Titre : Sept jours, six nuits

Résumé : Hiver 1993. Shun n'a plus remis les pieds au Sanctuaire depuis près d'un an et demi. La douleur et les souvenirs sont encore trop brûlants et trop amers. Cependant, pour les fêtes de fin d'années, Hyôga parvient à le convaincre d'y retourner. Shun décide finalement d'affronter sa peine, et l'homme qui lui a fait tellement de mal en le trahissant et en piétinant ses sentiments. Il pense sincèrement avoir dépassé tout cela, et ne plus ressentir que pour lui de la colère et de la rencoeur. Mais lorsque ses yeux croisent les siens, il sait que cela sera plus dur qu'il n'y paraissait.

Eté 1992. Les guerres sont enfins terminées. Le dernier Dieu de l'Olympe a été vaincu, et pour récompenser Athéna et sa ténacité, celui-ci lui a accordé une faveur : la renaissance de tous ses Chevaliers tombés. Au Sanctuaire, c'est un véritable déferlement de vie. Tous les Ors et les Argents ont été ramenés sur Terre, et ont bien l'intention d'en profiter. Une grande fête est organisée, et très vite, les barrières s'effondrent et les corps se touchent et s'enlacent par dizaine. Des sentiments naissent. Des sentiments peut-être trop forts, qui feront à Shun plus de mal que ce à quoi il s'attendait.

Rating : M /!\ Attention Yaoi /!\

Genre : Romance/Humour et ATTENTION !SEXE!

Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas, ils appartiennent à Masami Kurumada

Nombres de chapitres prévus : 13

Premier jour

Japon, orphelinat de la Fondation Graad, hiver 1993 …

- J'veux pas manger ça, ça pue ! s'écria l'enfant en battant des pieds d'un air rageur.

- Et moi je ne veux pas de caprice, rétorqua Shun d'un air sévère, remets ta serviette et mange ce yaourt !

- Nan !

Non loin, Seiya rigola.

- Je te préviens, si tu ne finis pas je ne te laisserais pas aller jouer dehors dans la neige avec tes copains, menaça Shun sans vergogne.

Le petit garçon se renfrogna et attrapa son pot de yaourt ouvert de mauvaise grâce.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Shun en se penchant vers lui. C'est le parfum qui ne te plait pas ?

- J'aime pas, bougonna le garçonnet, à deux doigts des larmes.

- Et qu'est-ce que tu veux à la place ?

- Fraise.

- Il n'y en a plus, c'est framboise ou rien.

- Nan !

L'enfant recommença à taper des deux pieds sur le sol, sa chaise tanguant sous lui. Shun soupira et se tut. Il était à deux doigts d'abandonner cette fois, car la nuit blanche qu'il venait de passer l'avait littéralement vidé de ses forces. Il était resté des heures sur son lit, dans le noir, les yeux grands ouverts, à chercher une excuse, une simple excuse, qui lui éviterait d'avoir à retourner au Sanctuaire pour les fêtes de fin d'année. Il n'avait pas trouvé. Une nuit sans sommeil pour rien.

- Tu vas être puni dans ta chambre si tu continues ! lança-t-il de sa voix éraillée.

Le ton n'était pas monté, mais la menace s'entendait nettement dans le timbre employé. L'enfant leva ses yeux noirs d'encre sur lui, étonné. Ses petites lèvres tremblaient et ses yeux s'embuaient de larmes. Immédiatement, Shun regretta sa sévérité. C'était la première fois qu'il s'énervait face à un enfant en un an et cinq mois, depuis qu'il avait rejoint le Japon et la Fondation Graad pour travailler à l'orphelinat.

Mais voyant qu'il était en difficulté, la jeune Miho, amie d'enfance de Seiya, vint à son aide. Elle posa une main délicate sur son épaule et lui dit :

- Vas-y, Hyôga te cherche. Je m'en occupe.

- Merci.

Il se détourna en soupirant de soulagement et prit la direction de la sortie du réfectoire. Finalement, Miho s'en sortit en proposant au petit garçon un yaourt parfum citron.

