Royaume du Lanadriann.
Le pays était en guerre contre l'empire de Drachma, qui projetait de l'envahir. Les soldats du Lanadriann maîtrisaient tous l'alchimie, qui était incluse dans leur formation. Cela leur permis de ralentir l'ennemi suffisamment longtemps. Hélas, il s'avéra que les Drachmiens contraient leurs attaques avec une facilité suspecte.
" Sire, l'ennemi a encore percé une de nos lignes, au Nord." fit un général.
" Ce n'est pas possible, si ça continue comme ça ils seront bientôt aux portes de la capitale." ajouta un autre.
" Nous devrions nous servir de ce secteur-là pour leur tendre un piège. Nous pourrions ainsi réaliser un coup de maître. Qu'en dites-vous Sire ?"
Toutes les têtes se tournèrent vers le roi. Un homme pour le moins séduisant, avec une chevelure noire de jais, des yeux de braise, et une allure sûre. Sa tête reposait sur une de ses mains aux doigts longs et fins.
" Je suis d'accord pour le piège. Général Frauch, je vous laisse le soin de l'organiser. Général Randall, vous me placerez des troupes ici et ici. Nous les prendrons en tenailles de cette manière." répondit le roi en positionnant des pions sur la carte étalée devant lui.
Il donna encore des ordres, puis leva la séance. Les généraux s'en allèrent. Le roi pour sa part, se rendit à l'étage supérieur. Il ouvrit une grande porte et entra dans une chambre. Une femme à l'allure majestueuse se tenait près d'un berceau, et fredonnait un air doux pendant qu'une dame faisait de la broderie. Le roi sourit avec tendresse, puis s'approcha du berceau. Un bébé de quelques mois y dormait paisiblement.
" Comment va-t-il ?" demanda le roi.
" Il vient de s'endormir. Quelles nouvelles du front ?" demanda la femme.
Elle arborait une belle chevelure châtain, avec quelques tresses.
" Les Drachmiens se rapprochent de plus en plus." répondit le roi en effleurant la joue du bébé.
" C'est terrible !" concéda la reine.
" Oui. Je vous l'ai déjà dit, ils arrivent à nous battre bien trop facilement. Comme s'ils savaient où nous allions attaquer, et quand."
" Vous croyez à un traître ?"
" Je ne vois que ça. Reste à savoir qui avant qu'il ne soit trop tard." soupira le roi.
" Votre cher cousin a-t-il assisté à la séance d'aujourd'hui ?" demanda la reine en s'asseyant.
" Ma tendre reine, je sais que vous ne l'aimez pas mais ce n'est pas une raison pour le rendre responsable de tous nos maux." répondit le roi.
" Erwan mon ami, cet homme est avide de pouvoir. Si on l'observe un tant soit peu ça saute aux yeux." insista la reine.
" Je pense pas que mon cousin soit le traître." fit le roi.
" Et pourquoi pas ?"
" Je le connais depuis toujours. Il n'est pas comme ça." répondit patiemment le souverain.
" Les gens changent, surtout quand ils accèdent au pouvoir. Le pouvoir appelle le pouvoir, exactement comme l'argent. Vous devriez y songer : en temps de guerre il faut se méfier de tout et de tout le monde." s'entêta sa femme.
" Cassandra ... toujours de bon conseil. Je tâcherais de m'en souvenir." sourit Erwan.
Le roi quitta la chambre. La reine Cassandra soupira, et se tourna vers sa dame de compagnie :
" A ton avis Hélène, que dois-je faire ?"
" Laisser votre royal époux s'occuper de tout cela, ma reine. Il n'y a rien que vous puissiez faire." répondit la dénommée Hélène.
" Peut-être devrais-je consulter la déesse cosmique. Après tout, notre famille est placée sous sa protection depuis toujours." suggéra Cassandra.
" Si cela peut vous rassurer, Altesse. Je vous accompagne au temple."
" Bien, allons-y. Le temps d'appeler quelqu'un pour surveiller mon bébé et nous partons."
La reine se leva et tira une corde. Une clochette tinta, et une jeune fille apparut à la porte.
" Mélissa, je te confie la surveillance de mon enfant. Veille bien sur lui." ordonna la reine.
" Oui madame." répondit la jeune fille.
La reine et sa dame de compagnie quittèrent donc le palais, en direction du temple de la déesse cosmique. Le peuple du Lanadriann vénérait un groupe de sept divinités : trois déesses, et trois dieux animaux, et une déesse intermédiaire. Ce groupe possédait un symbole particulier : deux triangles encastrés l'un dans l'autre, avec des points à chaque sommet et sur la base. Et à côté ou en dessous, des symboles pour chacune des divinités. Tous les points étaient reliés entre eux, d'abord par le plus grand des triangle, puis par des traits. Enfin, tous joignaient un point au milieu, orné de trois vagues. Celui de la messagère des divinités, également intermédiaire avec les mortels.
