D'accord.

J'ai déjà connu mieux.

Je pensais que j'allais mourir devant le Mur des Lamentations et… évidemment, une fin classe et magnifique au milieu de camarades tous (ou presque) plus sexy les uns que les autres… Ben, à vue de nez, c'était trop demander !

Nooon, à la place, je reviens à moi entortillé la tête en bas. Me débattre n'a eu comme effet que de resserrer les lianes autour de moi et d'imprimer un mouvement de balancier aux végétaux qui me retiennent prisonnier.

Du coup, j'ai un peu le mal de mer.

Ok… J'adore les fleurs en général et les roses en particulier mais, en cet instant, je ne cracherais pas sur un bon sécateur !

Quoique…

Je dégage un de mes bras et parvient à attraper une branche intacte sur laquelle je me hisse après d'embarrassantes minutes remplies d'effort et de sueur. Mon corps entier me fait mal.

Voilà ce que c'est que de suivre le droit chemin : on récolte des plaies et des bosses. Et un merci ? Pensez-vous !

En même temps, je ne peux pas vraiment dire que ma période Sanctuaire ai été un hymne à ma dévotion à Athéna. D'un autre côté, Saga avait prouvé sa supériorité… Je ne sais même pas si je regrette mes actes ou non.

C'était une période intense et chacun faisait ce qu'il fallait pour survivre. Mu s'est exilé au Tibet, Camus l'a imité en Sibérie dès qu'il a obtenu ses disciples, Shaka a fermé les yeux. Aiolia s'est isolé et s'est battu pour faire oublier la trahison de son frère… Milo l'a échappé belle. À force de le voir poser ses foutues questions, je craignais d'être un jour celui chargé de devoir l'éliminer.

C'est qu'il a une sacrée immunité aux poisons, le bougre ! Et un combat de mille jours : merci mais non merci ! C'est mauvais pour le teint.

En équilibre sur mon perchoir, je jure pas mal en démêlant les lianes. Je suis le chevalier du Poisson, pas du canari ! Merde quoi !

En attendant, je dois admettre que ces petites chéries m'ont épargné un atterrissage peut-être fatal. Au-dessus de moi, il y a pas mal de branches qui pendent, brisées, elles montrent par où je suis passé. Même ainsi, je n'aperçois pas le ciel, juste la canopée qui recouvre tout.

Le feuillage frémit autour de moi et, courageux mais point téméraire, je préfère descendre de mon perchoir et m'éloigner des créatures qui poussent de petits cris aigus et agressifs.

Je n'ai pas peur. Seulement, je sens plus mon cosmos et je ne vois pas l'utilité d'affronter de suite la faune locale. J'aimerais autant observer avant d'agir. Je me laisse glisser de branche en branche jusqu'à apercevoir le sol.

Enfin… quand je dis sol, je devrais plutôt parler de marais. Les arbres immenses plongent leurs racines dans une mangrove qui ne m'inspire qu'une confiance limitée.

Je n'ai aucune envie d'y plonger mes pieds mais… Une silhouette attire mon attention. Je descends encore de quelques mètres et mon cœur cogne très fort contre mes côtes. Ces cheveux d'un noir de jais qui tranchent sur une peau d'albâtre… Ces mèches en perpétuel désordre, à présent trempées et collées dans sa nuque et sur son visage, ces épaules minces mais bien découpées… Cette stature de bretteur…

— Shura !

Il ne bronche pas. Du peu que je puisse en voir sur mon arbre perché, c'est qu'il est trempé. Il a dû atterrir directement dans l'eau. Il y a des taches de sang qui fleurissent sur sa tunique. Autant que sur la mienne mais, je ne sais pas pourquoi, le voir évanoui et couvert de sang, ça remue quelque chose en moi.

— Shura ! Réveille-toi !

Il a probablement réussi à se hisser hors de l'eau avant de perdre connaissance. Soit, il a le sommeil vraiment lourd… Soit, il est vraiment dans les choux auquel cas, je ferais bien de me dépêcher de le rejoindre.

Une chose est certaine, il est hors de question que je plonge dans cette eau opaque. Du coup, je me la joue écureuil sous acide et passe de branche en branche. Au final, c'est presque aussi rapide que si j'avais héroïquement plongé. Les bestioles dans les branchent râlent tout ce qu'elles peuvent mais, au moins, n'osent pas s'approcher de moi. Je ne sais pas pourquoi mais je me méfie de ce qui pourrait se cacher sous la surface.

