Bonjour à tous ! Après presque un an d'absence, me revoici avec une nouvelle traduction. Cette fiction a été écrite par missbeizy et c'est l'une de mes préférées. Il n'y a que trois chapitres (assez longs) et je ferai de mon mieux pour poster régulièrement. Vous pouvez lire l'histoire en VO ici : archiveofourown works/1064072?view_adult=true
Bonne lecture !
Chapitre 1
Ils se disputent en sortant de chez le conseiller, ce qui est ironique puisqu'ils s'étaient tenus la main et avaient souri en arrivant.
- Je prends ça au sérieux, Rachel. J'ai accepté de venir. Je sais qu'on en a besoin. Arrête d'insinuer que je m'en fiche s'il te plait.
- Je dis simplement que tu n'avais pas l'air très attentif, dit-elle. On paye une somme d'argent ridicule pour laver notre linge sale, le moins que tu pourrais faire est prétendre d'être intéressé. Enfin, c'est pour quoi on est payés, n'est-ce pas, tous les jours, prétendre qu'on est si bon-
Kurt claque la portière côté conducteur derrière lui et attache sa ceinture avec plus de force que nécessaire.
- Okay, ça suffit. Tu as répété ça toute la semaine et franchement, c'est devenu plus que pénible. Il passe la vitesse et sort du parking, les doigts blancs autour du volant. Je comprends, d'accord ? Je comprends.
Elle fronce les sourcils, puis son froncement se transforme en moue, et la moue à nouveau en un froncement de sourcil auquel elle sait qu'il est incapable de résister. Il est en colère, donc cette fois, tout ce qu'elle obtient sont les lignes de son front qui s'adoucissent, mais ce n'est pas une victoire pour autant, le feu est lancé.
- Je ne comprends pas pourquoi ça arrive maintenant, dit-elle, la voix tremblante. Nous sommes mariés depuis quatre ans.
Kurt n'a pas de réponse, mais il sait très bien ce qu'il recherche chez un conseiller conjugal et le Docteur Reginald ne l'est pas.
- Je ne l'aime pas, dit-il à un feu rouge. Il pourrait être notre grand-père. Je ne peux pas communiquer avec lui. Trouvons quelqu'un de plus jeune. La réceptionniste n'a pas dit qu'il y en avait un autre dans le métier… ?
- Horaires différents. Mon coach vocal-
- Rachel, souffle-t-il, c'est plus important que tes cours de chant.
- Tu as raison, dit-elle après une pause en se mordant la lèvre. Je t'aime. Je veux que ça marche.
Elle enroule son petit doigt autour du sien et il se sent très pitoyable car une petite part de lui n'est pas sûre de ressentir la même chose.
Ils ont leur premier rendez-vous avec le Docteur Anderson deux semaines plus tard et Kurt est surpris. Quand la réceptionniste avait dit « plus jeune », Kurt n'avait pas pensé que cela signifiait « plus ou moins le même âge que votre femme et vous ».
Il est tenté de demander de voir les diplômes de l'homme, mais Rachel lui lance le regard qui dit assieds-toi chéri et il est déjà épuisé de s'être disputé avec elle toute la matinée.
Le Docteur Anderson se lève pour leur serrer la main et la première chose que Kurt remarque est comme il est bien habillé. Kurt fait exprès de chercher un défaut dans la coupe de son costume, mais il n'en trouve pas. Chaque couture est ajustée à la silhouette fine du docteur. Il se demande s'il pourrait se renseigner sur le tailleur, mais après le regard dis bonjour chéri est là, et il est secoué.
- Kurt, Rachel, dit le Docteur Anderson en serrant leurs mains. Puis-je vous appeler par vos prénoms ?
- Bien sur, dit gaiement Rachel.
- Et évidemment, vous pouvez m'appeler Blaine. Asseyez-vous.
Kurt s'assoit. Il se sent étrangement à l'aise dans la petite pièce alors qu'il ne devrait pas. Quelque chose chez Blaine lui semble familier et il étudie les traits de l'homme. Séparément, ils ne sont pas remarquables, mais mis ensemble, ils sont magnifiques. La forme de son visage combinée à son corps massif et ses superbes vêtements laisse Kurt avec un sentiment de déjà vu. Il a presque l'impression d'avoir déjà rencontré Blaine avant. Mais c'est ridicule.
L'introduction de Blaine est plus ou moins la même que l'autre conseiller, mais une fois qu'il est dispensé des formalités, il s'écarte complètement du texte. Il leur demande de lui raconter comment ils se sont rencontrés, comment ils se sont mis ensemble, comment et quand ils se sont mariés, presque comme s'il était un ami avec qui ils rattrapaient le temps perdu. Il semble intéressé et engagé.
Evidemment, pour Kurt et Rachel, c'est aussi l'occasion de recommencer à zéro, et ils le font.
Les séances passent sans rien de plus que des informations de contexte soient données. Après la troisième, quand ils commencent enfin à parler de ce qui a entamé leur actuel lot de problèmes, Kurt hésite.
- Démarre la voiture ? demande-t-il à Rachel tandis qu'elle plisse les yeux avec curiosité. Laisse-moi juste une seconde.
- Nous ne sommes pas encore supposer lui parler individuellement, insiste-t-elle.
- Je dois lui demander quelque chose qui n'a rien à voir avec nous, s'il te plait ?
Elle cède à contre cœur. Kurt retourne dans le bureau de Blaine.
- Docteur And-
- Blaine, dit-il en souriant.
Ses yeux scintillent d'amusement et de gentillesse et le souffle de Kurt se coupe.
- Euh, oui. Pardon. Je m'en souviens, bredouille-t-il, ses joues chauffant.
Il se sent ridicule. Il joue devant des critiques musicaux, il devrait certainement être capable de gérer le regard intrusif de son conseiller conjugal sans gêne.
- Je dois demander parce que c'est le troisième costume et la troisième fois que je suis dérouté. Qui fait vos costumes ?
Il y a une pause, puis Blaine rit en regardant autour de lui et puis à nouveau Kurt. Il baisse les yeux, presque poliment, mais il y a du rose sur ses joues lorsqu'il les relève.
- Madame Paulette, près le de la 65ème ? Je vais là-bas depuis des années. Il y a des endroits plus chers, mais je ne fais confiance à personne d'autre.
- Je tâcherai de m'en rappeler, répond Kurt.
Il ne peut pas arrêter de sourire, son visage lui fait vraiment mal à force d'essayer.
- On essaye de me diversifier, mais je suis un ami des Brooks Brothers(1), continue Blaine en ayant l'air aussi gêné que Kurt pendant un instant. La fidélité aux marques est importante pour moi je suppose ?
- Mon Dieu, non, ne vous en faites pas pour ça, dit Kurt, vous vous en sortez aussi bien que leurs mannequins.
Il cligne des yeux en mordant ses lèvres. Que lui arrive-t-il ? Il ne se livre pas seulement, il se ridiculise.
Blaine le fixe, la tête penchée, la bouche ouverte, les yeux pétillants. Ses mains sont bloquées sur le dossier en cuir qu'il a saisi lorsque Kurt est revenu dans le bureau.
- Et bien, dit-il en prenant une grande inspiration, merci, j'essaye.
Il est sur le point de laisser échapper les mots tu réussis, lorsque la gène devient insupportable.
- A la semaine prochaine alors, dit-il à la place et il serre la main de Blaine.
Sa paume picote tout le long du chemin vers la voiture et c'est seulement quand il est sur le point d'agripper le volant que le fourmillement se déplace vers sa jambe.
- Donc c'était évident pour vous, dit Blaine.
- Et bien… Je crois ? Nous étions colocataires pendant toute cette année. Et puis nous avons été choisis pour jouer face à l'autre. C'était un peu une blague entre nous, parce que j'ai essayé de mettre en scène Roméo et Juliette avec elle au lycée pour convaincre le directeur du glee club que je pouvais jouer Roméo. C'était un désastre, mais- bref. Quand nous avons obtenu les rôles, nous avons dû répéter cette histoire à cent personnes différentes. Tout le monde l'adorait. Bref. On a commencé les répétitions. Nous avons essayé d'être professionnels- pas de répliques à la maison à moins que l'autre soit sorti. Il faut séparer le travail et la vie privée à un moment, vous savez. Sinon, on devient fou à vivre avec les gens avec qui on joue aussi. Bref, donc ouais, on a- on a continué de répéter au théâtre. Quelque chose chez ce théâtre- nous en avions rêvé pendant tout le lycée et l'université, et nous y avions passé tellement d'heures après avoir eu les rôles à répéter les répliques et la chorégraphie, et un soir nous avons eu un moment et une chose a mené à une autre.