Shun traversa le couloir, les yeux brûlants. La dernière fois qu'il avait ainsi manqué de sommeil, c'était durant les nuits qui avaient suivi leur victoire contre Hadès, durant la Guerre Sainte, voilà trois ans. Pris de cauchemars et de visions qui lui évoquaient les instants qu'il avait passé sous l'emprise du Dieu des Enfers, le jeune Chevalier Divin avait été incapable de fermer les yeux durant plus d'une semaine, et avait finalement vaincu son angoisse grâce au médecin en chef du Sanctuaire, qui lui avait donné des somnifères. Après cela, il y avait eu d'autres guerres, jusqu'à ce qu'ils remportent l'ultime victoire face au dernier Dieu de l'Olympe et que celui-ci les récompense en ramenant tous les Chevaliers morts, à la vie.

Et aujourd'hui, la simple idée de retourner au Sanctuaire, Domaine Sacré de sa Déesse Athéna, le rendait malade jusqu'à l'insomnie.

Parvenu à l'entrée de l'immense bâtiment, Shun ouvrit le placard réservé aux employés et sortit ses bottes fourrées et son manteau doublé de laine, par-dessus lequel il s'enroula une écharpe autour du cou. Hyôga était de service à l'extérieur à surveiller les enfants qui jouaient dans la neige. Il sortit.

A l'autre bout de la cour enneigée, deux enfants se roulaient dans la poudreuse dans de grands éclats de rire. Une boule de neige compacte fusa d'un bout à l'autre du terrain et un petit garçon traversa en sens inverse en hurlant sans trop de raison. Shun posa un pied dans vingt centimètres de neige et frissonna. L'air était glacial.

Vêtu d'un simple tee-shirt noir à manche longue, Hyôga aidait une petite fille en larme à se relever. Il gronda un garçonnet qui venait de lui envoyer de la neige dans les yeux, et les laissa retourner jouer. Très vite, l'incident fut oublié. Shun s'avança dans sa direction et ressentit un frisson glacé lui parcourir l'échine en voyant son ami du Cygne relever les manches de son tee-shirt. Il le savait particulièrement résistant au froid, mais cela le mettait toujours mal à l'aise de voir qu'une température nettement en-dessous de zéro ne le gênait absolument pas. Shun lu, détestait l'hiver, détestait avoir froid. Hyôga laissa le vent du nord lui souffler dans les cheveux et sourit en le voyant approcher.

- Miho m'a dit que tu me cherchais.

- Oui mais c'était pas à la minute, dit le Cygne en souriant, t'as pas l'air à l'aise.

Shun manqua trébucher, enfoncé dans la poudreuse jusqu'aux chevilles, et lui tira la langue.

- Je déteste la neige, argua-t-il avec mauvaise humeur.

- Oui je sais. Comme Ikki. Lui, il suffit qu'il voie trois flocons tomber pour courir ventre à terre sur l'île de la Reine Morte.

- Bah il n'a peut-être pas tort, je devrais faire comme lui.

- Ah non surtout pas ! Si tu fais ça je vais devoir rester seul avec Seiya, l'angoisse !

Pour la première fois depuis le début de la journée, Shun se permit un sourire.

- Enfin un sourire ! reprit joyeusement Hyôga. T'es pas dans ton assiette aujourd'hui, je me trompe ?

Shun ne répondit pas, les yeux rivés sur les enfants qui continuaient de se rouler au sol.

- C'est à cause de ce dont je t'ai parlé hier ? demanda doucement le Cygne.

Tout en soupirant, Shun baissa la tête et donna un léger coup de pied dans la neige. Il savait à quoi il s'attendait en rejoignant son camarade à l'extérieur, mais il n'aimait pas fuir et avait préféré régler le problème tout de suite, comme un pansement qu'on arrache d'un coup sec en sachant que ce sera tout de même douloureux.

- Shun ça fait un an et demi que tu n'y as pas mis les pieds ! reprit Hyôga avec verve. L'an dernier ok, t'es resté ici pour passer Noël avec les enfants, mais cette années c'est au tour de Miho de s'y coller, alors tu ne vas pas y échapper.

- Miho ne s'en sortira pas toute seule, lança Shun, le visage à moitié caché par son écharpe mauve. Je devrais peut-être rester avec elle.

- Hors de question. Toi, tu t'es très bien débrouillé l'an dernier, elle y arrivera.

