Elle se réveilla en sursaut aux bruits qui jaillirent soudain autour d'elle. Déboussolée, perdue, la fille porta une main à son front,et souleva progressivement les paupières. Tout était sombre et flou autour d'elle. Apparemment, elle était allongée par terre sur un sol dur et froid, comme lui indiquait son dos endoloris. Elle se redressa lentement en position assise, précautionneusement, pour ne pas accentuer le léger mal de tête qui se baladait dans son crâne. Et ce qu'elle vit lui permit aussitôt d'identifier la cause du bruit qui l'avait réveillée -non pas que son sommeil eût été très agréable bien sûr. Les yeux écarquillés tant elle essayait de se convaincre que ce qu'elle voyait ne pouvait pas être réel, elle finit par se mettre debout, une main restant sur le mur proche d'elle pour la stabiliser.
Un mur se rapprochait à une vitesse non négligeable d'elle. Bien que celui-ci fût énorme, rien ne semblait l'empêcher d'avancer de plus en plus près, générant un son assourdissant à vouloir se boucher les oreilles. Prise de panique, la fille chercha frénétiquement du regard un issue autour d'elle, ne voulant pas mourir écrasée entre deux blocs de béton. Longeant des yeux le mur sur lequel elle s'appuyait, elle aperçu une zone qui semblait plus claire que le reste."C'est sûrement une sortie/em, songea t-elle. Elle se mit alors à courir vers cette lueur tout en effleurant le mur à côté d'elle, comme pour se rassurer qu'il n'allait pas disparaître tout à coup. L'autre mur continuait à se rapprocher de plus en plus d'elle, et tandis qu'elle courait une vague d'adrénaline déferla sur elle, la poussant à courir encore plus vite. Son cœur battait à tout allure, la peur lui serrait le ventre et lui faisait crisper les mains alors que l'écho de ses pas résonnait à ses oreilles. La lueur se rapprochait, et le mur mobile entra en contact avec sa main moite au moment où elle se précipitait hors de ce couloir infernal.
Elle laissa échapper un souffle, penchée, les mains sur les elle, le couloir se referma dans un bruit retentissant. Elle en tremblait encore de peur. Mais quel était donc cet endroit ? Et comment s'était-elle retrouvée ici ? S'asseyant sur le sol froid, elle chercha de fond en comble son esprit à la recherche de réponses aux questions qui asseyaient à présent son esprit désormais libéré de toute adrénaline. À son plus grand désarroi, elle n'en trouva aucune. L'angoisse resurgissant, elle essaya alors de se souvenir d'autres choses, de sa famille, de ses amis... Rien ne lui vint. Comme si son esprit était vide. Certes elle se souvenait de villes, d'écoles, de la nature et de tant d'autres choses, mais c'était comme si ces souvenirs étaient impersonnels. Ils leur semblait manquer quelque chose, une présence. La panique surgit alors et elle se leva d'un bond et commença à marcher. Elle ne pouvait pas ne se souvenir de rien, c'était impossible. Elle n'arrivait pas même à se remémorer son prénom !
« Non, non, ce n'est pas possible, se murmura-t-elle. Il faut que je trouve. Il faut que je me souvienne de comment je m'appelle ! »
Elle continua à marcher droit devant elle en se creusant les méninges lorsqu'elle arriva soudain à une intersection. Alors, la lumière commença à poindre dans son esprit. Tout les murs semblaient identiques dans ce lieu, ils se croisaient, bougeaient... formaient des angles et des intersections... Peut-être que... oui, c'était sûrement cela... Peut-être qu'elle était dans un labyrinthe.
Elle resta un instant figée, son esprit essayant de rationaliser la constatation à laquelle elle venait d'arriver, et une fois de plus assailli de mille questions. Elle se sentait complètement perdue face à toutes ces interrogations, mais plus que tout, seule. Pourquoi elle ? Pourquoi fallait-il qu'elle se retrouve au beau milieu d'un dédale sans personne à ses côtés ?Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire pour se retrouver dans ce lieu ? Comme si elle en était prisonnière... Parce qu'elle en était sûre, ce labyrinthe avait peut-être une sortie, mais sans nourriture ni eau elle ne survivrait pas trois jours. Des pensées pleines de désespoir l'envahirent, et elle sentit que sa vue commençait à se troubler, sa gorge à se serrer.