C'est étrange de parler de cela avec un inconnu. Il ne sait pas s'il est prêt à admettre qu'il était puceau à vingt-quatre ans et qu'il avait perdu sa virginité avec son amie/ennemie du lycée, Rachel Berry, en murmurant du Shakespeare sur le bord de la scène dans le théâtre de Gershwin.
Blaine hoche simplement la tête, gribouille un mot et croise ses jambes. Kurt observe son pantalon serrer ses cuisses. Il consulte ses notes.
- Vous êtes sortis ensemble pendant un peu plus d'un an, puis vous l'avez demandé en mariage ?
Kurt acquiesce.
- Nous avons décidé d'attendre jusqu'à ce qu'on ait du temps libre pour tout préparer et de l'argent de côté pour les acomptes et tout ça. Enfin- ce n'était pas une grande surprise. Elle voulait contrôler les choses, donc c'est moi qui ai fait la demande et elle qui a dirigé, sourit-il en haussant les épaules.
Que Rachel soit aussi autoritaire et déterminée que lui ne l'a jamais dérangé. Cela le force souvent à laisser gérer les choses et il pourrait probablement se passer de la pression de temps à autre.
Blaine sourit et écrit.
- Vous jouez tous les deux maintenant… ?
- Oui, et j'enseigne aussi à Kingsborough Community. C'était un service pour un ami au départ, mais ça s'est imposé à moi et c'est un revenu en plus.
- Est-ce un challenge pour vous de faire les deux ?
- Pas vraiment, répond-t-il. J'aime être occupé.
- Combien de temps diriez-vous que votre femme et vous passez ensemble à la maison ? Temps de détente, temps intime… du temps qui vous est consacré ?
- Oh mon Dieu, pas beaucoup. Entre les spectacles, mes cours et les exigences sociales de l'industrie du théâtre… peut être une demie journée le dimanche et les congés en semaine ?
- Avez-vous discuté de prendre plus de temps ?
- Elle oui, mais je- je suis assez accro au boulot, dit-il en fronçant les sourcils. Ma carrière a eu un départ difficile et une fois j'ai commencé à avoir des bonnes critiques et des offres, j'ai hésité à dire non.
- Nous en discuterons plus amplement lors de votre séance à deux, dit Blaine. J'ai eu besoin de vous le demander car quand j'ai posé cette question pendant votre séance commune, vous l'avez tous les deux évité.
Kurt déglutit. Il rougit fort et acquiesce. C'est étrange- il y a des moments où Kurt oublie à quelle vitesse Blaine est capable de trouver le cœur du problème, des choses auxquelles Kurt n'a jamais pensé avant que Blaine en parle directement.
- Il n'y a pas de jugement ici, Kurt, dit Blaine. J'essaye juste d'apprendre ce que vous ressentez tous les deux, et quand j'aurai compris ce qui vous rebute en séance commune, je pourrai commencer à vous aider à parler de ce qui ne va pas.
- Merci, dit Kurt en se sentant soudainement bouleversé.
Quand ils avaient commencé à parler de se faire aider, Kurt l'avait pris comme de la chirurgie esthétique- six mois de traitement et ils seraient comme neufs, ils iraient et parleraient et les choses s'amélioreraient, ils seraient restaurés ou assez bien équilibrés pour qu'ils reprennent leurs vies sans trop faire d'histoires, sans avoir besoin de faire grande chose si ce n'est laisser le docteur s'en occuper.
Mais s'assoir là avec Blaine qui le regarde si ouvertement et si gentiment, il se rend compte que ce n'est pas ce à quoi il s'attendait. Rachel et lui ont vraiment des problèmes. Ils ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. Et il y a encore ce sentiment tenace au fond de son esprit, une termite de doute se tortillant de plus en plus profond chaque semaine, qui siffle quelque chose ne va pas.
Il suffit de deux semaines de séances communes et individuelles pour que Kurt craque.
En toute honnêteté, il l'a vu venir. Leur vie de famille est à présent pire qu'avant qu'ils aillent chez le conseiller, et bien que Blaine leur assure constamment que les choses empirent souvent avant de s'améliorer, Kurt n'est pas sur que ce soit leur cas.
Ils se disputent encore et encore, ils se voient moins et Kurt arrête d'associer sa présence au confort et au calme. Quand elle le touche au lit, sa peau se crispe avec le désir de ne rien faire. Ils n'ont jamais eu une vie sexuelle rebondissante et débauchée, mais elle a toujours été adéquate. Maintenant, elle diminue et tout chez Rachel, son corps et le sien, et la manière dont ils s'unissent le répugne.
Tout dans leur vie qui sonne mari et femme le met mal à l'aise. Il se sent bien seulement quand ils se comportent comme les meilleurs amis qu'ils étaient au lycée, et il commence à se demander si l'ensemble de leur relation a été le résultat malencontreux de la passion du jeu.
Il se déteste de penser cela mais il se rend maintenant compte que c'est une idée qui s'est ancrée depuis des mois.
Il pense au temps qu'ils ont vraiment passé ensemble depuis leur mariage- mis à part leur lune de miel à Paris, ils ont plus vécu comme des colocataires qui couchent parfois ensemble qu'un couple marié. Et lorsqu'il y pense vraiment, il réalise que c'est toujours lui qui s'éloigne d'elle, qui se cache toujours derrière le travail, qui trouve toujours des excuses.
- Je crois que c'est moi le problème, dit-il à Blaine un après-midi en faisant les cents pas dans une chemise froissée entièrement boutonnée et un pantalon mal repassé (il a été tellement désemparé ce matin).
- Pourquoi pensez-vous ça ? demande Blaine en le regardant.
- Peut-on, dit Kurt, puis il s'arrête et recommence. Peut-on parler de- moi ? De mon passé ?
- Bien sur, c'est tout à fait normal. De quoi voudriez-vous parler ?
- Rachel était ma première petite-amie, dit Kurt, et puis tout se répand et il ne peut pas s'arrêter. La première pour tout. Il fixe Blaine. J'ai perdu ma virginité avec elle après qu'on ait eu les rôles de Roméo et Juliette. Je n'avais jamais pensé au sexe avant ce moment. J'attendais que la bonne personne me fasse ressentir ce que tous les autres gars semblaient incapable d'arrêter de ressentir. J'ai attendu si longtemps que j'ai fini par abandonner et à me concentrer sur le lycée et le travail et rien d'autre. Et puis nous étions dans ce théâtre et cet endroit est- est magique pour nous, il l'a toujours été, et je le voulais pour la première fois, je l'ai ressenti, ou du moins je l'ai cru. Il s'assoit, son corps secoué plus de réalisation que de choc. Blaine, je n'ai jamais été attiré par une autre femme. Jamais.
Silence. Puis Blaine dit très prudemment :
- Il n'y a pas de règle qui dit qu'une personne doit être attirée par un certain nombre de gens dans la vie, Kurt. Pour certain, une personne est plus que suffisante. Il n'y rien de mal à ça.
Kurt entrelace ses doigts, pose son visage contre eux, s'avance sur ses genoux et se balance un peu d'avant en arrière.
- Non. Il continue de se balancer. Non, ce n'est pas seulement ça. On couche ensemble. Vraiment. Mais ce- ça n'a jamais été génial.
Il sent le poids de cette confession au centre de sa poitrine le plomber honteusement et dire les mots l'allège presque. Presque.
- Elle ne l'a jamais admis. Je ne lui dirai jamais. Mais- ce n'est pas comme c'est censé être. Je ne le prévois pas. Ce n'est pas terrible pour nous deux parce que- ce n'est pas bon pour moi, et on peut faire tellement peu avec la moitié de l'équation.
Je ne sais pas comment c'est censé être, mais ça doit être plus que-, dit-il en faisant signe d'écarter ses doigts. Une minute là, la suivante finie, l'intimité est agréable mais physiquement- presque rien.
Blaine s'arrête d'écrire, puis croise sagement ses mains sur ses genoux.
