Come Back When You Can 2.0.: Je n'arrive pas à croire que je poste finalement le premier chapitre, depuis le temps que j'y travaille! Je ne pense pas que les gens qui ont lu la première version soient encore par ici. J'espère quand même que vous aimerez! Je vais essayer de poster le plus régulièrement possible. Je ne veux pas dire d'horaire pour l'instant, je verrai. J'ai déjà écrit 40 pages pour cette fic, par contre, et j'ai quelques plans pour la suite.

p.s: Personne ne meurt dans cette fic. ;)


Le commissariat s'est enfin assoupi après la journée chaotique quand Castle franchit la porte de l'ascenseur. Une seule silhouette demeure devant le tableau blanc, le fixe comme si elle essayait de déchiffrer l'énigme d'une peinture particulièrement abstraite. Assise sur le bureau, Kate Beckett enfonce ses doigts entre ses yeux pour chasser sa fatigue. Castle approche, un café bouillant entre les mains, messager du remède miracle contre l'exhaustion humaine. Elle a baissé la tête, étire ses lèvres pour laisser échapper un discret soupir. Pourtant, quand Castle parvient à ses côtés, elle lève la tête, vibrante d'un souffle éphémère d'énergie. Il n'aurait pu dire si l'odeur du café ou lui-même en était responsable. Ses yeux noisette rencontrent le bleu et à ce contact, ses lèvres esquissent un sourire essoufflé. Dans une réponse à sa demande silencieuse, Castle lui tend la tasse de café de transport, fraîchement préparée par son café préféré, de l'autre côté de la rue.

- Puis? Il y a du nouveau?

- Non, rien du tout, soupire Beckett.

Elle prend une longue gorgée de café mais, même lorsque ses lèvres se sont détachées de la tasse, ses yeux demeurent rivés dans le liquide brun revigorant.

- Absolument rien. J'ai tout revérifié, Castle. Les relevés téléphoniques, financiers, les photos des lieux, le rapport de Lanie….rien n'est ressorti. C'est comme si…comme si c'était simplement le vol qui a mal tourné d'une jeune femme dans une ruelle non recommandable et non un meurtre, termine-t-elle, frustration autant que fatigue dans sa voix.

Castle prend sa main dans la sienne et la serre, tentant de lui insuffler l'énergie qui, chez lui aussi, commence à vaciller. Hier, le meurtre de Zoé Thomson, une étudiante de dix-neuf ans destinée à devenir avocate, jeune femme provenant d'une famille aisée assassinée dans une ruelle peu recommandable, avait enflammé leur sens de la justice, leur volonté, presque une obsession, d'arrêter le coupable.

Parce que, cette fois, la foudre s'est abattue si près d'eux.

Le silence s'étend entre eux. Quelques secondes s'écoulent pendant que, connectés, ils transmettent à l'autre la force nécessaire pour continuer à avancer. Un instant, les yeux de Castle quittent les siens pour s'évader autour de la pièce, vide à cette heure, avant de retourner se déposer à leur point de départ.

- Les gars sont partis, continue-t-il, formulant une constatation plutôt qu'une question.

Beckett hoche lentement la tête comme pour se donner le temps de trouver les mots.

- Oui, Gates les a renvoyés à la maison plus tôt. Et moi aussi.

Un silence. Kate pose son regard sur le tableau blanc, en quête d'une réponse qui demeure invisible.

- Et bien, alors on devrait faire de même, Beckett. Tu sais quoi? J'ai exactement la bouteille de vin rouge qu'il nous faut pour décompresser. Je te laisserai même choisir le film, si on se fait un marathon. Ou bien…on peut faire une sieste. Avec tout ça, on aura tellement d'énergie demain que ce meurtrier-là n'à qu'à bien se tenir, répond Castle, forçant dans sa voix un enthousiasme qu'il ne ressent qu'à moitié.

Ils ont besoin d'une soirée tranquille, vide de meurtriers et d'énigmes à résoudre, après deux jours d'une enquête mouvementée et interminable. Il cuisinerait pour elle, lui changerait les idées, la ferait sourire avec ses blagues idiotes pour ne pas qu'elle se perde dans le labyrinthe d'une autre enquête, qu'elle se tourmente à cause des indices manqués. Il ferait fondre le nuage noir dans sa tête jusqu'au lendemain, et mettrai aussi le sien de côté. Il s'inquiète de la voir se torturer ainsi à cause d'une enquête, même s'il veut trouver le meurtrier presque autant qu'elle. Une victime si jeune, de l'âge d'Alexis. Tuée de façon si sauvage, son corps abandonné dans une allée, meurtri par une lame tranchante.