- Considère alors que je ne veux plus aller là-bas, c'est assez clair ?

Encore une fois, le ton de la voix était resté bas, mais la colère s'entendait nettement. Hyôga le fixa quelques instants mais Shun évita soigneusement son regard, gêné.

- T'as pas dormi c'est ça ? lui demanda le Cygne.

Shun soupira. Parfois, ça n'était vraiment pas à son avantage que Hyôga le connaisse aussi bien.

- Si, répondit-il plus doucement, une heure ou deux.

- Shun, reprit Hôga avec sollicitude, si le simple fait de savoir que tu le reverras en retournant là-bas te rend malade comme ça, tu devrais peut-être crever l'abcès tu ne crois pas ?

- Non.

- Si. Il va falloir que tu lui parles.

- Et qu'est-ce que ça changera ?

- Ça te fera du bien.

Shun eut un rire moqueur.

- Bon d'accord, reprit le Cygne, oublie. Mais viens avec nous fêter Noël là-bas, si t'as pas envie de le voir tu l'éviteras, mais tu reverras aussi tous les autres. Et Saori. Au bout d'un an et demi elle commence à se poser des questions, elle était inquiète quand elle m'a contacté. Et tu sais qu'elle peut être casse-pied quand elle est inquiète.

Shun sourit mais ne répondit pas.

- Même Ikki viendra, continua son camarade, alors si toi tu ne viens pas, tout le monde trouvera ça bizarre tu ne crois pas ?

- Et ça c'est ton meilleur argument ? lui demanda Shun en tournant enfin ses yeux d'émeraude vers lui.

- Ouais !

Il rit.

- Nan, reprit-il dans un soupir, ça me ferait plaisir aussi que tu fasses meilleur connaissance avec Milo.

- Ah oui, sourit Shun d'un air taquin, l'homme qui a réussi à te convaincre de devenir passif.

- Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais.

Encore une fois, le jeune Chevalier d'Andromède sourit. Finalement, cette discussion lui avait fait du bien. La fatigue pesait déjà moins lourd sur ses épaules, et sa vision s'éclaircissait. Il prit une grande inspiration, laissant l'air froid lui glacer les poumons. En fait, Hyôga avait raison, il ne servait à rien de se terrer et de fuir le problème trop longtemps. De toute façon, il était sûr et certain que celui qui le tenait à l'écart du Sanctuaire par sa seule présence avait déjà oublié ce qu'ils avaient vécu tous les deux. Peut-être même avait-il oublié jusqu'à son existence. Alors pourquoi continuer à se morfondre seul, le cœur meurtri ? Il l'avait effacé de sa mémoire, purement et simplement. Il était temps pour Shun de faire de même.

- Tu sais, reprit Hyôga en fixant le groupe d'enfant qui jouait dans la cour, ils ont changé. Ce qu'il s'est passé l'an dernier c'était hard c'est sûr, on s'est bien amusé, mais c'était exceptionnel. Après tout, on fêtait la paix ! Toi aussi tu t'es bien lâché à ce moment-là, rappels-toi.

Les joues rouges, Shun baissa la tête et enfoui son nez dans son écharpe, un peu gêné. Les souvenirs revenaient l'assaillir d'images et de sensations brûlantes de cet été, dix-sept mois plus tôt, où lui et ses camarades avaient fêté leur victoire face aux dieux de l'Olympe, et la résurrection de tous les Chevaliers morts au combat. Une fête pleine d'alcool, de débauche et de sexe où tout le monde avait couché avec à peu près tout le monde, lui y compris. C'était d'ailleurs cette nuit-là qu'ils avaient couché ensembles pour la première fois. Lui et ce Chevalier d'Or qui lui avait par la suite brisé le cœur.

- Ils sont à peu près tous en couples maintenant, continua le Cygne dans un sourire, ils se sont vachement calmés. Ils profitent de la vie autrement. Tu devrais peut-être en faire autant tu ne crois pas ?

Court silence.

- Ça te rend encore triste quand tu penses à lui ?

- Non, répondit Shun en soupirant, maintenant ça me met en colère.

- Pourquoi ?

- Parce que je sais que ce connard n'en a rien à foutre, qu'il m'a peut-être déjà complètement oublié ! Alors que moi je suis là à …

Nouveau silence. Shun soupira une nouvelle fois.