La reine Cassandra se dirigea vers la statue de la plus puissante des déesses, la terrible Aurilis. Elle contrôlait la lumière et les ténèbres, et était une redoutable guerrière à ne surtout pas énerver. Aux côtés de la statue se trouvait également celle du dieu animal Kaïros, la panthère noire. Le double animal de la déesse.
La souveraine s'agenouilla devant un tout petit autel en pierre, arrivant aux genoux. Dessus, un bol d'argent de peinture rouge liquide qui évoquait le sang. Cassandra y trempa deux doigts, et traça un cercle. A l'intérieur, elle inscrivit deux nombres : 666 et 777. Elle rinça ses doigts dans un petit bol doré. Ceci fait, elle posa les mains autour du cercle tout en invoquant la déesse.
Les chiffres puis le cercle brillèrent. Un éclair en jaillit pour aller toucher la statue d'Aurilis, dont les yeux prirent une teinte argentée. Il y eut une lumière aveuglante qui contraignit les deux femmes à détourner la tête.
" J'ai entendu ton appelle, reine du Lanadriann." fit une voix féminine qui résonna dans le temple.
Cassandra reporta ses yeux à l'endroit où se trouvait la statue. Une femme à la longue chevelure brune brillante comme si elle avait été lustrée la remplaçait. La déesse Aurilis venait de lui apparaître. A son front luisait une étoile à quatre branches ondulées, posée sur un bandeau. Elle portait un soutien-gorge noir, et des bracelets en or entouraient ses biceps. Sa tenue se complétait par un long pagne à la ceinture en V dorée lui enserrant les hanches, et fendu très haut sur les cuisses. Autour du nombril on voyait deux lettres noires : un alpha et un oméga, que l'on retrouvait en haut du symbole. L'anneau que la déesse arborait à la cuisse gauche brillait, et elle portait des chaussures à talons fins.
" Ô déesse cosmique, puissante guerrière, j'ai l'esprit tourmenté. Les Drachmiens sont en train de nous envahir, et la manière dont leurs troupes progressent laisse à penser qu'il y a un traître dans notre camp. Mes soupçons se portent sur un membre de la famille royale. Je vous ai invoquée afin de savoir si j'ai raison de le suspecter." annonça Cassandra.
" Je connais la situation de mon territoire. La guerre est une affaire de mortels, mais étant moi-même une guerrière j'interviendrais si ton roi m'appelle. Mais qu'il se méfie de son propre sang, qui pourrait bien lui être fatal." répondit Aurilis.
" Alors ... cela veut dire que ..." reprit la reine.
" Traître à son sang périra de la main de l'enfant venu de loin. Il chassera l'ours brun hors de son domaine, la sérénité reviendra alors en Lanadriann."
Telles furent les dernières paroles de la déesse cosmique. Elle disparut dans une envolée d'étoiles, laissant place à sa statue de pierre. La reine se releva d'un bond.
" Je le savais ! J'avais raison ! Je dois aller avertir Erwan immédiatement !" s'exclama-t-elle.
Cassandra se hâta de quitter le temple, suivie de près par Hélène.
" Mais quel est le sens de ses derniers mots ?" dit-elle.
" Je ne sais pas. Mais mon intuition ne me présage rien de bon." reprit la souveraine.
Sitôt de retour dans son palais, elle demanda à voir le roi. On lui annonça que celui-ci était parti sur le champ de bataille. La reine étouffa un juron.
" Eh bien Altesse ! Que nous vaut cette colère ?" entendit-elle.
Cassandra se tourna pour découvrir le cousin germain du roi, son éternel sourire moqueur aux lèvres. Aussitôt la haine submergea la reine.
" Vous. Que faites-vous ici, ne devriez-vous pas être avec votre roi ?" demanda-t-elle.
" Vous le connaissez, il tient à tout superviser lui-même. Et vous, où étiez-vous passée ?"
" Cela ne vous regarde pas. Vous ne devriez pas vous trouver ici. Allez-vous en." répliqua la reine.
" J'ai le droit d'aller où bon me semble, ma chère."
" J'ai dit partez c'est un ordre."
Le cousin fronça les sourcils, et fut contraint d'obéir à la souveraine. Une fois qu'il fut hors de son champ de vision, Cassandra retourna à la chambre de son enfant. La jeune domestique fit la révérence, puis s'en alla. Le bébé dormait toujours calmement. Cette vue apaisa sa mère, qui s'assit près de lui. Les paroles de la déesse résonnait dans sa tête. Il y avait bien un traître ici, et la reine savait lequel. Elle devait avertir son époux au plus tôt.
" Hélène, appelle mon messager." dit-elle.
