Titre : Les vieux proverbes ont toujours raison, chapitre 1
Auteur : Marita ()
Catégorie : Action/Aventure, Romance S/J
Disclaimer : les personnages ne sont pas à moi (sauf le Dr Kemper), je ne fais que les emprunter pour mon amusement personnel et celui de mes petits camarades qui aiment Stargate.
Spoilers : Diviser et Conquérir (Divide and Conquer), Expérimentations Hasardeuses (Upgrades), De l'autre côté du miroir (Point of View), La théorie de Broca (The Broca Divide), Une dimension trop réelle (There but for the grace of God), L'entité (Entity), La cinquième race (Fifth race), Cassandra (Singularity), Abysse (Abyss).
Résumé : Un psychologue mandaté par la Maison Blanche vient vérifier que les règlements militaires sont bien respectés par tous au SGC, notamment par SG-1 et particulièrement Sam et Jack. Pendant ce temps, Ba'al et ses petits camarades font leur job, c'est-à-dire qu'ils sont méchants. Euh…dit comme ça, ça peut paraître pas très passionnant, mais en fait ça l'est (si, si !).
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"Mon général, si je puis me permettre, c'est RIDICULE !! Enfin quoi, après seulement deux heures d'entretien et la lecture de quelques rapports de mission, il a décidé qu'il y avait anguille sous roche ? Et comment il peut savoir ça, hein ? Il se pointe, il pose deux ou trois questions par-ci, par-là, il lit quelques rapports et paf, grande révélation ? "
"J'ignore s'il a eu une révélation ou quoi que ce soit d'autre, mais en tout cas je n'ai pas mon mot à dire dans l'histoire. C'est le Président lui-même qui a ordonné cette enquête. Aussi pénible que ça puisse être pour vous, il va falloir que vous coopériez, colonel."
"Que je coopère ? Mais à quoi est-ce qu'il s'attend ? Que je lui fasse des aveux larmoyants en demandant pardon ? Le problème, c'est que je n'ai rien à avouer, strictement rien ! Vous le savez, non ?"
"Moi oui, mais lui non. Et tout ce que je pourrai dire ne l'empêchera pas de mener son enquête. Ça ne me plaît pas plus qu'à vous, croyez-moi. Je n'apprécie pas qu'on remette en cause l'intégrité et le professionnalisme de mon personnel, mais je n'ai pas le choix, alors autant lui faciliter le travail. Plus vite il comprendra que vous n'avez rien à vous reprocher, plus vite il partira."
"Est-ce qu'on doit vraiment répondre à ses questions ?"
"J'en ai bien peur, colonel."
"Génial ! ça va être une semaine de pur bonheur ! Carter va sauter de joie quand je vais lui dire ça !"
"Oui, euh, colonel, à propos du major… Si vous pouviez éviter de…enfin… Evitez de vous retrouver dans des situations qui pourraient, euh…porter à confusion. Tâchez de garder un peu vos distances, au moins tant qu'il sera là."
"Garder mes distances ? Ne vous inquiétez pas, mon général, je vais essayer de me contrôler et de ne pas lui sauter dessus au milieu du réfectoire."
Hammond soupira longuement en voyant la porte se refermer sur le colonel Jack O'Neill. La semaine allait être longue.
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Il avait besoin de frapper quelque chose. En fait, il aurait préféré flanquer une bonne raclée à cet abruti, mais ça n'aurait sans doute fait qu'empirer les choses. Il se dirigea donc à grands pas vers la salle de sport, se changea rapidement et s'avança sans hésiter vers le punching-ball.
Comment osait-il, cet espèce de psy à la gomme ? Après deux malheureuses petites heures d'entretien individuel obligatoire, au cours desquelles il leur avait posé toutes sortes de questions tordues qui avaient bien failli avoir raison de son sang-froid, il était persuadé que certains membres du SGC cachaient des choses à leur hiérarchie ou avaient un comportement répréhensible. Entre autres choses, il soupçonnait Jack d'avoir une "relation extra-professionnelle dépassant le stade de l'amitié" (selon ses termes) avec sa jeune et jolie subordonnée. En clair, il pensait que Jack couchait avec Carter. Si les conséquences d'une telle accusation n'étaient pas aussi graves, Jack aurait presque trouvé ça drôle. La seule femme avec laquelle il ne pouvait pas avoir de liaison, la seule avec laquelle il avait jamais envisagé en avoir une, tout en sachant très bien que tant qu'il serait son supérieur ça n'arriverait pas, c'était précisément avec cette femme-là qu'on le soupçonnait de transgresser les règlements ! Vraiment drôle ! Mordant, même.
Si encore les soupçons étaient fondés, il accepterait la situation, mais c'était loin d'être le cas. Quels qu'aient été leurs sentiments ou leurs désirs, il ne s'était jamais rien passé entre Carter et lui. En tout cas pas vraiment, jamais sans influence extérieure de type virus alien ou réalité alternée (mais ça ne comptait pas vraiment, n'est-ce pas ?). Jamais il ne prendrait le risque de mettre en péril la carrière de Sam. La sienne, il s'en fichait, après tout avant qu'on vienne le chercher pour le projet Porte des Etoiles, il était à la retraite et ça lui convenait plutôt bien. Mais Carter adorait son métier, et elle était diablement douée, non seulement en tant que scientifique, mais aussi en tant qu'officier, et elle aurait certainement un bel avenir dans l'Air Force. Jack ne se sentait pas le droit de détruire cela pour satisfaire ses envies, même si elle partageait ses sentiments (ce dont il n'était par ailleurs qu'à moitié sûr).
Un subtil changement dans l'atmosphère de la pièce vint interrompre ses réflexions, et sa séance de défoulement par la même occasion. Il sourit et se remit à frapper le sac de sable sans se retourner. Après toutes ces années à combattre à ses côtés, il n'avait pas besoin de la voir pour savoir qu'elle était là ; il sentait sa présence. Pas juste une présence, comme quand vous sentez que quelqu'un vous regarde, non, sa présence à elle, spécifique, unique et impossible à confondre. Oh, elle n'était pas la seule qu'il pouvait identifier sans voir, il faisait ça aussi avec Daniel et Teal'c. Chacun avait son "aura" particulière, ou quelque chose comme ça. Et il savait que les membres de SG-1 avaient tous cette capacité à sentir la présence les uns des autres, capacité née non pas de quelque manipulation génétique à la mode goa'uld, mais seulement de longues années de travail côte à côte dans toutes sortes de situations, y compris les plus déplaisantes. Ils avaient tous développé une sorte de sixième sens en ce qui concernait les autres membres de l'équipe, ce qui ne faisait que renforcer leur amitié. A moins que ce ne soit leur amitié qui ait créé cette capacité particulière. En tout cas ce lien spécial qui les unissait les rendait un peu à part, même parmi les autres équipes SG. Tous à la base avaient appris que s'attaquer à l'un d'eux revenait à se mettre toute l'équipe à dos, tout comme ils avaient appris à ne pas essayer de s'immiscer entre eux, surtout dans les moments critiques.
Et la situation présente méritait indubitablement le titre de "moment critique", raison pour laquelle Jack était à présent seul dans la salle de sport avec Carter : les autres étaient partis en la voyant entrer. Jack leur en était reconnaissant.
"Vous ne devriez pas rester seule avec moi, on pourrait nous accuser de fraterniser contre un sac de sable", lui lança-t-il.
"Le général vient de m'expliquer, répondit-elle, contenant difficilement sa colère. C'est complètement ridicule !"
Jack se retourna, un sourire aux lèvres.
"Aïe, vous n'auriez pas dû dire ça, maintenant il va penser qu'on fait de la télépathie en plus, ce qui est une preuve certaine de notre « relation extra-professionnelle »."
Elle fronça les sourcils.
"De la télépathie ?"
"J'ai dit la même chose que vous à Hammond."
"Oh !…Et bien tout ce que ça prouve, c'est qu'on est du même avis sur la question. Ce qui n'a rien de vraiment surprenant vu ce qu'on nous reproche."
"Mouais, je sais. Vous savez, c'est le Président qui a ordonné cette enquête, mais je ne sais pas pourquoi, j'ai comme l'impression que notre vieil ami Kinsey y est pour quelque chose."
Sam hocha la tête.
"ça n'aurait rien de surprenant. Il ferait n'importe quoi pour faire fermer le SGC, et ce genre de manœuvre est tout à fait son style."
"Ouais. J'aurais dû l'abattre quand j'en avais l'occasion", maugréa Jack en gratifiant le sac de sable d'un bon crochet du droit.
"Et puis de toute façon, cette enquête ne les mènera nulle part. Ils n'ont aucune preuve de ce qu'ils avancent, et aucune chance d'en trouver. Je me demande même pourquoi ils prennent la peine de chercher. Ils doivent bien se douter que même si c'était vrai, on n'irait pas faire ça à la base, sous le nez du général, avec des caméras de sécurité partout !"
"Bien-sûr, mais en attendant ils peuvent remuer la boue en toute impunité et salir notre réputation. Même si ces allégations ne sont pas fondées et qu'ils finissent par le reconnaître, c'est le genre de chose qui porte un coup à une carrière. Il reste toujours des rumeurs, des soupçons."
"C'est vraiment ignoble !"
"Tout à fait d'accord. Malheureusement, on ne peut rien y faire, alors pour ne pas aggraver la situation, je ne vais pas rester plus longtemps seul avec vous, surtout vu la tenue que vous portez."
Sam baissa les yeux sur ses vêtements et se sentit rougir en comprenant ce qu'il voulait dire. En arrivant au gymnase, elle était tellement énervée qu'elle avait enfilé la première chose qui lui tombait sous la main, sans réfléchir. A présent, elle se rendait compte que son corsaire moulant et son débardeur ne constituaient sans doute pas la tenue la plus appropriée vues les circonstances.
"Désolée, mon colonel, je n'ai pas fait attention", bredouilla-t-elle en détournant les yeux.
Il sourit légèrement.
"C'est rien, Carter. Les caméras pourront prouver que je n'ai eu aucun geste déplacé", répondit-il en pointant du doigt le petit dispositif de surveillance installé dans un coin de la salle.
Elle hocha la tête.
"Bon, sur ce, je vais vous laisser. Le punching-ball est tout chaud, alors allez-y. Ne l'épargnez pas, il ne sent rien et il ne portera pas plainte si vous le frappez."
Sam sourit.
"Merci mon colonel."
"A plus tard, major."
*********
Les quatre membres de SG-1 étaient assis à une table dans un coin tranquille de la cafétéria, leurs visages crispés ne cachant rien de leur humeur. Sam s'était volontairement placée à côté de Teal'c, tandis que Jack prenait place à côté de Daniel.
"Combien de temps est-ce qu'il doit rester ?" demanda le jeune archéologue en découpant son poulet.
"Le temps qu'il lui faudra pour trouver des preuves de notre culpabilité ou être convaincu de s'être trompé", répondit Sam, dont la voix trahissait l'irritation causée par la situation.
"Autrement dit aussi longtemps que ça lui chante", résuma Jack. "Le Président lui a donné carte blanche, donc il peut remuer la vase et mettre son nez dans nos affaires tant qu'il veut."
"Et il s'attend vraiment à trouver quelque-chose ? Enfin, autre chose que des rumeurs et des conversations de couloir ?"
"Je n'en sais rien, soupira Sam en haussant les épaules. Je ne vois vraiment pas ce qu'il pourrait trouver de concret, étant donné que nous sommes innocents de ce dont on nous accuse, mais je suis inquiète quand même. Je sais que c'est complètement absurde, mais c'est plus fort que moi. J'en arrive à me sentir coupable alors que je n'ai rien fait."
"Je sais ce que c'est, approuva Jack. Ce type me sort par les yeux, avec ses grands airs et ses « ne le prenez pas personnellement mais je pense que vous sautez sur tout ce qui bouge » ! D'ailleurs, c'est complètement crétin, s'il a lu nos rapports de mission il devrait savoir que c'est Daniel le bourreau des cœurs, pas moi !"
"Jack !" s'écria celui-ci, indigné.
"Oh, je vous en prie ! On ne peut pas vous laisser deux secondes sur une planète sans qu'une femme se jette à votre cou ! Je n'ai jamais compris pourquoi c'est toujours vous qu'elles choisissent, d'ailleurs."
"ça doit être votre petit côté intellectuel, les lunettes, l'air gentil, et ces grands yeux de bébé que vous avez", sourit Sam.
"Des yeux de bébé ? Merci, Sam, je me sens soudainement incroyablement viril !"
"Ne le prenez pas mal, Daniel ! Des yeux comme les vôtres font littéralement fondre les femmes."
"Vous n'avez pas fondu, vous !"
"Moi, c'est différent. Je vous adore, mais vous êtes comme un frère pour moi. Je ne pourrais jamais…enfin…vous savez."
"Je crois que tout le monde a compris, Carter, merci", intervint Jack en jetant un regard amusé au pauvre Daniel dont le visage avait pris une charmante teinte de rouge.
"Euh, merci, Sam, bredouilla celui-ci. Je vous aime aussi."
"Je le sais, Daniel, répondit-elle dans un grand sourire en lui tapotant la main. Désolée de vous avoir mis mal à l'aise."
"Oh, c'est rien, je m'en remettrai."
Un léger toussotement vint interrompre leur conversation, et tous tournèrent la tête pour découvrir qu'Arnold Kemper, docteur en psychologie, se tenait devant leur table. Les sourires désertèrent aussitôt leurs visages pour laisser place à une expression allant de tendue pour Teal'c à franchement hostile pour Jack.
"Bonjour tout le monde ! les salua-t-il d'un air réjoui. Ravi de vous voir d'aussi bonne humeur."
"J'ignore ce que vous avez pu entendre, mais je tiens à vous assurer que le major Carter et moi-même entretenons des relations purement platoniques", s'empressa de l'informer Daniel.
"J'en suis persuadé, Dr Jackson, ne vous inquiétez pas."
"Alors quoi, vous entendez Daniel dire « je vous aime » à Carter et ça vous semble naturel, par contre vous nous soupçonnez alors que vous n'avez pas le moindre commencement d'une preuve !?" s'emporta Jack.
"Excusez-moi, colonel, mais je ne vous soupçonnerais pas si aucun élément ne venait me faire douter de votre sincérité", répondit Kemper sans se départir de son air calme et sûr de lui.
"Vraiment ? Et peut-on savoir quels « éléments » vous ont amené à cette brillante conclusion ?"
"Vous le saurez, colonel, ne vous inquiétez pas. Mais avant ça, j'aimerais interroger à nouveau les membres de SG-1."
"Encore ? Pourquoi ?" demanda Sam, presque aussi agacée que Jack.
"Pour avoir les avis de vos compagnons concernant certains faits troublants."
"Des « faits troublants » ?" répéta Jack, de plus en plus énervé par l'attitude du psychologue.
"En effet. Votre avis sera également sollicité, colonel, ainsi que le vôtre, major, ça va de soi. Mais parfois différents protagonistes perçoivent une même chose différemment, c'est pourquoi il me semble important de recueillir les impressions du plus de personnes possible pour pouvoir fonder mon jugement."
"Le plus de personnes possible ? Mais qui est-ce que vous voulez interroger ?" demanda Daniel.
"Oh, ma liste n'est pas exhaustive, mais si vous voulez savoir, je souhaite m'entretenir avec le général Hammond, le Dr Fraiser, divers membres des autres équipes SG ainsi que des techniciens, des infirmières, enfin bref la plus grande diversité de membres du personnel de cette base. J'aurais beaucoup aimé rencontrer également certains de nos amis extraterrestres, mais mon mandat ne les concerne malheureusement pas, et je ne voudrais pas risquer de créer des tensions diplomatiques avec nos alliés en ces temps troublés."