- C'est bien ce que je dis, faut que ça s'arrête, reprit Hyôga avec douceur, tu vas voir, quand tu le reverras ce sera complètement différent et tu te rendras compte que tout ce temps, tu pensais éprouver des sentiments pour lui alors que ce n'est plus le cas.

- Et si t'avais tort ?

- Shun, sincèrement, si toi t'es amoureux d'un mec aussi macho et égoïste, je me jette de l'avion en plein vol !

Pour la première fois de la journée, Shun rit spontanément.

- Chiche ? lança-t-il amusé.

...

Trois jours plus tard, Grèce, Sanctuaire d'Athéna …

Une dure secousse lui remua les entrailles lorsque le jet privé se posa sur la petite piste enneigée et pierreuse du Domaine Sacré, en Grèce. Shun soupira. Les voyages en avion ne l'avait jamais rendu nerveux, hors aujourd'hui il se sentait mal depuis son réveil.

Finalement, il avait accepté d'accompagner Hyôga et Seiya pour fêter Noël avec les Chevaliers d'Ors et les Chevaliers d'Argent, ses anciens compagnons d'armes, aujourd'hui devenus, pour la plupart, ses amis. Le Cygne avait raison, après dix-sept mois à se souvenir de ce qu'il s'était passé, à se souvenir de la douleur qu'il avait éprouvé en découvrant la trahison et l'indifférence de celui qu'il aimait, il ne devait sans doute plus rien éprouver pour lui. Et puis, avec un peu de chance, peut-être cette fête du réveillon l'aiderait-elle à passer à autre chose avec quelqu'un d'autre.

Lorsque le pilote leur en donna l'autorisation, les trois Chevaliers Divins défirent leur ceinture et se levèrent de leur siège, attrapant leur sac avant de se diriger vers la sortie. Shun calla son paquetage contre son épaule et suivit ses camarades. Trois jours plus tôt, lorsqu'il avait finalement cédé, Hyôga lui avait révélé qu'ils n'étaient pas seulement invités pour Noël mais aussi pour le jour de l'An, et donc qu'ils allaient passer une semaine entière au Sanctuaire, mis à part Seiya qui devait rejoindre Miho à l'orphelinat pour ne pas qu'elle se retrouve seule avec les enfants trop longtemps. Shun avait grimacé, mais n'avait rien dit. De toute façon, il était temps pour lui de passer à autre chose.

- Salut ! s'écria Seiya d'un air enjoué en posant le pied au sol.

Sur la piste, quelques-uns de leurs camarades étaient venus les accueillir. Saga leur adressa un signe de la main ; Dohko sourit, emmitouflé dans sa doudoune, les mains dans les poches ; et Camus resta immobile, l'expression du visage avenante et souriante, en tee-shirt à manche courte, les bras croisés sur le torse. Seul Milo s'approcha jusqu'à eux, radieux, et prit Hyôga dans ses bras sans lui laisser le temps de dire ouf. Avec un petit pincement jaloux au cœur, Shun les vit s'embrasser tendrement, heureux de se retrouver. Il y a dix-sept mois à peine, c'était lui qui embrassait Hyôga de cette façon avant que tout cela ne se produise.

- Tu m'as manqué ma blonde adorée, ronronna Milo dans un murmure.

- Vas te faire voir, répliqua Hyôga, faussement fâché.

Shun, qui avait tout entendu, pouffa de rire dans son écharpe mauve. Le Scorpion, un bras passé sur les épaules du Cygne, se tourna vers lui et lui ébouriffa les cheveux d'un geste vif.

- Salut petit, lança-t-il joyeusement, ça faisait longtemps.

Avec un grognement, Shun éloigna la main du Chevalier d'Or et braqua sur lui un regard courroucé, ce qui le fit rire. Maintenant qu'il était âgé de dix-huit ans, le Chevalier Divin d'Andromède ne se considérait plus comme « petit ». Mais il était vrai que, dans l'esprit de ses camarades, il était et serait toujours le plus petit d'entre eux, bien qu'il soit né plus de deux mois avant Seiya.

