PROLOGUE
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Le froid s'engouffra entre les grosses mailles de son pull, il était glacial en ce jour de janvier ; elle resserra les pans contre son corps avant de soupirer. Ses lèvres se pincèrent devant l'immense building qui lui faisait face. Penny lui devait une fière chandelle et elle ne se priverait pas de le lui rappeler le moment venu.
Elle se fit la réflexion que cet espèce de monument qui montait presque jusqu'au ciel ne pouvait sortir que d'un égo démesuré. Elle frissonna et cette fois le froid n'y était pour rien. Elle roula en boule le sachet de la boulangerie avant de le jeter dans la poubelle qui bordait l'entrée. Sa langue récupéra les morceaux de sucre qui s'étaient sont collés contre ses doigts, avant de se mettre à claquer. Les doubles portes ne cessaient de s'ouvrir et se fermer, déversant un flot continuel de costumes trois pièces et tailleurs luxueux.
Elle regarda son pull blanc jeté sur un legging en grimaçant. Dire qu'elle ne se sentait pas à sa place était un euphémisme. Elle aurait aussi bien pu se pointer là avec une pancarte « HAS BEEN » pour le dire.
Lorsqu'elle pénétra dans l'entrée, l'immensité de l'espace lui coupa le souffle un instant. Tony Stark n'avait visiblement pas peur de la démesure. Alors qu'elle avançait d'un pas fébrile, elle fut surprise de voir un gorille s'approcher d'elle pour lui demander d'ouvrir son sac. Etre dans une tour remplie d'Avengers ne dispensait pas d'en faire des tonnes niveau sécurité.
Elle retint un léger rire en ouvrant sa besace remplie d'un fatras incommensurable d'objets en tout genre.
- Vous savez si je voulais vraiment assassiner Tony Stark, je ne planquerais pas un couteau ou une bombe dans mon sac. Ce serait bien trop évident.
Les agents de sécurité échangèrent un regard alors que son cœur loupait un battement. Qu'avait-t-elle bien pu dire ? L'un d'eux, un grand gaillard taillé comme une armoire à glace hocha la tête d'un air entendu. Son sang ne fit qu'un tour.
- Mademoiselle, est-ce que vous voulez bien nous suivre ?
L'homme s'approcha d'elle en tendant une main avenante qu'elle préféra éviter de saisir.
- Vous rigolez ?
- Nous aurions quelques questions à vous poser.
- Je faisais simplement de l'humour, vous ne pensez pas que j'ai vraiment à cœur de l'assassiner n'est-ce pas ?
Les deux hommes se regardèrent. Encore. Cette fois l'irritation commença à la gagner. La journée avait pourtant si bien commencé. Jusqu'à l'appel de Penny. Sa future ex-amie au demeurant.
D'abord son réveil avait sonné, l'arrachant lentement aux brumes du sommeil avec sa chanson préférée. Lorsqu'elle était sortie Jason, son stagiaire l'attendait, un thermos de café brûlant dans les mains. Son préféré. Au boulot, le ton avait été léger, aucune catastrophe, que des accolades de remerciements,et une douce chaleur au creux de son estomac s'était installée alors qu'elle s'asseyait dans le parc d'à côté pour savourer un sandwich poulet cannelle. La journée était douce, elle sentait dans l'air un parfum d'herbe coupée, le soleil balayait son visage malgré la fraîcheur de janvier. Elle était sortie sans manteau, un exploit à cette période de l'année. Alors qu'elle soupirait d'aise profitant du chant des oiseaux juste au dessus de sa tête, la sonnerie d'« American Patrol » avait retenti dans sa poche la faisant grimacer. Elle avait vu le nom de Penny s'afficher. En soupirant, elle n'avait pas hésité à reconduire l'appel, Penny rappellerait, elle pouvait bien profiter d'une pause bien mérité. Son amie n'avait pas cependant tardé à récidiver. Une fois. Deux fois. Alors, elle avait fini par décrocher, lasse.
- Il faut que tu m'aides !