Jack, Sam et Daniel levèrent les yeux au ciel dans un soupir unanime de consternation, et Teal'c leva un sourcil désapprobateur.
"Je vais le flinguer", grommela Jack entre ses dents, suffisamment bas pour que Kemper ne l'entende pas mais pas assez pour empêcher ses amis de saisir ses mots.
Sam réprima un sourire et Daniel lui adressa un regard compatissant. En se tournant vers Teal'c, Jack put imaginer les pensées du Jaffa : « si vous avez besoin de mon assistance, O'Neill, je me ferai un devoir de vous seconder dans cette tâche ». Sentant la solidarité de son équipe, Jack se retourna vers Kemper, un peu rasséréné.
"Bon, eh bien sachez que mon équipe est à votre entière disposition pour répondre à toutes les questions existentielles que vous vous posez, doc. C'est toujours une joie et un honneur pour nous d'aider un représentant de notre Président à établir la vérité sur une affaire de cette gravité. Vous n'avez qu'à nous dire quand et où, et nous y serons !"
Sam dut se mordre la langue pour ne pas éclater de rire, et Daniel ne chercha même pas à dissimuler son sourire amusé devant la tirade mélodramatique de son supérieur. Même Teal'c eut du mal à conserver son air impassible. Kemper, lui, parut désarçonné par cette soudaine volte-face.
"Euh, eh bien, je vous remercie, colonel, répondit-il en fronçant les sourcils. Je commencerai mes entretiens demain matin. Dr Jackson, si vous voulez bien venir à mon bureau à 9h ?"
"Votre bureau ?"
"Oui, le général Hammond a gracieusement mis à ma disposition un local au niveau 23, à côté de la machine à café."
Le visage du jeune archéologue s'illumina aussitôt à la mention de cette merveilleuse invention.
"Oh, oui, je vois ! Demain à 9h ? D'accord, je pense que je trouverai un moment à vous accorder."
"Très bien, très bien. A demain, alors. Bonne journée à vous."
"C'est ça, bonne journée ! répondit Jack tandis qu'il s'éloignait. A demain. Je m'en réjouis à l'avance !"
"C'est définitif, ce type est vraiment un imbécile", déclara Daniel lorsque Kemper eut quitté la salle. "Il ne saisit pas plus l'ironie de Jack que les Tok'ra ne comprennent ses éternelles blagues sur les Simpsons. Enfin,sauf Jacob", ajouta-t-il à l'attention de Sam.
Celle-ci le remercia d'un sourire.
"Je suis d'accord avec Daniel Jackson, approuva Teal'c. Si vous désirez le livrer à Anubis, O'Neill, vous pouvez compter sur mon assistance."
Tous sourirent à ce trait d'humour jaffa, l'image de Kemper ligoté entraîné de force sur un vaisseau goa'uld par un Teal'c plus impassible que jamais, leur remontant sensiblement le moral.
*********
La nuit fut agitée pour les quatre membres de SG-1.
Daniel passa des heures à se tourner et se retourner dans son lit en imaginant l'entretien qui l'attendait avec Kemper. Il redoutait les questions adroites du psychologue, qui avait l'art de vous faire dire très précisément ce que vous ne vouliez pas dire. Or c'était la carrière de deux de ses meilleurs amis qui était en jeu, il ne pouvait pas se permettre de donner des réponses ambiguës ou d'évoquer des incidents pouvant porter à interprétation qui ne figuraient pas dans les rapports de mission.
Jack passa une bonne partie de la nuit sur son toit à observer les étoiles avec son télescope tout en imaginant les diverses façons dont il pourrait régler son compte à ce cher docteur Kemper. Cette activité, accompagnée de quelques bières, l'aida considérablement à se détendre et l'air de plus en plus frais finit par le convaincre de rentrer se coucher. Il s'endormit un sourire aux lèvres, et sa nuit fut habitée de rêves de sa jolie subordonnée.
Celle-ci s'absorba jusqu'à une heure avancée de la nuit dans un traité sur les trous noirs qui venait de lui être envoyé par son agaçant collègue, le Dr Rodney McKay. Le traité, écrit par le petit scientifique depuis son exil russe, était certes intéressant et plein d'idées pertinentes (enfin, en partie), mais rédigé dans le plus pur style McKay, c'est-à-dire avec fort peu de modestie et beaucoup de suffisance. Mais cette lecture, bien qu'exaspérant Sam plus d'une fois, atteint néanmoins son but : l'empêcher de ruminer ses idées noires toute la soirée. Elle alla se coucher la tête pleine de champs gravitationnels et d'étoiles aspirées par de gigantesques trous noirs, en surimpression sur le visage auto-satisfait et libidineux d'un certain scientifique. Toute pensée cohérente disparut cependant bientôt de son cerveau sous l'effet des somnifères qu'elle se résolut à avaler, ne sachant que trop bien que la nuit ne lui serait d'aucun bienfait si elle ne cessait de retourner tout cela dans sa tête. Elle sombra donc dans un sommeil lourd dont elle n'émergea qu'aux premières lueurs de l'aube avec la sonnerie de son réveil.
Même Teal'c, quoique apparemment imperturbable, se faisait du souci pour ses amis. Il n'aimait pas le Dr Kemper. A vrai dire, il l'avait pris en grippe dès que celui-ci avait ouvert la bouche, et l'annonce de ses soupçons concernant le colonel O'Neill et le major Carter n'avait pas exactement fait remonter son estime dans le cœur du Jaffa. La perspective d'un nouvel entretien avec ce fourbe personnage était donc loin de l'enthousiasmer. Il dut lutter un peu plus que de coutume pour chasser ces pensées de son esprit et entrer en méditation, condition sinon nécessaire du moins bien utile à la conservation de sa santé physique tant que psychique, sachant qu'il aurait besoin de toutes ses ressources pour affronter une journée qui promettait d'être éprouvante, pour lui comme pour ses amis.
*********
Daniel arriva devant le bureau temporaire du Dr Kemper (Jack insistait toujours lourdement sur le mot) avec cinq minutes de retard, ayant volontairement pris tout son temps pour choisir son café : déca ? noir ? capuccino ? au lait ? un tel choix ne se prenait pas à la légère lorsqu'on s'appelait Daniel Jackson et que son humeur de la journée était grandement conditionnée par ce premier café de la matinée. Il opta finalement pour un déca, estimant préférable de ne pas forcer sur la caféine vu son état d'énervement ; il ne tenait pas à sauter à la gorge de Kemper à la première remarque déplaisante (car il y aurait des remarques déplaisantes, Daniel ne se faisait aucune illusion sur ce point). Il entra donc en présentant ses plus plates excuses à ce bon docteur pour l'avoir fait attendre. Il réussit même l'exploit de les faire paraître sincères, ce dont il fut assez fier étant donné qu'il n'avait jamais été doué pour cacher ses sentiments. Kemper balaya ses excuses d'un chaleureux "mais non, ce n'est rien, je n'avais même pas remarqué", le tout avec cet énervant sourire qui semblait ne jamais quitter son visage.
Daniel s'assit avec autant de calme que possible et regarda le Dr Kemper fourrager un instant dans ses papiers avant de trouver celui qu'il cherchait. "Bon, c'est parti pour une demi-heure de folie !" songea-t-il en répondant mécaniquement au sourire du psychologue.
"Bien, alors, commença celui-ci. Dr Jackson, je sais que vous êtes un homme très occupé, aussi j'essaierai de ne pas vous retenir trop longtemps."
"Merci, c'est gentil", répondit Daniel en prenant une gorgée de café.
Il plissa le nez. Il aurait peut-être dû prendre un café au lait, en fin de compte. Le déca n'était vraiment pas sa tasse de thé. Il sourit à son propre jeu de mots involontaire, et se dit qu'il fallait qu'il pense à le ressortir à Jack à l'occasion. S'apercevant que Kemper le regardait d'un air perplexe, il tâcha de se concentrer sur la situation.
"Désolé, docteur, j'étais perdu dans mes pensées, s'excusa-t-il. Vous disiez ?"
"Je disais que comme vous avez beaucoup de travail, j'irai droit au but pour ne pas perdre de temps."
"Ah oui, c'est vrai. Bien, je vous écoute. Qu'est-ce que vous voulez savoir ?"
"Eh bien j'ai lu un certain nombre de rapports de mission de SG-1, et j'avoue que certains faits mentionnés dans ces rapports m'ont quelque peu troublé."
"Tellement troublé que vous avez fini par penser que Sam et Jack, enfin je veux dire le major Carter et le colonel O'Neill, avaient une aventure, alors qu'une telle chose est strictement interdite par les règlements de l'armée de l'air, c'est ça ?"
"C'est un peu résumé, mais oui, c'est ça."
"Et vous voulez mon avis sur ces fameux « faits troublants » ?"
"Exactement."
"Bon, allez-y, je vous écoute."
"Eh bien il y a d'abord cet incident dans les vestiaires, il y a de ça quelques années, lorsque le major Carter a agressé le colonel O'Neill…"
La question ne surprit pas Daniel. Il s'attendait à ce que ce fameux incident refasse surface, et s'était donc préparé à répondre.
"Oui, bien-sûr, mais il n'y a rien de troublant là-dedans, rétorqua-t-il calmement. Le major Carter avait été infectée par un virus extraterrestre qui avait l'étrange particularité de faire régresser les gens. Les personnes infectées se mettaient à se comporter comme nos lointains ancêtres de l'âge de pierre. Mais c'est dans les rapports, je ne vous apprends rien."
"Non, j'ai compris cette partie-là, mais ce qui m'intrigue, c'est que le major s'en soit prise précisément au colonel. Pourquoi lui et pas un autre homme ? Elle avait pourtant l'embarras du choix, ici !"
Daniel soupira.
"Le Dr Fraiser, notre médecin-chef, a dit que c'était logique. Dans les sociétés primitives, les femmes choisissaient leurs partenaires sexuels en fonction de la descendance qu'ils pourraient leur donner, donc elle préféraient les hommes les plus forts et les plus résistants. Je pense que c'est ce qui a fait que le choix de Sam s'est naturellement porté sur Jack. En tant que leader de SG-1, il était le plus à même de protéger sa descendance et en tant que guerrier, brave et fort, il était celui qui lui donnerait les plus beaux enfants. Question de survie de l'espèce, rien de plus."
"Mais votre ami jaffa Teal'c n'est-il pas plus fort et doté d'un organisme plus résistant que le colonel O'Neill ?"
"Pas vraiment, non. En fait, sans son symbiote et sans trétonine, qu'on n'avait pas encore découvert à l'époque, il serait comme tout le monde, et le fait d'en dépendre pour sa survie constitue une faiblesse. De plus, Teal'c n'est pas vraiment humain, et je ne pense pas que des primitifs auraient choisis de se mélanger avec une autre espèce, ou même une autre tribu. C'est encore valable dans nos sociétés actuelles, d'ailleurs, les mariages entre des personnes de différentes origines, religions, ethnies ou même de différentes classes sociales, sont somme toute assez peu nombreux."
"Très bien, très bien, admettons", concéda Kemper, visiblement pris au dépourvu par l'argumentation de Daniel.
Il se replongea dans ses notes tandis que Daniel réprimait un sourire. "Jackson : 1 ; Kemper : 0", compta-t-il intérieurement, plutôt satisfait de sa performance. "Mais on reste concentré pour le 2ème round, ce n'est pas le moment de baisser ma garde !"
Kemper émergea enfin de la montagne de paperasse accumulée sur son bureau, tenant triomphalement un dossier, comme s'il venait de gagner une chasse au trésor. "Ou aux œufs de Pâques", songea Daniel ; mais il chassa aussitôt cette idée de son esprit, ne voulant pas se laisser déconcentrer par l'image du psychologue souriant de toutes ses dents dans un jardin avec à la main un joli panier rempli d'œufs en chocolat enrubannés.
"Dr Jackson, j'ai ici un rapport du colonel O'Neill concernant un autre incident, plus récent celui-là, survenu lors de la signature du traité d'alliance avec la Tok'ra", reprit Kemper.
"Ah, vous voulez parler de cette malheureuse affaire de zatarc ?"
"Euh, …oui, c'est ça", acquiesça-t-il après vérification.
"Eh bien ? Qu'est-ce qui vous chiffonne dans cette histoire ?"
Daniel savait très bien ce qui pouvait « chiffonner » Kemper dans cette affaire. Lui-même avait été passablement « chiffonné » à l'époque, quand Janet lui avait expliqué ce qui s'était passé lors du second test, mais il refusait de mâcher le travail à Kemper, et feignit donc l'étonnement, comme s'il ne voyait pas du tout ce qu'il pouvait y avoir de suspect dans tout ça. Il reprit une gorgée de café, bien que celui-ci fut maintenant presque froid, en attendant de voir comment le psychologue allait présenter la chose.
"Voyons, si j'ai bien compris, suite à un test particulier mis au point par nos amis Tok'ra, le major Carter et le colonel O'Neill avaient été reconnus comme zatarc, c'est-à-dire un genre d'assassin préprogrammé qui s'ignore, c'est ça ?"
"En effet" répondit laconiquement Daniel, dans une parfaite imitation de son ami jaffa.
"Mais suite à un second test, il s'est avéré que finalement ils n'étaient pas des…euh…zatarc ?"
"Exact."
"Oui, euh… Le rapport du colonel O'Neill est un peu confus, j'avoue que je n'ai pas tout à fait tout compris à cette histoire. J'espérais que vous pourriez m'aider à y voir plus clair."
"Je voudrais bien, mais vous savez, je n'ai pas assisté au 2ème test, j'étais avec les Tok'ra en train d'attendre le Président, à ce moment-là."
"Oui, mais vous savez ce qui s'est passé, n'est-ce pas ? On a bien dû vous le raconter."
"Bien-sûr, mais si je vous expliquais ce que j'ai compris, vous risqueriez d'avoir une vision déformée, ou en tout cas très fortement subjective et sans doute parcellaire de la réalité. Il faudrait que je vous explique ce dont je me rappelle qu'on m'a rapporté à l'époque, alors vous imaginez… Non, vraiment, je ne suis pas la bonne personne à interroger dans ce cas précis. Désolé."
Le Dr parut contrarié par cette réponse, mais ne trouvant rien à répondre, il se résolut à changer de sujet.
"Jackson : 2 ; Kemper : 0", compta mentalement Daniel, se sentant de plus en plus détendu. Finalement, cet entretien devenait presque amusant, le jeu consistant à clouer le bec au Dr « je sais tout et j'ai un mandat présidentiel alors je peux faire ce que je veux ». "Pauvre doc, songea Daniel, il ne sait vraiment pas dans quel pétrin il s'est mis ! Jack va le rendre complètement dingue ! Enfin, si Teal'c et Sam gardent suffisamment leur calme pour ne pas lui mettre leur poing dans la figure avant, évidemment."
Un quart d'heure plus tard, c'est un Dr Kemper à court d'arguments et de questions pernicieuses, et passablement contrarié, qui prit congé de Daniel. Celui-ci, satisfait de sa prestation, sortit en souriant et se dirigea aussitôt vers le réfectoire pour s'accorder un vrai café noir et quelques cookies aux noisettes qu'il estimait avoir bien mérités.
*********
"Teal'c, je vous en prie, asseyez-vous !" l'accueillit le Dr Kemper environ une heure après le départ de Daniel.
Teal'c s'assit calmement face au Dr, son visage un masque de parfaite sérénité.
"Alors, comment allez-vous ? Et comment va votre fils ? Rya'c, c'est ça ? Il paraît que c'est un jeune homme accompli et que tout le monde pense qu'il sera un grand guerrier, comme son père."
"Je vais bien et mon fils également, je vous remercie, répondit Teal'c de son ton le plus aimable et détaché. Et je sais que c'est déjà un guerrier de valeur, même s'il a encore beaucoup à apprendre ; maître Bratac est très satisfait de lui."