Saga, Dohko et Camus s'avancèrent à leur tour pour les saluer. En tant que Grand Pope, il était du devoir de Saga d'accueillir des Chevaliers lorsque ceux-ci revenaient au Sanctuaire. Camus salua chaleureusement son ancien disciple, que Milo n'avait toujours pas lâché, et seul Dohko semblait avoir profité de l'événement pour se dégourdir les jambes.

- Qu'est-ce que tu fais là ? lui demanda Seiya en lui serrant la main.

- J'avais rien d'autre à foutre, répondit la Balance en adressant un clin d'œil à Shun.

Ce dernier sourit. Avec sa rancœur et sa tristesse, il en avait oublié à quel point c'était bon de retrouver les Ors, ces hommes très différents les uns des autres qui ne manquaient jamais une occasion pour amuser la galerie, que ce soit intentionnel ou non. Ils avaient des caractères tellement opposés, que cela donnait lieu à des discussions ou des actes parfois hilarants.

- Shina lui mène la vie dure, lança Camus de sa voix grave.

- On t'a demandé l'heure à toi ?! rétorqua Dohko.

De nouveau, Shun rit dans son écharpe. Il se sentait le cœur incroyablement léger malgré le stress qui lui nouait toujours les entrailles. Avec un sourire, Hyôga lui adressa un regard. Il était soulagé de voir que cela se passait pour le moment très bien.

- Bon, c'est pas que j'ai froid moi, lança Milo avec énergie, mais on devrait peut-être bouger.

Tous acquiescèrent et ils prirent la direction du Palais du Pope, là où des chambres avaient été dressées pour deux des trois visiteurs – Hyôga ayant dans l'intention de passer ses nuits dans le temple du Scorpion.

En chemin, Milo s'évertua à leur donner à tous, avec l'appui de ses camarades, les derniers potins du Sanctuaire. Shina avait dans l'intention d'avoir un enfant, Dohko non, ce qui créait des tensions dans le couple et rendait la jeune femme plus dangereuse qu'elle ne l'avait jamais été. Saga et Kanon étaient en froid car Marine, dont le Chevalier des Gémeaux était amoureux, avait choisi de faire sa vie avec le grand frère, le Pope en personne. La dernière bêtise en date de Kiki : faire un feu dans sa chambre pour se réchauffer, jusqu'à faire brûler tout un mur du temple du Bélier. Les chaudières d'environ tous les temples tombaient en panne les unes après les autres. Masque de Mort, Aphrodite et Shura avaient commencé un ménage à trois, car le Chevalier du Cancer en avait eu ras-le-bol de s'engueuler avec son compagnon des Poissons lorsque celui-ci rejoignait occasionnellement leur camarade du Capricorne en pleine nuit, et avait donc cédé. Seika avait enfin emménagé dans le temple du Sagittaire pour y vivre avec Aioros. Enfin, c'était à peu près tout.

Malgré lui, tout en gravissant les marches cachées de la piste d'atterrissage qui les menaient directement au Palais du Pope sans qu'ils aient besoin de traverser tous les temples, Shun soupira, à la fois inquiet et soulagé. Milo n'avait pas parlé de lui. Lui, qu'il avait à la fois peur et envie de revoir, rien que pour lui cracher sa haine au visage.

- C'est pas que je ne veux pas d'enfant, se défendit Dohko, c'est que … pas tout de suite c'est tout.

- T'as deux cent soixante ans, je ne sais pas ce qu'il te faut ! lança Milo d'un air moqueur.

- Arrête d'être con.

- Un enfant c'est une sacré responsabilité, argumenta Saga avec sérieux, tu n'as jamais eu à entrainer de disciple alors tu ne peux pas savoir, mais Dohko a raison d'y réfléchir.

- Mouais, bougonna le Scorpion, moi je m'en fous, toute façon ma blonde préférée risque pas de tomber enceinte.

- T'es chiant à m'appeler comme ça, soupira Hyôga.

- Quoi, t'aimes pas ? C'est mignon pourtant. Hey j'ai une super idée !

- Attachez vos ceintures, se moqua Dohko.

- Et si on faisait comme Aphrodite, Masque de Mort et Shura ?

- C'est-à-dire ? demanda Hyôga, méfiant.

- Bah, un ménage à trois. T'es ok Camus ?