- Pendant nos séances, Rachel a mentionné que le sexe a toujours été plus une activité prévue qu'un acte spontané pour vous deux. Il lève la main. Encore, le sexe est différent pour chaque couple, Kurt. Ça marche peut être pour vous. C'est bon. Il n'y a pas de bien ou de mal.
Kurt souffle. Il transpire et il a l'impression que ses organes essayent de trouver l'issue la plus rapide de son corps. Il veut s'accrocher à quelque chose, donc il agrippe les accoudoirs en cuir du fauteuil dans lequel il est assis et essaye de réguler sa respiration comme il ferait avant de monter sur scène.
- Cependant, dit Blaine, et Kurt lève les yeux.
Il est désespéré pour cependant. Cependant semble comme quelque chose dont il aurait besoin pour quitter cette séance avec espoir.
- Le fait que Rachel ait été votre seule liaison amoureuse m'encourage à vous demander si vous avez oui ou non ignoré- des parts de votre identité sexuelle ?
Les mots restent suspendus dans l'air entre eux comme le brouillard de Londres et Kurt ne peut pas détourner le regard de ces superbes yeux chaleureux. Quelque chose chez Blaine lui donne envie de se mettre à plat ventre et de confesser des choses dont il n'est pas sur d'avoir les mots. Il sent qu'il peut faire confiance à Blaine, que Blaine lui pardonnerait tout.
- Juste parce que je travaille dans le théâtre et que j'aime la mode ne veut pas dire que je suis-
Blaine lève la main.
- Non. Ce n'est pas ce que j'insinue. Il se lèche les lèvres. Mais je veux que vous réfléchissiez à pourquoi c'est la première chose à laquelle vous avez pensé quand j'ai parlé de votre sexualité. Pour la prochaine fois. D'accord ?
Merde.
Putain.
Kurt hoche la tête.
Kurt refuserait normalement d'aller prendre un verre après une représentation de l'après-midi et rentrerait à la maison voir Rachel, mais elle va à un enterrement de vie de jeune fille ce soir et l'idée de rentrer dans un appartement vide est insupportable.
Il est en déjà à son troisième verre et il s'amuse plutôt bien lorsqu'il remarque Blaine Anderson à l'autre bout du bar, riant et parlant avec quelqu'un du chœur. Voir son conseiller conjugal dans une paire de jean, un cardigan et un nœud papillon avec un cocktail rose clair à la main, se tenant là comme s'ils partageaient le même univers est la chose la plus étrange au monde. Et ils partagent le même monde, mais cela ne rend pas ça moins étrange.
Il se dirige vers le bar. Il fait semblant de rentrer dans la personne qui se tient à côté de lui, puis sourit et feint la surprise :
- Docteur Anderson ?
Les yeux de Blaine s'écarquillent. Il rit en posant une main sur son torse :
- M. Hummel ?
Ricky, le baryton du chœur sourit :
- Mon Dieu, j'ai toujours su que tu finirais par avoir besoin d'un psy, Kurt.
Kurt sourit.
- Ha, ha. Pousse-toi. Il se glisse entre eux et demande qu'on remplisse encore tous leurs verres. S'il vous plait, dîtes-moi que vous essayez de mettre un pied dans l'industrie, dit-il à Blaine, essayant d'outrepasser la gène qui s'est installé depuis que leurs regards se sont croisés. Je vous ai entendu chanter dans votre bureau. Vous n'êtes pas mauvais.
- C'est fou, je le savais, marmonne affectueusement Ricky.
Kurt le regarde avec un large sourire tandis que Blaine répond :
- En fait, j'avais deux places pour la représentation de ce soir. Je ne savais pas si ce serait bizarre que je vous le dise avant- je suis ami avec Julian, il m'a invité ici à l'entée des artistes, sourit poliment Blaine. Je ne voulais pas- c'est assez peu professionnel, je suppose- je voulais peut être ne pas vous forcer à me remarquer à moins que vous ne le vouliez ?
- Doux Jésus, dit Ricky en les regardant tous les deux avant de sourire et de s'éloigner avec un joyeux : Je vais vous laisser tranquille.
Kurt se glisse sur la place abandonnée du bar.
- Désolé, il est assez-
Blaine agite la main en souriant.
- C'est bon. Il me disait juste quel terrible copain est Julian. On dirait parfois que tout le casting est sorti ou a couché ensemble, sérieux, Julian ne parle que de ça.
- Tous ces mauvais ragots. Ça doit être tellement ennuyeux à écouter.
- Mon Dieu, non, dit Blaine en souriant follement. J'adore ça. J'aime vivre pour les autres. Je voulais performer avant de changer pour la médecine.
- Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ? demande Kurt.
Il essaye très fort d'arrêter de le fixer, comme souvent quand il est près de Blaine. Cet homme est si assorti, si élégant. Kurt n'arrive pas à décider s'il est jaloux de son style, simplement admiratif ou-
- Je voulais aider les gens et j'ai eu une prise de conscience après ma remise de diplôme au lycée, dit Blaine en haussant les épaules. Je fais du théâtre de temps en temps pour ne pas perdre la main. C'est une bonne activité. Parfois je pense que c'est mieux comme ça. Parfois ça me manque.
- Je suis sûr que Mme Anderson doit aimer votre côté dramatique, dit Kurt.
Il pose son coude sur le bar en se tournant vers Blaine lorsque quelqu'un le pousse derrière lui. Leurs bras s'effleurent.
- Si vous parlez de ma mère, qui est la seule Mme Anderson dans ma vie, alors non, pas vraiment, répond Blaine en riant, les yeux brillants et les joues rougies par l'alcool. Mais elle est ravie que j'ai ces lettres en plus devant mon nom.
Kurt le regarde longtemps après qu'il ait fini de parler et il se surprend à soutenir son regard trop longtemps. Il regarde son verre et le secoue.
- Un autre ?
Blaine se mord la lèvre inférieure et acquiesce.
C'est une très mauvaise idée, mais Kurt se sent un peu étourdi.
Le bar est horriblement bondé et chaud, et lorsqu'ils sont saouls, Kurt ne peut plus respirer et il transpire à travers ses vêtements, donc il tire Blaine dehors sur le trottoir. L'air glacial de l'hiver est un soulagement et Kurt étend ses bras et agite son manteau pour se refroidir.
Blaine dit qu'il doit passer un appel. Kurt ne sait pas vraiment ce qu'ils font, si ce n'est pas professionnel ou trop personnel, mais rien n'a semblé interdit depuis qu'ils se sont dit bonjour. Pourquoi changer de cap maintenant ?
Blaine raccroche et le rejoint, lui donnant un petit coup de coude en marchant sur le trottoir.
- Besoin d'air. Tu as laissé quelque chose à l'intérieur ? Quelqu'un à dire au revoir ? Je me suis chargé du taxi.
Kurt secoue la tête. Il veut dire ma santé mentale mais il se contente de sourire, baisse la tête et met ses mains dans ses poches en marchant.
- Ne parlons pas boulot, d'accord ? demande-t-il après un ou deux pâtés de maisons. Il se demande ce que recherche Blaine.
- Bien sûr, répond Blaine en souriant.
Ils trouvent un bar plus calme, commandent des hamburgers et mangent en silence, contents que les lipides calment leurs estomacs. Ne pas être soûl aide à regagner la maîtrise de soi. Kurt vole des oignions de l'assiette de Blaine et Blaine pique des frites de la sienne et ils sourissent et éraflent leurs chaussures sur le sol et ne se regardant pas beaucoup.
Et pourtant, même avec tout ça, le pouls de Kurt est régulier et ses mains sont moites, et il est- excité. Il est excité d'être là, d'avoir Blaine en face de lui, excité par les mots qui vont sortir de sa bouche, excité d'entendre ou faire ou dire n'importe quoi tant que Blaine est impliqué. Est-ce de la dépendance mal placée à cause de la thérapie ? Il ne sait pas et ça n'est pas important.
- Ton nœud papillon est ridicule, dit-il.
Blaine rit.
- Oh, vraiment ?
- Oui. Je l'adore, dit Kurt en traînant une frite dans une marre de ketchup. C'est- charmant. Vieux jeu ? Tu le portes comme s'il t'appartenait et c'est ce qui compte.
- Ton approbation compte beaucoup, dit Blaine, mi sérieux, mi moqueur, un sourire s'étirant aux coins de sa bouche.
- Sois un peu reconnaissant, je te paye le dîner après tout. Les joues de Kurt chauffent à cette mention.
- Oh, fait Blaine en volant une autre frite. Je vois. C'est ce que tu fais ?