Les larmes ruisselaient sur ses joues, elle pouvait entendre les tonnes de sanglots se déverser le long de ses yeux et sa bouche et grésiller dans les ondes.
- Penny qu'est-ce qui se passe ? Avait-elle dit la bouche pleine légèrement paniquée.
- J'ai été virée.
- Non ?
- June, je t'en prie. Aide-moi.
- Je suis désolée d'apprendre ça ma Penny. Que veux-tu ? Un verre ce soir ? Passer à l'appartement et laisser Romeo te faire un gros câlin. Je ne peux pas te prêter mon chien des années mais pour la soirée...
- Non...
Penny l'avait coupé en reniflant bruyamment.
- Je voudrais que tu ailles... récupérer mes affaires.
- Oh. Non.
- Je t'en prie, June, je ne peux pas y retourner, je suis trop... humiliée et... blessée. Ils ont dit que j'étais une petite écervelée bonne à faire le café tout ça parce que j'ai eu le courage de demander davantage de responsabilités.
- Ils n'ont pas osé?
- Tu imagines? Je me sens... Honteuse.
- Mais ils n'ont pas le droit ! Tu dois te défendre Penny.
Les sanglots de l'autre côté du combiné avaient redoublés et June avait senti son coeur se serrer.
- Peux-tu s'il te plaît aller récupérer mes affaires pour moi?
- Oh... Penny.
- Je t'en prie.
Les quelques barrières que la jeune femme avaient érrigées pour se barricader face à la demande de son amie craquelèrent doucement au son de la voix désespérée de son amie.
- Je ne veux pas aller à la Tour Stark. Je ne veux pas croiser Tony Stark, ni aucun des Avengers, tu sais bien que tout ce truc de héros... Ca me...
- On ne les croise jamais, je te le promets. La Tour est immense et Stark est beaucoup trop occupé.
- Je...
- Je t'en prie, June. Tu ne verras pas une oreille d'Avengers, pas même le petit orteil, fais-moi confiance.
- Très bien.
Elle avait soupiré, jeté la moitié de son sandwich et s'était levée. Puisque la journée était désormais gâchée...
- Je suis certaine que Tony Stark reçoit des milliers de menaces de mort par jour, je ne vois pas pourquoi il faut que je vous suive !
Le grand gaillard sembla sur le point de perdre patience alors que la voix de June montait d'un octave.
- Ecoutez, avouez que le type est carrément arrogant et que vous aussi parfois vous souhaitez sa mort
L'homme sur sa gauche haussa carrément un sourcil ce qui la fit bafouiller deux fois plus.
- Non pas que moi aussi... Je... je veux dire... Oui... Parfois... Mais... Bon écoutez, je suis juste venue récupérer les affaires d'une amie qui s'est fait virer aujourd'hui. Je monte, je prends son joli carton et je m'en vais ok ?
Mais les hommes n'avaient pas l'air ok. Ils n'avaient pas l'air ok, du tout.
- Votre amie ne peut pas récupérer ses affaires seule ?
En cet instant June maudit si fort Penny, qu'elle espéra que celle-ci ressentait en cet instant les élans de colère qui lui étaient destinés.
Elle resta sans voix.
- Suivez nous, répéta l'agent de sécurité sur sa droite, l'air très sérieux.
Elle voulut protester, encore une fois, pour la forme sachant que le combat serait vain, mais une poigne d'acier se planta dans son bras, elle jura dans sa barbe.
- Je vous jure que la direction va m'entendre, quand vous m'aurez laissé partir, rouspéta-t-elle pour la forme.
- Très chère, vous avez la direction devant vous, fit une voix sarcastique tout prêt de son oreille, et je n'ai pas vraiment le temps pour vos doléances.
Faisant volteface, June planta son regard glacial dans celui surmonté d'une épaisse paire de lunettes noires de Tony Stark flanqué de deux hommes à ses côtés, qu'elle reconnut non sans mal. Les médias en faisaient leurs choux gras ces derniers temps passant et repassant leurs images à la télévision en boucle.
Des Avengers. Parfait.
Sa journée avait pourtant si bien commencé...