- Vas chier, lui répondit celui-ci sans prendre la peine de lui adresser un regard.

Le Cygne frappa son compagnon d'un coup de poing en plein thorax, ce qui n'empêcha pas le Scorpion de rire, et Shun l'accompagna dans son hilarité. Des mois qu'il n'avait pas ris avec une telle insouciance, et il n'avait pas réalisé avant aujourd'hui combien cela lui avait manqué.

Ils se séparèrent une fois dans le Palais, Shun et Seiya rejoignant leur chambre, Hyôga suivant Milo jusqu'au huitième temple et Dohko se résignant à descendre au septième, là où l'attendait Shina. Saga retourna à son bureau et Camus s'en fut sans dire un mot, toujours aussi austère et distant.

Dans un soupir, Shun laissa tomber son sac sur son lit. La pièce était grande, toute en pierre avec des rideaux bleus nuit et un tapis de la même couleur.

Une étrange nostalgie s'empara de lui lorsqu'il se remémora tous ces instants heureux ou difficiles qu'il avait passé ici, au Sanctuaire d'Athéna. La tristesse de l'enterrement des six Chevaliers d'Ors tombés lors de la bataille du Sanctuaire, puis des six autres morts durant la Guerre Sainte. L'attente et la peur d'une nouvelle menace. Enfin, la gaieté et la joie des jours nouveaux qui se levaient, paisibles, différents, lorsque les dieux de l'Olympe leur avait assuré la paix, et fait revivre tous les Chevaliers tombés au nom d'Athéna. A cela avait succédé la passion, l'amour, la tristesse, la colère, et tellement d'autres sentiments que Shun se sentit brutalement prit de nausée.

Bruyamment, son ventre gronda. Il avait faim. On frappa à sa porte.

- J'ai la dalle, s'exclama Seiya en passant la tête par l'entrebâillement de sa porte, tu viens, on va grailler un truc ?

- On devrait peut-être attendre Hyôga, répondit Shun.

Son camarade rigola, moqueur.

- A mon avis, lui et Milo en ont pour quelques heures.

Shun sourit à son tour et acquiesça. Seiya avait raison. S'il s'était trouvé à la place de son camarade du Cygne, lui aussi aurait profité de la moindre petite minute passée en tête à tête avec l'homme qu'il aimait. En repensant à lui, le jeune homme sentit son cœur se serrer et battre plus vite. Il n'avait pas envie de le revoir. Il avait peur de croiser son regard et de se trahir. Et pourtant, il n'attendait que ça.

Au détour d'un couloir, ils croisèrent Shiryu, qui les salua joyeusement.

- Vous êtes arrivés quand ? leur demanda-t-il.

- Il n'y a pas une heure, répondit Seiya.

- Ikki est avec toi ? questionna Shun.

- On est arrivé ensemble, mais ça fait un moment que je ne l'ai pas vu, répondit le Dragon, vous alliez où ?

- Aux cuisines.

- Je cherche Dohko, vous savez où il est ?

- Il nous a accompagné depuis la piste, répondit Seiya alors qu'ils reprenaient leur route, apparemment il est descendu à son temple, Shina l'attendait.

Shiryu fit la grimace.

- Je vais attendre qu'il remonte alors, dit-il dans un soupir, c'est mauvais d'être avec eux quand ils s'engueulent.

Seiya rigola.

- Viens avec nous, lança-t-il gaiement.

Le Dragon acquiesça et ils se dirigèrent tous trois vers l'endroit le plus souvent animé du Palais du Pope : les cuisines, là où n'importe lequel d'entre eux prenait une collation à n'importe quelle heure de la journée. Ils discutèrent de tout et de rien, heureux de se revoir enfin.

Shiryu ne travaillait pas à l'orphelinat, il était retourné en Chine, et ils se voyaient rarement depuis lors, surtout depuis que Shun s'était exilé du Sanctuaire. Encore une fois, il réalisa à quel point ses camarades lui avaient manqué, et à quel point il avait eu tort d'agir ainsi. La douleur était là, faible mais présente, mais c'était sans importance si ses compagnons d'armes étaient autour de lui. Il s'en apercevait à présent. Peu importe qu'il ait le cœur brisé et que l'homme qui avait causé cela soit là, quelque part. Car ses compagnons étaient, et seraient toujours là pour lui, il le savait.

