorciers en 1954 suite aux conséquences désastreuse du voyage accidentel du jeune Daniel Holmes (13 ans au moment des faits). Manipuler le temps est au-delà des compétences d'un sorcier et l'on considère désormais cela comme un acte de même gravité qu'un crime contre l'humanité. Les sanctions pour ces crimes sont votées par la Cour Internationale du Droit des Sorciers (CIDS). Le ministère de la magie est le seul organisme ayant le pouvoir de délivrer un permis de voyageur sous conditions extrêmement restrictives (voir article 4)».

Le brun reposa lentement le livre sur le sol.

C'était illégal. Il en était plus que conscient. Les paradoxes temporels étaient tellement indomptables que même les plus grands chercheurs sorciers en la matière n'avaient réussi à saisir qu'un centième de centième des subtilités des méandres des années.

La légende disait que Merlin lui-même n'en saisissait les subtilités. Si seulement il avait existé.

On avait théorisé les espaces spatio-temporel comme un enchaînement de couches qui se touchaient sans se rejoindre. Des pans d'univers qui se rencontraient mais dans lesquels l'homme n'avait pas de prise. Autant dire qu'on ne savait rien et que c'était une part de la magie qui ne serait sans doute jamais maîtrisée. Les voyages de quelques heures étaient exceptionnellement autorisés, mais seul un fou se risquerait à sauter le pas sur plusieurs décennies.

Mais Harry était fou. Ou du moins follement inconscient.

Pas une seule fois l'idée de renoncer à son entreprise ne se fit ressentir. Pas une seule fois Harry n'hésita, même un peu.

Il avait arrêté sa destination sur le Londres moldu des années 50. Pas trop loin pour ne pas être dépaysé, mais pas trop proche non plus. Juste avant l'âge d'or de l'économie mondiale. Il ne voulait en aucun cas influer le cours des événements de son époque, et revenir à un temps où il était déjà né lui aurait semblé bizarre.

Le pire aurait été de croiser des proches qu'il avait perdu. Il n'aurait pas supporté.

La tentation serait dure de rejoindre son monde et de sauver les morts dans le passé, mais il tiendrait.

Du moins l'espérait-il.


Snape pistait Harry depuis une semaine et n'ignorait désormais plus une seule minute de l'emploi du temps de son élève.

Désormais, plus de place au doute. Le Gryffondor manigançait quelque chose. Et ça semblait énorme.

Tous les soirs vers 19h30, à la fin du repas, il s'éclipsait dans un couloir du cinquième étage et Severus perdait sa trace pendant au moins deux heures. La Salle-sur-Demande. Aussi surprenant que cela pouvait paraître, il devait admettre que le gamin n'était pas idiot, puisque quoi que formulait le maître des potions pour le retrouver, il ne parvenait pas à rejoindre le Gryffondor dans la pièce qu'il avait demandé.

Même le « Je veux une salle où Harry Potter se cache » ne fonctionnait pas.

Vers 23h, le brun ressortait de nulle-part, l'air satisfait, et partait se coucher.

Le seul indice que Severus possédait, c'était cette fameuse main qui traînait beaucoup trop au niveau de son cou. Là était le nœud du problème. Le professeur sentait au fond de lui que s'il n'agissait pas dans les jours à venir, il serait trop tard.

Il était temps de réfléchir à un plan.

Son premier objectif était simple, trouver ce que le gosse manigançait. La première solution qu'il avait envisagée, le suivre, ne semblait pas concluante. Aussi devait-il trouver une autre méthode.

Il avait remarqué un mois auparavant que le brun semblait bizarrement assidu à la bibliothèque. Sur le coup, cela l'avait surpris mais sans plus. Aujourd'hui, Snape se demandait si cela n'était pas lié au comportement anormal du jeune homme.

Peut-être pouvait il creuser de ce côté là.

Le soir-même, alors que le garçon était enfermé dans la salle-sur-demande, Severus se retrouva le nez plongé dans le registre des empreints de la bibliothèque. Il eut du mal à trouver la fiche de Potter puisqu'elle s'était perdue au fond d'un carton. Visiblement hormi son zèle extraordinaire du début d'année, il n'avait jamais été un assidu de la bibliothèque.

Finalement, une fois qu'il eut mis la main dessus, il écarquilla les yeux.

« Potter, mais quel débile celui-là ! » Hurla-t-il.

Un première année qui passait par là failli s'évanouir de peur.


Encore une petite semaine...

Juste une petite semaine.

Harry avait déjà vidé les trois-quarts de son compte Gringotts et la fortune qu'il avait amassée (et qu'il portait en permanence sur lui) était largement suffisante pour lui permettre de vivre confortablement, d'autant plus que l'argent avait une autre valeur à l'époque. Longtemps, il s'était dit qu'il repartirait de zéro, puis le fait qu'il n'avait pas d'héritier à qui sa fortune put servir l'avait rattrapée.

Hors de question que ces gallions finissent dans les poches du Ministère ou bien dans celle d'un illustre inconnu, ce qui arriverait inévitablement.

