Baie des Naufragés, XVIII siècle.
Un coup de feu à déchiré l'atmosphère. Ensuite, un pirate perse à atteint le plancher, cédant son âme au ciel…
« Le code, c'est la loi. »
Une silhouette adossée par les hauteurs renifle l'odeur de la poudre. Le canon de son tromblon fume encore… Jack Sparrow tressaute, droit comme un i : une lame finement décorée tangue encore sur le bois pourri de la table, à sa gauche. Le timbre féminin à ses arrières aurait pu lui sonner comme un petit enchantement…
« Qui ignore le code ignore la loi. Et qui ignore la loi ignore son propre statut de pirate… »
Une gracieuse forme se détache de la pénombre d'une cadence mécanique, laissant paraître sa surprenante propriétaire. Une longue chevelure aussi noire que la mort se rassemble en un grossier chignon criblé de remarquables piques de rubis et de jade étincelant sur son crâne, laissant le reste déferler telle une folle cascade de soie sur son dos. Engoncée dans un corset sombre, une robe aux manches à triples volet de dentelle et de coloris similaire expose au mieux ses généreuses formes couvertes d'une resplendissante parure de collier et boucles d'oreilles par un col échancré aux mêmes motifs d'épines et de roses. Un pan rabattu d'un crochet par le haut dévoile une jambe gauche de parfaite fracture, protégée d'un bas de soie pareillement ocre aux bottines à talons chaussant pied de marbre. Agilement, elle traine cachée sous l'autre pan son autre jambe, visiblement hors d'usage. Un rictus couvert de carmin aux dents quelques peu noircies par leur manque d'entretien illumine le teint horriblement blafard propre à la nouvelle venue. Ses grandes orbites aux apparences de perle noire cernées à l'identique de ses lèvres jettent leur dévolu sur l'auditoire présent d'une manière sauvage, laissant de glace la plupart des pirates. L'excentrique capitaine du Pearl ne manque pas de remarquer l'apparition d'un petit coup d'œil :
-Oh. Rhôna…
- Oh, Jacky !
De bon cœur, l'étrange femme ouvre grand ses bras, les enserrant aussi fort que la tête du pirate étouffant contre sa poitrine autour de lui, tout en prenant soin de l'écarter par la gauche.
- Par Saint George, tu es toujours aussi frais et impulsif ! Et ce, au point d'avoir négligé les indispensables règles de notre très célèbre code…
L'immense bouquin s'effondre sur la table. Jack ne parviens pas vraiment à articuler à travers les formes de la femme…
- Eh bien, dis-toi juste que je ne le suis pas au point d'apprendre par cœur ce très illustre ouvrage …
Elle éclate d'un rire cristallin, secouant sa tête d'un signe faussement désespéré. Son supérieur pointe du doigt le passage recherché.
- Aha… Barbossa à dit vrai.
A quelques regrets, Jack s'écarte de l'étreinte de sa connaissance pour consulter à son tour les écrits. Sa perplexité s'en trouve plus augmentée : il observe à tour de rôle Rhôna et son auditoire.
- Je demande un vote !
La femme exprime une moue dubitative, doublée d'un haussement d'épaules. Les derniers votes n'avaient pas plus nommé un roi que celui-ci pourrait bien le faire… vivement, elle s'empare d'une montre à goussets sertie d'argent de son corset, en vérifiant distraitement le contenu sous de nombreuses œillades en partie pointées sur l'emplacement de l'objet. Son clin d'œil destructeur se rive en direction des inséparables Pintel et Ragetti, leur arrachant ainsi la rare attention de leur supérieur. Encore, elle étire malicieusement ses deux lèvres, tapotant puis glissant son bibelot entre ses longs doigts fuselés sertis de mitaines de dentelle noire comme de redoutables ongles pointus, exprimant un perpétuel ennui. Ce dernier s'efface à l'énonciation du nouveau roi, le changeant en une profonde curiosité sur ce dernier.