- Ouep, répond Kurt en cognant leurs genoux sous la table, essayant de faire passer cela pour accident. Il ne sait pas ce qu'il fait. Tu as payé les boissons.
- Hm, répond Blaine en pressant son genou droit contre le gauche de Kurt, ça paraît juste. Si tu me laisses marcher avec toi jusqu'à ce que tu trouves un taxi ? Je me sens responsable puisque je t'ai volé à tes amis.
- Tu veux savoir ? demande Kurt tandis qu'ils cherchent un taxi de libre. Ils ne sont pas mes amis. C'est bizarre- je pensais que le théâtre serait comme une grande famille tout le temps. Ce spectacle ? Non. Je ne sais pas pourquoi. Je me sens éloigné de ce groupe depuis le début. Il fronce les sourcils. Peut-être que c'est pour ça que ma vie de famille a explosée. J'ai toujours dû travailler pour me distraire en société- sans ça, je suppose- merde. On parle boulot. Désolé.
Blaine heurte leurs bras ensemble.
- C'est pas grave. Tu avais l'air de t'amuser ce soir.
- Oui, répond Kurt en souriant, les poings se serrant dans ses poches.
Il continue de vouloir prendre Blaine par le bras –un geste ordinaire pour lui- et il doit se rappeler qu'ils ne sont pas amis, ils ne se connaissent pas assez pour justifier ce genre d'intimité.
- Je suis content qu'on se soit croisé. J'espère juste que ça ne sera pas bizarre, enfin, avec les séances.
- Ça arrive, Kurt, dit Blaine en haussant les épaules. C'est une grande ville mais ça arrive.
Ils trouvent enfin un taxi et Blaine tient la porte pour Kurt tandis qu'il monte dedans.
- Merci pour les verres. Et pour l'oreille amicale.
- Merci pour le dîner, répond Blaine en le fixant, toujours la même expression bienveillante et honnête. Rentre bien, d'accord ?
- Bien sûr, sourit Kurt.
Les pièces deviennent des prisons quand on ne souhaite pas les partager. Cela se fait progressivement. Au début, ils arrêtent simplement de dîner à table. Kurt prend son repas -soyons honnête, ils ne cuisinent pratiquement jamais, donc c'est souvent des plats à emporter- et mange sur le canapé en regardant la télévision ou en tapant sur sa tablette ou son ordinateur dans son bureau ou dans la chambre.
Ils arrêtent de faire semblant de s'intéresser aux complexités de leurs journées. Alors que cela aurait été du jamais vu de ne pas être au courant de tout ce que l'autre a fait ou dit pendant la semaine avant, c'est maintenant le silence radio. Ils arrêtent de suivre les séries qu'ils regardaient ensemble, ils arrêtent de parler des appels à leurs familles. Ils arrêtent leur régime ensemble, arrêtent de chanter ensemble à la maison pour s'amuser, arrêtent de se donner des manucures et des pédicures.
Il s'assoit au bord du lit la nuit, les épaules nues encore humide à cause de la douche, et sa peau le démange car il souhaiterait vraiment avoir le lit pour lui tout seul. Rachel dégage de la chaleur comme un four, donc leur appartement est toujours glacé pendant l'hiver. Elle baisse la température pour être à l'aise sous les draps et donc Kurt a froid avant d'aller se coucher, puis a trop chaud toute la nuit, et il déteste ça, mais ça ne l'avait jamais dérangé avant.
Chaque fois qu'ils couchent ensemble, il souhaite pouvoir être ailleurs. Son corps répond à la stimulation, mais c'est comme faire l'amour en portant un costume de neige à travers un trou dans les draps. Il n'arrive pas à se relier, à ressentir. Un soir, il ne peut même pas finir. Elle descend de ses hanches en sueur avec un léger soupir, et même si les choses se sont rapidement dégradées depuis un moment, il se sent horrible. Cela n'est jamais arrivé et échouer lui donne l'impression d'être moins homme, même s'il sait qu'il ne le contrôle pas.
- Je suis désolé, dit-il en passant ses doigts dans ses cheveux et en remettant son boxer avec un coup d'œil coupable à ses cheveux ébouriffés et son corps nu.
Le pire est qu'il sait qu'il l'aime toujours, mais toutes les couleurs sont délavées et les formes sont écrasées. Sans le « amour » de « amoureux », tout devient plus petit et ses illusions sont brisées.
- C'est pas grave, dit-elle en enfilant un t-shirt trop grand pour elle. Il est tard de toute façon.
Leurs séances communes se transforment en cauchemar car aucun d'eux ne veux avouer l'évidence, et Blaine ne peut pas faire grand-chose s'ils ne parlent pas.
Kurt tire beaucoup plus parti de ses séances individuelles. Il est facile de parler à Blaine. Ce n'est pas facile pour Kurt et il apprécie le temps que prend Blaine pour essayer et l'aider à régler les choses.
Et il s'avère qu'il est dans un sacré pétrin.
Le mariage avait rendu tout tellement stable, si normal, mais après les débuts de son échec, Kurt se rend compte qu'il n'y connaissait rien. Il ne s'était presque jamais masturbé ou n'avait jamais eu de fantasme pendant tout le lycée et l'université. Il n'avait jamais été sexuellement attiré par Rachel jusqu'au moment où il était tombé amoureux de l'idée.
Mais la chose qui l'embrouille vraiment est qu'il n'a jamais rien ressenti de sexuel pour personne. Ils discutent brièvement de l'asexualité –c'est fascinant et Blaine lui fournit d'excellentes informations, mais à la fin, ce n'est pas lui, tout comme l'idée d'être attiré par une femme. Il veut du sexe, mais d'une manière qui a toujours parue si petite, si informe comparée à toutes ses passions dans la vie.
Il sait que Blaine n'est pas un sexologue, mais ils finissent par en parler et Blaine demande un jour :
- As-tu des fantasmes sexuels ? Si oui, comment sont-ils ?
Il regarde le parfait éclat des chaussures de Blaine, la façon dont les coutures de son pantalon serrent ses jambes. Il passe à présent beaucoup de temps à fixer la partie inférieure de Blaine, désespérément embarrassé, car croiser son regard est impossible, surtout les jours où il a l'impression que tout son monde s'écroule autour de lui et la seule chose qui lui donne de l'espoir est le doux ronronnement de la voix de Blaine et la griffure réconfortante de son stylo bille sur le papier pendant qu'il prend des notes.
Il se racle la gorge.
- Sans visage. Sans corps. Tu sais- quand tu es au lycée ou même à l'université, et que tout le monde parle de fantasmes et de parties du corps, et font des clins d'œil et des coups de coude quand une personne attirante passe ? Je n'ai jamais fait ça. Je n'ai jamais ressenti ça. Pour moi- mes fantasmes étaient toujours- des sentiments. De la romance. Je voulais être vu, être désirable. Je voulais être aimé et voulu. Je voulais me sentir en sécurité et connecté à quelqu'un plus que je voulais un acte physique ou une personne en particulier.
Blaine acquiesce, écrit :
- Mais tu as été naturellement attiré par Rachel. Donc il y a quelque chose de physique là-dedans.
- Seulement parce que je l'aimais déjà, je pense, dit Kurt en sentant son cœur frapper contre l'intérieur de sa poitrine.
C'est la première fois qu'il dit cela et c'est douloureux. La douleur lui donne envie de faire la sourde oreille et de se renfoncer dans son fauteuil.
- On revient toujours au même problème, dit Blaine dans le silence. Donc approchons-le plus directement. Si tu me le permets. Il lève son stylo d'un geste plaintif. As-tu déjà été attiré par un autre homme, Kurt ?
Kurt lève la tête à temps pour croiser le regard de Blaine. Le silence se transforme en malaise. Il sent son visage chauffer et refroidir en un éclair.
La pensé, aussi simple soit-elle, ne lui jamais vraiment venue à l'esprit. Il aurait été facile de s'assigner divers stéréotypes, surtout au lycée. Il n'est pas stupide, il entendait les gloussements et les murmures. Il les a entendu toute sa vie et il sait aussi ce qu'on pense de lui depuis le collège. Il n'a jamais voulu que les gens le détestent, mais il n'a jamais supprimé des envies particulières et évidentes non plus. Il doit cependant admettre que chaque fois qu'ils abordent le sujet en séance, il réagit. Il sent quelque chose dans son ventre, chaud et se tortillant, et cela doit vouloir dire quelque chose car c'est nouveau.