"Oui, il a là un excellent professeur, n'est-ce pas ?"
"Le meilleur" approuva Teal'c.
"Bien, vous me voyez ravi de l'entendre !"
Teal'c inclina légèrement la tête.
"Je suis content que ces nouvelles vous rendent si satisfait" commenta-t-il.
Kemper sourit, un peu mal à l'aise. On lui avait dit que le grand Jaffa ne desserrait pour ainsi dire jamais les dents sinon pour approuver ou commenter brièvement ce que disait le colonel O'Neill, et voilà qu'il faisait la conversation comme l'hôte le plus charmant qui soit. Il y avait de quoi être quelque peu décontenancé, surtout sachant que l'individu n'ignorait pas les soupçons que nourrissait Kemper à propos de ses amis.
"Y a-t-il quelque chose qui vous préoccupe, docteur ?" interrogea Teal'c en voyant le silence se prolonger.
"Non, non, tout va bien, reprit Kemper en souriant. J'étais perdu dans mes pensées."
"Je vois" répondit Teal'c en levant un sourcil énigmatique.
"Ah oui ? Enfin, je veux dire, oui, bien-sûr !" corrigea nerveusement Kemper, se demandant ce que le Jaffa pouvait bien « voir » au juste.
Les Jaffas n'étaient pas télépathes, n'est-ce pas ? Il ne se souvenait pas l'avoir lu dans un quelconque rapport, et on l'aurait certainement prévenu si tel était le cas ; du moins il l'espérait. Il toussota et tâcha de reprendre le fil de ses idées.
"Oui, alors, euh, Teal'c… Vous travaillez avec le colonel O'Neill et le major Carter depuis longtemps, n'est-ce pas ?"
"ça fait 7 de vos années terrestres" répondit Teal'c.
"7 ans ? Alors vous devez bien les connaître, j'imagine ? Je veux dire, vous avez combattu un tas de Goa'uld et affronté la mort ensemble. Ça crée des liens, non ?"
"En effet, j'ai l'honneur de compter le colonel et le major parmi mes amis."
"Et c'est un honneur, vraiment ! Deux personnes aussi brillantes, courageuses, dévouées à leur pays…"
"Ce sont tous les deux de grands guerriers."
"Absolument, approuva Kemper en hochant énergiquement la tête. Je tiens à ce que vous sachiez que je ne remets absolument pas en cause leurs compétences ou leurs mérites. J'ai lu tous les rapports de mission de SG-1, et je sais tout ce que ce pays vous doit à tous les quatre, et quand je dis « ce pays », je devrais même dire « cette planète », parce que vous avez ni plus ni moins sauvé la Terre à maintes reprises !"
"C'est exact, nous avons plusieurs fois empêché la destruction de votre monde."
"Et je vous en suis infiniment reconnaissant, croyez-le bien."
"Je vous crois."
"Bien, bien. Malgré tout, il y a quelques petites questions que je me pose concernant le colonel et le major."
"Quel genre de questions ?"
"Oh, eh bien il est possible que je me trompe, bien-sûr, et d'une certaine façon j'espère même me tromper, mais j'ai le sentiment qu'il existe entre eux quelque chose qui ne devrait pas exister entre deux officiers de l'armée de l'air de rangs différents, servant sous le même commandement."
"Je vois" répondit Teal'c le plus calmement du monde.
"Vraiment ?"
"O'Neill m'a expliqué ces règlements il y a déjà plusieurs années."
"Ah oui ? Et qu'est-ce que vous en pensez ?"
"Je pense qu'un guerrier peut être plus vulnérable s'il combat côte à côte avec sa compagne. Leur relation peut divertir leur esprit et les mettre en danger tous les deux, ainsi que leurs compagnons."
"Exactement. C'est précisément pour éviter cela que ces règlements ont été institués."
"Oui, c'est ce que le colonel m'a expliqué."
"Très bien. Dans ce cas, vous comprenez j'imagine que le Président tienne à s'assurer que les membres de la plus fameuse équipe du SGC, qui est chargée de défendre notre planète et de représenter la Terre auprès des peuples de l'univers, n'entretiennent pas de relation qui pourrait non seulement les mettre en danger, mais mettre en danger toute la population de cette planète par la même occasion."
"Oui, je comprends ; mais vos soupçons concernant le colonel O'Neill et le major Carter ne sont pas fondés."
"Vraiment ?"
"J'en ai la certitude."
"Pourtant, il me semble qu'ils sont proches" insista Kemper.
"C'est exact, ils sont amis, comme nous le sommes tous les quatre."
"D'accord, mais il m'avait semblé qu'il existait quelque chose de plus fort entre eux. D'ailleurs, chaque fois que vous avez rencontré leurs « doubles » dans une réalité alternée, ils étaient ensemble d'une façon ou d'une autre."
"C'est vrai, mais beaucoup de choses étaient différentes dans ces réalités. Par exemple, je n'avais pas trahi Apophis et je ne faisais pas partie du SGC, et les Goa'uld envahissaient ce monde. Dans la réalité que Daniel Jackson a visitée, il était mort et n'avait jamais participé au projet Porte des Etoiles. Vous voyez, beaucoup de choses étaient différentes. La relation entre la major Carter et le colonel O'Neill n'est qu'une de ces nombreuses choses."
"Oui, mais il y avait quand même des similitudes avec notre réalité, de grandes similitudes, même."
"C'est vrai. Il y avait de grandes similitudes et de grandes différences."
Kemper soupira. Ce Jaffa était terriblement borné. Il était clair qu'il n'arriverait pas à lui faire dire quoi que ce soit contre ses amis. Maudis Jaffas et leur sens de la loyauté ! Tout ça ne s'annonçait vraiment pas aussi bien qu'il l'avait prévu. Découragé et légèrement irrité, il remercia Teal'c de sa coopération et lui donna congé au bout d'à peine un quart d'heure.
*********
En retournant à ses quartiers, Teal'c tomba nez à nez avec Daniel qui revenait d'un petit voyage à la machine à café.
"Alors, comment s'est passé cet entretien avec le Dr Kemper ?" interrogea le jeune archéologue.
"Vous aviez raison, Daniel Jackson, lui répondit son ami, ce fut très distrayant."
Daniel sourit et gratifia le Jaffa d'une tape sur l'épaule.
"Bien joué, Teal'c. Je savais que ça vous plairait !"
Teal'c s'inclina avec un petit sourire.
"En effet. Puis-je vous offrir mon assistance dans votre travail, à présent, Daniel Jackson ?"
"Mais certainement, mon cher. Après vous, je vous en prie, répondit Daniel en esquissant une courbette pour laisser passer Teal'c. Vous voulez un café ? Je vous recommande le capuccino aux noisettes, c'est un vrai bonheur pour les papilles !"
*********
Peu après le déjeuner, Janet Fraiser se présenta au bureau qu'occupait le Dr Kemper.
"Dr Kemper ? On m'a dit que vous vouliez me voir."
"Oh, Dr Fraiser ! Oui, en effet. Mais entrez, asseyez-vous !"
"Je n'aurai que peu de temps à vous accorder, le prévint Janet en s'installant. SG-6 doit rentrer de mission dans trois quarts d'heure et je dois être là pour les examiner. En plus de ça, j'ai un début d'épidémie de gastro-entérite sur les bras, l'infirmerie commence à être bien remplie. Sans compter les deux membres de SG-10 qui ont été blessés lors de leur dernière mission et sur lesquels je dois garder un œil. Donc quelles que soient vos questions, soyez gentil de les poser vite, s'il vous plaît."
Kemper la considéra avec de grands yeux surpris, fortement impressionné par l'autorité dont faisait preuve une femme si petite et en apparence si frêle. Il se dit qu'il était heureux de ne pas travailler sous ses ordres et que les infirmières devaient passer un mauvais quart d'heure lorsqu'elles commettaient une erreur.
"Très bien, je tâcherai d'aller droit au but, dans ce cas" répondit-il.
Il ouvrit un dossier et le parcourut rapidement pour se remettre en tête ce dont il voulait parler.
"Dr Fraiser, vous étiez là lorsque le colonel O'Neill et le major Carter ont subi le test pour savoir s'ils étaient des zatracs la deuxième fois, n'est-ce pas ?" demanda-t-il.
"Zatarcs" corrigea Janet.
"Pardon ?"
"On dit zatarc, pas zatrac. Mais oui, j'étais là en effet."
"Bien. Donc vous vous souvenez de ce qui s'est passé, j'imagine."
"Bien-sûr. Anise les a soumis tous les deux au test, et elle s'est aperçue qu'ils n'étaient pas des zatarcs en fin de compte. Tout le monde était très soulagé. Ensuite Sam a réalisé que Martouf n'avait pas été testé, et qu'il représentait donc un danger potentiel pour le Président. Mais ce n'est pas ce qui vous intéresse, je suppose."
"Euh, non, en effet. Je me pose des questions sur le test en lui-même. Si j'ai bien compris, cet appareil Tok'ra fonctionne plus ou moins comme un détecteur de mensonges."
"Eh bien le principe est un peu différent mais le résultat est à peu près le même, oui."
"Dans ce cas, si le colonel et le major ont été lavés de tout soupçon lors du second test, c'est qu'ils avaient menti au premier ?"
"Ce n'est pas si simple", répondit Janet, agacée par ces questions et ne sachant que trop bien où Kemper voulait en venir. "Il ne s'agit pas seulement de répondre à des questions par oui ou par non. Les sujets soumis au test doivent relater des évènements qu'ils ont vécu, rappeler quelles étaient leurs pensées et leurs émotions à ce moment-là, afin de déterminer s'ils ont pu être victime d'une programmation goa'uld. Emotionnellement, ça peut être assez perturbant ou difficile."
"Je veux bien le croire, mais ça n'explique pas pourquoi le résultat du test a été différent la deuxième fois. Le rapport du colonel O'Neill est assez vague sur ce sujet, tout comme celui du major Carter, d'ailleurs. Mais vous étiez là, donc vous savez en détail ce qui s'est passé."
Janet soupira. Oh oui, elle savait ce qui s'était passé, elle n'était pas prête de l'oublier ! Elle avait voulu en parler avec Sam, ensuite, mais celle-ci l'avait gentiment mais fermement éconduite, lui demandant de ne plus reparler de cet incident. Janet, malgré sa curiosité et son désir d'aider son amie, avait obéi et le sujet ne s'était plus jamais glissé dans la conversation. Mais à présent, elle n'avait pas le choix. Malgré sa réticence à aborder un sujet aussi personnel et important pour ses deux amis, elle devait répondre à Kemper.
"Le major Carter s'est rendu compte que le colonel O'Neill et elle avaient involontairement menti lors du premier test", commença-t-elle.
"Involontairement ? Excusez-moi, mais comment peut-on mentir involontairement ?" l'interrompit Kemper.
"Inconsciemment, si vous préférez. En fait, ce n'était pas vraiment un mensonge. Ils avaient simplement omis de mentionner quelque chose d'important, et c'est ce qui a influencé l'appareil."
"Et quels faits est-ce qu'ils avaient donc omis « inconsciemment », alors ?"
"La mission sur laquelle Anise les interrogeait s'était déroulée à bord d'un vaisseau d'Apophis. Le colonel O'Neill, le major Carter et le Dr Jackson s'y étaient introduits afin de le détruire. A ce moment-là, ils portaient des bracelets aliens qui leur conféraient une force et une rapidité incroyables. C'est grâce à ces bracelets qu'ils avaient pu entrer dans le vaisseau sans problème. Daniel a été le premier à perdre le bracelet. L'appareil est tout bonnement tombé de son bras, le privant de ces « super pouvoirs » dont j'ai parlé. Teal'c est arrivé et l'a emmené vers la sortie, avec ordre de retourner à la porte des étoiles. Pendant ce temps, O'Neill et Carter ont placé des charges explosives sur le vaisseau, puis ils ont pris leurs jambes à leur cou pour s'en aller avant que tout n'explose. Malheureusement, pour pouvoir sortir, ils devaient traverser un bouclier, qui est en fait un champ de force que seul un objet très rapide peut traverser. Le colonel est passé, mais au moment où Sam a voulu franchir le bouclier, son bracelet a cessé de fonctionner et elle n'a pas pu passer. Le colonel s'est aperçu qu'elle ne l'avait pas suivi et il est revenu en arrière. Son bracelet a alors également cessé de fonctionner, je vous passe les détails, mais toujours est-il qu'ils se sont retrouvés chacun d'un côté du bouclier sans savoir comment le désactiver pour permettre à Sam de passer. Le vaisseau était sur le point d'exploser, et une patrouille de Jaffas approchait. Objectivement, le colonel ne pouvait rien faire pour Sam. Il aurait dû la laisser et tenter de fuir pendant qu'il le pouvait encore. C'est ce que Sam lui a demandé de faire, d'ailleurs."
"Et il l'a fait ?"
"Non. Il savait qu'ils risquaient d'y rester tous les deux et qu'il ne pouvait rien faire pour elle, mais plutôt que de la laisser et de tenter sa chance, il est resté avec elle. Il a pris cette décision en tout conscience, sachant très bien ce que ça signifiait. C'est cette partie-là que le colonel et le major ont omise dans leur récit la première fois : la raison pour laquelle il avait fait ça, pourquoi il avait refusé de l'abandonner."
Janet s'interrompit un instant et soupira. Kemper était pendu à ses lèvres, attendant impatiemment d'entendre enfin ce que Daniel et Teal'c avaient refusé de dire.
"Le colonel a pour politique de ne jamais abandonner un membre de son équipe, quelles que soient les circonstances. Parce qu'en vérité, ils sont bien plus que de simples collègues de travail. Ils sont une famille. Ils ont les uns pour les autres le plus grand respect et la plus grande admiration. Alors oui, le colonel a fait quelque chose qui,selon les procédures militaires, était stupide et inutile, et qu'il n'aurait pas dû faire. Mais il a choisi de faire passer son équipe, en l'occurrence Sam, avant les procédures militaires. Vous voulez savoir ce qu'il a dit lors du deuxième test ? Il a dit qu'il était resté parce qu'il préférait mourir plutôt que de perdre Sam, parce qu'il tenait à elle bien plus qu'il n'était sensé le faire. Et elle a dit sensiblement la même chose. Voilà toute l'histoire, docteur. Leur seul tort dans cette affaire est d'être plus proches qu'un colonel et un major de l'armée de l'air ne le sont en général. Il me semble que ça ne fait pas d'eux des criminels."
"Je, eh bien, non, bien-sûr, mais enfin… S'ils ont des sentiment aussi forts l'un pour l'autre, vous ne pensez pas que…"
"Non" l'interrompit Janet d'un ton ferme. "Jamais. Ils sont tous les deux beaucoup trop professionnels pour ça. Quels que soient leurs sentiments réciproques, jamais ils ne les feront passer avant l'accomplissement de leur devoir. Quoi qu'il leur en coûte par ailleurs. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, je dois y aller. J'ai des patients qui m'attendent."
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre ou de la rappeler et sortit rapidement, laissant derrière elle un Kemper médusé par son tempérament, et perplexe après les révélations qu'il venait d'entendre.
*********
Sam sursauta en entendant les coups frappés à la porte de son laboratoire. Levant les yeux, elle vit Jack qui se tenait debout sur le seuil, hésitant visiblement à entrer.
"Carter. Je vous dérange ?"
"Oh, non, j'étais juste en train de finir les tests sur ce machin que SG-4 a rapporté de P8F-374 la semaine dernière."
Jack leva les sourcils en s'approchant pour examiner l'objet en question.
"Ce « machin » ? Major, si vous commencez à utiliser ce genre de mots, c'est que vous passez vraiment trop de temps avec moi !"
Sam sourit.