Paranoïaque, moi ?

Un chouïa. Mais dans ma partie, c'est souvent ce qui fait la différence entre mort et vivant.

Finalement, je prends des risques pour le rejoindre plus rapidement. Comprendre : j'attrape une liane et je me la joue Tarzan avant d'atterrir aux côtés de mon bel endormi.

Toi : Shura ! Moi : Aphrodite !

Je pose la main sur son épaule avec un peu d'hésitation. Sous mes doigts et malgré le tissu trempé, la peau est tiède. Je soupire de soulagement avant de le secouer avec douceur.

— Shura ? Hola, Sunshine… il faut te réveiller, là…

Les muscles se crispent et je m'écarte un peu. Mon hidalgo préféré est toujours un peu nerveux au réveil. Ses démons ont tendance à hanter ses rêves lorsqu'il dort seul. Ses bras se contractent devant lui, viennent protéger ses points vitaux avant même qu'il n'ouvre ses yeux. Puis, enfin, ses paupières se soulèvent et ses iris d'un vert sombre s'égarent vers moi avant de retrouver un peu de leur acuité.

— 'Dite ? murmure-t-il la voix un peu pâteuse.

L'entendre comme ça, ça me retourne de l'intérieur. Je pose la main sur sa joue et décolle ses mèches d'ébène. Un filet de sang coule le long de sa tempe. Il doit être blessé à la tête, ce qui explique son expression désorientée.

— C'est moi Shura. Rien de cassé ?

Un silence s'installe entre nous. Je l'observe cligner des yeux comme si cela pouvait clarifier son esprit. J'attends patiemment qu'il termine l'inventaire. Son regard se fait peu à peu plus vif. Il reprend ses esprits et tente de se relever. Je le rattrape au vol alors qu'il perd l'équilibre.

— Doucement, hidalgo mio ! J'adore quand tu me tombes dans les bras mais fais gaffe, je pourrais m'y habituer.

— Ton accent… 'Dite ! Ton accent tout pourri… Tu n'imagines même pas à quel point je suis content de l'entendre.

Un rire étouffé par la peau de mon cou lui échappe et m'envoie des frissons le long de mon épine dorsale. Jusque dans mes reins. Je connais ma réputation et ce que les gens pensent de moi. Ce qu'ils ne savent pas c'est qu'entre les draps, c'est moi qui domine le plus souvent. La joie d'être en vie et de retrouver mon ami en plus ou moins un seul morceau brulent dans mon bas-ventre.

L'adrénaline me fait tourner la tête. L'envie de le plaquer contre le tronc de cet arbre et de le faire mien immédiatement me taraude. Pourtant, je m'assieds dessus et contrôle mes hormones. La bagatelle, c'est le bien, nous sommes tous d'accord sur ce point mais j'aime que mes partenaires soient suffisamment conscients pour consentir et crier mon nom.

Et, surtout, c'est Shura qui se trouve dans mes bras. L'un des seuls hommes sur cette terre pour lesquels je mourrais volontiers.

Il finit par se redresser, plus stable et, entièrement conscient à présent.

— Où sommes-nous ? Je me souviens du Mur… Puis, d'une chute. Je pense que j'ai dû me cogner la tête contre… je ne sais pas trop quoi. J'ai repris conscience quand j'ai atterri dans de l'eau.

Son regard glisse sur la surface opaque de la mangrove.

— Je crois que je l'ai échappé belle. Il y a des algues là-dedans…

Il relève les manches de sa tunique et je grimace en voyant les marques en spirales violacées entourer ses poignets et ses avant-bras. Par endroit, sa peau est percée et du sang coule toujours.

Moi aussi, je regarde la mangrove pensivement. Dire que j'aurais pu plonger là-dedans. Un clapotement nous arrache soudain un sursaut. Il faut admettre que nous avons de quoi nous sentir un peu nerveux.

— Tu penses pouvoir tenir debout ?

Un éclat de voix l'empêche de répondre. Il y a quelqu'un dans le coin qui n'est pas content… Pas content du tout et qui jure en italien !


Saharu-chan... Cadeau ! Cette fic, elle est entièrement de ta faute ! *sifflotte*