L'Immortalité pour Sanctuaire
de
Marquise des Ombres

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Fan fiction basée sur le film Dracula de Francis Ford Coppola ( 1992 ) tiré du roman de Bram Stoker

Genre : Gothique/Fantastique/Romance

Pairing : Wilhelmina Murray-Harker, Johnatan Harker, Abraham Van Helsing, Jack Seward + OC

Rating : M+

Résumé : Presque un an s'est écoulé depuis la mort de Dracula. De retour à Londres, les époux Harker s'installent enfin ensemble mais Mina est loin de ressentir la sérénité d'une femme comblée par le mariage. Toutes ses pensées sont tournées vers son prince disparu et son amour pour lui plus fort que la mort l'anéantit chaque jour un peu plus. Cependant, une rencontre lui donnera peut-être l'occasion de changer le cours du destin...

Publication : 2011

NDLA: Bonjour. Voici ma première fan fiction sur Dracula de F.F Coppola. J'avoue qu'elle me trottait depuis fort longtemps dans la tête, il était donc grand temps que je m'y mette ! Je tiens à préciser que j'ai volontairement omis de mon écriture le style « épistolaire » employé par Bram Stocker, mon but n'étant pas de poursuivre son œuvre mais celle cinématographique de Coppola.

Je vous souhaite une bonne lecture.

Mes hommages…

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PREMIERE PARTIE

Je ferais de la nuit mon Sanctuaire,
Déchirerais le ciel pour m'en parer.
Ma robe de noce comme un suaire
Epousera mon corps énamouré…

Extrait de Vœux Lunaires,
Marquise des Ombres

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Chapitre 1
Gravé dans la chair

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Londres, hiver 1898,

Tournant la clé dans la serrure, Jonathan pénétra dans la petite maison qu'il venait d'acquérir. Sur deux étages, cette dernière était coincée entre deux bâtiments plus riches mais demeurait non moins un endroit agréable.

Retirant son chapeau et sa veste, sa voix résonna dans la maison tandis qu'il appelait sa femme.

- Mina ! Je suis rentré !

Comme d'habitude, seul le silence lui répondit. Traversant le couloir, il monta les marches et se rendit jusqu'à la chambre où devait sûrement se trouver son épouse.

Elle était là, assise à son bureau, ses mains pianotant sur la machine à écrire. Elle avait relevé ses cheveux en chignon, dégageant sa nuque laiteuse. Sa chevelure foncée et sa robe turquoise contrastaient avec la carnation si claire, si blanche de sa peau...

S'approchant, il posa une main tendre sur son épaule mais la retira lorsque Mina sursauta à son contact.

Comme d'habitude.

- Je ne vous avais pas entendu. Déclara-t-elle en se levant et le regardant à peine.

- Cela ne fait rien. Répondit le jeune clerc d'une voix éteinte en contemplant le beau visage de la jeune femme.

Ses grands yeux bruns n'abritaient plus cette impatience virginale mais luisaient désormais d'un éclat abîmé.

Se soustrayant au regard de son époux, elle sortit de la chambre devenue trop exiguë pour aller se réfugier dans la cuisine.

De son côté, Jonathan soupira, affecté par le comportement fuyant de sa femme.

Depuis qu'il avait tiré Mina de la chapelle de Borgo, celle-ci avait changé. Il se souvient encore de ses mains agrippées au corps décapité du vampire et de ses pleurs désespérés.

Cela lui avait brisé le cœur... et depuis il ne s'était pas recollé.

Celui de Wilhelmina non plus, tranché dans le vif comme la tête de son amant ce petit matin en Transylvanie.

Arrivée dans la cuisine, la jeune femme posa une main sur son front, soupirant discrètement au dessus de la cuisinière.

Chaque minute était percluse de douleur, même respirer lui faisait mal.

C'était tout ce qu'il restait en elle : de la souffrance.

Coinçant derrière son oreille une mèche échappée de son chignon, elle se pencha au dessus de la marmite contenant une soupe bouillante.

Remplissant deux assiettes de mixture rougeâtre, elle s'en empara avant de se diriger vers le petit salon. Ce dernier était sommairement meublé. Une table, quatre chaises, des rideaux verts cachant la rue et une petite cheminée de marbre ornaient le lieu.