- Tu penses que je pourrais être gay, dit-il.
Les mots s'installent comme un morceau de charbon bouillant dans sa gorge. Blaine sourit.
- J'aimerai que tu me dises ce que tu en penses.
- Je pense que-. Il s'arrête. Il essaye de laisser venir les mots car il réfléchit déjà trop. J'ai toujours manqué d'amis garçons en général. Je pensais que c'était parce que je m'entends mieux avec les femmes- être amis aves les filles est plus simple quand on est- comme moi, je suppose ? Du moins, au lycée, et c'est devenu une habitude ? J'étais entouré d'hommes gays à l'université, mais je n'ai jamais- je ne me suis jamais rapproché de quelqu'un sauf Rachel, pas sur le long terme, bref. Je continuais d'espérer qu'une vie sociale arrive, mais il y a eu le travail, tellement de travail et d'auditions- tout le monde semblait m'ignorer à la fin, sauf elle. Comme si c'était inévitable qu'on se mette ensemble, tu sais ? La vie essayait de me dire quelque chose, inspire-t-il. Maintenant que j'y pense, je suppose que j'avais un angle mort pour les gays. Je n'avais pas de préjugé, je ne les évitais pas, je- ils étaient comme n'importe qui d'autre pour moi, pas plus d'intérêt que la personne suivante.
- Il y a un thème de déconnection ici que je remarque tout le temps, dit Blaine. Tu sembles t'être attaché à Rachel depuis l'adolescence et depuis, tu l'utilises comme un tampon contre le monde- contre une vie sociale plus étendue, contre des relations peut être non-platoniques avec d'autres gens, contre des fantasme ou quelque chose, quelqu'un de différent.
Tu dépends beaucoup d'elle et tu continues de parler d'appartenance et de se sentir en sécurité. Tu ne sembles pas arriver à te connecter aux choses à moins qu'elle soit impliquée d'une certaine façon, et les problèmes de distance que tu as dans ton couple te bouleversent encore plus, car sans ta connexion avec elle, tu as des problèmes dans tous les aspects de ta vie, pas seulement ceux associés au mariage. Tes autodéfinitions sont vagues et l'ont peut être toujours été, et pour la première fois dans ta vie d'adulte, tu es forcé de l'admettre.
- Que- que suggères-tu ?
Blaine lève la main.
- Je pense que vous pourriez tous les deux bénéficier d'une séparation temporaire. Mais on en reparlera en séance commune, d'accord ?
Le cœur de Kurt bat follement.
- Oh mon Dieu. D'accord.
- C'est fini pour aujourd'hui. Puis-je, euh, te raccompagner dehors ? Je vais déjeuner.
- Bien sur.
Blaine porte un manteau particulièrement beau aujourd'hui et Kurt prend un moment pour l'admirer tandis qu'ils descendent au parking.
- C'est un enchaînement plutôt maladroit, mais je, euh, voulais te demander si Rachel et toi allez à la fête d'anniversaire de Julian ce week-end ? J'y vais et je ne voulais pas que ce soit gênant.
Kurt pense à l'agréable soirée qu'ils ont passée au bar et sourit.
- Ouais, on y va. Je le dirai à Rachel. Je ne pense pas que ça posera de problème.
Ils s'arrêtent à la voiture de Blaine et Kurt resserre son manteau contre lui. Il réprime l'envie de serrer la main de Blaine.
- Ça va ? demande Blaine, et cela sonne personnel pour Kurt. Je sais que l'idée d'une séparation peut être effrayante et la discussion sur la sexualité encore plus donc- tu as l'air si pale et je-
- Docteur Anderson, analyses-tu ma tête en dehors des heures allouées ?
- Je peux te faire payer un supplément si tu veux, dit Blaine en souriant malicieusement. Et non. Je suis juste inquiet. Je- je peux te conduire chez toi ? En tant qu'ami ?
Il semble retenir sa respiration et Kurt cligne des yeux comme une chouette.
Amis. Hein.
- Bien sur, dit-il et il essaye de rester calme en montant sur le siège passager de la voiture hybride de Blaine.
Malgré l'inquiétude de Blaine, ils gardent la conversation légère. Ils parlent de restaurant et Kurt demande où Blaine va déjeuner –un petit resto italien avec un ami- et ils parlent un peu de leurs préférences et de leurs allergies alimentaires –Blaine est allergique à la crevette- et ils s'assoient devant l'appartement de Kurt et Rachel pendant dix minutes avant que Kurt se rende compte qu'ils bavardent sans fin en vue.
Encore, il ne peut pas arrêter de sourire. Encore, parler à Blaine est aussi naturel que de respirer. Encore, il questionne sa santé mentale et se demande s'il s'accroche à lui juste parce qu'il est la première personne à être là pour lui depuis qu'il n'est plus amoureux de Rachel. Il soupire. Il n'y a pas de bonne manière de jauger cela, mais il fait chaud dans la voiture et Blaine sent bon et il ne veut pas être seul maintenant. Il ne sait pas ce qu'il est et ce qu'il n'est pas censé ressentir –rien n'est plus normal ou prévisible, alors où se situe la limite ?
Enfin, ils ne peuvent plus ignorer le temps. Blaine sourit, agrippe le volant et détourne le regard, comme s'il se préparait, et la tension entre eux claque et s'enroule.
Les mains de Kurt sont moites sous ses gants et sa poitrine lui fait mal. Il tend la main.
- Merci, doc, dit-il en souriant quand Blaine la prend. Je te verrai ce week-end alors ?
La poigne de Blaine est ferme, chaude et familière d'une certaine façon. Kurt aime ça. Il aime la largeur de la paume de Blaine et l'odeur de ses gants en cuir. Il aime la façon dont le pouce de Blaine passe sur le dos de sa main quand ils rompent le geste.
- J'ai entendu qu'il va y avoir un karaoké, dit-il. Tu veux peut être sortir le grand jeu.
Kurt glousse tandis que Blaine remonte la vitre passagère avec un clin d'œil.
- Est-ce que le docteur Anderson t'a dit qu'il serait à la fête ce soir ? demande Rachel.
- Ouais, répond Kurt en tournant devant le miroir et en pulvérisant encore de la laque sur ses cheveux. Il n'est pas surpris que Blaine leur en ai parlé à tous les deux séparément.
- Tu n'as rien dit sur comment se passent les séances pour toi ? dit-elle en lissant son rouge à lèvre avec précaution. Il lui passe une autre teinte de crayon à lèvre. Elle sourit et le prend. Merci.
- C'est une première pour moi, dit-il, légèrement distrait. Je- comprends des choses.
- Je ne veux pas me disputer, dit-elle en lissant le tissu soyeux et brillant de sa chemise sur ses épaules. Je- amusons-nous, d'accord ? J'ai plusieurs options de duos dont il faut qu'on discute en chemin.
Il rit, secoue la tête, se penche, prend son visage dans ses mains et l'embrasse. Au moins, elle est toujours sa meilleure amie et il veut s'amuser aussi ce soir.
- Tu ne penses pas que ça va être bizarre que Blaine soit là ?
Elle sourit en gonflant ses cheveux avec une bombe de laque dans l'autre main.
- Blaine, hein ?
Kurt secoua la tête.
- Quoi ? Il nous a demandé de l'appeler comme ça.
La fête bat déjà son plein lorsqu'ils arrivent en retard exprès et donnent leurs manteaux et cadeaux au frère de Julian, qui semble avoir organisé les festivités. Kurt perd le compte de combien de joues il doit embrasser avant d'arriver à la nourriture et l'alcool. Rachel descend une coupe de champagne, l'embrasse et disparaît dans une foule d'amis. Il a l'habitude, ils doivent boire et se socialiser un peu avant de chanter et de danser devant leurs amis, et il est plus qu'habitué à se fourrer la bouche de petites quiches et de bébés cupcakes pendant qu'elle se met au courant des derniers ragots.
Il trouve Julian, lui souhaite un joyeux anniversaire, discute avec lui pendant quelques minutes, puis se mélange encore, dansant sur la musique et sirotant son verre doucement. Les connaissances ainsi que les gens du théâtre à qui parler ne manquent pas, et Kurt oublie de chercher Blaine pendant une bonne demi-heure après leur arrivée.
