Voici une petite fic -pas très joyeuse- qui pour une fois se passe durant la série, quelque part dans la saison 2, donc il y a des spoilers.

Disclaimer: Supernatural ne m'appartient pas.

Bonne lecture.


Une chasse peut mal tourner

Les chasses peuvent mal tourner. On ne le savait que trop bien. Regardez ce qui est arrivé à ce vieux William. Il est parvenu à sortir vivant d'un nid de vampire qu'il avait attaqué seul, mais c'est un petit esprit vengeur qui eut raison de lui en l'écrasant sous une armoire. Ou alors Bill Harvell. Presque trente ans de chasse à son actif pour finir abattu par un Wendigo…

Les chasses peuvent mal tourner. Dean Winchester ne le savait que trop bien.

Un grincement de douleur, une respiration haletante, des perles de sueur se mêlèrent aux perles de sang. Sam n'avait plus rien en commun au jeune homme assuré qui était rentré dans les bois deux heures plus tôt, un fusil à la main. Il était pâle comme la mort, ses yeux étaient vitreux et il avait abandonné son fusil sur le sol pour crisper ses deux mains sur sa jambe gauche.

Un piège à loup. Sam était un chasseur surentraîné qui savait tirer avec un pistolet depuis ses dix ans, et il allait mourir à cause d'un putain de piège à loup. Dean essayait de ne pas penser au temps que Sam avait passé dans cette position, raidi par la douleur, les chairs de son mollet lacérées par les pointes de fer. Sa cheville était très probablement brisée, aussi. Sam tentait de rester calme, de gérer la douleur comme il savait si bien le faire, mais il peinait, Dean le voyait bien.

Autour d'eux, la forêt était horriblement silencieuse. Le zombie qui s'y était réfugié ne tenterait pas de les approcher tant que Dean serait là, l'arme au poing. Des balles en argent ne pourrait pas le tuer, mais elles lui feraient un mal de chien, assez pour le dissuader d'approcher. C'était comme ça que Sam l'avait gardé à distance, vidant toutes ses munitions pour l'empêcher de les approcher, lui et Dean, qui était resté inconscient trente bonnes minutes.

Dean n'arrivait pas à croire qu'il était resté out tout ce temps. Le zombie lui avait foutu une sacrée raclée, même s'il n'arrivait pas à l'admettre. Mais le pire, c'était à son réveil, quand il avait croisé le regard étrangement brillant de Sam qui lui demanda, à bout de souffle « Ca va ? » Comme si sa jambe n'était pas broyée par la gueule en fer du piège, comme s'ils n'étaient pas coincés au milieu de la forêt avec un zombie sur les bras, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Dean en était malade. C'était à lui de veiller sur son frère, à lui de prendre soin de lui, de veiller à ce que rien ne lui arrive.

« Ouvre les yeux, Winchester. Sam est un chasseur. Et il arrive toujours des trucs à un chasseur. Des trucs moches » lui rappela une voix sournoise dans sa tête. Et elle avait raison, au grand dégoût de Dean. Sam était un chasseur. Il aurait bientôt vingt-quatre ans et risquait sa vie tous les jours pour tuer des monstres et sauver quelques cons au passage.

Il était déjà très tard. Ou très tôt. Quoiqu'il en soit, Sam ne pouvait rester dans cette situation plus longtemps et il avait besoin de soins d'urgence. Dean aurait bien appelé les secours s'il n'aurait pas à expliquer la raison de leur présence dans les bois en pleine nuit avec des flingues et des pieux en argent, et si l'aîné des frères ne serait pas activement recherché par la police. Et de toute façon, il n'y avait pas de réseau. Comme d'habitude, les Winchester devront improviser.

Sam luttait pour rester réveillé et ses gémissements de douleurs trahissaient de plus en plus le masque impassible qu'il s'efforçait d'afficher. Dean savait pourquoi il faisait ça. Pour ne pas l'inquiéter, pour ne pas le distraire. Dean était le seul en mesure de les sortir de ce pétrin tous les deux et pour cela, il devait rester concentré. Dean avait cette capacité de se couper totalement du contexte émotif lorsqu'il était en mode « chasse ». C'est pour cette raison qu'il ignora les halètements de douleur de son frère. C'est pour cette raison qu'il lui tendit son revolver.

-Tiens. Garde le zombie à distance.

