Vol...demort recherche la baguette de Sureau !
Pas le nom Harry c'est Tabou ! Ils pourraient venir jusqu'ici !, s'écria Ron.
Hermione resta pétrifiée l'espace d'un instant. Le Tabou. La connexion. Les Mangemorts. Une certitude froide s'imposa à son esprit. Quoi qu'il advenait, quoi qu'il se passerait, ils ne devaient pas trouver Harry.
En moins de temps qu'il ne le fallait pour dire Quidditch, elle sortit la petite bourse de sa poche et marmonna un sortilège.
Vite, vite...
Des cracs se firent entendre de part et d'autre. Ils transplanaient, vers eux.
Hermione, fit Harry, qu'est ce que…
Un Portoloin, dit elle. Pour l'Australie.
Hors de question que je vous laisse…
Harry, ils ne doivent pas te trouver. Tant qu'ils ne trouvent pas, il reste encore un espoir. Tant qu'ils ne trouvent pas, Ginny, Ron, tous les gens que tu aimes ont une chance.
Harry resta muet. Elle prit le temps de le contempler. Ses yeux verts, ses cheveux en bataille, sa cicatrice au front. Sa silhouette dégingandée. Merlin, faites que ce ne soit pas notre dernière rencontre.
Ron devait en être arrivé à la même conclusion.
A bientôt, mon vieux, fit il.
Harry resta bouche bée, pétrifié, et Hermione saisit la main de Ron. Il glissa ses doigts dans les siens et elle se sentit instantanément soulagée. Ils sourirent à leur meilleur ami.
Cinq...Quatre...Trois…
Qui va là ?, s'écria une voix rauque, puissante, animale.
Deux...Un…, fit Hermione.
Expelliarmus ! cria une voix à l'extérieur.
Et Harry Potter disparut à l'instant exact ou Fenrir Greyback lacéra la tente.
Hermione marchait en file indienne derrière Greyback. Ron la suivait. Tout espoir de s'échapper s'était envolé avec Harry et leurs baguettes. Les Mangemorts étaient sept - et ils les avaient immédiatement reconnu, impossible pour eux de prétendre être des Serpentards, ou tout simplement des jeunes non membres de la Résistance. Ils avaient trouvé l'épée de Gryffondor - heureusement, le médaillon était toujours autour du coup de Harry. Ils avaient pris toutes leurs affaires - dont le transistor. Ils leur avaient attaché les mains dans le dos et, sans un mot de plus que nécessaire, ils les avaient forcé à prendre un Portoloin, puis à marcher dans une forêt qui semblait en tout point identique à celle qu'ils venaient de quitter.
Elle fixait ses pieds d'un air absent en les mettant un devant l'autre. A chaque pas, davantage de feuilles mortes venaient s'agglomérer sur ses bottines. S'ils continuaient ainsi, elle allait finir par en être couverte.
Pourquoi tu l'avais, ce Portoloin ?, chuchota Ron, à voix si basse qu'elle crut rêver.
Si...si les choses tournaient mal, glissa-t-elle d'une voix mal assurée. Nous n'aurions pas pu rester en Grande Bretagne.
Nous trois ?, fit Ron, amusé.
Son souffle chaud vint caresser la nuque d'Hermione, et soudain, elle sentit chaque muscle de son corps se détendre, comme si elle venait de prendre un bain chaud. Il est là. Elle ne voulait pas se l'avouer, mais il lui avait tellement manqué, pendant ces longs mois.
Dans un premier temps, fit elle. On serait allé chercher Ginny ensuite. Puis tes parents. Tes frères.
Tu connais mal Fred et George, chuchota-il, toujours un sourire dans la voix. Ils n'auraient jamais accepté de partir.
Hermione hocha la tête avec un sourire. Ginny aurait probablement refusé également - elle réalisa qu'en tant que Sang-Purs, même traîtres, ils pouvaient se permettre de rester, de continuer, si Voldemort l'avait emporté. Elle n'avait pas cette chance - et elle venait de donner sa dernière chance, son dernier échappatoire, à Harry Potter.