"Désolée, mon colonel, mais ce…truc m'énerve. De toute évidence, c'est un appareil quelconque, sensé « faire » quelque chose, mais personne ne sait quoi parce que Daniel n'a pas fini de traduire « l'étiquette », et je n'arrive pas à le mettre en route, ce qui nous permettrait de savoir de façon claire et rapide à quoi il sert. Tout ce que ça fait pour l'instant, c'est émettre des radiations à faible dose."
"Faites attention qu'il ne vous cloue pas au mur pendant que vous jouez avec. Ce genre de choses est très vite arrivé, et je dois dire que c'est assez désagréable."
"Je ne crois pas que ce soit dangereux" répondit-elle en posant l'appareil sur un petit socle de polystyrène.
"Ouais, ben on sait jamais, il vaut mieux être prudent avec tous ces trucs extraterrestres. Mais je suis sûr que Daniel apportera bientôt la solution à votre problème. Je ne connais aucune inscription bizarre qui lui ait résisté."
"J'espère que vous avez raison. Ce truc est en train de menacer ma santé mentale. Comme si je n'avais pas assez de travail !"
"Carter ?"
"Désolée, mon colonel. Je suis un peu sur les nerfs en ce moment" s'excusa-t-elle.
"Vraiment ? Je n'avais rien remarqué !" répondit-il tranquillement.
Sam leva les yeux vers lui et sourit en croisant son regard.
"Merci, mon colonel."
"Pas de quoi. Vous avez le droit de perdre un peu les pédales de temps en temps. Et en ce moment, vous avez doublement le droit."
"Des nouvelles du Dr Kemper ? " demanda Sam en saisissant l'allusion.
"Il a vu Daniel et Teal'c ce matin. Je ne sais pas ce qu'ils lui ont dit, mais ça a eu l'air de beaucoup les amuser."
"Les amuser ??"
"Ils n'ont pas voulu m'expliquer" répondit Jack en haussant les épaules.
"Bon. Je crois que Janet devait passer le voir tout à l'heure, et j'ai croisé le capitaine Vaughn, de SG-3, qui m'a dit que son équipe avait rendez-vous avec lui demain matin. Il m'a promis de lui mettre personnellement son poing dans la figure si le doc se permettait la moindre remarque déplacée à notre sujet."
"Un type bien, ce Vaughn, je l'ai toujours dit !"
"Oui, approuva Sam en souriant. C'est drôle, ce que fait Kemper est horrible, mais paradoxalement ça m'a permis de me rendre compte de la chance que j'ai d'avoir de tels collègues. Ils sont tous géniaux avec nous, dans cette affaire."
"C'est vrai. C'est chouette de se sentir soutenu."
"Oui", approuva-t-elle avant de retomber dans le silence.
Jack se dandina un moment d'un pied sur l'autre. Ils étaient tous les deux embarrassés, ne sachant trop quoi dire, mais ne voulant pas se séparer.
"Et sinon, vous avez des nouvelles de Jacob ?" demanda-t-il après quelques très longues secondes de silence.
Un large sourire vint éclairer le visage de la jeune femme.
"Oh oui ! Je lui ai envoyé un message pour lui expliquer ce qui se passe ici, et il a répondu que si qui que ce soit osait soupçonner sa fille de conduite non professionnelle, il connaîtrait la colère d'un Carter ! En fait, je crois qu'il serait venu dire sa façon de penser au Dr Kemper si Selmak ne l'en avait pas empêché."
Jack sourit en imaginant un Jacob Carter furieux menacer le pauvre Dr Kemper des pires tortures goa'ulds.
"Selmak devrait peut-être le laisser venir, répondit-il. Je suis sûr que ce cher Dr aurait beaucoup moins envie d'interroger toute la base pour trouver des témoignages accablants contre nous !"
"Oui, mais ça compliquerait sensiblement les relations avec les Tok'ras. Sans compter que Kemper serait capable de porter plainte, et au bout du compte on aurait encore plus d'ennuis."
"Mouais, vous avez sûrement raison."
"Oui…"
"ça va aller ?" demanda-t-il après un moment de silence.
"Oui. Ne vous inquiétez pas, tout ça sera bientôt fini."
Jack acquiesça en silence, admirant le courage et la force de caractère de sa jeune subordonnée.
"Bon, ben, je vais retourner à ma paperasse et vous laisser travailler, alors, conclut-il. Si vous voulez…enfin si vous avez besoin de…"
"Je sais, l'interrompit Sam. Merci."
Il hocha la tête et sortit. Sam soupira longuement, puis se pencha à nouveau sur ses tests, chassant toute autre pensée de son esprit.
*********
"Euh, général, est-ce que vous auriez une minute ? " demanda le Dr Kemper en entrant dans la salle de contrôle. "Je souhaiterais m'entretenir avec vous à propos de…"
"Je sais de quoi vous voulez parler", le coupa Hammond d'un ton agacé.
Il considéra le psychologue un long moment puis soupira.
"Très bien. Sergent, prévenez-moi dès que SG-6 sera là, ajouta-t-il à l'attention de Davis. Dites-leur d'aller d'abord à l'infirmerie, puis envoyez-les moi pour le débriefing."
"Oui mon général."
"Venez, allons dans mon bureau", reprit Hammond en faisant signe à Kemper de le suivre.
Celui-ci s'empressa d'obtempérer, ravi d'avoir arraché aussi facilement une entrevue avec le général.
"Alors, où en êtes-vous dans votre enquête ? ça avance ?" demanda-t-il en s'asseyant tandis que Kemper prenait place dans un des fauteuils de l'autre côté de son bureau.
"Oh, oui, ça va, je vous remercie. J'ai déjà vu pas mal de monde."
"Et alors ? Est-ce que vous pensez toujours la même chose à propos du colonel O'Neill et du major Carter ?"
"Désolé, général, mais je ne suis pas autorisé à vous faire part des résultats de mon investigation tant qu'elle n'est pas terminée. Je ne dois rendre des comptes qu'au Président."
Le général leva les yeux au ciel en soupirant.
"Très bien. Et quand est-ce que vous aurez terminé ? Vous n'allez pas interroger chaque membre de mon personnel, tout de même !"
"Bien-sûr que non, rassurez-vous, général. En fait, il ne me reste que quelques personnes à interroger, et vous faites partie de ces personnes."
"Bon, eh bien allez-y, qu'on en finisse !"
"Merci. Alors, général, en tant que supérieur du major et du colonel, j'imagine que vous les connaissez bien et que vous avez confiance en eux ?"
"Absolument, la plus entière confiance. Dois-je vous rappeler toutes les occasions où ils n'ont fait rien moins que sauver la planète ? ça me paraît suffisant pour justifier ma confiance."
"Bien-sûr, bien-sûr, mais je crois savoir que le colonel O'Neill est comme qui dirait une forte tête, qui a un peu tendance à n'en faire qu'à sa tête, justement. Il a désobéi plus d'une fois à un ordre, il me semble."
"Jamais sans raison valable ou influence extérieure altérant ses capacités de jugement. Jack n'est pas toujours très empressé d'obéir aux ordres, ni ravi de le faire, c'est vrai, mais c'est un bon officier. Un excellent officier, même. Pourquoi croyez-vous qu'il a tant de décorations ?"
"D'accord, mais l'amour n'est-il pas une « raison valable » de désobéir, ou dans notre cas de transgresser un règlement ? Car, de son propre aveu, le colonel nourrit des sentiments pour le major Carter qui dépassent ceux qui existent habituellement entre un colonel de l'armée de l'air et une de ses subordonnées."
"L'amour est sans doute une raison suffisante pour la plupart des gens, acquiesça Hammond, mais pas pour le colonel O'Neill. De toute façon, il ne mettrait jamais en danger sa carrière ou surtout celle du major Carter en transgressant un tel règlement."
"Même si le major était consentante ?"
Hammond soupira longuement, se laissa aller en arrière dans son fauteuil, et leva les yeux au plafond.
"Il y a de ça quelques années, une entité extraterrestre intelligente a traversé la Porte et s'est logée dans le système informatique de la base", commença-t-il, toujours sans regarder Kemper.
Celui-ci ne voyait pas très bien où le général voulait en venir, mais il n'osa pas l'interrompre et se contenta donc d'écouter, sortant un carnet et un crayon pour prendre des notes, bien que son magnétophone soit en marche.
"Après ça, reprit Hammond, elle a trouvé le moyen de prendre possession du major Carter. Je vous passe les détails, vous pouvez lire le rapport si ça vous intéresse. Enfin toujours est-il que cette chose était en Sam, et qu'elle menaçait la base. Le colonel O'Neill a dû l'arrêter. Il a tiré sur elle avec un zat, une première fois. Mais ça n'a pas suffit pour la stopper. Alors il a tiré une deuxième fois."
"Mais je croyais que le deuxième coup était fatal !" s'écria Kemper.
"C'est le cas, répondit calmement le général. Après ça, le major a été transporté d'urgence à l'infirmerie, mais il n'y avait plus rien à faire. Son cœur battait toujours, mais son cerveau était mort, l'EEG était plat. C'est un miracle qu'on se soit aperçus que l'entité avait en fait transféré son esprit dans le système informatique. On a pu le réintégrer dans le corps du major, et elle s'en est tirée sans aucune lésion. Mais ça ne change rien à la portée de ce que le colonel a fait. Il savait parfaitement qu'il la tuerait s'il tirait sur elle une deuxième fois, pourtant il n'a pas hésité à le faire pour sauver la base. Il a choisi de la sacrifier pour sauver le plus grand nombre. Et je sais que le major, quand elle a su ce qui s'était passé, a approuvé sa décision."
Hammond s'interrompit et baissa les yeux sur Kemper.
"Si je vous ai raconté tout ça, ce n'est pas pour le plaisir de me rappeler de bons souvenirs. J'ai connu à ce moment-là des heures qui comptent parmi les plus pénibles de ma vie. Voyez-vous, j'ai moi aussi, comme tout le monde ici d'ailleurs, une grande affection pour le major Carter. Et je sais ce qu'il a dû en coûter à Jack de faire ce qu'il a fait. Si jamais j'ai eu des doutes quant à leur capacité à faire leur travail malgré leurs sentiments, ces doutes ont complètement disparu ce jour-là. Aujourd'hui, je sais que quoi qu'il arrive, le devoir passera toujours avant le reste pour eux. Je suis convaincu qu'ils n'ont pas et n'ont jamais eu de liaison, et qu'ils n'en auront pas tant que leurs statuts respectifs ne le permettront pas. Ces gens font partie des plus grands professionnels que j'ai eu l'honneur d'avoir sous mon commandement. Maintenant si après tout ce que je viens de vous dire, vous croyez encore qu'ils transgressent les règlements, je ne peux plus rien pour vous. J'ai dit tout ce que j'avais à dire sur ce sujet."
"Eh bien, je…" commença Kemper.
"Mon général, SG-6 vient d'arriver, l'interrompit Davis en entrant. Ils ont plusieurs blessés ; ça a l'air assez grave."
"J'arrive", répondit Hammond en se levant aussitôt.
Il sortit sans un regard en arrière et se précipita à l'infirmerie, laissant le pauvre Dr Kemper méditer ses paroles.
*********
"Major, qu'est-ce qui s'est passé ?" demanda Hammond en entrant à l'infirmerie.
Le major Bennett, qui commandait l'équipe SG-6, était assis sur un lit et encourageait ses hommes, blessés, à tenir le coup. Lui-même avait une vilaine blessure à l'épaule, qu'une infirmière était en train de nettoyer tandis que le Dr Fraiser, le Dr Warner et d'autres infirmières s'occupaient des autres membres de son équipe.
"On était en train d'étudier des ruines, mon général. On était là depuis plus d'une heure et tout était calme. Tout à coup, Bailey a repéré du mouvement dans les arbres et la seconde d'après, on était quasiment encerclés par une bande de Jaffas. On a tout laissé en plan et on a décampé aussi vite qu'on pouvait, mais Thornburg et Atkins ont été touchés dans le dos. Atkins est dans un sale état, Thornburg un peu mieux parce qu'il était plus loin et que le tir du Jaffa l'a touché sur le côté, mais c'est pas joli quand-même. Je suis revenu chercher Atkins avec Bailey et j'ai dit à Thornburg de composer les coordonnées pendant qu'on le couvrait. On a eu de la chance, on a bien failli tous y rester."
"Dr, comment vont les blessés ?" demanda le général en s'approchant de Janet.
"Le lieutenant Atkins a une vilaine blessure, il doit être opéré d'urgence. Le Dr Thornburg a eu de la chance que ce Jaffa ait si mal visé, il s'en tirera bien. Le lieutenant Bailey n'a rien et le major Bennett n'a qu'une méchante brûlure à l'épaule."
"Très bien, merci docteur".
Janet opina et retourna s'occuper du lieutenant Atkins avec le Dr Warner qui l'attendait pour l'opération.
"Mon général, qu'est-ce qui se passe ?" demanda Jack en arrivant, visiblement essoufflé, comme s'il avait couru pour venir.
"SG-6 a été attaqué par des Jaffas", répondit Hammond en indiquant le major Bennett de la tête.
"Major, ça va ?" s'enquit Jack en s'approchant du jeune officier.
"Moi oui. Atkins est en salle d'op et Thornburg est toujours inconscient. On a vraiment eu chaud, cette fois."
"Mouais. Vous avez pu voir de quels Jaffas il s'agissait ?"
"Je crois que c'était ceux de Ba'al, mais je ne peux pas le certifier. J'avais un peu autre chose à faire que de les regarder dans les yeux."
"C'est aussi ce qui m'a semblé", intervint le lieutenant Bailey en rejoignant les deux hommes.
Jack étouffa un grognement.
"Celui-là, moins j'en entends parler, mieux je me porte."
"Qu'est-ce que Ba'al pouvait bien faire sur cette planète ? demanda le général. D'après ce qu'on sait, il n'y a que des ruines, des forêts et des mines abandonnées là-bas."
"Je n'en ai aucune idée, avoua Bennett. Tout ce que je sais, c'est que ses Jaffas n'étaient pas très contents de nous voir."
"Ouais. Ils le sont rarement, approuva Jack. Je vais aller chercher Teal'c. Il aura peut-être une explication."
"Bonne idée. Venez me voir si vous apprenez quelque chose. Quant à vous, major, reposez-vous. Le débriefing attendra."
" A vos ordres", approuva Bennett en s'étendant sur son lit, tandis que Bailey s'installait près de lui sur une chaise.
Jack quitta l'infirmerie avec Hammond, puis laissa le général regagner son bureau et se dirigea vers les quartiers de Teal'c. Il ne fut qu'à moitié surpris de ne pas y trouver son ami. Hochant la tête, il fit demi-tour et mit le cap sur le bureau de Daniel. Depuis leur entretien avec le Dr Kemper, le Jaffa et l'archéologue semblaient soudés par la hanche ; partout où on voyait l'un, on pouvait être sûr que l'autre suivait. Ils formaient à vrai dire un assez curieux tandem, mais s'entendaient si bien que personne ne s'en étonnait plus.
Comme il s'y attendait, Jack trouva Teal'c absorbé dans l'un des innombrables volumes entassés sur le bureau de Daniel, celui-ci étant penché sur une tablette couverte de caractères incompréhensibles.
"Qu'est-ce que vous faites ?" demanda Jack en se penchant par-dessus l'épaule de Daniel pour regarder de plus près l'objet en question.
Le jeune archéologue sursauta.
"Jack ! Bon sang, vous voulez bien arrêter de faire ça ?"
"Faire quoi ?"
"Vous glisser sans bruit dans mon bureau et me faire peur en me hurlant dans les oreilles."
"Je n'ai pas hurlé. Et ce n'est pas de ma faute si vous ne m'avez pas entendu entrer."