Kate a pressenti ses intentions. Elle se tourne vers lui, laisse ses yeux croiser les siens et un doux sourire se courber sur ses lèvres. Adorable, mais triste.

- Je ne sais pas si je peux, Castle. Je…C'est comme si je l'abandonnais à son sort. Elle était tout ce que son père avait, Castle. Il est seul, maintenant. Tout ce qu'il lui reste, c'est sa bouteille de Whiskey. Il mérite au moins la justice pour sa fille avant que je parte travailler à Washington. Je la lui ai promise. Et si je l'aidais à aller mieux si je trouvais la vérité aujourd'hui plutôt que des mois ou des années plus tard? Murmure-t-elle.

- Kate…tu as toujours réussi à trouver le coupable, avec l'aide de ton parfait et intelligent partenaire bien sûr.

Kate laisse échapper d'entre ses lèvres une bouffée d'air qui ressemble beaucoup à un rire bref. Le cœur de Castle frétille dans sa poitrine. Sa mission glisse vers le succès : il a réussi à la faire rire.

- C'est ce qu'on a toujours fait, continue-t-il. C'est comme dans un épisode de Scooby Doo : on finit toujours par trouver le coupable…ou presque. Mais en encore plus cool parce que c'est la vraie vie.

Kate se mord la lèvre pour dissimuler son rire, mais il contamine quand même son visage, le son bref se répercutant dans le commissariat vide.

- Ta dernière enquête au 12th ne peut pas être différente, parce qu'on est une équipe d'enfer, Kate. On a peut-être juste besoin d'un peu de recul. Je te jure, la réponse va nous sauter au visage demain.

- Et si demain, c'est trop tard, Castle? Et si c'est ce soir…ou jamais? On sait que le corps a été déplacé, mais jusqu'à maintenant nous avons été incapables de trouver le lieu du meurtre. Demain…c'est plusieurs heures. C'est beaucoup de temps pour effacer des preuves.

Son visage se referme, le sourire sur ses lèvres meurt.

Castle ouvre la bouche. La referme. Il n'a plus d'arguments en tête. Observe la femme devant lui, assise sur son bureau – sa fiancée. Elle s'est retournée vers le tableau blanc, les sourcils plissés de concentration de cette façon adorable, le menton déposé dans sa main. Ses yeux parcourent la ligne du temps pour la millième fois, en quête des réponses. Castle est crevé. Ses muscles hurlent de fatigue et ses paupières ne pourront probablement pas demeurées ouvertes bien longtemps. L'effet de la caféine s'est diluée après son quatrième café et son estomac crie famine en vain.

Mais Kate Beckett a raison. Ce meurtre est horrible. Leur temps pour le résoudre est compté à la seconde près. Son estomac s'est soulevé quand il a approché la scène de crime pour la première fois; pourtant il est devenu un habitué au fil des années et de l'écriture de romans policiers. Le meurtre avait piétiné les vestiges d'une famille déjà brisée, avait réduit le père au fantôme de lui-même. Dès les premières heures de l'enquête, son cœur s'était enflé dans sa poitrine, et, presque autant que Kate, il avait été transporté par cette détermination enflammée. Trouver le coupable, et vite avant que le meurtrier n'efface les preuves. Kate comprenait exactement ce que le père vivait; il devait utiliser son imagination colorée. Elle avait aussi été toute seule pour passer à travers le deuil, le corps asséché par une soif de justice insatiable. Elle voulait lui donner ce qu'elle-même n'avait pas trouvé.

Et Kate Beckett ne pourrait dormir ou décompresser jusqu'à ce qu'elle ait offert au père un morceau de paix. Il pourrait la convaincre, lui cuisiner la soirée parfaite, mais elle n'écouterait pas réellement le film, occupée à visionner encore mentalement les preuves et témoins de l'enquête. Elle dormirait mal parce que le tableau blanc apparaîtrait derrière ses yeux aussitôt qu'elle les fermerait. Elle continuerait à se torturer l'esprit, avec ou sans lui.