Elle frissonna en se demandant ce qu'il allait leur arriver une fois arrivés à leur destination. Ils ne les avaient pas tués - sans doute parce qu'ils avaient besoin d'eux.
Elle devait se rendre à l'évidence : ils allaient être questionnés. Torturés, probablement. Et lorsqu'ils auraient les informations qu'ils voulaient…
Hermione avait bien vu cette lueur dans le regard de Fenrir Greyback lorsqu'il l'avait vue dans la tente. Sa langue qui était passée sur ses canines anormalement longues. Il avait l'air...affamé.
Elle frémit. Elle avait beau être à Gryffondor, être courageuse, le courage n'empêchait pas la peur.
Devant elle, le chemin s'éclaircit soudainement et elle entendit des éclats de voix.
Merlin…, murmura Ron.
Ils étaient devant une immense bâtisse aux multiples toits pointus. Un instant rêvé, Hermione crut qu'il s'agissait de Poudlard. Mais la demeure était, bien que trop grande pour une personne, trop petite pour des milliers d'élèves : devant eux, des paons au plumage immaculés se pavanaient, indifférents aux drames qui les entouraient et aux dents si acérées de Fenrir Greyback. Le peu qu'elle voyait du château était un mélange étrange entre le luxe et le glauque; cette dernière aspiration était peut-être causée par la nuit et le fait qu'elle était entourée de sept Mangemorts qui n'avaient même plus honte de marcher à visage découvert.
Elle sut avant même de l'entendre qui vivait là. Elle aurait reconnue entre mille cette voix traînante, dans laquelle perçait une pointe de panique.
Mot de passe ?
Sang pur, demi-Malefoy, siffla Greyback entre ses dents. Et si tu veux mon avis, il est temps de le changer. On t'amène de la chair fraîche.
Il s'écarta et vint saisir Hermione par la nuque et les poignets, la forçant à mettre son visage à la lumière.
Ne la touchez pas !, s'écria Ron avant de pousser un cri de douleur - quelqu'un lui avait manifestement appris à rester à sa place.
Face à elle, il resta de marbre, droit comme un i. Ses cheveux avaient connu des jours meilleurs - et plus gominés - ses joues s'étaient légèrement creusées et des valises s'étaient formées sous ses yeux.
Ennemis de l'héritier, prenez garde...Les premiers seront les Sangs-de-Bourbe !
Sa voix de gamin de douze ans lui revint comme une gifle alors qu'elle plongea ses yeux dans son regard acier. L'échange ne dura qu'un instant mais Draco Malefoy les avait reconnus.
Elle ne put s'empêcher de sentir son coeur chuter comme une pierre quand elle vit la panique briller au coeur de ses yeux clairs.
Toujours maintenue par Greyback, Hermione avança le long de l'allée, en tête de cortège, sentant sans la voir la présence de Ron derrière elle. Plus jeune, elle s'était essayée à imaginer le manoir Malefoy. Dans son esprit, il s'agissait d'une sorte de château de la Bête, dans le dessin animé qu'elle avait tant aimé, petite, quand la magie noire comme blanche n'existait que sur un écran. Il y avait - forcément - des gargouilles, des cachots, des donjons terrifiants, des salles de torture, et Draco s'y pavanerait suivi de Crabbe et Goyle pour aller martyriser son elfe de maison. Lorsqu'elle avait rencontré Lucius Malefoy, elle y avait ajouté ce qu'elle imaginait comme son bureau, une sorte de salle du trône toute de noire et d'argent avec un grand trône noir et des statues de serpents à l'image de sa canne.