Mina franchit la porte alors que Jonathan s'occupait du feu, éclairant ainsi le salon d'une lumière ambrée.

Posant les assiettes sur la table, elle laissa son époux prendre place puis s'installa face à lui. A l'opposé...

- C'est très bon. Osa timidement le jeune homme après avoir porté le breuvage à ses lèvres.

- Merci... Répondit laconiquement Mina, son regard plus terni que jamais.

Le dîner se déroula ainsi, dans une atmosphère morne malgré les efforts que faisait Jonathan pour animer la conversation.

Une fois le repas terminé, la jeune femme se hâta de desservir, s'isolant dans la cuisine.

Comme d'habitude.

Soupirant, le clerc se dirigea vers le bureau qu'il s'était aménagé dans une petite pièce de la maison.

Allumant une bougie qui trônait sur une console, il s'assit dans son fauteuil installé près d'une fenêtre donnant sur la rue.

Les rideaux tirés ne laissaient voir que des ombres tantôt lentes tantôt pressées, ondulant sur les murs tendus de tapisseries. La nuit était sombre mais le halo diffus d'un lampadaire au dehors apportait une faible réverbération dans ce bureau froid.

Un bras replié sur l'accoudoir, sa main supportant le poids de son visage, le jeune homme pensait à sa femme.

- Mina... murmura-t-il alors qu'une énième ombre de la rue dansait sur son visage.

Il ne l'avait pas touchée depuis leur mariage. Jonathan n'en avait pas eu véritablement l'occasion... et sa femme plus l'envie.

Pourtant ils dormaient ensemble. Il entendait sa respiration et ressentait parfois la caresse d'une mèche de cheveux contre sa joue.

Au delà de vouloir récupérer le cœur de la jeune femme, il voulait l'approcher de la manière la plus intime qui soit. Lui faire l'amour comme il avait si souvent rêvé de le faire avant leur union, la faire sienne et la sentir vivre à nouveau entre ses bras.

Tandis que Jonathan se confondait dans ses tristes pensées empruntes d'amertume et de désir, la sonnette de l'entrée brisa le silence.

Etonné, il se leva pour aller jusqu'à la porte d'entrée.

- Qui est-ce ? Demanda le clerc à travers le battant.

- C'est Jack ! Jack Seward !

Déverrouillant la porte en reconnaissant la voix de son ami, il l'invita à entrer.

- J'espère que je ne vous dérange pas ? S'inquiéta le Docteur en serrant d'une poigne franche la main du jeune homme.

- Non du tout. Déclara ce dernier avec un sourire. Je suis heureux de vous revoir.

- Moi aussi. Cela faisait longtemps… Répondit Jack en frottant ses mains pour se réchauffer.

- Un verre ? Proposa Jonathan.

- Volontiers. Répondit-il en retirant son long manteau et son chapeau.

Enjoignant son invité à le suivre, ils avancèrent jusqu'au petit bureau. Là, Jonathan proposa à Jack de prendre place sur le sofa de velours rouge.

- Voilà une bien belle maison. Déclara le docteur qui saisit le verre de cognac que lui tendait le clerc.

- Merci.

- Au fait, comptez-vous allez au bal d'Arthur ?

- Je le pense oui.

Un silence naquit naturellement après ces quelques mots.

- Comment va Mina ? Demanda Jack.

- Bien. Rétorqua trop rapidement Jonathan avant d'avaler une petite gorgée d'alcool.

Seward esquissa une mine contrite tout en passant une main dans ses cheveux bouclés.

- Non... je... pardonnez-moi... murmura le jeune homme avant de choir dans le fauteuil.

- Ce n'est rien. Je comprends.

- Je... poursuivit le clerc... c'est comme si elle n'était plus parmi nous... plus avec moi. Son regard est constamment fuyant, nous n'avons plus aucun contact et à chaque fois que je m'approche elle s'esquive... non… elle... elle va mal.

- Vous aussi. Déclara Jack en se levant pour venir poser une main sur son épaule. Ce que nous avons traversé nous a laissés des séquelles, même ce fou de Van Helsing est encore plus dément qu'avant. Tenta de plaisanter le Docteur.