Castle pourrait l'aider pour une dernière fois en tant que son partenaire dans le crime. Il pourrait lui donner la satisfaction d'avoir accompli son travail de Lieutenant pour la dernière fois avant de partir travailler à Washington. S'ils passent à côté du meurtrier parce qu'il a insisté pour rentrer à la maison, elle s'en voudrait pour des années. Lui, encore plus pour ne pas avoir été à la hauteur du 12th.

- Tu as raison, Castle, commence Beckett.

Elle s'est levée après un soupir, sa main massant ses yeux.

- Retourner à la maison…prendre du recul…peut-être que ce serait la réponse à nos questions.

Les sourcils froncés, Beckett semble autant déchirée entre ses limites physiques et sa détermination que peu convaincue de ce qu'elle-même avançait.

Castle se retourne vers elle, émerveillé par ses efforts pour ne pas s'engouffrer tête baissée dans une enquête si près d'elle, comme elle le faisait avec l'enquête de sa mère. Elle lâche prise. Elle accepte de reculer, de s'accorder une pause pour mieux pouvoir considérer les preuves dans l'ensemble le lendemain. Elle comprend qu'elle devait s'arrêter et revenir à la maison avec lui. Ce n'est pas encore la perfection, mais elle essaie vraiment. Pour lui. Pour eux.

Porté par un élan d'amour, il lève la main, replace une mèche de cheveux bruns derrière les oreilles de Kate et laisse glisser ses doigts au passage sur la peau douce de ses joues. Un souffle de tendresse au milieu de chaos pour lui montrer qu'il comprend ce qu'elle tente de faire, pour lui transmettre sa fierté de la voir se battre pour eux avec autant de volonté. Son pouce poursuit son chemin jusqu'aux cernes sous ses yeux; il les caresse pour les effacer, eux aussi, ces marques d'une carence de sommeil qui éteignent le sourire sur ses lèvres, qui gèlent son bonheur. Il dessine sur son visage pour absorber sa fatigue.

Mais Castle laisse tomber sa main. Il a pris une décision.

- Mais on pourrait quand même revérifier le tableau blanc une dernière fois, avant de partir.

Beckett fige et fronce les sourcils à cause de son brusque changement d'avis.

- Tu viens de dire qu'on devait prendre du recul. Et j'étais d'accord.

- Beckett, tu sais autant que moi que tu ne pourras pas décompresser avant d'avant mis ce meurtrier derrière les barreaux. Et moi non plus, de toute façon. Il faut le trouver, Kate. Des jeunes femmes comme Zoé, elles…elles ne méritent simplement pas de mourir comme ça.

Beckett le fixe un instant, comme pour mesurer ses motivations, pour vérifier si c'est vraiment ce qu'il veut. Castle se contente de hausser les épaules et d'aller s'asseoir à la place qu'elle avait occupée quelques minutes auparavant, sur son bureau. Café à la main, il se retourne vers elle, un sourire espiègle enthousiaste épinglé sur ses lèvres pour provoquer chez elle un rire, et une lueur sérieuse dans ses yeux bleus à cause de ce qu'ils s'apprêtent à faire.

- Alors Lieutenant Beckett, on commence par revoir la chronologie ou les photos du lieu du crime? »

- Hum, Beckett? Aller visiter les lieux ce soir n'était peut-être pas...une si bonne idée, hésite Castle, les yeux rivés droit devant lui, à travers le pare-brise du véhicule.

À l'extérieur, une tempête digne d'un film apocalyptique fait rage. Les nuages assombrissent le ciel, étouffant la nuit de leur densité. Le ciel en était réduit à se pointer qu'à travers quelques interstices éparpillés, des points pâles dans un ciel dévasté de gris. L'eau afflue sur le pare-brise du véhicule, envahissante; une bombe atomique fabriquée d'H2O qui foudroie la ville de New York et noie ceux qui osent s'aventurer dehors. Le liquide s'accumule sur l'asphalte à une vitesse effarante et creuse la chaussée de flaques d'eau glissantes sur lesquelles se reflète la nuit. Des traces de la tempête en cours, qui est presque invisible à l'œil nu tant le noir se fond sur du noir.