C'est seulement quand il admire la combinaison chemise violette/cravate violette sur une paire d'épaules particulièrement charmante qu'il se rend compte que la personne les portant est Blaine. Ses manches sont remontées et son pantalon a un léger éclat sur le côté qui reflète la lumière quand il tourne. Kurt sourit dans son canapé et se mord l'intérieur de la joue pour garder son expression en place. Il se force à traverser la pièce doucement, lissant ses vêtements avant de s'approcher.
- Kurt, dit Blaine en souriant.
Il a une bière dans la main et utilise l'autre pour tirer Kurt dans une étreinte amicale. Kurt se détourne à la dernière minute. Quand il s'écarte, il rit, les joues rouges, à cause du léger éclat d'ivresse dans les yeux de Blaine.
- Mon petit doigt me dit que ta femme va te traîner sur scène.
- Oh mon Dieu, elle est rapide ce soir, dit-il en souriant. Ça veut dire que ça va surement être Wicked.
- J'ai hâte, répond Blaine. Il a toujours une main sur le dos de Kurt et il la retire doucement, se léchant la lèvre inférieure. Ne me laisse pas te retenir.
- Ne pars pas tant que je suis coincé là-haut ? demande Kurt, se sentant audacieux. Le champagne lui monte toujours à la tête.
- Bien sur que non, dit Blaine.
Rachel le trouve à mi-chemin vers la machine à karaoké. Leur reprise de « For Good » est un succès –l'alchimie sur scène est quelque chose qu'ils ont toujours- et ils sont accueillis par plus d'alcool, d'étreintes et de baisers jusqu'à ce que Kurt soit complètement retourné dans la foule.
Il danse avec Rachel pendant quelques chansons, puis avec plusieurs amis de Rachel à sa demande. La foule de partenaires n'a pas de limite de genre et Kurt passe d'homme à femme en gloussant, ne pensant pas du tout à Blaine, jusqu'à ce que l'ivresse commence à s'estomper.
Il va aux toilettes, mange une petite portion de pâtes, se blottit contre Rachel dans un coin, puis recommence à sociabiliser, se rappelant de garder un œil sur Blaine.
Kurt le trouve seul dans un coin, buvant un verre. Sa cravate est desserrée et le bouton du haut de sa chemise défait. Ses cheveux ont des petites boucles qui rebiquent sur ses tempes là où le gel a commencé à partir. Il a l'air beaucoup trop pensif pour une fête si gaie.
- Mon Dieu, ta voix est incroyable, même avec ce matériel pourri. Et vous deux ensemble- une harmonie géniale, dit-il en se balançant un peu sur ses pieds au moment où Kurt approche.
- A quand ton tour ? demande-t-il afin de réintroduire sa présence tandis qu'il se réjouit du compliment.
- Oh, non. Non, j'ai trop bu, ce serait terrible.
- Attends, attends, attends, dit Kurt en bougeant le doigt. C'est pas juste.
Il s'appuie contre le mur à côté de Blaine, le corps tourné de côté pour lui faire face.
- Allez, fait un truc stupide. Une chanson pop. Je veux te voir.
- Avant la fin de la soirée, je promets, dit Blaine en souriant. Danse avec moi ?
Ce n'est pas différent des autres danses que Kurt a partagées avec ses autres amis ce soir-là. Les mains de Blaine se posent sur ses hanches mais il y a une distance polie entre leurs corps. Il finit par être assez audacieux pour enrouler ses doigts sur le haut des épaules de Blaine.
Ils dansent jusqu'à ce que la musique passe à quelque chose de plus lent, et Kurt les sort de la foule et retourne dans le coin calme qu'ils occupaient avant.
- Tu ne veux pas danser un slow moi, Hummel ? demande Blaine en donnant un petit de coup taquin à l'avant-bras de Kurt.
Kurt rit, baisse la tête et pose son verre sur le rebord d'une jolie table.
- Tu danses souvent des slows avec tes patients ?
La main droite de Blaine lui caresse le bras, le faisant se tendre et se tenir plus droit.
- Tu refuses toujours les slows parce que tu ne sais pas suivre ?
- Je sais suivre, proteste Kurt.
Blaine le tire délicatement par la manche, prend sa main libre et la tient tandis qu'il presse l'autre entre les omoplates de Kurt, les faisant tourner doucement.
- Tu fais l'idiot, dit Kurt, la voix chevrotante.
Blaine les fait tourner dans l'autre sens, dirigeant avec son pied et leurs mains liées. Leurs hanches se frôlent, mais il y a cette distance et Kurt ne devrait pas rougir de cette façon.
- C'est vrai, dit Blaine en souriant, mais je sais danser.
Il fait tourner Kurt et le serre, et le fait descendre, encore et encore dans leur petit coin isolé, jusqu'à ce que Kurt rigole et se sente comme si le rouge sur sa peau soit devenu permanent. Il ne s'est jamais senti comme cela, à l'aise et excité à la fois, comme si rien de mal ne pouvait arriver tant qu'ils continuaient à faire ça, à ce rythme là.
- Tu réalises que ça ne va pas te priver de karaoké, dit-il.
- Pardon, répond Blaine en passant sa main de bas en haut sur le dos de Kurt, je suis un peu soûl.
Kurt l'est aussi. Il met la faute sur son ivresse pour les prochains mots. Il ne prévoit pas qu'ils sortent. Mais ils sortent tout de même. Il ne prévoit pas de reculer et de fixer les yeux de Blaine tandis qu'il les dit, mais il le fait quand même.
- Es-tu gay, Blaine ?
Blaine le fixe aussi et répond sans hésitation :
- Oui.
Kurt déglutit et est prêt à répondre quelque chose de stupide lorsque Rachel arrive derrière eux en piaillant à propos d'un rappel et l'éloigne.
Au final, il ne voit pas Blaine s'approprier la scène. Il redevient soûl et finit par trébucher dans un taxi à deux heures du matin sans avoir l'occasion de dire au revoir. Une part de lui le regrette, mais une autre part pense que c'est pour le mieux.
Cependant, il a un message d'un numéro inconnu le lendemain matin.
2h32 : ma première et tu l'as raté… peut être une autre fois
10h12 : blaine anderson je suppose ?
14h56 : j'étais complètement soûl quand j'ai envoyé ça… j'avais ton numéro depuis la fois où tu as appelé pour annuler, mince, désolé, ça ne se reproduira plus.
16h01 : ne t'excuse pas, je suis intrigué, tu as cassé la baraque ?
16h12 : tu devrais demander à marco, je crois qu'il l'a déjà mis sur youtube, mais ne le partage pas avec toute la troupe stp ? je crois que j'ai chanté du britney spears, ne me juge pas.
16h20 : je promets de le regarder en privée… il vaut mieux avoir ce genre de fou rire seul
17h03 : eh bien merci
17h12 : un fou rire de pure joie, mon dieu, ne prend pas tout si mal… il faut peut-être qu'on parle de ta tête et de son manque de consistance docteur anderson
17h15 : j'y penserai. Passe un bon week-end
Il relit la conversation une demi-douzaine de fois au cours du week-end. Chaque fois que Rachel et lui sont trop calmes ou qu'ils s'énervent, il la ressort et ça le fait sourire. Il sait que c'est stupide de considérer que lui et Blaine sont amis. En effet, ce serait bizarre de traîner trop souvent avec le gars que vous payiez deux cent dollars de l'heure pour mettre de côté son psychisme, mais il ne peut pas s'empêcher d'aimer l'idée.
Dimanche est la journée pour nouer des liens et Rachel et lui vont au cinéma et déjeune dans leur restaurant Indien favori, et c'est agréable. Cela lui rappelle leurs années à l'université et combien la vie était plus simple à cette époque. Le futur était un objectif auquel ils travaillaient ensemble, un plan concret et rassurant à mettre à exécution.
Maintenant qu'ils sont installés, il se demande quelle est la prochaine étape et s'il veut la franchir avec elle, ou elle avec lui. Tout est soudain changeant, douteux, et ça lui fait peur.
Ils ont une séance qui se passe particulièrement mal. C'est étrange, ils sortent en bons termes, mais quelque chose a clairement contrarié Rachel plus que Kurt. Elle est sèche tout l'après-midi, ils se disputent à propos du dîner et elle commence à lui répondre, crachant des injures qu'elle n'utilise jamais. Kurt est sous le choc.
Et puis elle aboie :
- Sors. Sors, je ne peux même pas te regarder.