Avant qu'ils n'entrent dans la pièce, Shun se raidit et sentit son cœur battre à cent à l'heure. Parmi la multitude de cosmos qu'il sentait tout autour de lui, il identifia le sien, brûlant. Ses jambes se mirent à trembler sans qu'il puisse les en empêcher. Il était là, celui dont il avait été éperdument amoureux et qui lui avait si intentionnellement fait mal. Cet homme qu'il avait aimé, et qu'il aimait peut-être toujours malgré les mois et les années. Shiryu poussa la porte.

Immédiatement, Kanon les accueillit avec un « bonjour ! » plein de bonne humeur, et Shaka leur adressa un grand sourire énigmatique mais sincère. Aldébaran, deux gaufres dans la bouche et une troisième dans la main droite, bafouilla quelque chose d'inaudible avec un salut de la main gauche. Marine, tout en tenant son journal et sa tasse de café, se leva d'un bond pour saluer chaleureusement son ancien disciple, sans oublier de donner l'accolade à Shun et Shiryu. Aiolia leur adressa un sourire chaleureux et les salua d'un grand geste de la main. A sa droite, Mû leur sourit également, mais lorsque son regard croisa celui de Shun, il s'effaça.

Le Chevalier du Bélier vrilla ses yeux dans les siens, le visage grave. Le jeune Chevalier Divin s'efforça de ne pas détourner le regard, farouche, le cœur douloureux et les jambes flageolantes. Lorsque Marine les invita à s'assoir avec eux, il ne se fit pas prier et s'installa aussi loin qu'il le put de Mû qui ne l'avait toujours pas quitté des yeux.

Shun dû se mordre la lèvre inférieure pour s'empêcher de parler, pour éviter de dire à cet homme tout ce qu'il pensait de lui et de ce qu'il lui avait fait. Sa rancœur et sa colère étaient là, plus présentes que jamais, et ne demandaient qu'à sortir. Au prix d'un immense effort cependant, Shun retint ses mots et sa haine et garda le silence tout en soutenant toujours le regard du Bélier.

- Ça sent bon ! s'exclama Seiya en prenant place également. Qu'est-ce qu'il y a au menu ?

- Plus rien, répondit Aiolia dans un grand sourire, Aldé a déjà tout bouffé.

Ce dernier, qui venait d'enfourner sa troisième gaufre alors qu'il n'avait pas encore avalé les deux premières, lança une réplique que personne ne parvint à déchiffrer. Kanon éclata bruyamment de rire, Shaka sourit et Aiolia tira la langue au Taureau.

Le cœur de Shun cognait si fort que sa tête lui en tournait. Il sentit sa colère et sa tristesse, ses plus fidèles compagnes depuis dix-sept mois, revenir au galop et l'envahir des pieds à la tête. Ses yeux se mirent à lui brûler, mais restèrent sec. Il avait tellement pleuré qu'il n'avait plus aucune larme à verser. Honteux et énervé, il baissa les yeux, le ventre noué.

Finalement, ce premier jour de retour au Sanctuaire allait être encore plus dur que ce à quoi il s'attendait.

Et voilà, premier chapitre. Je sais, c'est différent de mes premières fics, mais j'avais envie de faire léger pour celle-ci, histoire de reprendre doucement. Le deuxième chapitre est déjà terminé, mais je voudrais le relire tranquillement avant de vous le publier.

Attention, l'histoire se déroule en deux temps, faites attention aux dates que je met à chaque début de chapitre, sinon vous risquerez de facilement vous perdre ^^ De plus, cette fic-là sera plus "libéré sexuellement" que les deux premières, j'ai dans l'intention de mettre au moins un lemon tous les deux chapitres *grand sourire*

Ps : vous m'avez manqué =)

Ps2 : je me suis amusé à placer des petits mystères autour des couples formés, sauf pour Hyôga et Milo, histoire de ne pas trop vous frustrer pour ce chapitre ^^ Arriverez-vous à deviner les couples formés dans cette fic, tout en sachant qu'ils ne sont pas forcément identiques à ceux de mes deux précédentes ?

Bisous !