Pour la quatrième fois depuis leur départ, Beckett donne un violent coup de volant pour redresser l'automobile sur sa voie. Le véhicule se déplace sous les coups de vent et la pluie, un pain de savon tenu mystérieusement en équilibre. Les sourcils froncés, les yeux plissés pour améliorer sa vision, la policière est concentrée sur sa conduite plutôt que sur son partenaire à côté d'elle. Les paupières mi- fermées, Castle évite de regarder la route lors des légers dérapages. Sa main s'accroche à la portière, une ancre pour le sauver de la noyade, à un point tel que ses jointures deviennent blanches. Son cœur s'agite dans sa poitrine. Ne serait-ce pas vraiment ironique, après toutes les fois où Beckett et lui avaient été près de la mort, qu'il meurt d'une crise de cœur dans une automobile allant sur les lieux d'un meurtre, non?

- Castle, c'est toi qui a proposé de continuer à travailler sur l'enquête ce soir, et tu avais raison, rétorque-t-elle, une pointe d'agacement dans la voix.

Il ne pouvait quand même pas changer d'idée maintenant, alors qu'ils étaient sortis en pleine tempête pour chercher les lieux du meurtre, non?

- Il faut y aller ce soir, maintenant. Notre théorie est la bonne, Castle. Si ce qu'on a déduit est vrai, alors cette notre dernière chance. C'est un membre de la famille qui l'a tuée, quelqu'un qui connaissait assez Zoé pour savoir où la trouver ce soir-là, et ses refuges secrets. Elle venait de se quereller avec son père, elle avait besoin d'un endroit où se réfugier. C'est tout à fait logique qu'elle se soit trouvée là lors de sa mort. Son père a un alibi pour ce soir-là, mais nous avons reparlé aux autres membres de la famille pas plus tard qu'aujourd'hui parce que certaines pièces du puzzle ne collaient pas. Donc, la personne sait que nous avançons dans l'enquête. Elle a pu paniquer à cause de l'interrogatoire. Le meurtre était impulsif, Castle, une vengeance. La personne pourrait tout aussi bien, dans sa panique, tenter de nettoyer la scène de crime ou même de la détruire pour éviter qu'on ne trouve des indices la ramenant à elle! Ces preuves pourraient ne plus exister demain matin

- Oui, oui je sais...

Castle plisse les yeux, ébloui par les phares de l'automobile qui les croise en sens inverse; le seul autre véhicule qui semble circuler pendant l'orage.

- Mais si ça continue, nous aurons besoin d'un canoë de police pour ramener le coupable au commissariat, pas d'une auto. Et c'est si nous ne finissons pas des stars d'un mauvais remake de "The day after tomorrow", des victimes noyées par les pluies et les inondations extrêmes du réchauffement climatique.

Castle accompagne ses paroles d'un soupir dramatique, mais refuse de relâcher son emprise sur la portière pour ajouter un geste théâtral à sa prestation. Beckett roule les yeux en l'air, exaspérée par le sarcasme et les plaintes de son partenaire, qui ne peut décidemment pas se la fermer alors qu'elle essaie de se concentrer sur la route.

- J'espère pour toi que tu as apporté ton maillot de bain, parce que si tu continues à parler autant, je vais te laisser dehors et tu devras nager jusqu'au commissariat pour revenir.

Castle se tourne vers elle, la bouche ouverte dans un "o" faussement choqué, les sourcils arqués dans une expression exagérée.

- Oh, mais tu n'oserais pas Beckett, si? Ce ne serait pas à ton avantage, je suis un excellent rameur.

Beckett expire en grognant sans lui répondre; il savoure sa victoire verbale temporaire pendant quelques instants. Puis, il sursaute, son regarde porté vers le rétroviseur, attiré par une lueur étrangère qui l'a illuminé pendant une fraction de seconde. Un phare d'un véhicule derrière eux? Quelques secondes plus tard, cette lumière éclaire une nouvelle fois l'arrière de leur véhicule. L'autre automobile n'apparaît que dans une silhouette difforme diluée par la lumière éblouissante, sa couleur impossible à repérer.

Castle secoue la tête pour se sortir de sa torpeur paranoïaque. C'est les jours passés à enquêter, son esprit tortueux d'écrivain qui monte un labyrinthe de scénarios.