La dame de compagnie s'exécuta. Le messager parut peu de temps après. La reine rédigea un billet, apposa son cachet personnel et chargea le messager de l'apporter à son roi en mains propres.
" Surtout que personne d'autre n'y touche." recommenda-t-elle.
" Bien compris votre Altesse, je pars immédiatement."
Le messager sortit, se rendit aux écuries et prit son cheval. Il arriva au camp du roi trois jours plus tard.
" Majesté ! Le messager de la reine a une lettre à vous remettre !" annonça un conseiller.
" Faites-le entrer."
Le messager se présenta, salua et remit son courrier. Le roi décacheta l'enveloppe :
" Mon cher époux,
Je viens de consulter la déesse cosmique, qui m'a confirmé qu'il y avait un traître chez nous, et qu'il s'agissait bien de l'homme auquel je pense. Je vous recommande donc la plus grande méfiance à son égard.
En espérant vous revoir bientôt,
Cassandra."
Aïe, voilà autre chose. Erwan déchira le papier, et le fit brûler. Il n'arrivait pas à croire son cousin capable de trahison. Mais le roi ne pouvait mettre en doute la parole d'Aurilis. Seulement, il lui fallait des preuves. Il chargea donc discrètement un des conseillers de surveiller son fier cousin. Le conseiller s'éclipsa donc du camp durant la nuit, pour retourner au palais. Il s'arrangea pour n'être vu et reconnu de personne.
Pendant ce temps-là, la reine cherchait à comprendre l'espèce de prophétie que lui avait fait la déesse brune. Elle alla donc voir un des prêtres, et lui exposa son cas. Le fait que Cassandra aie pu entrer en contact avec Aurilis ne le surprit pas le moins du monde : la famille royale avait un lien privilégié avec les divinités Lanadriannaises.
" Un enfant venu de loin, qui chassera l'ours brun de son domaine ... hmmm. Cet enfant est peut-être quelqu'un de votre entourage." proposa le prêtre.
" Mais en dehors de ceux de quelques serviteurs, je n'en connais pas d'autre." répondit la reine.
" Il n'est pas toujours possible de cerner les volontés divines, ô ma reine. Et je vous avoue que moi-même ne déroge pas à ce principe." reprit le prêtre.
Cassandra resta encore un peu au temple, puis rentra. Quelques jours plus tard, durant une nuit d'orage, sa dame de compagnie la réveilla en sursaut :
" Majesté ! Réveillez-vous vite !"
La reine alla ouvrir, les yeux embués de sommeil.
" Qu'y a-t-il Hélène ?"
" Les Drachmiens ... ils sont aux portes de la ville !"
La reine écarquilla les yeux. Puis elle sortit précipitamment de sa chambre pour se rendre à la salle de bal. Ses grandes fenêtres donnaient sur toute la ville. Elle aperçut des lueurs au loin, probablement des flammes.
" Où est mon roi ?" demanda-t-elle.
" Je l'ignore hélas." répondit Hélène, complètement affolée.
Elles sortirent de la grande salle. Un peu après, elles surent que le roi était de retour. Cassandra se précipita vers lui, et se jeta dans ses bras.
" Vous n'avez rien, les dieux soient loués !" s'exclama-t-elle.
Le roi lui rendit son étreinte avec amour.
" Je vais très bien. Mais j'ai beaucoup à faire : l'ennemi est tout près."
Il la délaissa aussitôt. Elle tendit une main vers lui, mais il était déjà loin.
Erwan se rendit dans une aile du palais. Il arriva devant une tenture représentant une scène de chasse. Le roi apposa les mains sur une partie du dessin. Un cercle de transmutation apparut, et une porte coulissa derrière. Il s'y engouffra. La pièce était très petite, et était entièrement close. Aucune fenêtre, aucune porte. Seul un dessin était gravé sur le mur du fonds : un oméga avec une épée. Le souverain posa les mains dessus, et se concentra.
Le signe brilla et l'enveloppa de lumière. L'instant d'après, Erwan se trouva en pleine forêt, près d'une petite chapelle.
" Je suis là Gardienne !" lança-t-il.
Deux yeux rouges lumineux apparurent dans l'entrée sombre de la chapelle.
" J'ai besoin de mon épée, ma famille et mon palais sont en danger." reprit le roi.
" Je t'attendais roi. Voici ton arme." fit une voix rauque.
La Gardienne sortit de la chapelle, et lui remit une épée à la lame d'argent. Elle étincela une fois dans la main du roi. Il salua, et s'en alla. A son retour, tout le personnel du château était en plein affolement. Pris d'une intuition, le roi décida d'aller voir où était son cousin, étrangement absent. On lui dit qu'il était partit aider à repousser l'ennemi. Erwan alla dans la direction indiquée. Mais son cousin n'était absolument pas en train de combattre. Non. Il discutait avec l'empereur du Drachma.