- Elisabeth Swann…
Toujours sûre d'elle, elle traine sa jambe jusqu'à la remplaçante du terrible Sao feng, tirant de sa plaisante cachette l'une des rares pièces de huit. Rhôna saisit les deux mains de la jeune femme pour y placer le morceau d'argent, à la grande surprise du nouveau roi. Elle la fixe d'une grande intensité :
- Roi des tribunaux de la confrérie. Vous voilà étrangement couronnée, majesté… Vos ordres ?
Elisabeth prends la femme en confusion, avant de pouvoir exprimer ses désirs de guerre, s'attirant l'intérêt de la femme en noir. Cette dernière avise curieusement Barbossa, avant de reposer son attention sur l'un de ses hommes borgne, lui arrachant une horrible gêne d'un simple coup d'œil et surtout par la main à baiser qu'elle lui offrait. Ce fut son supérieur qui lui arracha promptement l'initiative, s'empressant sur la délicate main de son interlocutrice.
- Mademoiselle… puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?
Faisant mine de réfléchir, Rhôna pris un mine partagée quand à la proposition du capitaine.
- L'œil de bois… vous devriez lui en trouver un de verre. Regardez…
Sans crier gare, elle enfonce l'un de ses doigts dans l'orbite de Ragetti, lui tirant une exclamation apeurée. Son index ressort, couvert d'un morceau de chair encore frais qu'elle présenta sans gêne apparent à son interlocuteur.
- Le bois à entaillé et irrité son orifice. S'il ne comble pas l'orbite, ses muscles se décomposeront lentement… puis viendra la mort.
Le borgne hurle à nouveau, sa bouche couverte par son compagnon chauve. La femme suce négligemment son index sali :
- Vous en aurez sûrement besoin, croyez-moi…
Croisant l'homme qu'elle à câliné un peu plus tôt d'un grand sourire, Rhôna rejoint son supérieur auprès du code, à nouveau cadenassé. Jack se bute en chemin à son ancien second, visiblement curieux.
- Dis donc, Jack… je ne savais pas tes conquêtes si savantes et raffinées !
L'autre s'ébroua involontairement :
- Huh ? Elle ? Ma… conquête ?
Il y eu un petit silence embarrassé.
- Hector, Hector…crois bien que dans une autre vie, j'en aurais été très ravi mais pour l'heure… elle reste ma sœur !
Il tapote bravement l'épaule d'un Barbossa quelque peu désorienté :
- Mais je tiens à te rassurer, l'ami t'auras pas l'ombre d'une chance avec cette adorable Rhôna !
Ses pas le mènent à nouveau à son unique famille. Son père, et sa sœur… il s'arrête sur cette dernière, lui décochant un regard plus étrange que jamais.
- Ahem… en fait, je trouve que… tu as une façon de marcher… euh, comment te dire ?
Sans y ajouter quoi que ce soit, l'aînée rabat le pan déplié de sa robe, découvrant en guise de jambe une prothèse blanche finement sculptée. Elle ne le quitta pas du regard.
- Ah… c'est donc ça.
- Céramique. Un matériau inestimable… Si elles peuvent arracher et détruire sans scrupules, les mains d'un homme peuvent être à l'inverse tout autant capables d'étonnantes prouesses.
Teague Sparrow scruta paisiblement ses deux enfants. Chacun d'entre eux avait appris à sa manière à se débrouiller dans l'ignoble univers de la piraterie… Si Jack était capable d'étonnantes pirouettes, Rhôna, elle, savait pertinemment distinguer le bien du mal. Si elle avait été avec son cadet lorsqu'il avait perdu le Black Pearl, elle aurait sûrement décelé la fourbe mutinerie de son second Barbossa.
- Et… comment ?
Le vieil homme regarda gravement son fils.
- J'aurais du perdre la vie à la place de sa jambe, Jacky. Elle m'est aussi fidèle que l'avait été ta mère, tu sais…
- Ah. Maman va bien ?
Le crâne asséché tiré de sa veste surpris légèrement Jack :
- Elle a bonne mine.
Accoudée au fauteuil de son paternel, Rhôna regarde paisiblement les deux hommes de sa chair et de son sang. Sa jambe, elle l'avait bien perdu en s'interposant face à l'une des lames les plus redoutées de l'océan…