Il tremble lorsqu'il atteint le problème, trop blessé pour retourner chercher ses clés et son portefeuille. Il a ses chaussures aux pieds et son portable dans sa poche, et au moins il portait un pull lorsqu'elle avait commencé à s'énerver après lui.
Il fait le tour du pâté de maison avant de s'arrêter pour reprendre son souffle devant une épicerie coréenne.
Il y a un certain nombre de personne qu'il pourrait appeler mais il appelle Blaine. Il sait qu'il ne devrait pas, mais aucun de leurs amis n'est au courant de leurs problèmes et il ne supporte pas l'idée de devoir expliquer.
- Kurt ? Est-ce que ça va ?
- Rachel m'a mise à la porte, lâche-t-il. Enfin, pour la nuit, je- on s'est disputé.
- Ça a été dur pour elle aujourd'hui, dit Blaine. As-tu essayé de la calmer ?
- Je pensais savoir comment mais, répond-t-il, la gorge se serrant.
- Je ne voulais pas insinuer que tu avais fait quelque chose de mal. Désolé, c'est l'habitude, de demander ça.
Il s'arrête. Il est probablement en plein milieu de quelque chose. Du moins, il a l'air distrait.
- Que- que puis-je faire ? En tant qu'ami. Je ne peux pas- tu vois ce que je veux dire.
- Je suis parti sans mes clés ou mon portefeuille, souffle Kurt en fixant la rue d'un regard vide. Et je- il fait froid. Tu pourrais peut-être me conduire à un hôtel ? Laisse-moi emprunter ta carte pour la réception ? Je peux m'occuper de la note demain.
Ses doigts commencent à s'engourdirent autour de son portable. Il ferme les yeux, la honte inondant ses joues d'avoir à demander cela. Il déteste ça, mais la rue est large, sombre et sans pitié, et il veut juste être au chaud quelque part qui ne crie pas tu ne la mérites pas, tu ne mérites pas ça, ta vie est un mensonge.
- Je n'ai rien de prévu ce soir, dit Blaine. Voudrais-tu squatter mon canapé ?
- Oh mon Dieu, non, c'est trop. Juste un tour en voiture, s'il-te-plait, si ça ne pose pas de problème ?
Vingt minutes plus tard, il est dans la voiture de Blaine, si reconnaissant pour les sièges chauffant qu'il se met presque à pleurer. Il ne sait pas d'où viennent ces larmes ce soir, mais il continue de se représenter le visage tourmenté de Rachel et chaque fois-
- Hey, dit Blaine en posant une main sur son bras. Respire, d'accord ? Inspire et expire.
Ils conduisent sans direction pendant un petit moment. Kurt essaye de réfléchir à un hôtel abordable dans ce coin là, puis abandonne et se met à chercher un endroit où dormir sur son téléphone.
- Je te suis vraiment reconnaissant, dit-il en regardant son portable. Il tremble toujours malgré la chaleur, bien que le pire de la panique soit passé. C'est plus qu'assez.
- Laisse-moi t'héberger pour la nuit, dit Blaine. Je n'aime pas t'imaginer seul dans un hôtel et- tu auras besoin de moi pour payer la note demain de toute façon, donc je devrais revenir.
Kurt regarde Blaine, il le regarde vraiment pour la première fois depuis qu'il est monté dans la voiture. Il porte un bas de survêtement, un sweat et une veste. Il porte ses lunettes et ses gants ne sont pas assortis à l'écharpe autour de son cou. Il a dû sortir en courant de son appartement au moment où Kurt a appelé.
Kurt inspire pour reprendre ses esprits, un milliers de pensées lui passant par la tête. Sa peau picote, soit à cause de la chaleur dans la voiture, soit à cause d'autre chose, il ne sait pas.
- Si tu es d'accord, finit-il par dire.
- Bien sûr, sourit Blaine.
Blaine possède un magnifique, si ce n'est, petit appartement dans un quartier agréable et naturellement, Kurt n'est pas surpris. Il prend le temps de complimenter la décoration et la combinaison de couleur pendant que Blaine enlève son sweat et lui propose du thé.
- Pourquoi tu ne te doucherais pas avant ? Je te sortirai un pyjama. Il sera un peu petit pour toi mais-
- Blaine, soupire Kurt, tu n'es pas obligé de faire ça.
- Laisse-moi ? demande-t-il, les yeux brillants et les lèvres pincées, et Kurt ne peut pas lui dire non.
C'est cependant étrange d'entrer dans la vie de quelqu'un d'autre, de se doucher dans une salle de bain inconnue et d'enfiler un pyjama à motif de notes de musique qui lui serre les chevilles et les poignets. Ce n'est pas sa maison, pas ses vêtements, pas l'odeur de sa lessive. Il emprunte un peu de produit juste pour empêcher ses cheveux de friser, puis retrouve Blaine dans la cuisine. Il accepte une tasse fumante de thé et s'assoit au comptoir en regardant autour de lui.
- C'est vraiment un bel endroit, répète-t-il en sirotant le liquide fumant avec un soupir de gratitude. Merci.
- Ça semblait étroit au début, dit Blaine, mais ça s'est imposé à moi et j'ai appris à utiliser chaque recoin.
Il s'assoit en face de Kurt en buvant de l'eau à la bouteille et s'avance en s'appuyant sur ses coudes.
- Tu veux en parler ?
- Je savais qu'elle n'allait pas bien dès qu'on a quitté ton bureau, dit Kurt. Ça a empiré à partir de là. On s'est disputé pour savoir où commander à manger. Elle a juste- pété les plombs. Elle s'est mise à crier à propos d'incertitude et qu'elle ne pouvait pas le supporter. Puis elle m'a dit de partir.
Il essaye de ne pas regarder la gorge de Blaine se serrer autour des gorgées d'eau. Il y a un peu de barbe qu'il a dû oublier de raser juste au-dessus de sa pomme d'Adam et c'est distrayant.
Kurt rougit. Blaine remarque qu'il le fixe.
- Ça ne s'arrange pas, hein ? demande Blaine
Kurt secoue la tête. Il sent les larmes lui monter aux yeux, chaudes et horribles.
- Je ne sais pas quoi faire. Mon Dieu, c'est un désastre.
- Elle n'était pas contente quand j'ai suggéré la séparation temporaire.
- Non. Non, ce n'est pas son style. Honnêtement ? Ce n'est pas le mien non plus. Pour nous, c'est tout ou rien. Ça a toujours été comme ça. C'est soit l'un, soit l'autre. Je la comprends.
Il avale une autre gorgée de thé.
- Je crois que c'est pour ça que ça fait si mal.
Blaine baisse les yeux vers le plateau de cookies entre eux et Kurt saisit l'opportunité de le regarder, de regarder les verres de ses lunettes, de regarder les boucles en bataille qu'il n'a jamais vu. Il a l'air plus jeune comme cela et même un peu perdu. Même le rasage à moitié fait le rend plus imparfait. Kurt se met à sourire tendrement.
Et bien sûr, il y a les larges épaules de Blaine sous ce t-shirt fin. Le renflement de ses fesses hautes et rondes enveloppés avec insouciance dans un survêtement qui est une taille trop petite. Kurt ne remarquerait jamais ce genre de chose avec personne, mais il les remarque avec Blaine.
Il observe Blaine traverser la cuisine pour poser sa tasse dans l'évier et il frissonne, collant ses coudes contre sa poitrine tandis qu'une réponse naturelle commence à se former dans son estomac, chaude, insidieuse et juste.
C'est terrifiant.
Et bien sûr, il fit la chose la plus ridicule et imaginable :
- Je pense que je pourrais être gay.
Blaine se fige et bat des cils doucement. Il est appuyé contre l'évier, son poids réparti entre ses deux mains, et les yeux de Kurt sont rivés sur le renflement de sa poitrine et de son ventre sous son t-shirt usé. Il y a une ligne de trous minuscules, presque invisibles, le long de la couture sur l'épaule droite de Blaine, où son avant-bras bombe le tissu.
- Tu, bégaie-t-il, tu n'es pas forcément gay juste parce que tu n'es pas attiré sexuellement par ta femme, enfin, c'est- il y tellement- la sexualité est compliquée.
Le visage de Kurt brûle. Il s'est comporté comme un idiot autour de Blaine. A propos de Blaine. Et aussi effrayé soit-il, même lui commence à en avoir marre de ce comportement borné. Il ne se voile pas la face, il a pris du retard pour se comprendre, et il est grand temps qu'il commence à se rattraper.