Il avait acheté pour une fortune un sac sans fond sur le chemin de Traverse et l'avait rempli de vêtements et d'objets utile en tous genres. Tente, téléphone, boites de conserve, portauloins, médicaments... Tout au long de sa démarche, il avait pensé constamment à Hermione et à son sac à main si utile lors de leur chasse aux horcruxes. Il tentait de faire aussi bien qu'elle.

Il avait même brassé ses propres potions de soin, c'est peu dire.

Cela faisait plus d'une heure qu'il s'était enfermé dans la salle-sur-demande, le retourneur de temps posé en évidence devant lui, pour lui rappeler quel était son but. Son sac de voyage était posé à sa droite et de nombreux livres d'histoire (sorciers comme moldus) étaient ouverts sur un grand bureau.

Harry n'avait pas fait les choses à moitié, pour une fois. Son regard tomba sur un chapitre d'un des livres qu'il n'avait pas encore vu.

"Le grand smog de 1952 : histoire d'une pollution modlue à haute échelle".

Il continua sa lecture paisiblement, ignorant la tempête qui s'approchait de plus en plus vite.

Un Gryffondor ne pouvait pas tout prévoir.


Snape avait couru.

Cette phrase seule aurait suffit à faire paniquer plus d'un vétéran de la Grande Guerre.

Il avait couru puis s'était arrêté brusquement, le souffle court, devant le pan de mur qui cachait l'entrée de la mystérieuse pièce et se creusait les méninges. Il fallait être efficace. Ce n'était pas un gamin qui allait lui damer le pion en logique, tout de même ?

Soudain, l'illumination se fit dans son esprit. Potter voulait de la discrétion ?

« Je veux un endroit où personne ne me trouvera » pensa le professeur en marchant trois fois devant le mur de briques grises.

C'était simple. Tellement simple qu'il n'y avait pas pensé. Typiquement Potterien.

Il se figea une demi-seconde, indécis, avant d'ouvrir brusquement la porte et de débouler comme une furie dans la pièce.


La porte vînt s'écraser avec fracas sur le mur du bureau. Les épaules de l'élève comploteur tressautèrent sans qu'il puisse s'en empêcher.

Le premier réflexe d'Harry fut de faire volte face brusquement. Dans son élan, il glissa de son fauteuil et atterri les quatre fers en l'air sur le sol carrelé.

Son deuxième réflexe fut de hurler de terreur devant le regard furieux de Snape, fixé sur lui.

Finalement, son instinct de survie reprit le dessus et il attrapa son sac qu'il jeta sur son épaule. Sa baguette au poing, il dirigea sa main libre sur le bijou qu'il avait laissé sur le bureau.

Mais Snape était rapide, et Harry l'avait sous-estimé.

Le reste se passa comme au ralenti pour les deux hommes. Bien des années plus tard, ils furent encore capables de raconter très précisément l'instant même où leurs doigts touchèrent le métal curieusement tiède du retourneur de temps.

Harry tira la chaine à lui tandis que Snape faisait de même de son côté. Elle était trop solide pour se casser, alors les insultes ne tardèrent pas. Il fallait un vainqueur...

« Potter, donnez-moi ça tout de suite ! Vous êtes un crétin congénital et inconscient ! »

« Il est à moi » répliqua l'élève, furieux.

Le doigt de Snape dérapa sur le sablier.

Qui tourna une fois, puis deux.

Harry arrêta de compter après trois, mais il était déjà trop tard pour réagir.

Il sentit un tourbillon immense l'aspirer à l'intérieur de lui-même.

Ils disparurent.


Me voici de retour (oui, déjà, je pète la forme en ce moment) pour un gros gros projet... Je publierai sans doute un chapitre toute les semaines (où toutes les deux semaines si je ne tiens pas le rythme). Je ne sais pas encore combien de chapitre elle contiendra en tout (pour l'instant j'en suis à 3, mais à terme on devrait atteindre une petite dizaine).

Ce chapitre n'en est pas vraiment un, mais il était indispensable pour moi de poser un petit cadre. Si vous avez des suggestions à m'apporter, elles sont évidemment les bienvenues =) Le premier "vrai" chapitre sera donc publié très bientôt. Cette semaine, probablement. Vous pouvez toujours me dire quel jour vous arrange, je n'ai personnellement pas de préférence.

Merci pour les retours que vous m'avez laissé pour "le Refuge" et pour "Le vingt-deuxième carnet". Cette dernière, principalement, me tenait beaucoup à cœur. Vraiment, vous sous-estimez la joie que vos retours m'apportent. C'est une chose de savoir qu'on est lu, c'en est une autre que de savoir qui nous lit, vous voyez ?

Bref, je vous retrouve tout bientôt pour la suite (ou plutôt, le début) de l'aventure de nos deux héros. Un indice ? Tout ne se passe pas exactement comme Harry l'avait prévu. N'oubliez pas qui sont les Blacks.

Croyez-moi, je vais leur en faire baver !

Ullikumi