Non, non, il ne fallait pas qu'elle renonce dès maintenant ! Il devait forcément y avoir un moyen de sortir d'ici vivante ! Serrant les poings et ravalant ses larmes, elle s'avança, et regarda où chaque passage du croisement menait. Tous les couloirs se ressemblaient, et il lui paraissait impossible de faire un choix. Si elle en choisissait un, puisqu'il y avait trois possibilités, il y avait donc deux chances sur trois qu'elle ne s'engage pas dans le bon, réfléchit-elle rapidement. Que faire alors ? Ce qui était certain, c'est qu'elle ne pouvait pas rester sans agir. Notant tout à coup que les murs étaient par endroits recouverts de lierre, elle arracha plusieurs branches souples et longues, et se décida pour l'un des trois chemins. Elle déposa une tige de lierre sur le sol à l'entrée du couloir, et, prenant une grande inspiration, s'engagea plus profondément entres les murs. Elle procéda ainsi durant un certain temps, déposant au sol un bout de lierre à intervalle régulier, le faisant avec plus de précision aux intersections où elle arrivait.
Après un long moment, le froid commença à pénétrer dans son corps, et la fatigue, bien que contre-balancée par l'angoisse, se fit aussi sentir. Elle se laissa alors aller contre le mur, songeant qu'il fallait bien qu'elle dorme à un moment ou à un autre. Une boule dans la gorge, elle se lova en boule et tâcha d'oublier qu'elle ne survivrait probablement pas longtemps errant entre ces murs. Finalement, vidée de ses forces par toutes les émotions qui cogitaient en elle, elle s'endormit, fermant les yeux en espérant que tout ceci n'était qu'un rêve.
Des bruits de pas réguliers, à une allure soutenue. Le son discret et lointain d'un souffle maîtrisé. Le soleil inondant le ciel au dessus de sa lumière rayonnante. Telle était l'atmosphère dans laquelle baignait la jeune fille encore endormie, non avertie de ce qui se passait autour d'elle. Soudain, quelqu'un surgit au détour d'un couloir, s'engageant dans celui où elle se trouvait. D'un seul coup, les bruit de pas cessèrent, et on entendit le son d'une goulée d'air vivement aspirée. Toujours plongée dans un sommeil angoissé, la fille ne perçu pas l'individu qui s'approchait d'elle à pas lents. Son regard la détailla de haut en bas, avec minutie, puis la personne repartit précipitamment d'où elle était arrivé. Elle revint une dizaine de minutes plus tard, et cette fois-ci on put entendre le son caractéristique de deux respirations erratiques.
« Ça y est, on y est » chuchota l'un des deux individus, penché en avant, les mains sur les genoux.
L'autre s'approcha en silence, avançant à pas lents, les yeux dirigés vers la seule chose qui pouvait bien retenir son attention à ce moment précis : cette fille endormie au beau milieu du labyrinthe.
« Qu'est-ce qu'on fait ? On la réveille ? » Murmura celui qui était resté en arrière
Son interlocuteur hocha la tête et lui fit signe d'approcher. Il ajouta sur le même ton :
« Au moindre geste suspect, on la maintient, compris ? »
Après avoir obtenu l'assentiment de celui qui se trouvait désormais à côté de lui, il mit à exécution l'idée qu'il avait en tête.C'est ainsi que tout à coup, elle sentit à travers le voile épais du sommeil une main se poser sur son épaule. Immédiatement ramenée à la réalité, elle se redressa d'un bond et se plaqua contre le mur, faisant face aux deux individus qui se tenaient devant elle, les mains levées comme pour prouver leur innocence. Les yeux écarquillés, le cœur battant la chamade, elle les observa à tour de rôle.
Le premier, le plus proche d'elle et donc probablement celui qui l'avait réveillée, avait l'air asiatique. Il devait avoir environ dix-sept ans, tout comme le garçon qui se tenait à ses côtés. Les yeux bridés, des cheveux ébènes coiffés en brosse, quoique partant un peu dans tous les sens à l'heure actuelle, il semblait la dépasser d'au moins une tête. Ses épaules carrées et son torse fin et musclé se dessinaient sous le tee-shirt vert qu'il portait, mouillé de sueur par endroit. De même, quelques gouttes perlaient sur son front. Ses yeux marrons l'examinaient également en retour, empreints d'une profonde méfiance, d'une détermination et d'une certaine curiosité. En revanche, l'autre garçon, bien qu'ayant une carrure similaire, ne lui ressemblait absolument pas: la peau blanche, un poil plus grand et les cheveux bruns en bataille, il la dévisageait d'un air légèrement paniqué, semblant attendre qu'elle réagisse la première. Contrairement à l'asiatique, les angles de son visage étaient plus doux, et bien qu'il eût aussi les yeux marrons, ils s'en distinguaient par leur forme en amande.
