De derrière la porte, je l'entends pleurer. Je suis impuissant. Puis-je aller la consoler comme me l'a enjoint Naito dans sa lettre d'adieu ? Puis-je vaincre un homme fait de chair et de fer dans le coeur de Riiko ? Pourtant, elle me l'a déjà donné, non ? C'est bien ce qu'elle m'a dit lors du concour ?
L'ironie du sort...
La coïncidence des faits...
Pour ma perte...
Trop indécis, j'ai attendu un élément qui me ferait changer.
Cet élément déclencheur qui fut la délicatesse de Riiko dans sa description de la pâtisserie, son entrain, son rire, sa maladresse.
Pourquoi ne l'ai-je pas repéré avant ce jour-là ?
Pourquoi ça fait mal maintenant alors que je suis derrière la porte, ma main hésitante à tourner la poignée, alors que mon rival ne reviendra plus ?
Pourquoi ne puis-je franchir cette porte ? Ne suis-je pas assez bien pour elle ?
Je recule, tête baissée. Je ne peux pas. Par amour pour elle, je ne peux pas m'immiscer dans son coeur qui saigne.
- Oh, le beau jeune homme ! Qu'avez-vous fait à Riiko ?
Je sursaute. La propriétaire des lieux est devant moi.
- Elle est trop bruyante. Je vais voir ce qui se passe.
Je la retiens.
- Non, attendez. Je vais y aller.
Voilà, mon indécision a eu raison de moi. Je dois arrêter de fuir et laisser aux autres le soin de s'occuper de ce qui me touche. Pourtant, grâce à Riiko, j'ai pu trouver ma voie. Elle m'a aidé à ouvrir le chemin dans lequel je veux continuer ma vie. Je dois à mon tour l'aider. Pour elle, pour Naito aussi.
Elle ne m'entend. Je me place à genoux derrière elle et je l'enlace doucement. Je la laisse s'habituer à ma présence. Elle continue de gémir en appelant d'une voix déchirée le prénom de celui qu'elle a fini par accepter. Elle sert entre ses doigts le boîtier contenant la puce de la mémoire du robot. Je sens ses muscles s'affaisser et son dos s'appuyer contre moi. Ses mains attrapent mes avant-bras, griffant ma peau. Je la déplace légèrement pour l'asseoir définitivement sur mes genoux et la berce.
- Il continuera à être présent pour toi, lui murmuré-je à l'oreille. Tu peux compter sur mon soutien.
- Soshi... Soshi... Pourquoi ? Pourquoi ça se finit comme ça ? Pourquoi n'ai-je pas pu lui rendre son amour avant ?
Je n'ai pas de réponse à lui donner. Je resserre mon étreinte. Nous restons ainsi de longues minutes. Ses sanglots se calment. Elle enfuie son visage dans ma chemise.
- Merci, me dit-elle.
Je regarde son visage si commun mais si beau endormi. Moi qui est connu tant de femmes, je n'ose pas la toucher. Délicatement, je me redresse et la porte sur son lit. Je caresse doucement sa joue et me penche pour déposer brièvement un baiser sur ses lèvres. Je remonte ses couvertures sur ses épaules quand mon regard se pose sur la puce de Naito au creux de ses mains.
- Naito, je te promets de prendre soin de notre Riiko, de lui apporter autant d'amour que tu lui en as donné. Grâce à toi, elle a repris confiance en elle. Oui, merci de m'avoir donné ta confiance.