Rien de grave. Rien d'inhabituel.

Il vient de réaliser que leur véhicule s'est arrêté à une lumière rouge. Et il sent qu'on l'observe.

- Ça va, Castle?

Castle se retourne vers sa fiancée, un tournesol attiré par le soleil. La douceur s'épanouit dans les yeux bruns de Kate, s'éparpille à travers son visage seulement teinté par l'inquiétude à cause de son manque de réaction à ses paroles. Le corps de Castle se détend pour la première fois depuis qu'ils sont entrés dans le véhicule. Elle est là. Avec lui. Ensemble, ils peuvent passer à travers les quatre éléments, les meurtriers les plus sauvages et les enquêtes les plus compliquées, les bombes qui menacent New York et les tigres féroces. Ensemble, ils sont des chaînes impossibles à détacher l'une de l'autre.

Il esquisse un sourire pour la rassurer, pour se rassurer, et il la sent relaxer derrière le volant. Un flash de culpabilité fuse sur le visage de Kate. Elle baisse le regard une seconde, se mord la lèvre inférieure pour s'accorder un moment de réflexion. Quand elle le regarde de nouveau, cependant, elle affiche sa détermination familière, teintée de cette tendresse vulnérable qu'elle lui réserve depuis qu'ils sont en couple.

- Castle, je te dois une soirée films. Demain. Je te promets que ce sera demain soir.

- Parfait, mais tu me laisses choisir le film et le vin.

Beckett roule les yeux, mais ce n'est pas suffisant pour couvrir le sourire qui fleurit sur le coup de l'amusement. Des promesses qui éclairent l'habitacle sombre du véhicule. Et c'est seulement lorsque les yeux de Beckett quittent les siens pour se river de nouveau sur sa conduite qu'il comprend alors.

Kate pense que c'est de sa faute. Il s'est senti forcé de lui proposer de travailler sur l'enquête. Et que c'est de sa faute s'ils sont sur la route par cette tempête de pluie, à zigzaguer en direction d'une possible scène de crime parce qu'elle avait la tête ailleurs même si elle avait accepté de retourner à la maison.

Oh Kate. Son cœur fond de l'intérieur pour cette femme extraordinaire qui lui propose un compromis parce qu'elle croit qu'elle a gâché sa soirée. Alors qu'il n'aurait pas pu dormir non plus ce soir sans avoir au moins essayé, juste une dernière fois, d'offrir la justice pour Zoé et son père. Alors qu'il avait voulu se changer les idées autant que la distraire en proposant une soirée.

Castle glisse sa main entre les deux sièges du véhicule jusqu'à atteindre celle de Kate, et la dépose sur la sienne, sur sa cuisse. À son contact, elle retourne sa main; il la prend contre sa paume, puis la serre avec douceur, entrelace leurs doigts pour s'ancrer l'un à l'autre. Entre leurs corps liés par leurs mains, des mots silencieux circulent, électriques. Leurs doigts deviennent conducteurs de réconfort. Ils s'accrochent l'un à l'autre parce que c'est ainsi qu'ils deviennent plus forts que la tempête qui gronde à l'extérieur, et celle qui les secoue à cause de l'enquête.

Et ils ne se laisseront pas tomber.

Ils sont l'ancre l'un de l'autre.

Et sur ce mince fil qu'est l'enquête, ils se tiennent en équilibre par la main.

Une lumière éblouissante attire son attention. Elle perce la fenêtre côté conducteur, force Castle à plisser alors qu'elle envahit le véhicule. Blanche. Pur. Agressive. Elle se rapproche, toujours plus près, déchire l'habitacle du véhicule de sa blancheur. Et le véhicule tremble. La lumière gronde. Un bruit sonore, métallique, agresse ses tympans. Un éclair de douleur lacère dans son corps, mais sa bouche refuse de laisser passer un cri. Il ouvre les yeux; il ne se rappelle pas les avoir fermés.

La lumière ne s'est pas diluée. Elle l'étourdit, elle tambourine son crâne et Castle voudrait fermer les yeux, simplement fermer les yeux pour éviter la douleur et toute cette lumière. Tellement mal. Tout son corps. Tous ses membres. Sa gorge l'irrite; il tousse. De la fumée. Il porte sa main sur sa bouche pour calmer ses poumons irrités.