Le clerc sourit tristement.

- S'en remettra-t-elle un jour ? Demanda-t-il comme pour lui même.

- Et vous ? Surenchérit Seward.

- Je le veux plus que tout.

- Alors courage mon ami. Vous vous en remettrez. Elle s'en remettra. Nous nous en remettrons tous.

Après avoir salué Seward, Jonathan s'autorisa enfin un vrai sourire. Quelque peu rasséréné par cette conversation amicale, le clerc monta les marches menant à la chambre à coucher.

Jack avait raison, le soutien et l'attention ne pouvaient qu'améliorer cette situation !

Poussant doucement la porte, il découvrit son épouse en train de brosser indolemment ses longs cheveux bruns.

Une unique bougie était posée sur la coiffeuse et diffusait une lueur tamisée dans la pièce.

- Jack est venu nous rendre visite. Déclara-t-il d'une voix douce.

- Bien. Répondit-elle, son regard fixé à son reflet dans le miroir.

- Il a demandé de vos nouvelles. Reprit-il en s'avançant dans la chambre.

- C'est aimable de sa part...

Quelques minutes s'écoulèrent dans le silence, Mina continuant de brosser ses cheveux

Se relevant enfin, elle buta contre Jonathan alors qu'elle faisait volte face.

- Vous me manquez. Murmura-t-il en venant poser ses mains sur ses épaules.

Elle tressaillit à ce contact et tenta délicatement de se dégager mais il la tenait fermement.

- Je suis là pour vous. Je le serai toujours… murmura-t-il en accentuant son emprise.

Mal à l'aise, la jeune femme hocha doucement la tête et essaya de réfréner un mouvement de recul.

- Ne me craignez pas… continua le clerc en approchant son visage de celui de son épouse.

Wilhelmina se mit soudainement à trembler comme si un vent glacial l'avait balayée. Ses pupilles dilatées luisaient d'un éclat perdu tandis que son esprit s'envolait vers de douloureuses limbes.

Ces mots… c'étaient les siens.

Sans voir quel tumulte tourmentait la jeune femme, Jonathan se pencha vivement pour l'embrasser en une étreinte passionnée.

Ramenée à la réalité, elle se débattit violemment ce qui stoppa net son élan.

Un sanglot qu'elle taisait depuis longtemps secoua brusquement son corps. Cachant son visage dans ses mains, elle s'enfuit de la chambre en laissant seul son mari dont le cœur venait de se fissurer un peu plus.

Des larmes ruisselaient sur son visage alors qu'elle traversait la maison. Pénétrant en trombe dans la cuisine, Mina ouvrit la porte de la cave et descendit l'escalier plongé dans l'obscurité.

Aucune ouverture ni lucarne ne renvoyait la moindre clarté et pourtant Mina s'orienta aisément, la pénombre ne lui étant plus hostile depuis qu'elle était devenue un vampire. Bien sûr elle ne l'était plus mais c'était comme si son corps se refusait à oublier ce qu'il s'était passé.

Sans disséquer totalement les ténèbres, ses yeux étaient capables de discerner les contours de son environnement et son odorat semblait distiller plus subtilement les odeurs qu'auparavant.

Se faufilant entre les différents amas de vieilleries que les anciens propriétaires avaient abandonnés, la jeune femme se dirigea vers le fond de la cave pour s'effondrer contre le mur humide.

Elle ne pouvait plus. Elle ne supportait plus son absence. Sa mort.

Un cri qu'elle taisait jusqu'alors sortit de ses entrailles pour se répercuter entre les murs de la cave.

Comment vivre sans lui ?

Comment ne pas en vouloir à Jonathan qui avait aidé à son meurtre… mais aussi à sa rédemption.

Un autre cri vint secouer ses entrailles mêlé de larmes.

Il était mort et elle ne faisait que survivre avec plus de douleur en elle qu'il était possible d'en supporter.

Son Prince était en elle.

Son souvenir vibrait dans son corps comme le pire des châtiments jamais infligés.