"J'ai remarqué que les humains semblaient ne pas percevoir certaines choses lorsqu'ils sont très concentrés sur quelque chose", commenta Teal'c.
"C'est vrai, oui, on fait moins attention à ce qui se passe autour de nous", approuva Daniel de mauvaise grâce.
"Oui, bon, alors, qu'est-ce que vous faites ? demanda à nouveau Jack. Vous ne m'avez pas toujours pas répondu."
"Eh bien avant que vous ne veniez m'interrompre en tentant de me faire mourir d'une crise cardiaque, j'essayais de déchiffrer cette tablette pour Sam."
"Oh, c'est le fameux mode d'emploi du « machin » que SG-4 a rapporté de P8F-je-ne-sais-plus-trop-quoi la semaine dernière ?"
"Euh, oui, c'est ça, répondit Daniel, surpris que Jack soit au courant. Comment est-ce que vous le savez ?"
"Oh, je suis passé voir Carter tout à l'heure, et elle était en train d'essayer de faire marcher ce fameux engin. D'ailleurs, si vous tenez à la vie, je vous suggère de vous dépêcher de traduire ça. La patience n'est pas exactement la première qualité du major, ces jours-ci."
"Oh, je vois. En fait, j'ai presque fini."
"Bon, alors je peux vous emprunter Teal'c ?"
"Me l'emprunter ? Euh, oui, bien-sûr. Pourquoi ?"
"SG-6 s'est fait amocher par une bande de Jaffas. Il semblerait que ce soient des toutous de notre cher ami Ba'al."
"Des Jaffas de Ba'al ? Mais SG-6 n'était pas en mission scientifique sur une planète inhabitée ?"
"Si. C'est pour ça qu'on a besoin de Teal'c. On aimerait bien comprendre ce qu'ils fichaient là."
"Je vous suis, O'Neill", répondit le Jaffa en se levant.
"Bien, le général veut vous voir pour avoir votre avis."
"Bon, à plus tard, alors !" leur lança Daniel comme ils franchissaient la porte. "Moi ça va aller, merci !"
"Vous, dépêchez-vous de finir ça avant que Sam-la-Terrible ne vienne vous chercher !" répliqua Jack par-dessus son épaule.
Daniel reconnut qu'il n'avait peut-être pas tort et se remit donc aussitôt au travail.
*********
"Ah, Teal'c, content de vous voir !" l'accueillit le général comme il suivait O'Neill dans son bureau. "Est-ce que le colonel vous a mis au courant de ce qui est arrivé à SG-6 ?"
"Oui, il me l'a expliqué."
"Alors, avez-vous une idée de ce que pourraient bien faire des Jaffas de Ba'al sur cette planète ?"
"Pas la moindre. Les Goa'uld ne sont pas intéressés par les ruines et les mines de cette planète ne contiennent plus de naquaddah. Et si elle est inhabitée, ils ne venaient pas non plus pour chercher des hôtes."
"Il y a peut-être quelque chose là-bas qui les intéresse et que la sonde n'a pas détecté", suggéra Jack.
"A quoi est-ce que vous pensez, colonel ?"
"Je ne sais pas… Une arme légendaire cachée dans les ruines ? Une bibliothèque des Anciens ?"
"Je n'ai entendu aucune légende concernant cette planète", répondit Teal'c.
"Et nous ignorons s'il existe d'autres dispositifs tels que celui qui vous a téléchargé ces connaissances dans la tête l'autre fois, renchérit Hammond. De plus, d'après le Dr Jackson, ces ruines n'avaient pas l'air d'avoir été construites par des Anciens."
"Bon, alors il doit y avoir autre chose", conclut Jack en haussant les épaules.
"Peut-être que les Tok'ra possèdent des informations à ce sujet", proposa Teal'c.
"C'est possible, en effet. Je vais leur faire envoyer un message pour leur demander. Merci, messieurs. Vous pouvez disposer."
"A vos ordres."
"Oh, colonel !" le rappela Hammond avant qu'il ne franchisse la porte.
"Mon général ?"
"J'ai eu une petite discussion avec le Dr Kemper, tout à l'heure."
Teal'c, comprenant que cette conversation ne le concernait pas, s'éclipsa discrètement.
"Ah… Et alors ?" demanda Jack, soudain mal à l'aise.
"Je ne l'aime pas beaucoup, et je n'aime pas non plus ses insinuations douteuses", reprit Hammond.
"Bienvenue au club !"
"Je lui ai dit que vous resteriez à la base le temps de son enquête, mais si les choses se compliquent avec Ba'al, il se pourrait bien que j'aie besoin de SG-1. La sécurité de cette base et de la planète passent avant n'importe quelle enquête, fut-elle autorisée par le Président."
"Tout à fait d'accord avec vous, mon général."
"Et je lui ai dit clairement ce que je pensais de vous et du major Carter. Je crois que ça ne lui a pas tellement plu", ajouta-t-il avec un sourire.
Jack considéra son supérieur avec un mélange de surprise et d'admiration, et hocha la tête.
"Merci, mon général."
"Pas de quoi. Vous savez comme j'ai horreur des petits fouineurs dans son genre. J'avoue que je serai content quand on en sera débarrassés."
"Et moi donc !"
"Bon, je voulais juste que vous le sachiez", conclut Hammmond.
"J'apprécie, mon général. Et Carter aussi. Enfin, elle appréciera quand je lui aurai dit."
Le général sourit et le remercia d'un hochement de tête. Jack tourna les talons, le laissant donner ses instructions au sergent Davis concernant l'envoi du message aux Tok'ra.
*********
Plongé dans ses pensées, Jack ne fit pas attention en prenant un tournant dans l'un des innombrables couloirs du SGC et entra en collision avec une jeune femme blonde qui, marchant d'un pas vif, avait vu le danger trop tard pour éviter l'impact. Il y eut un petit bruit lorsque leurs boîtes crâniennes entrèrent en contact, et tous deux se reculèrent en portant vivement la main à leur tête.
"Aïe ! Carter, pour l'amour du ciel, vous ne pouvez pas regarder où vous allez ?" s'écria Jack (après avoir étouffé le juron qui lui était naturellement venu aux lèvres).
"Désolée, mon colonel, répondit celle-ci en se frottant la tête. J'allais voir si Daniel avait enfin fini sa traduction, et je crois que j'étais un peu énervée. Mais il me semble que vous ne faisiez pas très attention non plus."
"Non, pas trop, admit-il. Vous savez que vous avez la tête dure ?"
"Je vous retourne le compliment. A mon avis, on va tous les deux avoir une belle bosse !"
"Mouais. Kemper va sûrement penser qu'on s'est embrassés trop fort. Il va adorer ça ! Enfin une preuve !"
Sam sourit mais n'eut pas le temps de répondre car le Dr Kemper arrivait justement et avait entendu la dernière remarque de Jack.
"Rassurez-vous, colonel, je n'en ferai rien, déclara-t-il en les observant d'un œil amusé. J'ai entendu dire que ce genre d'incidents arrivait souvent, ici."
"Ouais, ça fait des années que je dis qu'ils devraient installer des miroirs aux tournants pour qu'on voie ce qui arrive en face", répondit Jack de son habituel ton sarcastique.
"Vous devriez peut-être aller voir le Dr Fraiser pour qu'elle vous mette une pommade ou quelque chose", suggéra Kemper.
"Eh, on ne va pas mourir pour une bosse ! rétorqua Jack. Et puis le doc a bien d'autres chats à fouetter en ce moment que de s'occuper des accidents de couloirs."
"Comment ça ? Qu'est-ce qui se passe ?" demanda Sam, étonnée.
"Vous n'êtes pas au courant pour SG-6 ?"
"Non. Qu'est-ce qui leur est arrivé ?"
"Ils se sont fait prendre en chasse par des Jaffas. Atkins, Thornburg et Bennett sont blessés."
"C'est grave ?"
"Atkins doit être sur le billard en ce moment, ça avait l'air sérieux. Thornburg a été bien amoché lui aussi. Bennett s'en tire bien, juste une blessure à l'épaule."
"Et Bailey ?" demanda Sam, qui avait une affection particulière pour le jeune lieutenant, qui le lui rendait d'ailleurs bien.
"Votre petit protégé va bien, tout ce qu'il aura c'est quelques courbatures et le souvenir d'avoir eu la frousse de sa vie", répondit Jack en réprimant un sourire.
"Bon. Mais pourquoi est-ce qu'ils se sont fait attaquer ? Cette planète n'était pas sensée être inhabitée ?" demanda Sam en se souvenant de leur dernier briefing avant le départ de SG-6.
"Si. Apparemment, mon pote Ba'al songe à s'y faire construire une résidence secondaire."
Le regard de la jeune femme s'assombrit à la mention du Goa'uld qui avait torturé Jack pendant des jours de façon si horrible.
"Je préfèrerais qu'il creuse sa tombe", répondit-elle d'un ton glacial qui surprit Jack.
"Carter ?"
"Ne me dites pas que vous ne voudriez pas l'envoyer griller en enfer !"
"Bien-sûr, mais pour l'instant on essaye de savoir ce qu'il fichait sur cette planète. Quand on saura ce qu'il est venu chercher, on étudiera la possibilité de lui rendre une petite visite de courtoisie. Je suis sûr qu'il sera ravi de me revoir."
"Et comment est-ce qu'on va savoir ce qu'il cherche ?"
"Le général a envoyé un message à nos amis Tok'ra. Ils auront peut-être un tuyau."
Les traits de Sam se détendirent à ces mots, ce qui fit sourire Jack.
"Et Papa en profitera peut-être pour venir faire une visite à sa fille préférée", ajouta-t-il.
Sam rougit légèrement, embarrassée d'avoir été si facilement devinée par son supérieur.
"Je suis sa seule fille, et on ne se voit pas souvent. C'est normal qu'il profite de toutes les occasions pour venir", rétorqua-t-elle en haussant les épaules.
"Et vous savez que j'adore Jacob, répondit Jack. D'ailleurs, j'en suis même venu à apprécier son serpent, c'est pour dire !"
Sam sourit.
"Je crois que Selmak n'apprécierait pas tellement d'être traité de serpent", répondit-elle.
"Ah, oui, les Tok'ra sont tellement susceptibles !"
"Disons qu'ils ont une haute estime d'eux-mêmes et qu'ils n'aiment pas être confondus avec les Goa'uld ; ce qui entre nous est tout à fait compréhensible. Et Selmak est vraiment quelqu'un de bien, vous savez."
"Oui, j'en suis sûr. Mais les Tok'ra ne sont quand-même pas tous des types géniaux."
"Et tous les humains non plus, soupira Sam, lassée de la méfiance de son supérieur. Je sais que vous n'avez pas apprécié ce qu'a fait Kanan, tout le monde le déplore, mais ce n'est pas parce qu'un Tok'ra s'est mal comporté qu'il faut tous les condamner."
"Je sais, je sais."
"Euh, excusez-moi !" les interrompit Kemper.
Sam et Jack se retournèrent vers lui, le considérant d'un air étonné. Pris par leur conversation, ils avaient complètement oublié la présence du psychologue.
"Quoi ?" demanda Jack, décontenancé d'avoir été focalisé sur leur discussion au point d'en oublier tout le reste – y compris Kemper.
"Est-ce que vous avez toujours ce genre de débats passionnés au milieu des couloirs ?"
Jack lança un regard à Sam, qui semblait assez mal à l'aise elle aussi.
"Euh…non, en principe, non. D'ailleurs, on allait…euh…"
"Voir Daniel, termina Sam. Il faut que je le voie à propos d'une traduction qu'il devait faire pour moi."
"C'est ça, approuva Jack. Et moi, je devais, euh… aller voir Teal'c pour, euh…lui parler."
"Oui. Et comme le bureau de Daniel et les quartiers de Teal'c ne sont pas du tout dans la même direction, on est restés là pour discuter, ajouta Sam. Mais d'habitude, on ne fait pas ça."
"Non, d'habitude…on ne se cogne pas, pour commencer, renchérit Jack. Et si on ne se cogne pas, on n'a pas de raison de rester dans le couloir."
"Exactement. C'était exceptionnel. Parce qu'on s'est rentré dedans."
"Voilà", approuva Jack, satisfait d'avoir trouvé une explication logique à cette étrange situation.
"Bon, il faut vraiment que j'aille voir Daniel, maintenant", reprit Sam.
"Oui, et moi je dois voir Teal'c", répondit Jack.
"Bon, alors… à plus tard, mon colonel."
"C'est ça. A plus tard, major."
Tous deux se séparèrent, chacun prenant une direction opposée. Mais ils s'arrêtèrent au bout de quelques pas et revinrent en arrière, échangeant un regard embarrassé.
"Euh, le bureau de Daniel est…"
"De l'autre côté, termina Jack. Oui. Et les quartiers de Teal'c sont…"
"Par là-bas", acquiesça Sam en désignant la direction qu'elle-même venait de prendre.
"Oui", approuva Jack en hochant la tête.
"Oui", répéta-t-elle en souriant nerveusement, jetant un regard en biais à Kemper qui observait la scène d'un air confus.
"Bon, alors je vais…"
"Oui. Moi aussi."
"C'est ça."
Le Dr Kemper les regarda repartir dans la bonne direction cette fois-ci, hochant la tête de droite à gauche d'un air perplexe. Ces deux-là avaient peut-être davantage besoin d'une évaluation psychiatrique que d'une enquête de la Maison Blanche, songea-t-il en reprenant lui-même le chemin de son bureau. Il résolut d'aller faire une visite au Dr Mackenzie, le psychiatre de la base, dans la journée, histoire de vérifier si O'Neill et Carter étaient parfaitement sains d'esprit.
*********
Le Dr Mackenzie ne fut qu'à moitié surpris en voyant le Dr Kemper entrer dans son bureau.
"Dr Kemper, je me demandais quand vous me feriez l'honneur d'une visite !" s'exclama-t-il en l'accueillant.
"Oh, oui, désolé, j'avais l'intention de venir vous voir plus tôt mais j'ai eu beaucoup de travail",s'excusa le petit homme en s'asseyant face au psychiatre.
"Oui, c'est ce que j'ai entendu dire", répondit celui-ci avec un demi-sourire. "Enfin bref. Que puis-je faire pour vous ?"
"Oh, eh bien vous avez déjà fait beaucoup en me fournissant certains rapports. Ils m'ont été d'une grande aide pour cerner la personnalité de certaines personnes. Mais pour tout dire, je me posais des questions…"
"Oui ? A quel propos ?"
"A propos du colonel O'Neill et du major Carter. Est-ce qu'ils…euh… Est-ce que vous auriez noté chez eux certains signes…pathologiques ?"
"Pathologiques ? Non, pas récemment, en tout cas. Je dirais qu'ils sont aussi névrosés que la moyenne de la population, sans plus. Le colonel a traversé une période dépressive suite au décès accidentel de son fils, mais il a l'air d'en être remis, du moins autant qu'on puisse l'être après un drame pareil. Quant au major, à part une certaine addiction au travail somme toute assez courante, son état ne me paraît pas inquiétant. Mais pourquoi cette question ?"
"Oh, eh bien en fait, j'étais avec eux tout à l'heure et ils se sont comportés d'une façon un peu…bizarre."
Mackenzie sourit.
"Mon cher collègue, il se passe ici un tas de choses qui paraîtraient plus que bizarres à quelqu'un de l'extérieur. Mais après quelques années ici, on revoit sa définition du mot « bizarre », croyez-moi."
"Vraiment ?"
"Ecoutez, à mon avis, ils sont juste stressés par votre présence et tout ce remue-ménage que vous faites à propos d'eux. D'ailleurs, pour être franc, je trouve qu'ils réagissent plutôt bien. Je suis presque étonné de voir que le colonel ne vous a pas encore mis son poing dans la figure. Il fait des progrès."