Puis, la réalisation le frappe: la main de Beckett n'est plus dans la sienne.

Castle ouvre les yeux. Cette fois, c'est la panique qui tambourine dans son corps. Le mal de tête fait grincer son crâne, mais il doit garder les yeux ouverts. Que quelques minutes. Seulement quelques minutes. Il veut simplement voir et sentir Beckett parce qu'il se rappelle maintenant. Il revoit les phares éclatants qui se rapprochent. Il voit le visage de Beckett en contre-lumière, et ses tripes se retournent et il sent que c'est sérieux.

Beckett. Kate. Où est Kate?

Castle ouvre sa bouche, use de toutes ses forces pour produire un son ressemblant à un cri, mais se heurte au silence.

Beckett. Beckett. Beckett. Beckett. Une prière, un souhait, une promesse dans son nom.

Ses yeux cherchent mais, autour de lui, il n'y a que l'enfer. Le pare-brise déchiré, en miettes, qui laisse passer la pluie froide. Des gouttes éclaboussent son visage dans un rythme régulier, glissent sur ses joues et se mêlent à ses cheveux.

Le côté gauche du véhicule n'est plus qu'une montagne de métal et de sang, le rouge se mêlant au gris brillant pour marquer la présence d'êtres humains à travers la ferraille. Et Beckett, assise sur son siège, le corps penché vers lui, sa main tombant dans un angle étrange entre les deux sièges. Et du sang. Trop de sang. Partout. Dans l'automobile. Sur ses vêtements à elle. Et à lui. La tête de Beckett tombe contre la porte du côté conducteur. Inanimée.

Sa vision se brouille. Des larmes se mêlent aux gouttes de pluie. Un éclair zèbre le ciel gris. Des silhouettes se déplacent dehors, des inconnus, des curieux peut-être. Castle tente de se redresser, se laisse tomber sur son siège en criant de douleur. Sa tête va exploser. Sa ceinture de sécurité pèse sur sa poitrine, perce sa peau et réveille la douleur, amplifie les larmes. Sa main tend vers le côté du siège pour se détacher.

Ses doigts tremblent, rendent la tâche impossible. Son corps aussi; se membres, ses muscles, ses tendons et le sang dans ses veines vibrent dans un chœur sombre. Sa vision est tâchée de sang et il ne voit que du flou. Mais sa tête continue d'appeler Beckett, Beckett, Beckett, non Beckett, incessante.

Pourquoi cette foutue ceinture ne peut-elle pas se détacher? Il veut Beckett. Il veut sa main contre la sienne. Il veut son sourire et ses yeux amusés et son visage tendre. Il veut Beckett.

Le chant sonore de l'ambulance, encore lointain, s'ajoute au chœur.

Castle ne l'écoute pas.

Ses doigts tâtent la ceinture à travers le sang, celui dans son automobile, celui dans sa bouche aussi. Trente autres secondes. Et elle cède. Il ignore comment il y est arrivé mais il s'en fout. Il se lève à demi de son siège pour se rapprocher d'elle. Trop vite. Les couleurs tourbillonnent devant ses yeux. Son champ de vision n'est que brouillard. Son corps est lacéré par la douleur et le sang, par l'accident qui le ravage.

Beckett.

Ses doigts contre son cou. Son pouls. Elle doit avoir un pouls. Elle doit vivre. Elle est son ancre, après tout. D'autres lumières s'ajoutent à la première. Du bleu. Du rouge. Le bruit violent de l'ambulance qui cherche son chemin vers l'accident.

- Kate, non, Kate, Kate!

Les sons, comme à force d'être pensés, viennent de franchir sa bouche. Un murmure, à peine. Ses doigts glissent sur sa peau suintante de rouge. Il l'ignore et continue à chercher son pouls. Une preuve qu'elle est vivante.

Mais seul son silence lui répond.

Il hurle quand l'ambulancier le tire hors de la carcasse de l'automobile. Il veut Kate. Elle doit être vivante. Kate. Sa voix rauque perce l'air humide avec la force du tonnerre. Mais sa détermination ne peut dominer face à la force de ses hommes. Castle doit les laisser l'emporter dans l'ambulance jusqu'à l'hôpital.