La jeune fille était totalement paniquée face à ces deux inconnus, et elle pouvait entendre les battements rapides de son cœur à ses oreilles. Collée contre le mur froid derrière elle, la frayeur qu'elle avait éprouvé lors de son réveil en sursaut commençait petit à petit à s'estomper, laissant place à la réflexion. Qui étaient donc ces deux là ? Certes elle n'était désormais plus seule, mais que pouvaient-ils bien lui vouloir ? Elle pensa subitement qu'ils ne lui voulaient sûrement pas de mal, car autrement ils n'auraient pas pris la peine de la réveiller pour s'en prendre à elle. Peut être pouvait-elle leur faire confiance ? Mais non, réfléchis idiote ! Se blâma-t-elle. Il fallait d'abord qu'elle sache quelles étaient leurs intentions. Mais avant qu'elle ne puisse ouvrir la bouche pour dire quoi que ce soit, l'asiatique la devança.
« Nous ne te voulons absolument aucun mal, d'accord ? Tu n'as pas à avoir peur de nous, dit-il d'une voix basse en plongeant son regard dans le sien.
Elle déglutit avant d'oser répondre.
« Vous êtes qui, vous ? Et c'est quoi cet endroit ? Répondit-elle de but en blanc.
Les deux garçons échangèrent un regard entendu. Ce fut l'asiatique qui répondit.
-Je m'appelle Minho. Et lui, c'est Thomas, d'accord ? On est là pour t'aider. Comment est-ce que tu es arrivée là ?
Il semblait réellement curieux de la réponse qu'elle allait lui apporter. En effet, si elle avait pu entrer dans ce labyrinthe, c'était donc qu'il y avait une sortie, une ouverture sur l'extérieur !
Elle répondit sèchement, les yeux plissés.
-Tu n'as pas répondu à ma deuxième question.
Les deux échangèrent de nouveau un regard. Sur ce, elle s'exclama d'un ton menaçant, pointant un doigt sur la poitrine du dénommé Minho et avançant jusqu'à se retrouver à une dizaine de centimètres de lui :
-Bon, écoute moi bien l'asiatique. J'ai passé la nuit dans ce foutu endroit. Je ne sais pas où je suis, mais je peux te dire que j'ai passé une sale moment. Alors maintenant vous arrêtez vos petites cachotteries et vous me dites où est-ce qu'on est !
Elle cracha les derniers mots, pleine de colère. Le manque de sommeil et la folie de cette nuit commençaient à l'atteindre. En face d'elle,l'asiatique avait l'air un peu apeuré, puis changea complètement de comportement. De la frayeur il passa lui aussi à la colère. D'un seul coup, elle se retrouva plaquée contre le mur, et sa tête heurta le béton. Il avait un bras en travers de sa gorge, et l'autre sur son épaule, l'immobilisant totalement. Il approcha son visage désormais fermé et menaçant près du sien. Les dents serrées, les lèvres bougeant à peine, il murmura :
-Toi aussi tu vas m'écouter. Ce n'est pas parce que tu as passé une petite nuit inconfortable que tu peux te permettre de nous parler comme ça, et encore moins d'exiger des réponses de nous... J'ai vécu pire.
Il marqua un temps d'arrêt. Son corps était plaqué contre le sien, et elle sentait sa poitrine se coller un peu plus à son torse à chaque fois qu'elle respirait. Respiration qui, d'ailleurs, se faisait de plus en plus difficile avec la force qu'il exerçait sur sa gorge. Ses yeux était fixés sur le garçon qui était resté derrière, et elle vit peu à peu sa vision s'assombrir.
-Alors maintenant tu te calmes, et tu vas venir avec nous sans discuter, continua l'asiatique. Et ne t'avises pas de tenter quoi que ce soit. Tu ne t'en sortirais pas aussi bien cette fois.
Sur ce, il s'éloigna brusquement d'elle, et elle tomba à genoux. Portant une main à sa gorge et clignant frénétiquement des yeux, elle tenta de faire disparaître les points sombres qui obscurcissaient sa vision.
La voix de l'asiatique claqua entre les murs du labyrinthe :
-Debout. On y va.