Sam avait le regard tellement embué que Dean doutait qu'il pouvait voir à plus de trois mètres, mais il saisit le pistolet à deux mains, laissant sa jambe meurtrie et piégée entre les mains de son frère. Il savait ce que Dean allait faire, et s'il lui avait donné le pistolet, ce n'était pas tant pour repousser le zombie – il devait être loin, maintenant. Il était peut-être déjà mort, mais il n'était pas du genre suicidaire – si Dean lui avait donné le flingue, c'était pour que Sam se concentre sur autre chose que sur sa jambe. Pour l'aider à ignorer la douleur.

Un bâtonnet de bois fut agité devant ses yeux. Sam battit des paupières pour regarder Dean, la mine renfermée et résignée.

-Tu sais comment ça marche.

Sam hocha la tête et glissa le bâtonnet entre ses dents avant de se cramponner fermement à son arme, attendant l'instant fatidique.

Dean avait déjà retiré sa veste dans le but de s'en servir comme bandage de fortune. Il faisait -5° et il était en tee-shirt, mais il s'en fichait complètement. Toutes ses pensées étaient focalisées sur « sauver Sam ». Il avait déjà eut l'occasion de rencontrer un chasseur – un vrai chasseur, genre cerfs et lapins – et il connaissait le fonctionnement de ces pièges. Le problème ne résidait donc pas dans l'ouverture du piège, mais de l'hémorragie qui en résulterait. Le jean de Sam était déjà détrempé de sang poisseux, mais Dean avait que le saignement s'aggraverait à l'ouverture du piège, quand les dents de fers enfoncées dans la jambe de Sam cesseraient de faire barrage contre le sang qui arrivait en grandes pompes pour réalimenter le pied blessé. C'était une des raisons pour laquelle il était fortement déconseillé de retirer l'objet responsable de la plaie du corps si on n'était pas encore à l'hôpital.

A l'aide de son couteau, Dean découpa un bout de sa veste pour en faire une bande qu'il serra autour de la cuisse de Sam. Celui-ci ne parvint pas à retenir un sifflement de douleur. Une fois le garrot mis en place, Dean se concentra sur le piège. Les dents s'étaient refermées tellement violemment sur la jambe de Sam que sa cheville s'était brisée sous le choc. En tout cas, il était certain que Sam ne pourrait pas marcher une fois libéré du piège. Dean avait laissé l'Impala en bordure de forêt, à dix minutes de là où ils se trouvaient actuellement. Dix minutes, ce n'est pas la mer à boire, mais c'est bien assez pour Dean qui savait qu'il n'aurait pas d'autre choix que de porter son frère jusqu'à la voiture, l'Impala ne pouvant pas rouler sur le terrain cabossé de la forêt.

Toutefois, chaque problème en son temps. Dean devait d'abord libérer Sam du piège. De la poche de sa veste en lambeaux, il sortit sa flasque de whiskey. L'alcool sert à désinfecter sous toutes ses formes. En attendant l'antiseptique de l'hôpital, ils allaient se contenter de ça. En revanche, ils n'avaient rien pour remplacer la morphine.

Sam surveillait tant bien que mal les alentours quand la douleur fusa. Un grand « CLAC ! » retentit dans l'obscurité et le bâtonnet entre les dents de Sam se brisa quand le cadet serra la mâchoire en poussant un cri étouffé. Sam se tendit encore plus qu'il ne l'était et essaya de porter une main à sa jambe, mais celles de son aîné la repoussèrent fermement. Sam, les yeux clos sous la douleur, laissa échapper un gémissement.

-Dean…

-Je sais, je sais… je fais aussi vite que je peux.

Sam aurait voulu rétorquer « Et ben, essaye de faire encore plus vite », mais il sursauta quand il sentit un liquide froid tomber sur sa jambe et une nouvelle vague de douleur l'engloutit. Il apercevait le ciel et la cime des arbres entre ses paupières, mais des taches sombres dansaient devant ses yeux.

Il sentit soudainement quelque chose qu'on appuyait contre ses lèvres.

-Tiens, bois.

Sam porta une main tremblante à la bouteille que lui tendait son aîné et versa un peu de whisky dans sa bouche. Se soûler, la meilleure façon de faire abstraction de la douleur… Il sentait Dean enrouler quelque chose autour de sa jambe sans vraiment y prêter attention. Il observa distraitement les étoiles dans le ciel, qui brillaient avec plus de force que d'habitude. Elles sont belles, les étoiles. C'est marrant, c'est la première fois que Sam remarquait à quel point elles étaient belles et lumineuses. Peut-être que c'était la dernière fois qu'il pourrait les voir.

Finalement, Sam ferma les yeux et se laissa tomber dans les ténèbres avec une dernière pensée : la chasse avait mal tourné.

(Peut-être) à suivre


Merci aux reviewveurs et en espérant que cette fic vous a plu.