Même dans une situation aussi dramatique, elle ne put s'empêcher de sourire à l'imaginaire de la petite Hermione. Le vrai manoir Malefoy était loin d'être aussi sordide. Lorsque Draco poussa la porte, elle s'étonna même de trouver le hall d'entrée assez beau : en fait de marbre noir, l'essentiel des sols était en bois, et les tableaux qui l'ornaient avaient manifestement été choisis avec goût. Il y avait des fleurs, et Hermione ne put s'empêcher d'admirer le grand escalier, en bois également, qui leur faisait face et montait dans les deux rangées d'étages.
Qu'est ce que tu nous apportes, Draco ?, fit une voix.
Et soudain, le hall ne fut plus beau. Un frisson de terreur vint parcourir tous les pores de la peau d'Hermione, frisson que Greyback sentit avec délectation et il la rapprocha encore davantage de lui.
Ron Weasley et Hermione Granger, ma...tante, répondit leur guide.
Bellatrix Lestrange descendit les escaliers comme si elle était la maîtresse des lieux. A l'image de son neveu, elle était entièrement vêtue de noir; cependant, toute ressemblance s'arrêtait là. Ses cheveux étaient aussi noirs, longs et désordonnés que ceux de Drago étaient pâles et lisses; ses joues étaient aussi roses que celles de son neveu étaient blafardes, quant à ses yeux…
Ses yeux n'étaient pas effrayés comme ceux de Draco. Ses yeux étaient fous - et cette folie était heureuse.
Que voilà une merveilleuse nouvelle, mon cher, cher neveu…
Elle descendit lentement les escaliers, marche par marche.
Les deux meilleurs amis du grand Harry Potter…
Elle était à peu près à la moitié des marches.
Le touchant couple d'un traître à son sang…
Elle allait de la gauche à la droite de l'escalier, sans se presser, comme si elle avait toute la soirée pour profiter de ce spectacle. Hermione fut furieuse contre elle même quand elle vit que sa méthode fonctionnait parfaitement : son ventre se tordait un peu plus à chaque minute de plus que prenait la Mangemort.
...Et d'une Sang de Bourbe.
Tout à coup, Bellatrix s'immobilisa. Son regard fou se fixa sur un point derrière Hermione.
Ou avez vous trouvé ça ?
La voix d'un Mangemort - celui qui s'appelait Scabior - résonna derrière elle.
Dans leur tente, Bellatrix, répliqua-t-elle, ils…
Cette épée, murmura-t-elle à voix très basse, était dans mon coffre à Gringotts. Comment l'avez vous obtenue ?
Greyback bougea ses mains et Hermione sentit qu'il agrippait le haut de son pull. Il le déchira d'un coup sec, et l'ouverture pratiquée ainsi laissa largement visible le cou, la clavicule et une petite partie de l'épaule gauche de la jeune fille.
Elle sentit des larmes lui monter aux yeux alors qu'il dégageait ses cheveux de sa nuque et dévoilait ses dents. Son souffle vint faire frémir sa peau.
Je te conseille de répondre, si tu ne veux pas manger ton rouquin à la prochaine pleine lune…
Ne la touchez pas !
La voix de Ron, derrière elle, était montée dans les aigus. Le cri fit sursauter Greyback et il manqua de peu, de très peu, que ses dents n'effleurent la peau d'Hermione. Par pitié, Ronald, tais toi.
Nous l'avons trouvée, fit Ron, nerveux. Nous l'avons trouvée dans un lac, enfin, je l'ai trouvée dans un lac. Elle apparaît à tout Gryffondor qui aurait besoin d'aide.
Bellatrix le contempla avec un sourire incrédule. Sourire qui se transforma en éclat de rire complètement désordonné, fou, maniaque.
Hermione jeta un coup d'oeil en coin à la seule autre personne qu'elle connaissait ici. Draco semblait aussi terrifié par cet éclat de rire venu de nul part qu'eux, et ça ne pouvait pas être un bon signe.
Vous les amenez ici...sans les maltraiter...ils n'ont pas été maltraités, pas vrai ? Non...Donc vous les amenez ici...Fenrir a les dents sur la jugulaire de sa fiancée...Et il ose mentir...ME mentir à moi, après m'avoir volé MON bien ?