"Son poing dans… ? Vous plaisantez, n'est-ce pas ?" demanda Kemper, soudain pas très rassuré.
"A moitié seulement, en fait. Voyez-vous, le colonel O'Neill est connu pour avoir un tempérament bien trempé. Quand quelqu'un l'énerve, il a parfois du mal à contrôler ses nerfs. En fait, si le général Hammond n'était pas là pour le calmer, il aurait certainement déjà boxé un sénateur des Etats-Unis, quelques Tok'ra et un ou deux Tollans… D'ailleurs, pour le sénateur, je ne l'aurais pas blâmé !"
"Vraiment ?"
Mackenzie soupira.
"Ecoutez, docteur, je peux vous parler franchement ?"
"Oui, bien-sûr."
"Je crois que vous perdez votre temps ici."
"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" demanda Kemper, soudain intéressé.
"Eh bien je sais que vous croyez dur comme fer qu'O'Neill a une liaison avec Carter, mais si vous voulez mon avis, vous vous mettez le doigt dans l'œil."
"Vraiment ? Les apparences semblent pourtant indiquer le contraire."
"Oui, mais certaines apparences sont trompeuses. En tant que psychologue, vous devriez le savoir. Certaines personnes interprètent une phrase ou un geste de manière abusive, en parlent à leur voisin, qui le répète en le déformant un peu à un autre, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, toute la base est persuadée d'une chose totalement fantaisiste."
"Alors vous pensez que ce ne sont que des rumeurs ?"
Le psychiatre acquiesça.
"Oui, d'ailleurs dans un environnement aussi fermé et replié sur lui-même que celui-ci, les rumeurs poussent plus vite que des champignons. Si vous saviez tous les bruits de couloir qui circulent ici ! Tenez, par exemple, pendant un temps, certains ont cru que le Dr Jackson était en réalité un espion russe infiltré. D'autres pensaient que la petite fille que le Dr Fraiser a adoptée était en réalité l'enfant illégitime d'O'Neill et Carter, qu'ils auraient eu avant que le major ne rejoigne SG-1. Ils pensaient que toute cette histoire d'extraterrestres n'était qu'une couverture. Vu que la petite était « soi-disant » la seule survivante au massacre des habitants de sa planète, personne ne pouvait contredire sa version, vous voyez."
"Mais ce n'était pas vrai, n'est-ce pas ?" demanda Kemper, histoire d'être sûr.
"Bien-sûr que non ! D'ailleurs, la rumeur s'est éteinte d'elle-même quand on a découvert cette espèce de bombe à retardement dans la poitrine de la petite."
"Ah, oui, j'ai lu un rapport à ce sujet, je crois."
"Bref, tout ça pour dire qu'il ne faut pas croire tout ce que les gens racontent, même si ça peut paraître vrai… Sinon, je devrais croire également la rumeur qui dit que vous n'êtes qu'un lèche-bottes à la solde de Kinsey qui cherche à discréditer le travail des membres du SGC, et plus particulièrement de SG-1, dans l'espoir de mettre un terme au programme Porte des Etoiles", ajouta Mackenzie d'un air détaché.
"Quoi ? Ce n'est pas vrai !" protesta Kemper. "Je vous assure que je ne cherche que la vérité et que M. Kinsey n'a rien à voir dans tout ça !"
"Bien, bien, vous m'en voyez ravi !" répondit Mackenzie. "D'autant que si vous cherchez à établir la vérité sur le colonel et le major, ça ne pourra être que positif pour nous tous tant ils sont tous les deux professionnels et dévoués à leur travail."
"Euh, eh bien, je, euh…Oui, enfin je suppose, sans doute", balbutia Kemper.
"Bon, eh bien maintenant que ce point est éclairci, vous voudrez bien m'excuser, j'ai du travail qui m'attend", conclut Mackenzie en se levant pour raccompagner son invité à la porte.
"Bien-sûr, bien-sûr", acquiesça celui-ci en se levant à son tour. "Je vous remercie pour votre aide, docteur. Je tiendrai compte de vos conseils."
"J'y compte bien", répondit Mackenzie en le gratifiant de son plus aimable sourire. "Bonne journée, docteur."
"Merci, bonne journée à vous aussi."
*********
"Sam, j'ai presque fini, je vous jure !" s'écria Daniel en voyant entrer la jeune femme dans son bureau.
"Quoi ?" demanda-t-elle d'un air perdu qui d'ordinaire était plutôt l'apanage de son ami archéologue.
"La tablette. Le mode d'emploi pour l'appareil que SG-4 a rapporté. Sam, est-ce que ça va ?"
"Oui, oui", répondit-elle d'un air distrait en se massant le front.
"Vous êtes toute rouge" remarqua Daniel. "Vous êtes rentrée dans une porte ou quoi ?"
"Dans le colonel O'Neill, en fait", expliqua-t-elle. "Pas de commentaire", s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant l'expression surprise de son collègue.
"Sam, c'est normal que toute cette histoire avec Kemper vous perturbe", répondit-il en repoussant ses notes. "Mais je suis sûr que ça va aller. Il n'a rien contre vous, nada. Il ne peut pas vous accuser sans preuve."
"Je sais", soupira-t-elle en s'asseyant. "Mais je me sentirai mieux quand il sera parti."
"On y travaille", répondit Daniel en souriant.
"Quoi ? "
"Non, rien. Ne vous inquiétez pas. Vous n'avez que des amis, ici, et même si Jack tape un peu sur les nerfs de certains, tout le monde le respecte. En clair, toute la base est derrière vous, et ils ont tous promis de rendre la vie impossible à ce cher docteur."
"Daniel, c'est… Merci", répondit-elle, émue et surprise par cet élan de solidarité.
"De rien", sourit le jeune archéologue. "La situation est suffisamment compliquée sans qu'un psychologue vienne mettre son nez dans vos affaires."
Sam fronça les sourcils.
"Quelle situation est compliquée ?"
"Eh bien, vous savez, la vôtre et celle de Jack, enfin je veux dire, euh…"
Sam baissa les yeux, embarrassée. Elle se doutait bien que Daniel avait compris la nature pour le moins délicate de sa relation avec Jack, mais elle n'avait jamais abordé le sujet avec lui, et il n'y avait jamais fait la moindre allusion. Cette sorte de « reconnaissance officielle » ne rendait pas exactement les choses plus faciles.
"Daniel, quoi que vous pensiez, le colonel et moi n'avons jamais…enfin…"
"Sam, la coupa-t-il. Je sais. Vous n'avez pas à expliquer ou justifier quoi que ce soit."
"Oh… Eh bien, c'est, euh… Merci."
"De rien… Bon, est-ce que vous voulez toujours savoir à quoi sert votre appareil-mystère ?" interrompit Daniel, changeant volontairement de sujet pour épargner à son amie un embarras supplémentaire.
"Oui, bien-sûr", répondit Sam en le gratifiant d'un sourire reconnaissant.
Daniel était vraiment un amour. Il savait quand insister et quand ne pas pousser les choses trop loin – comme à présent. Elle lui savait gré de sa délicatesse.
"Donnez-moi cinq petites minutes et vous aurez la clé de l'énigme", reprit le jeune homme en réajustant ses lunettes.
"Je vous en donne dix", répondit Sam. "ça fait une semaine que je travaille dessus, je ne suis plus à cinq minutes près."
*********
Le lendemain matin, les quatre membres de SG-1 et les deux membres encore valides de SG-6 se retrouvèrent dans la salle de briefing, où ils furent rejoints par le général Hammond.
"Bonjour tout le monde" les salua le général en s'asseyant.
"Mon général", répondit Jack, lui rendant son salut pour le reste de ses collègues.
"Major, comment vont vos hommes, aujourd'hui ?" demanda Hammond en se tournant vers Bennett.
"Thornburg a repris connaissance, il devrait être sur pieds dans quelques jours", répondit celui-ci, avec un évident soulagement. "Et l'opération d'Atkins s'est bien passée. Ils ont réussi à stopper l'hémorragie, même s'ils ont dû lui enlever la rate. Ils le surveillent de près, mais le docteur Fraiser dit que ça devrait aller."
"Content de l'apprendre. Je vous ai fait venir pour vous faire part des dernières nouvelles concernant cette affaire avec Ba'al. Comme vous le savez, j'ai contacté la Tok'ra pour tenter d'en savoir un peu plus, et ils ont envoyé une réponse ce matin-même. D'après leur agent infiltrés dans les rangs de Ba'al, il est affaibli en ce moment. Il a mené une guerre coûteuse contre Yu qui lui a pris un grand nombre de ses vaisseaux. Apparemment, il cherche un endroit tranquille pour reprendre des forces. C'est sans doute pour ça qu'il s'est installé sur cette planète abandonnée. Il cherche à se faire oublier un moment."
"En clair, on a juste eu la malchance de se trouver là au mauvais moment", résuma Bennett.
"A peu près, oui. Mais cette malchance pourrait tourner à notre avantage, en fin de compte."
"On sait où il est, il est affaibli… ça me semble être un bon moment pour aller lui faire une petite visite de politesse", suggéra Jack.
"C'est exactement ce que je pensais", approuva Hammond. "Et les Tok'ra aussi. Ils ont planifié une attaque, mais ils manquent d'hommes pour la mener à bien."
"Et nous voilà !"
"Colonel, vous et votre équipe, vous rejoindrez les Tok'ra sur Lentyak, leur nouvelle base. Jacob vous expliquera tout."
"Mon général…" commença le major Bennett sur un ton de protestation.
"Major, vous accompagnerez SG-1 avec le lieutenant Bailey", le coupa Hammond.
"Merci mon général."
"Ce sera tout. Allez vous préparer. Vous partez dans une heure."
"A vos ordres", approuva Jack en se levant, imité par ses collègues.
*********
"Général Hammond ! Je viens d'apprendre que SG-1 partait en mission !" s'exclama le Dr Kemper d'un ton indigné.
"C'est exact", confirma Hammond, nullement impressionné par la véhémence du psychologue. "J'ai besoin d'eux pour une mission qui pourrait se révéler d'une importance capitale dans notre combat contre les Goa'uld."
"Mais général, je n'ai pas fini mon enquête !"
"Cher docteur, vous m'excuserez, mais j'estime que cette mission est autrement plus importante que votre enquête. Et vous ne pouvez pas forcer SG-1 à rester à la base. Ils sont sous mon commandement, et je vous assure qu'ils partiront, que ça vous plaise ou non !"
"Je pourrais en référer au Président !" menaça Kemper.
"Faites donc ça ! En attendant, excusez-moi, je vais souhaiter bonne chance à mes hommes."
Hammond tourna les talons et laissa Kemper en plan, furieux.
"Mon général, rassurez-moi : on ne va pas être obligés de l'emmener, hein ?" demanda Jack, qui avait aperçu les deux hommes engagés dans ce qui semblait être une conversation pour le moins animée.
"Absolument pas, colonel", répondit Hammond. "Il ne reviendrait sans doute pas vivant s'il partait avec vous."
"ça ne serait pas forcément une mauvaise chose…"
Le général ne put s'empêcher de sourire à la remarque de son subordonné.
"Navré, Jack, il va falloir trouver une manière moins radicale de vous débarrasser de lui."
"J'aurais essayé", commenta O'Neill en haussant les épaules, tout en lançant un regard discret à Sam.
Celle-ci n'essaya même pas de réprimer son sourire, à la grande satisfaction de Jack. « Rien de tel qu'un sourire de Carter avant de partir en mission », songea-t-il en lui adressant à son tour un petit sourire en coin.
Bennett arriva alors en salle d'embarquement, suivi de près par le jeune Bailey.
"On est prêts à partir, mon colonel", déclara-t-il.
Jack se tourna vers Hammond, attendant sa bénédiction pour donner l'ordre du départ.
"Mon général ?"
"SG-1 et 6, à vous de jouer. Bonne chance."
"Merci mon général."
« Chevron 7 enclenché et verrouillé » annonça la voix de Davis par le haut-parleur. L'habituel vortex bleu se forma dans un grand bruit de « kawoosh ».
"En avant, les enfants !" s'exclama Jack en enfonçant sa casquette sur sa tête.
Sam jeta un dernier regard à Kemper, qui observait la scène depuis la salle de contrôle, et suivit son supérieur à travers la grande flaque bleue, imitée par ses coéquipiers.
*********
"Ah, j'adore cette planète !" s'exclama Jack en posant le pied sur Lentyak, où les Tok'ra venaient d'installer leur nouvelle base. "Son animation, son paysage si varié, sa surprenante végétation…"
Le jeune lieutenant Bailey le considéra d'un air surpris et vaguement inquiet en découvrant le paysage désertique de dunes balayées par le vent, qui n'était pas sans rappeler la planète Vorash. Les trois autres membres de SG-1 sourirent en échangeant des regards amusés. Bailey n'était pas encore habitué à l'humour « a la Jack O'Neill », mais il s'y ferait vite.
"…et ses Tok'ra", termina Jack en apercevant deux hommes qui se dirigeaient vers eux.
Sam s'avança aux devants de leurs hôtes et noua ses bras autour du cou du plus âgé.
"Papa ! Je suis contente de te voir."
"Moi aussi, Sam", répondit Jacob en serrant sa fille dans ses bras.
"Jacob, vous avez l'air en pleine forme, comme d'habitude !" le salua Jack en approchant.
Jacob lâcha Sam et sourit en serrant la main de Jack.
"ça, c'est le travail de Selmak", répondit-il. "Vous n'avez pas l'air trop mal non plus, pour un humain normal."
"Merci. Le travail et la fréquentation de tous ces gamins me gardent ma jeunesse", reprit Jack en désignant ses compagnons.
Teal'c leva un sourcil surpris, trouvant quelque peu étrange d'être qualifié de « gamin » par O'Neill alors qu'il avait quelque chose comme le double de son âge. Daniel, lui, soupira, et Sam sourit, tandis que les deux membres de SG-6 se contentaient d'observer la scène d'un air étonné.
"Qui sont vos amis ?" demanda Jacob en se tournant vers eux.
"Ah, pardon, j'oubliais les civilités. Jacob, je vous présente le major Bennett et le lieutenant Bailey, de SG-6. C'est leur équipe qui est tombée sur les Jaffas de notre ami Ba'al."
"Je vois. Désolé de vous rencontrer dans ces circonstances, messieurs, mais bienvenue sur Lentyak."
"Merci, général, répondit Bennett. C'est un honneur de vous rencontrer enfin."
Jacob sourit.
"Oh, je vous en prie, laissez tomber le grade. Je suis un Tok'ra avant tout, maintenant, alors appelez-moi Jacob, comme tout le monde."
"Très bien."
"C'est une jolie planète, que vous avez là", reprit Jack. "Très originale. Vous choisissez ce genre de décor exprès ? ça vous aide à méditer, ou quelque chose comme ça ?"
"Cette planète a été choisie en raison de caractéristiques stratégiques, comme toutes les bases Tok'ra", répondit Jacob en réprimant un soupir. "La similitude de paysage avec Vorash est une pure coïncidence."
"Si vous le dites."
"Je le dis. Bon, vous connaissez déjà Delek, je crois", reprit Jacob en se tournant vers son « collègue ».
"En effet", répondit Teal'c en s'inclinant légèrement devant le Tok'ra, qui lui rendit son salut avec un sourire poli. "Nous nous sommes rencontrés sur le site alpha."
"Très bien, alors ne perdons pas de temps, venez."
La petite équipe escalada une dune et découvrit un tel'tac qui les attendait.
"Pourquoi on n'y va pas par la Porte ?" demanda Daniel. "ça irait plus vite."
"Oui, mais après votre rencontre improvisée avec ces Jaffas, la Porte sera certainement gardée", répondit Delek. C'est plus sûr d'y aller en vaisseau. On se fera moins repérer."