- Je ne peux pas te quitter des yeux, dit-il à bout de souffle. Depuis qu'on s'est rencontré je-.
Il se lève, puis se rassoit, et Blaine retourne à sa place au comptoir, les yeux écarquillés de surprise.
- Kurt, murmure-t-il.
Leurs mains se touchent presque sur le comptoir.
- Je n'ai jamais ressenti ça pour personne. Tu comprends ce que ça veut dire ? J'ai vingt-huit ans et je n'ai jamais-
- Kurt, répète Blaine, la voix aiguë et désespérée.
Il lève la main et attrape la mâchoire de Kurt, et avant que Kurt ait le temps de parler, il l'embrasse avec passion.
La bouche de Blaine est comme n'importe quelle autre bouche contre la sienne, chaude et charnue. C'est ce que fait le baiser à toutes les autres parties de son corps qui le choque. La chaleur s'abat sur son ventre comme un coup de fouet, et le picotement et le frisson qu'il créé prend le contrôle de tout son corps.
Il pousse un gémissement brisé qui meurt sur les lèvres de Blaine et il lève la main, attrape les bras de Blaine et s'appuie encore plus sur le comptoir. Le rebord de celui-ci lui rentre douloureusement dans l'estomac, mais il s'en fiche. Il respire entre deux baisers, puis souffle entre d'autres baisers, encore et encore, de façon à ce qu'ils continuent à s'embrasser.
Blaine glisse sa langue dans sa bouche et il se raidit, se détourne avec un frisson.
- Oh, souffle-t-il en fermant les yeux, puis en les rouvrant. Oh, mon Dieu.
- Je suis désolé, lâche Blaine.
Sa bouche est rouge à cause de la barbe de trois jours de Kurt. Ses yeux sont remplis de peur et de désir.
Kurt ressent aussi de la panique, mais ce n'est pas le même genre. Il fait le tour du comptoir d'un pas mal assuré avant de permettre à la peur de s'installer. Il s'approche aveuglément de Blaine, et même lorsque celui-ci secoue la tête pour nier, Kurt le prend par la taille, le pousse contre le comptoir er scelle leurs bouches l'une contre l'autre.
- Embrasse-moi, dit-il durement en sentant les bras de Blaine s'enrouler autour de ses épaules. Embrasse-moi, continue de m'embrasser.
- Kurt, gémit Blaine, la résistance s'effaçant tandis que leurs lèvres se rencontrent encore et encore.
Kurt le presse brutalement contre le bois dur, cloue leurs torses et leurs cuisses sans réfléchir. Il désire. Il doit se rapprocher, chaque contact fait partir ses doutes en fumée. Chaque baiser est une affirmation.
- On ne peut pas, gémit Blaine en s'écartant pour respirer et embrasser Kurt dans le cou. Tu es marié, tu es- tu es en colère, tu es mar-.
Il s'arrête à mi- mot, sa bouche descendant sur la clavicule de Kurt avec un gémissement.
- Tu portes mes vêtements, as-tu idée de ce que ça me fait ?
Ses doigts se resserrent dans les cheveux de Kurt.
C'est presque trop. Kurt a l'impression d'être submergé de sensations. Il se demande presque pendant un moment si quelque chose ne va pas chez lui, s'il va assez bien pour faire cela, puis il se rend compte que ce n'est pas ça mais plus le fait qu'il n'a jamais ressenti ça. Il n'a jamais ressenti ce genre d'anticipation crépiter sur chaque terminaison nerveuse. Il n'a jamais désiré, jamais tant attendu, pas avec son corps, pas comme ça. Il ne sait pas si c'est le sexe de Blaine ou simplement Blaine, mais la distinction n'est pas importante puisque une chose est liée à l'autre.
Il donne un petit coup sur les hanches de Blaine, attrape cette toute petite taille et la serre.
- J'arrêterai. On peut arrêter, je- je ne pouvais pas attendre, je ne pouvais plus m'arrêter, je- je te veux. Alors c'est ça ? C'est ce qu'on ressent ?
Ils se tiennent face à face, leurs nez s'effleurant, respirant le souffle de l'autre, et Blaine a l'air d'avoir été frappé par la foudre. Il pose une main sur le visage de Kurt, lisse une mèche de cheveux sur son front, puis prend ses joues et sa mâchoire rougie. Il caresse la lèvre inférieure de Kurt, trace la courbe de sa bouche de l'extérieur au coin, frôlant leurs visages.
- Oui, dit-il. Mon Dieu, oui, mon cœur, c'est ce qu'on ressent.
Et quelque chose en Kurt se libère.
Il passe la nuit sur le canapé, profitant de l'espace, content qu'ils aient pu se prendre dans les bras et se dire bonne nuit sans que ça soit trop. Il a l'impression qu'il n'aurait pas supporté s'ils avaient continué. Il ne sait absolument pas quoi faire avec ces nouveaux sentiments. C'est comme se réveiller après une montée de fièvre et douter du monde qui vous entoure alors que c'est vous qui êtes malade, enjoué et vif, mais vous vous sentez aussi faible lorsque vous vous rétablissez.
Il est réveillé par l'odeur du café et du bacon. Ils se disent bonjour et mangent assis à la petite table dans la salle à manger. Blaine est sur son ordinateur pendant la quasi-totalité du repas, ses lunettes perchées sur le bout de son nez, et Kurt ne ressent pas le besoin de l'interrompre.
Il se sert, puis fait la vaisselle sans demander la permission, et lorsqu'il a fini, il retourne à table avec la cafetière et un morceau de fruit pour chacun d'eux. Blaine fait exprès de manger son orange lentement, traitant chaque cartier comme une découverte en les mâchant et les avalant.
- Tu sais ce qui est vraiment fou ? dit Kurt.
Sa voix est rauque car il n'a pas parlé depuis hier soir.
- Qu'est-ce qui est fou ? sourit Blaine, d'un seul côté de sa bouche, mais c'est suffisant.
- C'est pas bizarre, répond-t-il en détachant un bout de banane qu'il fourre dans sa bouche. C'est pas bizarre du tout. Ça ne devrait être pas bizarre ? Je suis sûr que ça devrait être bizarre.
Et puis il y a ce rire, doux, explosif et accablé que fait Blaine lorsqu'il est vraiment amusé.
- Euh. Ouais. Je- je dirais que oui.
Kurt a l'intention de dire quelque chose d'intelligent. Mais tout ce qui sort de sa bouche est :
- Tu es adorable avec des lunettes.
- Je ne ressemble à rien, dit Blaine. Je ne crois pas que mes cheveux ont autant poussé sans utiliser de produit depuis des années. Mais merci, sourit-il. C'est gentil.
- J'aime bien ce côté de toi. C'est assez- vulnérable. J'aime l'autre toi aussi. Les cheveux gominés, les costumes et ta mallette- c'est toi aussi.
Il ne peut pas s'arrêter de babiller. Ces sentiments ont bouillonnées depuis un moment.
- Dis-moi de me taire s'il te plait.
Blaine rit. Il fait cette chose adorable où il s'arrête au milieu de son rire, la bouche ouverte, la gorge pétrifié, et il rougit et regarde Kurt comme s'il ne savait pas comment échapper à ses sentiments.
Ils finissent leur petit déjeuner dans le calme, se jetant des regards comme des enfants gênés, les joues fiévreuses de leur nouveau lien.
- Dis-moi à quoi tu penses, dit Kurt dans le silence.
- Je n'aurai pas dû embrasser un homme marié. Je n'aurai pas dû embrasser un patient. Je n'aurai pas dû embrasser quelqu'un qui était aussi à fleur de peau.
Il énumère ces phrases comme si elles venaient d'un manuel, puis il tend le bras et prend la main de Kurt dans la sienne.
- Et j'aimerais recommencer avant que tu partes parce que je ne le regrette pas, pas une seconde.
Son regard est sérieux.
Le cœur de Kurt se fend dans sa poitrine. Il entrelace ses doigts avec ceux de Blaine, ayant l'impression que leur lien est la seule chose le protégeant des éclats de sa vie lui tombant sur la tête.
(1) Brook Brothers : marque de vêtements américaine
J'espère que ce premier chapitre vous a plu. N'hésitez pas à donner votre avis en laissant une review !
A très bientôt :)