Je n'ai pas menti !, s'écria Ron. Elle m'est apparue, je l'ai…
Elle n'apparaît à un Gryffondor que lorsqu'elle sort du Choixpeau, imbécile, et ce dernier est sous clef à Poudlard !, l'interrompit Bellatrix, hystérique à présent.
Par pitié, Ron, tais toi, songea Hermione.
Elle était dans un lac !, s'écria Ron, terrifié par la proximité des dents de Fenrir avec le cou d'Hermione. Je l'y ai trouvée, je…
Ron, par pitié, tais toi !, l'interrompit Hermione.
L'attention de Bellatrix se tourna vers elle. Elle fronça ses sourcils et s'approcha d'elle a pas de course. Son visage n'était plus qu'à quelques centimètres de celui d'Hermione lorsqu'elle s'arrêta.
Tu veux parler, Sang de Bourbe ? , chuchota-t-elle. Alors, parle. Ton sang vaut bien moins que celui de Weasley ici présent, je te conseillerai d'y faire attention. Ma patience a ses limites.
Ne la touchez pas !, s'écria Ron.
Bellatrix fronça les sourcils.
Draco ?, fit elle, d'une voix suffisamment forte pour que tout le monde l'entende autour de la pièce. Rappelle moi quel était le prix pour la tête de Weasley junior.
Pas de réponse. Intriguée, Bellatrix tourna la tête, parfaitement synchrone avec Hermione. Draco fixait le sol, manifestement terrifié par sa tante.
Je t'ai posé une question, fit elle à voix basse.
Cent...cent mille Gallions, ma tante, répondit Draco, tête basse.
Pas mal ça, Weasley !, répondit Bellatrix, soudainement joviale. Et combien pour la Sang de Bourbe ?
La...la moitié, répondit Draco.
Il avait omis le "ma tante", mais Bellatrix ne s'en formalisa pas, et éclata d'un rire sonore. Hermione comprenait l'ironie : ainsi Ron, même après les avoir abandonnés, valait deux fois plus qu'elle simplement parce qu'il était né.
Tu entends ça, Weasley ?, fit Bellatrix. Tu entends combien vaut ta petite Sang de Bourbe ? Pas grand chose, alors mets la en sourdine. Nous disions, Granger ?
Je…, fit Hermione.
Dans l'espoir que Ron se taise, elle était à court d'idées.
Peut être qu'un Endoloris te déliera la langue, petite, fit elle, et elle leva sa baguette.
Non !, s'écria Ron. Ne la touchez pas ! Ne la touchez pas !
Il semblait devenu fou à l'idée qu'elle se fasse torturer. Hermione en aurait été touchée, si elle n'était pas déjà terrorisée par Bellatrix. Celle ci écarquilla les yeux, comme si elle venait de se rappeler de quelque chose :
Ah, tiens, ça y est, fit elle, la limite de ma patience est dépassée
Ron, s'écria Hermione, alarmée, tais t...
Ne la touchez p…
Avada Kedavra !
Non !
Il y eut soudain un silence glacial. Un silence si froid que le monde entier gela d'un seul coup. Hermione sentit son corps entier se figer - et, de très loin, le souffle de Greyback se couper comme si même lui était sous le choc. Elle vit passer devant ses yeux, non pas sa propre vie, mais un petit garçon de onze ans, roux, la bouche pleine de chocogrenouilles.
Je m'appelle Hermione Granger, et toi tu es…
Ron, Ron Weasley.
Ce fut à cet instant qu'elle sut ce qu'elle allait voir. Elle n'en demeura pas moins horrifiée, figée, sous le choc, lorsque à sa gauche un grand corps s'abattit comme une poupée de chiffon sur le beau sol en bois du Manoir, et que les yeux grands ouverts de Ronald Billius Weasley fixaient une dernière fois, sans la voir, la femme qu'il avait aimé.