Ils montèrent tous à bord et Delek alla se mettre aux commandes, se chargeant de manœuvrer l'engin tandis que Jacob exposait le plan d'attaque aux autres.
*********
Jacob abandonna sa place aux commandes du tel'tac à Teal'c et rejoignit l'arrière de l'appareil, où se trouvaient Sam, Jack, Daniel, Bennett et Bailey.
"Ah, Jacob !" s'écria Jack en l'apercevant. "Vous tombez bien. Le lieutenant Bailey vient de poser une très intéressante question, à laquelle je vais vous laisser l'honneur de répondre."
"Lieutenant ?"
Bailey rougit un peu mais reposa néanmoins sa question.
"Je me demandais juste pourquoi vous aviez fait appel à nous pour cette mission. Vous auriez très bien pu le faire tous seuls, non…Monsieur ?" ajouta-t-il, craignant d'avoir été trop irrévérencieux envers cet homme qu'il connaissait à peine, et qui était tout de même un ancien général de l'armée de l'air.
Jacob sourit, tandis qu'à l'intérieur de sa tête, Selmak s'amusait franchement de la situation.
"Le fait est qu'habituellement, nous nous serions effectivement débrouillés sans vous", répondit-il. "Mais la plupart de nos agents sont occupés ailleurs en ce moment. On manque de bras, voilà tout."
"Et je suppose qu'on ne peut pas vous demander où se situe cet « ailleurs »" tenta Daniel.
"Désolé, Dr Jackson, pour votre sécurité et la leur, il vaut mieux que vous l'ignoriez. D'ailleurs, je ne connais pas la localisation de tous nos agents moi-même. Il serait trop risqué de confier une telle somme d'informations à un seul individu. Si jamais je me faisais prendre et torturer, je ne pourrais pas révéler grand chose."
Bailey parut un peu déçu par la réponse évasive de Jacob, ce qui n'échappa pas à Jack.
"Bienvenue dans le monde merveilleux de la Tok'ra !" lui lança-t-il.
"Jack, ne recommencez pas !" protesta Jacob d'un ton fatigué.
"Pardon, Jacob, je ne voulais pas vous offenser. Mais admettez que vous nous fournissez souvent ce genre de réponses."
"Pour des raisons de sécurité uniquement, comme je viens de vous l'expliquer", répliqua-t-il, agacé.
"Bien-sûr."
"Messieurs, s'il vous plaît !" intervint Sam. "Vos prises de bec étaient assez amusantes au début, mais là j'avoue que je commence à m'en lasser. Il me semble qu'on a plus important à faire pour le moment."
Les deux hommes se regardèrent, embarrassés d'être ainsi rappelés à l'ordre par la jeune femme, puis soupirèrent à l'unisson.
"Désolé, Jacob, je sais que vous avez des raisons de faire ce que vous faites", s'excusa Jack.
"Et je comprends que vous vous sentiez frustré d'être tenu à l'écart", renchérit Jacob. "Je n'aime pas beaucoup les secrets moi non plus, mais vous savez qu'ils sont parfois nécessaires."
"Oui, c'est juste que plus ça va et plus ce genre de choses m'horripile."
"Je comprends", approuva Jacob.
"Eh ben vous voyez, quand vous voulez !" s'exclama Sam, très contente d'elle.
Jack lui jeta un regard indéchiffrable, puis se leva.
"Bon, je crois que je vais aller voir s i Teal'c a besoin d'un coup de main. Bennett, Bailey, ça vous dit d'apprendre à piloter ce bébé ?"
Les deux hommes se levèrent aussitôt avec entrain.
"On vous suit, mon colonel."
Sam sourit en les regardant s'éloigner. Jacob se tourna alors vers Daniel, qui leva les yeux vers lui et sembla soudain comprendre son intention.
"Oh, et moi je vais y aller aussi pour…discuter avec Delek", bredouilla-t-il. "A propos de…truc Tok'ra que je veux lui demander."
Jacob sourit en se retournant vers sa fille, tandis que Daniel les laissait enfin seuls.
"Tes amis comprennent vite", nota-t-il d'un ton amusé.
"Oui, ils sont très perspicaces pour certaines choses", approuva la jeune femme en regardant son père s'asseoir face à elle. "Même si Daniel n'est pas toujours le roi de la subtilité", ajouta-t-elle en souriant.
Jacob hocha la tête.
"Je voulais juste savoir comment tu allais. Avec toute cette histoire, on n' a pas eu le temps de discuter de tes problèmes. Est-ce que c'est grave ?"
"Non, ne t'inquiète pas. Il peut chercher autant qu'il veut, il ne trouvera rien de plus que des rumeurs et quelques petites choses pouvant porter à interprétation, mais rien de solide."
"Des « petites choses pouvant porter à interprétation » ?" répéta Jacob d'un air inquiet. "Sam…"
"Papa, ce n'est rien, vraiment."
"Sam, si tu es accusée de fraternisation, c'est ta carrière que tu risques !"
"Je sais, mais Kemper n'a aucune preuve de ce qu'il avance, et il n'en trouvera aucune, pour la simple et bonne raison que tout ça n'existe que dans son imagination."
Jacob considéra sa fille en silence un moment, puis hocha la tête.
"J'espère que tu as raison. Mais sois prudente quand même. Je ne suis pas là très souvent, mais même moi je comprends qu'on puisse penser que Jack et toi… Enfin, je sais que c'est faux, mais vous semblez parfois si proches et si complices, tous les deux…"
"Papa !" soupira Sam. "…Bon allez, vas-y, pose-moi la question !"
Jacob se dandina sur son siège, un peu mal à l'aise.
"Sam, j'ai confiance en toi et je sais que si tu me dis que tu n'as rien à te reprocher, c'est que tu n'as rien à te reprocher. Mais j'aimerais te l'entendre dire clairement, c'est vrai. Juste pour me rassurer."
Il marqua un temps d'arrêt pour dévisager sa fille, qui attendait la suite d'un air résigné.
"Sam, dis-moi qu'il ne s'est jamais rien passé entre toi et Jack", lâcha-t-il enfin.
Sam hésita une seconde avant de répondre. « Jamais rien passé ? » songea-t-elle. « Tout est relatif. Voyons… Je lui ai honteusement sauté au cou dans les vestiaires, on s'est retrouvés allongés l'un contre l'autre dans une situation assez gênante en Antarctique, mon double alterné est toujours soit mariée soit fiancée avec lui, et je soupçonne fortement qu'il ait profité de ces boucles temporelles à répétition pour faire quelque chose avec moi, même s'il ne l'a jamais avoué. Sinon, il a juste reconnu avoir des sentiments pour moi. Donc vraiment, non, il ne s'est jamais rien passé. »
Elle s'efforça de chasser les images que ces idées faisaient naître dans son esprit et s'éclaircit la voix avant de répondre, sentant le regard scrutateur de son père posé sur elle.
"Je n'ai pas de relation interdite par les règlements militaires avec mon supérieur hiérarchique direct", répondit-elle, choisissant soigneusement ses mots. "Je n'en ai jamais eu, et je n'en aurai jamais de ma propre volonté."
« Enfin sans doute jamais », ajouta-t-elle en pensée. « Sauf circonstance imprévue, genre invasion goa'uld imminente ou autre catastrophe du même genre, où les règlements militaires prennent soudain beaucoup moins d'importance. »
Sa réponse prudente ne satisfit Jacob qu'à moitié. Sam ne lui disait pas tout, il le sentait, mais Selmak lui recommanda de ne pas insister. Le moment était mal choisi pour les confidences, et des questions trop directes ne serviraient qu'à la faire se refermer comme une huître. Jacob connaissait bien sa fille, et il savait qu'elle lui parlerait si elle en avait besoin, et surtout quand elle l'aurait décidé. Il se contenta donc de sourire en murmurant un "très bien" conciliant, et retourna au poste de commandement.
Sam soupira en se laissant aller contre la paroi du tel'tac. Elle n'aimait pas cacher des choses à son père, mais elle ne pouvait pas lui parler de ça. Elle n'était pas certaine qu'il comprendrait et encore moins qu'il la soutiendrait comme le faisaient Daniel et Teal'c. Pour la millième fois, elle souhaita que les choses ne soient pas aussi compliquées, tout en sachant qu'elles le seraient toujours pour Jack et elle. Au moins avait-elle la conscience tranquille. D'un point de vue professionnel, elle n'avait rien à se reprocher et n'avait jamais transgressé aucun règlement dans ce domaine (du moins jamais en ayant la pleine possession de ses facultés de jugement, et elle ne pouvait honnêtement pas être tenue pour responsable du reste).
Le retour de Daniel, de Teal'c et du major Bennett interrompit ses pensées, et elle se redressa pour leur demander comment se présentaient les choses. Sa relation avec Jack ne changerait pas de si tôt, mieux valait pour l'instant se concentrer sur la mission. Sur ça, au moins, elle avait un certain contrôle.
"On devrait arriver dans un peu moins d'une heure, d'après Delek", l'informa Daniel.
"Dans ce cas, on ferait bien de commencer à se préparer", déclara-t-elle en se levant pour aller chercher leur matériel.
Daniel l'observa sans rien dire et ne posa pas davantage de questions lorsqu'elle revint avec leur équipement. Quel qu'ait été le contenu de sa conversation avec Jacob, elle ne souhaitait visiblement pas en parler pour l'instant. Il décida donc de l'interroger plus tard, et alla aider Teal'c et Bennett à tout préparer pour la mission.
*********
Quarante minutes plus tard, le vaisseau arriva en vue de la planète P5G-842, sur laquelle SG-6 avait été attaqué. Delek stoppa l'appareil au-dessus d'un endroit désert, et Jacob réunit tout le monde sur le peltac.
"Bien, vous savez tous ce que vous avez à faire ?" demanda-t-il.
Tous hochèrent la tête affirmativement.
"Très bien, alors allons-y."
Daniel, Bennett, et Teal'c se placèrent au centre des anneaux de transport, que Sam activa pour les faire descendre sur la planète. Après quoi elle se plaça elle-même au même endroit, avec Jacob et Jack. Ils échangèrent un dernier signe de tête avec Delek et Bailey, puis disparurent avec les anneaux dorés.
Il avait été décidé que Bailey resterait avec Delek à bord du teltac pour lui prêter main forte en cas de besoin. Le jeune lieutenant était en effet trop inexpérimenté pour aller sur le terrain lors d'une mission aussi importante, et ses qualités de pilote pourraient se révéler précieuses si Delek devait s'occuper d'une panne ou d'un problème du vaisseau.
Les autres devaient rencontrer un agent Tok'ra infiltré dans les rangs de Ba'al et prévenu de leur arrivée, pour savoir précisément à quoi s'attendre. Une fois tous « débarqués », ils se mirent donc en route vers le point de rendez-vous tandis que Delek éloignait un peu le vaisseau pour ne pas risquer de se faire repérer.
La petite troupe avança prudemment pendant environ cinq minutes et stoppa au niveau d'un petit bosquet de sapins qui procurait une relative sécurité. Un jeune homme sortit alors de l'ombre, immédiatement accueilli par trois P-90, deux zats et une lance jaffa braqués sur lui. Il leva aussitôt les mains et recula d'un pas.
"Eh, du calme, tout le monde !"
"Désolé, Eltan, c'est un réflexe", s'excusa Jacob en baissant son arme et en faisant signe aux autres d'en faire autant.
"ça me fait plaisir de te voir, Selmak", répondit le jeune homme d'une voix grave caractéristique qui fit grimacer Jack.
"Moi aussi, Kin'tar", répondit Selmak par la bouche de Jacob.
"Ce sont les Tau'ri ?"
"Oui. Voici ma fille, Sam", répondit Jacob en reprenant le contrôle à Selmak. "Le colonel Jack O'Neill, Teal'c, le Dr Daniel Jackson et le major Bennett."
Eltan/Kin'tar les salua d'un hochement de tête.
"J'ai beaucoup entendu parler de vous."
"Surtout, ne croyez rien de ce que Jacob a pu vous dire, répondit Jack. On n'est pas du tout comme ça."
Eltan le considéra d'un air perplexe en fronçant les sourcils, tandis que Jacob levait les yeux au ciel.
"Jack, ça vous dérangerait d'être sérieux de temps en temps ? Vous savez bien que la plupart des Tok'ra ne comprennent pas votre sens de l'humour !"
"Ah, oui, j'avais cru remarquer, mais on ne sait jamais, les miracles arrivent !"
"Euh, messieurs, est-ce qu'on pourrait passer aux choses sérieuses ?" intervint Sam, que la proximité de Ba'al et de Jaffas rendait nerveuse.
"Bien sûr, tu as raison", approuva Jacob. "Alors, Eltan, où en est la situation, ici ?"
"Eh bien les choses sont plutôt calmes, par la force des choses. Les troupes de Yu se sont bien battues, ça a causé pas mal de dégâts matériels et beaucoup de Jaffas ont été tués lors des combats. De fait, ils ne sont qu'un petit nombre ici avec Ba'al. Ceux qui ne sont pas morts ont reçu la permission de retourner dans leurs familles. J'ai même entendu dire que certains ont été si écoeurés par cette guerre et atterrés de voir Ba'al encaisser les coups qu'ils ont rejoint la rébellion menée par Brata'c."
"Voilà de bonnes nouvelles !" s'exclama Jack. "Vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me réjouit !"
"En tout cas, ça ne devrait pas être trop compliqué de vous faire monter à bord du vaisseau-mère", poursuivit Eltan, ignorant l'interruption de Jack.
"Combien de Jaffas reste-t-il ici ?" demanda Jacob.
"Une cinquantaine environ, peut-être soixante. Certains ont reçu l'ordre de surveiller le cha'paï et ses environs."
"Oui, on les a rencontrés", confirma Bennett d'un air morose.
"J'en ai entendu parler, en effet. Est-ce que vous avez subi des pertes ?"
"Deux de mes hommes ont été sérieusement blessés, mais ils sont hors de danger maintenant."
"Bien. Vous avez du matériel ?"
"Du bon vieux C4, toujours efficace", répondit Jack en tapotant les poches de son gilet.
"Des explosifs", traduisit Jacob à l'intention d'Eltan.
"Oh. Et je vois que vous avez des armes. C'est bien", approuva le jeune Tok'ra. "J'ai une petite surprise pour vous", ajouta-t-il en souriant pour la première fois.
"Euh, je ne voudrais surtout pas vous vexer, mais je n'aime pas trop les surprises", répondit Jack.
"Oh, je pense que celle-ci devrait vous plaire", répondit Eltan sans se laisser dépiter.
Il s'éloigna de quelques pas, se pencha pour prendre un coffret qu'il avait laissé auprès d'un arbre, et le tendit à Jacob. Celui-ci l'ouvrit avec précaution et sourit en découvrant ce qu'il contenait.
"Alors, tu as réussi à en chiper ? Beau travail, Eltan ! ça nous sera sûrement très utile."
"Jacob ? " interrogea Jack, pressé de savoir ce qui le rendait si enthousiaste.
L'interpellé sourit et se tourna vers sa fille.
"Sam, viens par ici."
Intriguée, elle approcha. Jacob sortit alors de la boîte un gant goa'uld, qu'il tendit à la jeune femme. Celle-ci eut un mouvement de recul en voyant l'objet, mais Jacob n'y prêta pas attention.
"Eltan a « emprunté » quelques-unes de ces choses. Tu pourrais en avoir l'usage, je pense."
"Papa, la dernière fois que j'ai utilisé un de ces trucs, j'ai tué un Goa'uld de sang froid", rappela-t-elle en grimaçant. "Je préfèrerais éviter de recommencer. Ces appareils sont dangereux, ils altèrent les sentiments et le jugement."