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Le petit matin avait posé un voile grisâtre sur la tamise qui transpirait une brume glacée. Quelque part dans la maison l'horloge sonna six heures et tira ainsi Jonathan d'un lourd sommeil.

Clignant plusieurs fois des yeux, il peina à discerner l'endroit où il se trouvait jusqu'à reconnaitre le bureau. Il était à moitié allongé sur le sofa, une bouteille de cognac et un verre gisant sur le plancher près de lui.

Tandis qu'il se redressait doucement, une douleur lancinante vrilla son dos. Serrant les dents, il se mit debout non sans réfréner une violente nausée.

La soirée d'hier lui revint alors en mémoire.

Le regard fou de Mina, la fuite et ses hurlements résonnant dans toute la maison…

Secouant la tête, il se dirigea vivement vers la cuisine pour pousser la porte du jardin mal entretenu.

L'air froid cingla son visage sans pour autant défaire ses pensées de la noirceur dont elles étaient enrobées.

Il lui semblait entendre à nouveau le cri de son épouse et un long frisson parcourut son corps.

Ce n'était pas… humain.

Cette seule réflexion lui retourna l'estomac si bien qu'il se courba en deux pour vomir tout l'alcool qu'il avait ingurgité la veille.

La simple idée que Mina puisse être un monstre ou… qu'elle pouvait le redevenir l'horrifiait au plus haut point.

Tandis qu'il se redressait, il aperçut sa femme à travers la fenêtre de la cuisine. Prenant sa respiration, il vint à sa rencontre non sans quelques appréhensions.

Occupée à préparer le petit déjeuner, elle leva à peine la tête lorsqu'il arriva près d'elle.

La jeune femme portait une robe écrue qui rehaussait la blancheur de sa peau et les cernes qui marquaient désormais ses yeux.

- Comment allez-vous ? Demanda-t-il en passant une main dans ses cheveux.

- Bien. Répondit-t-elle.

Ce n'était plus de la pudeur entre eux mais un malaise qui s'amplifiait jour après jour.

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- Plus haut ! Cria Lord Holmwood à l'adresse des deux domestiques perchés sur de hautes échelles.

Devant la grande cheminée de la salle de réception, Arthur commençait à perdre patience.

- Oui... comme cela, nous y sommes. Ne touchez plus à rien à présent !

Les domestiques se regardèrent un instant en retenant un long soupir de soulagement. A force de manier l'immense tableau de cinq mètres de hauteur, leurs bras n'étaient plus que deux membres dénués de force.

Une fois les domestiques partis, Arthur resta un moment devant la gigantesque toile.

Il n'arrivait pas à détacher ses yeux d'elle...

Le jeune lord n'entendit même pas son père arriver tant il était perdu dans sa contemplation.

- Je continue de croire que cela n'est pas une bonne idée mon fils. Déclara lord Goldaming.

Sursautant, Arthur se tourna vers lui.

- Je ne peux m'y résoudre pour le moment.

- Tant que cela ne fait pas fuir la future madame Holmwood et prochainement Lady Goldaming. Répondit-il.

-Ne dites pas cela père..

- Tu sais fort bien que je suis vieux et malade. Mes jours sont comptés et je tiens à ce que tu assures notre lignée avec la femme que tu auras choisi.

- Je l'avais déjà trouvée... murmura Arthur.

- Mais elle n'est plus là. Je conçois que tu souffres mon fils mais ne te confonds pas dans cette noirceur. La vie continue et la femme qui t'accompagnera te donnera de beaux enfants qui seront ta fierté.

Lorsque Lord Goldaming eut achevé ses mots, Arthur croisa son regard et vit son vieux visage s'éclairer d'un sourire paternel.

Même si le jeune aristocrate s'imaginait difficilement redevenir heureux, il sourit à ce père aimant.

- Tu as eu la chance d'être amoureux, ce qui est rare dans notre milieu. Reprit lord Goldaming. Je ne voulais pas d'un mariage arrangé alors fais moi la grâce de chercher une épouse qui répondra à tes attentes.

Arthur hocha la tête puis regarda son père sortir de la salle de réception, sa canne claquant sur le marbre.

Se retournant vers le tableau, le jeune lord laissa de nouveau ses pensées rejoindre son amour disparu.

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