" Cassandra avait raison : tu n'es qu'un traître." dit-il en se dévoilant.
Erwan s'élança vers son cousin. Ce dernier dégaina son épée. Mais face à celle du roi il savait qu'il n'avait que peu de chances : cette lame avait été forgée par la déesse cosmique. L'empereur du Drachma décida d'attaquer à son tour, et blessa le souverain à l'épaule. Avec un cri de rage, Erwan brisa la lame de l'empereur en mille morceaux.
" Fuyez Altesse ! Son épée est un cadeau des dieux, vous n'arriverez pas à la briser !" avertit le cousin.
L'empereur évita de peu de se faire décapiter. Il siffla, et Erwan découvrit des hommes du Drachma surgir de l'ombre. Il en battit quelques un avant de prendre la fuite. Le palais subissait à présent l'assaut des troupes ennemies. Erwan rentra par une porte réservée aux serviteurs. Le roi chercha sa femme et son bébé. Il trouva l'une la première.
" Il vous faut fuir d'ici et vite ! Cassandra mon amour, prenez notre enfant et sauvez-vous loin d'ici." dit-il.
" Mais ..."
" VITE !"
La reine alla à la chambre de son enfant. Hélène s'y trouvait déjà, le petit dans les bras. Son mari était là également.
" Allez-vous en tous les deux ! Mettez mon enfant à l'abri le temps que tout s'arrange." ordonna-t-elle.
" Mais et vous Altesse ?" demanda l'homme.
" Mon roi a besoin de moi. Voilà de l'argent, à présent sauvez-vous c'est un ordre."
Le couple se sauva hors du palais. Cassandra retourna auprès de son époux, qu'elle trouva aux prises avec un Drachmien. Se saisissant d'un vase, elle le brisa sur la tête du soldat.
" Ne vous avais-je pas demandé de vous sauver ? Et notre enfant ?" dit le roi mécontent.
" Il est en sécurité. Et je ne pouvais pas vous abandonner !" riposta la reine.
Pendant ce temps, Hélène et son mari étaient sortis de la ville. Mais une troupe de cavaliers Drachmiens leur filait le train, et gagnait de plus en plus de terrain. Le bébé s'était réveillé, et pleurait. Hélène tentait de le calmer, tâchant de ne pas crier quand une balle sifflait trop près. Tout à coup, leur carrosse arriva devant un camp Drachmien.
" OH NON !" s'écria son mari.
Le cocher tira sur les rênes, faisant opérer un virage à l'attelage. Cependant, on les avait vu arriver et ils furent rapidement cernés.
" C'est la fin !" dit Hélène, lorsque leur véhicule s'immobilisa.
Tout à coup, une puissante secousse sismique déséquilibra les Drachmiens. Un rugissment bestial retentit. Un rayon vert descendit du ciel, pour laisser place à un léopard gigantesque. La bête rugit de nouveau, et des lianes jaillirent du sol pour emprisonner les soldats et leur arracher les membres. Une lumière violette enveloppa le reste, les désintégrant.
" C'est le dieu Kamès ! Il est venu à notre secours !" s'exclama Hélène.
Le camp fut rapidement dévasté par un tremblement de terre. Kamès, le dieu de la terre et de l'esprit, se dirigea ensuite vers le carrosse.
" Merci de votre aide, ô grand dieu." dirent les passagers.
" Hâtez-vous de reprendre votre route. Je vais vous guider." dit le dieu.
Le cocher, lui, n'en revenait pas de le voir. Néanmoins, il lança les chevaux à sa suite. Le léopard géant leur fit traverser la frontière, traverser une partie du désert, dont les ruines Xerxès dans lesquelles ils firent une halte. Kamès leur fournit la nourriture et l'eau.
" Mangez tranquillement, nous ne risquons plus rien à présent." leur dit-il.
Hélène s'occupa de nourrir l'enfant royal.
" Nous sommes bien loin de notre pays. Comment le roi ert la reine vont-ils nous trouver ?" dit Hélène.
" Ils ne le pourront pas. Ils sont déjà dans les Jardins Lumineux." répondit Kamès.
En d'autres termes ils étaient morts. Le couple baissa la tête. Une heure plus tard, ils reprenaient leur route, toujours précédés par Kamès. Ils traversèrent une nouvelle frontière.
" C'est ici que je vais vous laisser. Vous êtes à présent dans votre nouveau pays." annonça le léopard quand ils arrivèrent en vue d'un village.
" Comment s'appelle-t-il ?" demanda Hélène.
" Amestris. La reine a dû vous laisser de l'or, cela courvrira vos besoin pendant un temps. Bonne chance." répondit Kamès avant de disparaître.
Le carrosse arriva dans le village, qui serait désormais le leur.