"Je sais, mais celui-ci a surtout une fonction de bouclier", répondit Jacob. "Je n'avais pas l'intention de te demander de t'en servir pour autre chose."
Sam se détendit un peu à ces mots.
"Bon, dans ce cas… ça pourra sûrement être utile, c'est vrai", concéda-t-elle en prenant l'objet.
"Dommage que ces trucs ne fonctionnent pas sur nous", remarqua Daniel. "ça m'éviterait peut-être de me retrouver à l'infirmerie tous les quinze jours.
"Vous n'aurez qu'à rester derrière moi", sourit Sam. "Je vous protègerai."
"Merci, c'est gentil."
"Bon, est-ce que tout le monde est prêt ?" interrogea Eltan.
Sam et Jacob enfilèrent leurs « gants », Jack et Bennett vérifièrent une dernière fois leurs armes, et Daniel remonta ses lunettes sur son nez d'un air décidé.
"Très bien, allons-y", décréta Jacob, donnant le signal du départ.
La petite troupe progressa rapidement à travers bois en prenant soin d'éviter les rares patrouilles de Jaffas qui parcouraient le secteur. Arrivant à la lisière des arbres, Eltan leur fit signe de s'arrêter. Quelques centaines de mètres plus loin se dressait la masse imposante du vaisseau-mère, au centre d'une sorte de carrière. Des Jaffas allaient et venaient aux alentours, montant la garde ou vaquant à diverses occupations.
Jack sortit ses jumelles d'une des poches de son gilet et observa le site.
"Il n'y a pas plus d'une vingtaine de Jaffas", compta-t-il.
"Je vous l'avais dit", répondit Eltan. "Beaucoup ont été tués ou blessés, et puis Ba'al ne s'attend pas à recevoir de la visite ici. Cette planète est très retirée par rapport aux principaux territoires contrôlés par les Grands Maîtres, et d'un point de vue goa'uld, elle ne présente aucun intérêt. C'est pour ça que Ba'al l'a choisie pour venir y refaire ses forces."
"ça paraît logique, en effet", approuva Daniel.
Sam jeta un coup d'œil à Jack et s'aperçut qu'il scrutait toujours les alentours d'un air tendu.
"Mon colonel ?" demanda-t-elle à mi-voix.
"Je n'aime pas ça", répondit-il. "ça semble trop facile."
"Eh bien un peu de facilité ne nous ferait pas de mal, pour une fois", rétorqua Daniel.
"Mouais… Restez quand-même sur vos gardes. J'ai un mauvais pressentiment."
Les deux Tok'ra n'avaient prêté qu'une oreille distraite à la conversation, occupés à surveiller les environs, mais Teal'c, Daniel, Sam et Bennett furent un peu refroidis dans leur enthousiasme par la méfiance de Jack. Se fiant à son expérience, tous vérifièrent une nouvelle fois leurs armes et redoublèrent de vigilance. Le colonel avait peut-être tort de craindre des complications, mais mieux valait être prudent et ne pas prendre de risques inutiles.
"Bon, vous avez fini de palabrer ?" demanda Jacob en se tournant vers le petit groupe.
"Affirmatif", répondit Jack en serrant son P-90. "Allons-y."
Quittant la protection relative qu'offrait la forêt, ils se dirigèrent rapidement vers le vaisseau en prenant soin de ne pas se faire repérer. Ils n'eurent toutefois pas grand mal à éviter les quelques Jaffas qui patrouillaient là, tant ceux-ci étaient peu nombreux et apparemment guère concentrés sur leur tâche. Cette attitude négligente surprit Jacob et ses compagnons, mais ils n'avaient pas le temps de s'arrêter pour discuter à présent qu'ils avançaient en terrain découvert. Ils suivirent donc Eltan sans mot dire jusqu'aux anneaux de transport, qui les transportèrent en un instant à l'intérieur du vaisseau, grâce à la complicité de deux Jaffas qui étaient de connivence avec Eltan.
Une fois à l'intérieur, ils s'enfermèrent dans une petite pièce qui servait apparemment de réserve, remplie de containers de diverses tailles.
"Très bien, venez par ici", ordonna Eltan.
Le petit groupe se rassembla autour de lui tandis qu'il tirait un document de sa tunique.
"Voici un plan du vaisseau. Nous sommes ici", expliqua-t-il en pointant un endroit sur le plan. "Là, c'est le pel'tac. Et là, c'est la salle où se trouve le panneau de commandes principal."
"Où est le garage pour les planeurs de la mort ?" demanda Jack.
"Juste là", répondit Eltan en désignant un autre point du plan. "Pourquoi ?"
"Si on place des explosifs sur les planeurs, le naquadah contenu dans leurs moteurs décuplera l'explosion", expliqua Sam, sachant parfaitement ce que son supérieur avait en tête.
"C'est vrai, mais c'est une zone bien gardée", objecta Eltan. "ça me paraît difficile à faire."
"Difficile, mais pas impossible ?", insista Jack.
"ça nous ferait prendre de gros risques qui ne me paraissent pas utiles. Si vous vous faites repérer, on risque fort de ne pas pouvoir sortir vivants de ce vaisseau. Mieux vaut s'en tenir au plan initial."
Jack observa un moment le Tok'ra avec une irritation non dissimulée, mais contrairement à ce que craignait Jacob, il n'insista pas davantage.
"Très bien, si vous pensez que c'est trop dangereux, on n'y va pas", répondit-il.
Sam jeta un regard surpris à son supérieur. Ce n'était pas dans ses habitudes d'abandonner la partie aussi facilement, surtout face à un Tok'ra. A en juger par l'expression d'étonnement qu'on pouvait lire sur le visage de Daniel et le sourcil levé de Teal'c, ses deux coéquipiers partageaient sa surprise. Jack ne leur accorda néanmoins aucun regard, son visage fermé ne laissant rien transparaître de ses sentiments.
Eltan, lui, soupira de soulagement et se retourna vers eux.
"Bon, dans ce cas, chacun sait ce qui lui reste à faire", conclut-il. "Allons-y."
*********
Ils quittèrent prudemment la pièce et se scindèrent en deux groupes : Sam, Jacob et Daniel prirent la direction de la salle abritant le panneau de commandes, tandis que Teal'c, Eltan, le major Bennett et Jack se dirigeaient vers le pont du vaisseau. Evitant adroitement les patrouilles de Jaffas, le premier groupe atteignit son but sans difficulté. Sam ouvrit le panneau de commandes pendant que Daniel et Jacob montaient la garde à l'entrée de la pièce. Observant le dispositif, elle fronça les sourcils.
"Papa, viens voir ça", appela-t-elle. "Ce n'est pas normal."
Jacob quitta son poste et vint rejoindre sa fille. Examinant à son tour les cristaux, il grimaça.
"Aïe, ils ont modifié les systèmes de sécurité."
"C'est la première fois que je vois ça", reprit Sam.
"Moi aussi", répondit Jacob. "Et ça ne me dit rien qui vaille. Ba'al est sensé être affaibli et vulnérable, et d'après ce que nous a dit Eltan, il pense être en sécurité sur cette planète. Pourquoi modifier et surtout améliorer ces systèmes s'il est si faible et si confiant ? ça ne colle pas."
"Tu crois que c'est un piège ? Eltan nous aurait menti ?"
"J'ai toujours du mal à croire qu'un Tok'ra puisse nous trahir, mais j'avoue que je commence à l'envisager", répondit-il d'un air sombre.
"Le colonel, Teal'c et le major Bennett sont avec lui !", s'inquiéta Sam. "Et je ne peux pas les prévenir par radio, Eltan l'entendrait."
"Il faut aller les rejoindre et sortir d'ici au plus vite", décida Jacob.
"Et le panneau de commandes, vous n'y touchez pas ?", demanda Daniel.
"J'ai bien peur que ça soit impossible", soupira Jacob.
Il avança la main vers les cristaux, mais la retira bien vite en se heurtant à un champ de force.
"C'est bien ce que je pensais, ils ont installé un dispositif de protection du panneau. Et je n'ai pas de quoi le désactiver. Mieux vaut ne pas traîner ici. Si Eltan nous a trahi, on risque de voir débarquer des Jaffas dans peu de temps."
Il referma le panneau de commandes et rejoignit Daniel à l'entrée de la salle avec Sam. Après s'être assurés qu'aucun Jaffa n'approchait, tous trois sortirent.
*********
"Mon colonel, où en êtes-vous ?"
Jack lâcha son arme d'une main et saisit sa radio pour répondre.
"On se dirige vers le pont. Pourquoi ? Il y a un problème ?"
"ça se pourrait."
Jack fronça les sourcils, sentant une bouffée d'angoisse l'envahir en entendant la voix tendue et hésitante de son major.
"Comment ça, « ça se pourrait » ? Vous avez un problème ou non ?"
Un long silence suivit sa question.
"Carter ?"
Jack était de plus en plus inquiet, ce genre de réponse vague n'étant guère dans les habitudes de Sam.
"On vient vous rejoindre", répondit-elle enfin.
"Quoi ? Mais ce n'est pas ce qui était prévu ! ", protesta Eltan.
"Oui, eh bien apparemment, il y a un changement de plan !", répondit Jack, irrité par la réaction du Tok'ra. "Alors on reste là et on les attend pour savoir ce qui se passe."
Comprenant que Teal'c et Bennett obéiraient au colonel quoi qu'il puisse dire, Eltan n'insista pas.
"Carter, on est juste à côté du garage à planeurs", indiqua Jack à l'intention de Sam.
"D'accord, on vous rejoint. Terminé."
Quelques minutes plus tard, Sam, Jack, Jacob et Daniel arrivèrent dans le couloir où se cachaient Jack, Teal'c, Bennett et Eltan.
"Carter !" appela Jack à mi-voix lorsqu'elle arriva près d'eux.
Elle sembla soulagée de le voir et se glissa dans le petit recoin qu'ils occupaient, suivie de Daniel et Jacob.
"Qu'est-ce qui se passe ?" interrogea Jack. "Pourquoi vous n'avez pas fait ce qui était prévu ?"
"On est tombés sur un os", répondit Jacob. "Le panneau de commandes est protégé par un champ de force, et la configuration des cristaux a été modifiée."
Jack se retourna vivement vers Eltan.
"Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous le saviez ?"
"Bien sûr que non ! Je ne comprends pas. La dernière fois que j'ai vérifié, tout était normal."
"Ben voyons !Et ils ont eu une soudaine envie de faire des modifications juste avant qu'on arrive ? C'est bizarre, comme coïncidence, non ?"
Le jeune Tok'ra posa un regard indéchiffrable sur Jack, puis sortit dans le couloir sans se préoccuper de vérifier si la voie était libre.
"En fait, non, ça n'a rien d'étrange, colonel", répondit-il de sa voix goa'uld. "C'est moi qui ai procédé personnellement à ces petits aménagements."
"Quoi ? Eltan !", s'exclama Jacob, horrifié.
"Désolé, Selmak. Je n'ai pas eu le choix."
Une patrouille de Jaffas approcha alors et Eltan se tourna vers eux.
"Jaffas ! Arrêtez ces hommes !" leur ordonna-t-il.
"Oh, alors ça, sûrement pas !", répondit Jack en pointant son arme sur les Jaffas, imité par ses compagnons.
"Jaffas ! Kree !", lança Eltan.
Les Jaffas commencèrent à tirer, mais Teal'c, Jack, Daniel et Bennett ripostèrent, tandis que Sam et Jacob activaient leur gant-bouclier. Plusieurs Jaffas tombèrent sous les balles, tandis que d'autres s'écroulaient, touchés par l'arme de Teal'c ou le zat de Daniel. Sam et Jacob se joignirent à la bataille, tirant d'une main et se protégeant de l'autre. Mais un autre groupe de Jaffas, sans doute alerté par le bruit, arriva en renforts du premier.
"On se replie !" cria Jack. "Daniel, contactez Delek !"
Daniel sortit de sa poche un communicateur tok'ra.
"Delek, vous êtes là ?"
"Je vous écoute, docteur Jackson", répondit la voix du Tok'ra. "Qu'est-ce qui se passe ?"
"On a des ennuis. On se replie. Tenez-vous prêt à nous récupérer."
"Très bien, on arrive."
"Mon colonel, allez-y, on vous couvre !" cria Sam.
"Carter ? Vous êtes sûre que ça va aller ?"
"Jack, on n'a pas le temps de parlementer !", trancha Jacob. "Sortez vos fesses de là !"
"Très bien. Daniel, Bennett, avec moi. Teal'c, vous nous couvrez."
Daniel et le major Bennett s'avancèrent avec Jack, tirant sur les quelques Jaffas encore debout, tandis que Teal'c les suivait à reculons, décimant l'autre patrouille qui avançait vers eux. Sam et Jacob protégeaient le petit groupe de leur mieux en arrêtant autant de tirs que possible grâce à leurs boucliers. Eltan, lui, avait été zatté depuis plusieurs minutes et gisait inconscient sur le sol avec les Jaffas blessés.
**********
A bord du vaisseau, Delek se tenait prêt à partir tandis que le jeune lieutenant Bailey attendait nerveusement l'ordre d'activer les anneaux de transfert pour ramener tout le monde à bord.
"Delek, maintenant !", cria soudain la voix de Daniel dans le haut-parleur.
Bailey actionna immédiatement les anneaux et quelques secondes plus tard, le major Bennett, Daniel et Teal'c apparurent à bord. Bennett manqua s'effondrer, soutenu à la dernière minute par le bras puissant de Teal'c.
"Major, vous êtes blessé ?", s'écria Bailey.
"Ce chien de Jaffa m'a eu dans le dos !", répondit Bennett en grimaçant de douleur, tandis que Teal'c et Daniel l'emmenaient à l'arrière du vaisseau pour le soigner.
"Où sont le colonel O'Neill, le major Carter et Jacob ?", demanda Delek.
"Ils étaient juste derrière nous", répondit Teal'c. "Le colonel a un communicateur, il vous dira quand il sera en position."
"Oui, et bien s'il pouvait se dépêcher, ça serait gentil. On n'est pas exactement les bienvenus, ici. Les Jaffas nous ont repérés, je ne sais pas combien de temps les boucliers vont tenir."
Juste à cet instant, la voix de Jack résonna dans l'habitacle.
"Delek, sortez-moi de là !"
Bailey se précipita pour actionner à nouveau les anneaux, qui ramenèrent Jack à bord. Seul.
"Où sont Sam et Jacob ?", s'enquit aussitôt Daniel.
"Ils se sont fait prendre, je n'ai rien pu faire", répondit Jack. "Un groupe de Jaffas est sorti de nulle part, ils les ont eus par surprise."
"Ils sont blessés ?"
"Pas que je sache, mais si on veut pas l'être nous, il vaut mieux pas traîner ici. On ne peut rien faire pour eux pour l'instant, les Jaffas sont sur le pied de guerre, et ça commence à sentir le roussi pour nous. On reviendra avec des renforts."
"Très bien", approuva Delek, manifestement soulagé de pouvoir éloigner son vaisseau des tirs jaffas. "Allons-y."
"Attendez, on ne peut pas les laisser là !", protesta Daniel.
"Daniel, ça ne me plaît pas plus qu'à vous, croyez-moi. Mais les Jaffas sont trop nombreux, et au cas où vous n'auriez pas remarqué, on a en quelque sorte perdu notre effet de surprise. Une mission de sauvetage dans ces conditions serait du suicide pur et simple ! Notre petit copain Eltan s'est fichu de nous, ce n'est pas 40 Jaffas à moitié morts qu'il y a ici, c'est tout un bataillon et ils ont l'air très en forme ! Alors on file d'ici avant qu'ils nous descendent et on revient avec la cavalerie dès que possible. Ça vous va ?"
"Je suppose qu'on n'a pas vraiment le choix", soupira le jeune archéologue.
"Vous supposez bien."
